Le site du parti de l'In-nocence

La tolérance est-elle une valeur de droite ? (tome second)

Envoyé par Phil Steanby 
Pardonnez-moi de remettre cela sur le tapis, mais...

J'ai appris hier soir, sur France Culture, qu'il existait des manifestations dites "de droite" organisées par des gens se proclamant emphatiquement de gauche ; ceci consiste, pour les pseudo manifestants, le plus souvent assez jeunes et attifés à la manière de ce qu'ils imaginent être la tenue de droite (chemise et cravate, pantalon fin en lieu et place du jean troué habituel, grosses bagues et chapeaux de feutre, robes, gants et boucles d'oreilles dorées pour les femmes, vilain maquillage, et foulards de tout sorte) à former un cortège d’où fusent les slogans les plus caricaturaux qui soient ; le tout, on s’y attend, de manière ludique et festive. Voici par exemple les recommandations formulées à l’usage de ses sympathisants par un site internet consacré aux « manifestations de droite » :

« LES TENUES

- Les habits devront être soignés, pantalons et chemises repassés. N’hésitez pas faire briller vos décorations (palmes académiques, médailles du travail…). Il n’est pas absolument nécessaire d’être habillés par de grand couturiers, ni même par des tailleurs particuliers. Notre souci d’ouverture va jusqu’à accepter des tenues modestes, voire humbles. Nous devons soutenir nos entreprises de prêt-à-porter ; ainsi va le monde en mouvement. Cela va de soi qu’il ne faut pas en profiter pour venir débraillé. Les gens humbles savent être dignes.
- Cravates et foulards seront les bienvenus, sauf bien sûr pour nos amis du Clergé.
- Nous attirons tout particulièrement l’attention de ces dames à qui il échoira de représenter les valeurs de la Femme de France. La parité se mérite. Doucement sur le gloss, les vernis à ongle, etc.… Vous devez être à l’élégance et à la discrétion ce que ces messieurs seront à la rigueur et à la conviction.
- Chacun devra être parfumé.
- Les cheveux doivent être lavés et peignés dans le bon sens.
- Nos amis les chiens seront tolérés si lavés et tenus en laisse. Pas plus de 2kg par laisse.
- Les enfants devront être polis et silencieux.
-Les drapeaux français devront être très présents. Banderoles et pancartes devront être soignées (si possible faites à l'ordinateur et pas au marqueur).
Les slogans portant des mots grossiers seront exclus purement et simplement du cortège. »

Voici quelques exemples de slogans collectés sur Internet :

« Plus de police et moins d’artistes »
« A droite, on veut rien, on a déjà tout »
« La France, tu l’aimes ou tu la quittes »
« Oui au retour des laquais »
« Autorisons les profs à frapper les enfants »
« Moins de prévention, plus de répression »
« Le Tiers-monde est une merde, écrasons-lui la gueule »
« Un fœtus dans chaque utérus »
« L’effet de serre, c’est bon pour les affaires »
« La gauche est foutu » (sic)
« C'est la droite qu'est dans la rue »
« Travail, respect, autorité »
« Travailler plus Pour gagner plus »
« Privatisons le nucléaire »
« Moins de fonctionnaires, plus de milliardaires »
« Le droit du travail, c'est pour la racaille »
« Plus de contrôle devant les écoles »
« Nous sommes fiers des violences policières... »
« Non aux immigrés qui parlent pas le français »
« La délinquance c'est génétique, une solution la chaise électrique »



Que dire, après tout ceci ? D’abord qu’on imagine mal des associations de droite promouvoir ce genre d’initiatives. Jamais, en effet, la gauche (ou une partie de la gauche (je ne veux heurter personne)) ne s’est sentie aussi imbue d’elle-même, ni ne s’est complu avec tant d’assurance dans la mise en scène narcissique et lyrique d’elle-même : c’est d’ennemis qu’elle a besoin, et non de contradicteurs. Il se trouve que ceux-ci sont à son égard plus mesurés qu’elle ne l’escompte ; elle décide donc de recréer à son propre usage la droite même, telle qu’elle se la représente, et qu’elle caricature ignominieusement en en faisant un cloaque de retardataires, de déjà morts. Ces braves gens, ce faisant, sont fascinés par leur propre vertu : ils me font penser à ce mot que leur prête Philippe Muray : « Nous sommes purs comme des enfants trahis ».
Je remarque aussi, mais sans en être étonné le moins du monde, que ce qui passe pour la tenue vestimentaire « de droite » est à peu de chose près la tenue qu’on pourrait dire être celle d’une personne élégante, et cultivée. De plus, l’interdiction railleuse faite aux manifestants de se garder de prononcer des mots grossiers laisse supposer que les expressions vulgaires sont précisément ce qui vient en premier à la bouche de ces gens-là.
(La prochaine émission de France-Culture sur le même sujet a pour titre… « La désobéissance festive » : non, vraiment ?)
"on imagine mal des associations de droite promouvoir ce genre d’initiatives"

Sans doute, mais pas forcément par tolérance ou respect car le voudrait-elle que cela serait extrêmement difficile : que ce soit dans les slogans, la tenue ou le comportement, tout a été dit ou fait qui soit imaginable et même au-delà. On ne peut pas caricaturer une caricature.
Un type de droite -- je sais de quoi je parle -- déteste le bruit et l'odeur du troupeau.
Dans quelle émission était-ce ?
On peut voir des images de ce type de manifestation sur Youtube... c'est d'assez mauvais goût !
"Les nouveaux rebelles"
Par Anita Castiel, Producteur-coordinateur : Alain Veinstein
1er volet : Nos Futurs

" Si la figure du rebelle inspire autant, peut-être est-ce parce qu'elle pose constamment l'énigme de l'obéissance ou de la servitude volontaire au pouvoir. De Rimbaud au Che, elle a longtemps été associée à l'esprit romantique, engagé dans un combat noble mais " toujours " perdu d'avance. Le nouveau rebelle rompt totalement avec ce pessimisme. Ces deux émissions proposent de suivre plusieurs de ses actions, de faire partager leur trame poétique, décalée et innovante, de plonger dans savie quotidienne, les projets d'habitats coopératifs en cours...Car le nouveau rebelle réinvente tous azimuts sa vie et plante les graines de nos vies futures, à conjuguer au pluriel, absolument. En effet, dans sa panoplie contestataire, il dispose de nouvelles armes de destruction massive : la " tribu ", l'humour, la poésie, la culture hacker (le sniper d'Internet !), la communication et les réseaux. Son maître mot ? Transparence. Tout doit pouvoir, être dit, vu dans la rue, écrit et diffusé sur Internet, dont il fait une utilisation sans retenue. Plusieurs sites, alimentés par des bénévoles qui y consacrent leur temps libre, se font l'écho de leurs luttes sociales ou estudiantines. Autrement plus efficace qu'une distribution de tracts à la sortie de l'usine ou de la fac!Certains mettent en actes au quotidien leurs idées, notamment les partisans de la " croissance zéro " pour " sauver la planète " : recyclage systématique de tous les biens de consommation, acquittement volontaire d'une taxe pour pallier leurs émissions de CO2 (par exemple s'ils ont voyagé par avion), actions contre la publicité. D'autres lancent, toujours via Internet, des " flashmob ", rassemblements très éphémères et surréalistes sur la voie publique aux allures de " happenings " populaires. Parallèlement, ces nouveaux contestataires chahutent les pratiques syndicales traditionnelles. En face d'eux, les dirigeants se trouvent confrontés à des collectifs à géométrie variable, dont ils ont du mal à comprendre les motivations et les revendications, et dont les actions ont des effets ravageurs sur l'image de l'entreprise. Lorsque, chez McDonald's, en prenant sur le comptoir son plateau garni de frites, le client dit " bon courage " au jeune en tablier rouge, c'est bien parce que " les nouveaux rebelles " y ont mené des grèves très médiatisées pour dénoncer les conditions de travail, avec des slogans chocs (" Moi, esclave moderne ")..."

(Site de France Culture)
Quelques idées de slogans pour une "manif de gauche" ?

"Les racines de la France sont musulmanes."

"A bas les blancs !"

"Il y a encore tant de voitures qui n'ont pas brûlé."

"Nous sommes tous des clandestins."

"Immigration, j'écris ton nom."

"Déclarons le Français langue morte."

"La culture est faciste."
Le niveau monte !

Il-faut-les-comprendre! Il-faut-les-comprendre!

Le-francais-langue-colo-niale-par-lons-tous-arabe OUAIS!

Tous-ensemble-tous-arabes OUAIS!

Supprimons-le-français-langue-coloniale!

Quand-j'entends-le-mot-culture-je-sors-ma-banlieue !

Le droit à la France pour tous !

Oui-à-l'au-to-dé-tes-ta-tion !

Oui-à-l'autre-oui-à-l'autre-et-à-son-droit-au-respect OUIIIIII!

Gloire à vous Honte à nous Gloire à vous Honte à nous BOOOOOUUUUU!
"Donnez-leur des papiers !"

"Le jambon est un affront !"
Diam's-à-la-cul-ture-Debbouze-au-Sénat! (le cortège progresse le long des grilles du Luxembourg)

Le-bac-en-verlan! (place de la Sorbonne)

Le-rap-la-techno-c'est-tout-s'qui-nous faut! (quand le cortège defile devant l'opéra Garnier)
"Cali président !" (Les jeunes des quartiers populaires taquinent innocemment les petits blancs place des Invalides).
"Rouil-lan-Se-cré-taire-d'Etat" (regroupement devant le Palais Bourbon; poings levés, les manifestants sont tous en keffié, jeans sales et pataugas)

"Marriez Ma-mère-et-José-Bové" ! (place de l'Hôtel de Ville)

"Finkiel-kraut-et-Camus-Renaud-interdits d'radio"! (devant l'Ecole polytechnique)
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 01:00   Très drôle
"Vous serez d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas très gentils pour les chiens."

C'est d'aussi bon goût que de dire que ce n'est pas très gentils pour les rois.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 10:06   Re : Positivons !
Je comprends votre perplexité, Cher Orimont, mais il faut s'efforcer de voir les choses du bon côté : grâce à ce genre d'intervention florentine (et celle du "petit prince" sur l'éventuelle et cataclysmique élection d'un "président Noir", qui vous avait également chagriné), on peut dire que ce forum est définitivement immunisé contre tout risque de dérive vers le "politiquement correct" ou l'antiracisme dogmatique.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 13:40   Re : La tolérance est-elle une valeur de droite ? (tome second)
"Le test est concluant."

En effet. Poussez donc une pointe jusqu'aux bougnoules, pour voir.
"Le test est concluant."
Pas tant que vous croyez. Travaillez mieux votre in-nocence et apprenez à vous cacher derrière votre petit doigt.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 14:11   Re : Très drôle
« La France, tu l’aimes ou tu la quittes »
Moi, je l'aime bien ce slogan !
Dommage que ce soit trop politiquement correct pour moi.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 14:13   Re : Très drôle
À quel degré en est-on, là, je suis un peu perdu…
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 14:24   Re : De gré ou de force
Ah non ! Pas vous, cher Boris.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 14:27   Mont des spires
Cessez de me calomnier. Boris est peut-être trop dépendant du 2e degré, mais il s'aventure rarement au-delà, du moins sans être solidement encordé à l'Écriture.
Boris est perdu parce qu'il ignore que Florentin s'est fait taper sur les doigts; à juste titre d'ailleurs.
Quant à aimer la France, je crois qu'on doit rester libre, libre d'aimer ou de détester. Peut-on aimer ou détester ce qu'on ne connaît pas comme la Bretagne, la Sologne, la Corse, la Provence, etc ?
Beaucoup en ont rêvé et l'ont enfin vue en pleine lumière mais ceux du troisième sous-sol l'imaginent comme un terrain vague et leurs rares excursions à la surface le confirment.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 16:38   Plus on m'explique…
Mais La France tu l'aimes ou tu la quittes, c'est passible d'une bonne lapidation, ou quoi ?
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 22:14   Re : Douce France
Florentin parle de paysages, je parle des valeurs qui forment l'identité d'une nation.
Les deux sont inséparables, Corto, vous le savez bien.
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 23:01   Re : La tolérance est-elle une valeur de droite ? (tome second)
Le paysage n'a pourtant guère changé entre l'avant et l'après 1789, les valeurs oui.
Je ne suis pas sûr que le paysage (humain) n'ait pas changé avant et après 1789. Voyez le récit que fait Chateaubriand de son retour d'émigration, en 1799, et sa description de la route de Paris. C'est peut-être largement reconstruit, et il faudrait recouper ce texte avec d'autres récits de retours d'émigrés. On a quand même l'impression que les années 1789-1800 ont été une rupture sensible, y compris dans le paysage urbain, campagnard et villageois.
Utilisateur anonyme
19 octobre 2008, 11:05   Re : La tolérance est-elle une valeur de droite ? (tome second)
J'ai de la peine à imaginer une telle transformation du paysage en si peu de temps, avec la faible population et les moyens de l'époque. Il est vrai cependant que les valeurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'ont pas transformé en quelques mois les mentalités dans toutes les provinces de France. Il est donc possible que Florentin n'ait pas aussi tort que je le pensais et moi aussi raison que je l'espérais.
Utilisateur anonyme
19 octobre 2008, 11:08   Re : La tolérance est-elle une valeur de droite ? (tome second)
"On eût dit que le feu avait passé dans les villages; ils étaient misérables et à moitié démolis : partout de la boue ou de la poussière, du fumier et des décombres.
A droite et à gauche du chemin, se montraient des châteaux abattus; de leurs futaies rasées, il ne restait que quelques troncs équarris, sur lesquels jouaient des enfants. On voyait des murs d'enclos ébréchés, des églises abandonnées, dont les morts avaient été chassés, des clochers sans cloche, des cimetières sans croix, des saints sans tête et lapidés dans leur niche. Sur les murailles étaient barbouillées ces inscriptions républicaines déjà vieillies: Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort. Quelquefois on avait essayé d'effacer le mot Mort, mais les lettres noires ou rouges reparaissaient sous une couche de chaux. Cette nation, qui semblait au moment de se dissoudre, recommençait un monde, comme ces peuples sortant de la nuit de la barbarie et de la destruction au moyen âge.
En approchant de la capitale, entre Ecouen et Paris, les ormeaux n'avaient point été abattus; je fus frappé de ces belles avenues itinéraires, inconnues au sol anglais. La France m'était aussi nouvelle que me l'avaient été autrefois les forêts de l'Amérique. Saint-Denis était découvert, les fenêtres en étaient brisées; la pluie pénétrait dans ses nefs verdies, et il n'y avait plus de tombeaux; j'y ai vu, depuis, les os de Louis XVI, les Cosaques, le cercueil du duc de Berry et le catafalque de Louis XVIII."

Mémoires d'outre-tombe, Deuxième partie, Livre premier, chapitre trois.
Ah, merci. Je n'étais arrivé qu'à ce passage :

« Dans la population parisienne se mêlait une population étrangère de coupe-jarrets du midi ; »

Allez, ce qui précède, tout de même, et qui fait frémir :

Revu en décembre 1846.

Changement de physionomie de Paris. - Club des Cordeliers. - Marat.

Paris n'avait plus, en 1792, la physionomie de 1789 et de 1790 ; ce n'était plus la Révolution naissante, c'était un peuple marchant ivre à ses destins, au travers des abîmes, par des voies égarées. L'apparence du peuple n'était plus tumultueuse, curieuse, empressée ; elle était menaçante. On ne rencontrait dans les rues que des figures effrayées ou farouches, des gens qui se glissaient le long des maisons afin de n'être pas aperçus, ou qui rodaient cherchant leur proie : des regards peureux et baissés se détournaient de vous, ou d'âpres regards se fixaient sur les vôtres pour vous deviner et vous percer.

La variété des costumes avait cessé ; le vieux monde s'effaçait ; on avait endossé la casaque uniforme du monde nouveau, casaque qui n'était alors que le dernier vêtement des condamnés à venir. Les licences sociales manifestées au rajeunissement de la France, les libertés de 1789, ces libertés fantasques et déréglées d'un ordre de choses qui se détruit et qui n'est pas encore l'anarchie, se nivelaient déjà sous le sceptre populaire : on sentait l'approche d'une jeune tyrannie plébéienne, féconde, il est vrai, et remplie d'espérances, mais aussi bien autrement formidable que le despotisme caduc de l'ancienne royauté : car le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout ; c'est la présence universelle d'un universel Tibère.
"car le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout"
J'y trouve un écho dans ce qu'on a dit à propos de la guerre d'Irak et du chaos invraisemblable qu'elle a engendré, avec les armes de l'ancienne armée officielle disséminées dans la nature, suite à la fabuleuse incompétence américaine : « mieux valait encore l'arbitraire d'un seul que l'arbitraire de tous »...
Merci à Bernard pour ce fragment. Sans vouloir oser le moindre parallèle politique: pour qui a connu la foule chinoise, la rue chinoise de la Révolution Culturelle, pour qui en a lu les descriptions, aux yeux de qui se souvient des visages farouches, de l'universelle étincelle du meurtre dans ces regards et sur ces visages, ce fragment se lit comme un miroir. Tout y est, absolument: il n'y manque pas même la "tenue mao", cette casaque uniforme du monde nouveau, casaque qui n'était alors que le dernier vêtement des condamnés à venir.

Il est sans doute hasardeux de prétendre que l'année 1966 qui ouvrit une Terreur en Chine vaut 1792 en France. Pourtant, tout plaide, et la suite des événements et les développement en cours en Chine rien moins que la terreur originelle, pour fonder un tel parallèle.

Et puis, il y eu des passerelles réelles, des apprentissages effectifs, entre les inspirateurs chinois des événements de 1966-1968 et le robespierrisme historique, ceux-là s'étant déplacés à Paris une poignée de décennies auparavant pour, en y faisant leurs classes, se faire contaminer avec enthousiasme par tous les schémas et toutes les efficientes mécaniques de celui-ci.

On mesure mal, en général, à quel point l'histoire politique de l'Europe, et singulièrement l'histoire de France, a inséminé l'histoire moderne de l'Asie orientale.
On pourrait se borner à lire Chateaubriand et Tocqueville, et se mettre au balcon...
A la lecture des Mémoires d'outre-tombe j'imaginais Combourg sinistre; j'ai trouvé l'endroit charmant mais le regard de notre siècle a modifié le paysage.
Sur ce sujet je recommande L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer.
En composant Daphnis et Chloé, Maurice Ravel voulait donner une idée du paysage français du XVIIIème siècle. Je crois même qu'au delà de Watteau il évoque Poussin, un paysage paradisiaque et mythologique. Mais, finalement, c'est bien cette richesse du paysage à laquelle nous tenons, richesse célébrée par la peinture, la littérature et la musique. Richesse du regard.
A vrai dire, dans le bel extrait retrouvé par Alexis, que je remercie bien, il n'est pas question de modification des paysages mais de mises à sac et de ruines causées par le vandalisme révolutionnaire : il faudra replanter, reconstruire en faisant le deuil d'une part énorme du patrimoine monumental et artistique, mais les paysages retrouveront pour un bon siècle leur beauté, leur équilibre, leur charme, tel qu'il avait été lentement élaboré par des siècles de travail. Même le chemin de fer n'y changera pas grand-chose car on savait encore couler une ligne dans les plis du terrain et contourner ce qu'il fallait préserver tel quel. C'est au cours du dernier demi-siècle que ces paysages ont été bouleversés, grignotés, gangrénés par l'agriculture industrielle, ses remembrements, destructions de haies, plantations d'épicéas alignés comme au régiment, constructions de hangars et d'étables dans le style d'entrpôts de supermarchés, puis par les grands travaux, leurs autoroutes, lignes de TGV, canaux à grand gabarit, lignes à haute tension, éoliennes, et enfin par l'extension sans frein de ce que l'homme a inventé de plus sinistre et de plus laid en matière de paysages, les banlieues modernes.
» je recommande L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer.

Ah oui ! Superbe !
"On mesure mal, en général, à quel point l'histoire politique de l'Europe, et singulièrement l'histoire de France, a inséminé l'histoire moderne de l'Asie orientale."

François Furet, dans Le passé d'une illusion, essai sur l'idée communiste au XX°s, insiste sur le modèle révolutionnaire français. On y voit bien comment le "paradigme terroriste" de 1793 est à l'oeuvre dans le bolchévisme, et dans l'historiographie française des événements russes. Peut-être trouve-t-on des observations similaires dans les livres de Simon Leys sur la Chine. Aussi, Pol Pot et ses compagnons n'ont-ils pas fait leurs études en France ?

J'ai parcouru quelques extraits de retours d'émigrés dans le livre de Ghislain de Diesbach (Histoire de l'émigration). Ceux qui rentrent en 1796-1799 sont frappés par le chaos et la ruine de la France, et témoignent de la destruction des parcs et forêts nobles (parfois, il faut que l'émigré lui-même pratique une large coupe dans ce qui lui reste pour dégager l'argent liquide nécessaire au rachat de ses propres biens confisqués). Ceux qui reviennent en 1814 retrouvent un pays en partie reconstruit.

Autre élément du paysage qui a disparu, selon G. de Diesbach (p. 550):

"Mais plus encore que les églises fermées, les grandes demeures abandonnées et le calendrier républicain, ce qui afflige les émigrés au-delà de toute expression, ce sont les mauvaises manières. La seule chose qu'ils aient sauvée du naufrage révolutionnaire, c'est cet inimitable ton [...], cette élégance de langage et d'allure qui représentait pour eux un gagne-pain en même temps qu'un art de vivre. De retour à Paris, ils s'aperçoivent avec consternation que leurs exquises manières sont démodées et que la nouvelle génération ne les remarque que pour s'en étonner ou s'en moquer. Peu à peu ces gentilshommes, pour qui le monde s'est arrêté en 1789, découvrent avec stupeur un monde inconnu..."

Ce qui me remet en mémoire les nombreuses remarques émanées de Franco-Russes descendant d'émigrés blancs, ou de Français russophones, sur les manières et le langage soviétiques.
puis par les grands travaux, leurs autoroutes, lignes de TGV, canaux à grand gabarit, lignes à haute tension, éoliennes, et enfin par l'extension sans frein de ce que l'homme a inventé de plus sinistre et de plus laid en matière de paysages, les banlieues modernes.

C'est toute l'oeuvre formidable des Ponts-et-Chaussées qu'il faudra bien un jour mettre sur la sellette au tribunal de ces massacres. Cette institution doit être tenue pour directement responsable du saccage général du paysage français. Pour elle, on se prend presque à rêver de tribunal révolutionnaire !
"les manières et le langage soviétiques" ont en leur temps débordé de leurs frontières pour prendre une part directe au lessivage de la langue chinoise, dans la "simplification" des années 50, c'est à dire l'évidage, l'obscurcissement des graphies, leur enlaidissement et leur bêtification. La transcription pinyin, que l'on voulait, à une époque, substituer aux idéogrammes, était de conception russe (le "c" par exemple, qui transcrit le son "tsseu", etc.)

Soljenitsyne vieillissant dans le Vermon avait entrepris pour sa part de reconstituer les vocabulaires russes que le patois soviétique avait abandonnés; il en constituait des fiches. C'est un peu ce que tout amoureux de la langue chinoise est tenté de faire au contact des mots chinois modernes et de leurs épouvantables graphies "simplifiées".
Pardon, la Compagnie, mais je m'aperçois que le film que j'avais en tête était La Marquise d'O, qui ressemble un peu au film dont on parle...
"Pardon, la Compagnie, mais je m'aperçois que le film que j'avais en tête était La Marquise d'O, qui ressemble un peu au film dont on parle..."
Dans La Marquise d'O, adaptation fidèle du texte, je vois surtout l'influence du français en Europe. Dans L'Anglaise et le Duc, je voulais faire allusion au fabuleux travail de Rohmer sur le paysage et le décor. Reconstitution du décor à partir de tableaux ou gravures; aucun décor naturel. C'est impressionnant.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter