Analyse de Pierre Nora dans Causeur (édition abonnés) sur les causes de la nouvelle doxa (extrait) :
Question : "Quelle est la responsabilité de la gauche intellecuelle dans ce processus de dévalorisation nationale"
P.N : Les premiers responsables, si l'on peut dire, sont les chrétiens de gauche. Je pense au formidable retentissement qu' a eu en 1959 le roman d'André Schwarz-Bart,
"le dernier des justes". Le livre a d'abord été refusé par plusieurs éditeurs parce-qu'il était très critique vis à vis du catholicisme. Et finalement, c'est le Seuil, maison d'édition catholique, qui s'en est saisi. A ce moment là ce qu'on n'appelait pas encore la Shoah a cessé d'être un crime purement nazi pour devenir un crime occidental plongeant ses racines dans l'antisémitisme chrétien. Ce ne sont plus les seuls nazis qui inacarnent le mal, mais l'Occident tout entier. Et, une fois intériorisée par les chrétiens, cette culpabilité se laïcisera. Aujourd'hui on a affaire à trois couches sédimentées : culpabilité chrétienne, anticolonialisme, et universalisation des Droits de l'Homme, dont chacun sait qu'ils sont domiciliés en France depuis la Révolution. C'est ainsi que la France perpétue l'intériorisation de la culpabilité universelle.