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Délicatesse en souffrance

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 10:40   Délicatesse en souffrance
Les colis ne sont plus en souffrance. Les affaires non plus. On ne se ferait pas comprendre. Aujourd'hui, il n'appartient qu'aux individus d'être "en souffrance". Faire la causette avec n'importe qui ressemble de plus en plus à une émission de télé. On n'est plus contrarié, fatigué ou agacé, on est "en souffrance".
La femme de ménage n'a plus envie de "dire deux mots" ou d'envoyer promener l'homme d'entretien parce qu'il n'a pas changé l'ampoule du local technique, elle est "en souffrance", se sent victime d'un mauvais traitement, regrette l'absence d'un "lieu de parole" pour l'exprimer. Che palle !

La vulgarisation de quelques données psychologico-sociales a bousillé les conversations. Le monde devient à la fois ridicule et assommant et les complices pour en rire se font rares.
11 novembre 2008, 11:00   Re : Délicatesse en souffrance
Ah, cher Orimont, à qui le dites-vous !
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:12   Re : Délicatesse en souffrance
Faire la causette avec n'importe qui ressemble de plus en plus à une émission de télé. On n'est plus contrarié, fatigué ou agacé, on est "en souffrance".

Mais avec qui discutez-vous, Cher Orimont ? Pour ma part, jamais personne ne m'a dit au cours d'une conversation qu'il était "en souffrance" ou qu'il recherchait "un lieu de parole" ; et j'étais persuadé que ces expressions n'étaient pas encore sorties du milieu des journalistes et des psycho-sociologues médiatiques.
11 novembre 2008, 11:13   Re : Délicatesse en souffrance
Bien vu. L'important est de ne pas se laisser gagner. Ceci n'est pas évident "Mais qu'est-ce qui lui prend ?" . Le harcèlement et la mise au ban ne sont pas loin. Il faut être extrêmement prudent et ne pas affronter trop fortement le consensus, car c'est très douloureux.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:13   Re : Délicatesse en souffrance
« Mais avec qui discutez-vous, Cher Orimont ? »

Mais dans quel monde vivez-vous, Cher Alexis ?
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:21   Re : Délicatesse en souffrance
Mais dans quel monde vivez-vous, Cher Alexis ?

Cela vous semble apparemment inconcevable, mais je ne peux que vous répéter que jamais personne ne m'a dit qu'il était "en souffrance" ou qu'il recherchait "un lieu de parole" : voilà tout.
11 novembre 2008, 11:21   Re : Délicatesse en souffrance
Il n'est pas que de le dire de cette façon, mais bien de se comporter comme tel : On gémit comme si la situation relevait de la fatalité et même plutôt du fatum ce qui vous valorise mieux. Un nouvel art est né : celui de ne pas résoudre les problèmes aussi longtemps qu'il est possible.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:25   Re : Délicatesse en souffrance
Un nouvel art est né : celui de ne pas résoudre les problèmes aussi longtemps qu'il est possible.

Chère Ostinato, il me semble que cet art-là est vieux comme le monde, non ?
11 novembre 2008, 11:31   Re : Délicatesse en souffrance
Qu'on ne résolve pas les problèmes des autres c'est ancien mais quand il s'agit de ses propres problèmes ne pas les résoudre tout en se victimisant c'est beaucoup plus d'époque.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:35   Re : Délicatesse en souffrance
Mais non, ce n'est pas que quiconque ne vous parle comme ça, qui me paraît inconcevable, mais le fait, oui, que vous n'ayez jamais été confronté à des gens qui parlent comme ça. Vous ne devez pas souvent fréquenter "le monde réel"…
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 11:51   Re : Délicatesse en souffrance
Bon, dans nos montagnes non plus, on n'entend pas dire que l'on est en souffrance et que l'on cherche un lieu de paroles.
(Mais que ceci ne vous incite pas à envahir ces hauts lieux de bonheur...)
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:04   Re : Délicatesse en souffrance
Vous ne devez pas souvent fréquenter "le monde réel"…

Effectivement, je ne vois pas d'autre explication.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:38   Re : Délicatesse en souffrance
C'est pourtant tout près de chez vous, Corto, que j'ai entendu pour la première parler ainsi.
La psychologisation à outrance est une véritable plaie, et le pire est qu'elle peut fort bien se passer de ses attributs les plus visibles -ou audibles- pour se manifester. Point n'est besoin, donc, d'avoir expressément entendu autour de soi des gens dire qu'ils étaient "en souffrance" (en sous-France ? tiens, c'est intéressant, ça, comme psycholo-machin-truc), "en incapacité" et autres fariboles pour se rendre compte que cette infection gagne le corps social de façon inquiétante, et qu'on n'est pas encore à la veille d'avoir découvert sa pénicilline.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:41   "Monde réel"
Vous pouvez railler tant que vous voulez, Alexis, je maintiens ce que j'ai écrit.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:43   Re : Délicatesse en souffrance
Annecy ? Là-bas dans la plaine ?
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:45   Re : Raillerie
Il est peut-être temps pour moi de "prendre mes suppos" ?
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 12:47   Re : Raillerie
Ah ! L'art de prévenir tire profit de la mémoire du passé.
11 novembre 2008, 12:51   Re : Délicatesse en souffrance
Entendu hier soir Line Renaud (oui, oui, je sais, mais elle est bien belle encore à son âge, et bien sympathique) rappeler qu'elle avait grandi dans les corons entre sa mère et sa grand-mère et qu'elles s'aimaient beaucoup. "Nous étions pauvres mais nous n'éprouvions aucun sentiment de frustration. J'ai toujours gardé en mémoire la phrase que me disait ma grand-mère tous les soirs avant le coucher : "Encore une journée où nous n'avons eu ni froid ni faim."
Ne pas se plaindre était à l'époque synonyme de dignité.
Et ne pas gaspiller le pain, c'était encore servir la France, comme disait mon grand-père.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 14:11   Re : Délicatesse en souffrance
C'est précisément, dans le foyer d'accueil où je veille, une femme de ménage (pardon, une maîtresse de maison) qui se déclarait l'autre jour "en souffrance" parce qu'un "gamin" lui avait fait un bras d'honneur. Il est vrai que, dans ce milieu, peuplé d'éducateurs, le terrain est particulièrement propice au mimétisme verbal.

Beaucoup plus généralement, on peut observer que ce mimétisme psychologo-télévisif affecte surtout les classes populaires. C'est désormais dans un "champ lexical" (comme on dit en classe de français, en sixième) argotique, technique ou psychologisant qu'on va puiser de quoi commenter les actes de tel ou tel collègue de travail, les choix affectifs de celui-là, les comportements de celle-ci. Des dizaines et des dizaines d'adjectifs qui servaient à qualifier les caractères ont disparu de ces conversations-là. Allez dire à la cantonade que votre voisin est obséquieux, vaniteux, orgueilleux, charitable, bon (quant au féminin de cet adjectif, on sait dans quel sens unique il s'est maintenu), magnanime, méchant, égrillard, taciturne etc. Dites plutôt que c'est un lèche-cul, un égocentrique, qu'il est trop cool, vraiment sympa, ouvert, fermé, agressif, pervers etc.

Le boulimique a remplacé le goinfre, comme l'anorexique le chipoteur.

Il faut avoir entendu des élèves de sixième trouver le moyen d'appareiller dans une même série de phrases l'expression d'idées les plus confuses avec des expressions comme "schéma actantiel" (je ne sais même pas l'orthographe de ce mot) pour mesurer à quels assommants bidouillages le langage est soumis.

Au comptoir, la patronne professe qu'il faut entretenir son "patrimoine affectif" sans provoquer le moindre hoquet parmi les trinqueurs, occupés à lâcher des "dysfonctionnements" longs comme le bras en commentant la mauvaise organisation du dernier concours de pétanque.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 14:18   Re : Délicatesse en souffrance
« pour mesurer à quels assommants bidouillages le langage est soumis »

Et "bidouillage" devient quelque peu assommant, à force d'être partout, ne trouvez-vous pas ? Et toi, tu bidouilles quoi, déjà, dans la vie ?

Pour le reste, je suis absolument d'accord avec vous, Orimont, le fait par exemple de remplacer le goinfre par le boulimique est vraiment pénible, autant que ce "trac" qui envahit tous les instants de la journée pour un oui ou pour un non, pour qui n'est jamais monté sur scène, ou cet "accro" qui n'est, le pauvre, que passionné
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 14:21   Re : Délicatesse en souffrance
En effet. J'ai oublié les italiques à "bidouillages", que je voyais en citation.
Et le stress, il est pas envahissant, le stress ?
11 novembre 2008, 15:52   Re : Délicatesse en souffrance
Ah, mais c'est que la goinfrerie est un vice, alors que la boulimie est une maladie : c'est quand même autre chose ! Vous êtes pris en charge et en considération, vous pouvez militer au sein de l'association des malades solidaires (si, si, ça existe !), vous faire reconnaitre comme victime, laisser libre cours à votre mal-être et, pour finir, reprendre de la choucroute ou manger du beurre avec vos rillettes.
Utilisateur anonyme
11 novembre 2008, 17:00   Re : Délicatesse en souffrance
Si si, Cher Francmoineau, je suis bien d'accord avec vous ! S'il y a une expression qui m'énerve, c'est bien "je suis stressé"…
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