Jean Baudrillard m'a toujours impressionné, mais une question surgit à la lecture de ce paragraphe très bienvenu : cette moralisation et cette disparition du politique, sont-elles " une défaite historique
de la gauche " ? N'est-il pas, au contraire, inscrit dans la nature même des combats et discours de gauche, depuis leur origine terroriste et robespierriste, que la gauche
est le Bien, et que ses ennemis, par conséquent, sont à éradiquer en tant que Mal, et non à vaincre ? Je suis tombé un jour par hasard sur un texte surprenant qui analysait 1789-1798 comme une guerre
de religions : selon l'historien (dont j'ai oublié le nom, hélas), ces années-là furent moins celles d'une guerre sociale que de l'opposition entre l'ancien christianisme et une nouvelle religion civique mais exaltée, qui eut ses métastases communardes, communistes et autres, et qui en serait aujourd'hui à son troisième siècle d'existence sous la forme du "Communisme du XXI°s". Baudrillard semble dire que la gauche, par essence, était tout autre chose que ce qu'elle est devenue (à la façon du réformateur religieux déplorant la perte des vertus primitives des premiers croyants). N'est-il pas encore prisonnier d'un schéma de pensée métaphysique de la gauche divine, comme il dit, selon lequel on oppose l'essence, la substance, bonnes par nature, à l'accident, fruit d'une trahison de l'histoire et du réel ? C'est ainsi qu'on a procédé pour faire croire que le stalinisme était une trahison de l'idéal communiste, une indigne incarnation historique, et que l'on a opposé le bon Lénine au mauvais Staline. Ce faisant, on contrevenait d'ailleurs au pur matérialisme historique que l'on professait...