Le site du parti de l'In-nocence

Aristote au Mont Saint-Michel, II

Envoyé par Henri Rebeyrol 
Notre chère Cassandre nous a fait lire il y a quelque temps (cf. fil que je ne retrouve pas), le compte rendu "halluciné" que RP Droit a publié, dans le quotidien de la révérence vespérale, du livre de Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel ou "des racines grecques de l'Europe chrétienne" . Il se trouve que j'ai acheté ce livre et que je l'ai lu.

Tous les faits, tous les textes, tout le savoir sur lesquels Gougenheim assoit sa démonstration (les clercs du MA sont restés fidèles à l'héritage grec, profane et chrétien, Aristote, Platon, les Evangiles, ils l'ont préservé, ils s'en sont nourris pendant des siècles, ils l'ont pensé et enrichi; ils n'ont pas eu besoin d'Allah, ni de Mahomet, ni des muslmans pour leur ouvrir les yeux et leur révéler ce qu'ils ignoraient; le rôle essentiel joué par les chrétiens syriaques, du VIe au Xe s., dans la traduction de cet héritage en arabe et dans sa préservation; les conquérants islamiques ont joué un rôle "positif" dans cette transmission culturelle, en chassant d'Egypte ou de Syrie, les clercs et les moines hellénisants qui se sont réfugiés en Sicile, à Rome, en Campanie ou dans toute l'Europe occidentale) sont connus depuis longtemps : ils ont été établis au cours du XXe s par des érudits et des spécialistes du Haut Moyen Age. Ce qu'apporte de neuf Sylvain Gougenheim, c'est l'analyse du rôle clef (et méconnu ou oublié) qu'ont eu les moines du Mont Saint-Michel dans la traduction en latin (par Jacques de Venise en particulier) des philosophes grecs, dont Aristote.

Ce que démonte Sylvain Gougenheim, c'est une autre affaire Lyssenko ou la version "sciences sociales" de cette affaire : une des plus grandes falsifications historiques, imaginée d'abord par des idéologues (le premier : René Guénon), et à laquelle l'Université, le Collège de France (Miquel, Berque), le CNRS, l'édition, les milieux savants ont donné un vernis de vérité, à compter des années 1960.
La conclusion que RP Droit aurait dû tirer de sa lecture, ce n'est pas, comme il l'a écrit, ses illusions perdues ou l'ébahissement du gogo berné qui a pris pour vérité d'évangile des bobards, mais il aurait dû s'interroger sur la nature frelatée du "savoir" diffusé depuis un demi siècle par les consciencieux du social ou du sociohistorique ou, à la manière de Voltaire, sur la lente transformation de l'Université en temple de l'ignorance et de l'obscurantisme dans nombre de disciplines.
» La conclusion que RP Droit aurait dû tirer de sa lecture, ce n'est pas, comme il l'a écrit, ses illusions perdues ou l'ébahissement du gogo berné qui a pris pour vérité d'évangile des bobards, mais il aurait dû s'interroger sur la nature frelatée du "savoir"...

Encore une fois, je crois que ce procès intenté à René-Pol Droit est injuste. Il a écrit en style journalistique pour Le Monde, en effet, mais il ne s'étonne pas comme un gogo. Il dit, sauf erreur de bienveillance de ma part : « Quelle est la vulgate ? Eh bien non !... »

Je rappelle qu'il a écrit « L'Oubli de l'Inde, une amnésie philosophique » (que je recommande, sauf pour le style un peu journalistique, mais ouvrage d'historien bien informé ; on est loin des thèses révisionistes nationalistes indiennes du genre « L'Invasion de nulle part », de Danino), qui est dans le droit fil de l'article qu'il vient d'écrire à propos du livre de Gougenheim, et où il a dû trouver un confrère en démystification.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 10:17   Ce ne serait pas plutôt Roger-Pol ?
Bernard, on ne pourra bientôt plus dire quoi que ce soit qui touche de près ou de loin à l'Inde, sans que vous sortiez votre sarbacane et vos quarts de tons ?
Boris, c'est votre jour d'injustice, il me semble ! Je sais bien que je risque d'être "marqué" comme tel ("fou de l'Inde"), et vous ne manquez pas d'appuyer le trait. Il se fait, en effet, que je commence à connaître un peu la culture indienne, que j'ai redécouverte, il me semble que le trajet n'est pas si banal, à partir de l'étude des présocratiques...

La culture indienne, je la connais un tout, tout, tout petit peu, vraiment (depuis mes années de candidature en philosophie), mais étant donné la géante inculture commune en ce domaine, il me semble parfois que je suis très savant, et j'aime, de temps en temps, d'en parler, modestement, dans un forum tel que celui-ci. Il se fait d'ailleurs que certains m'ont relancé sur ce chapitre.

Mais en l'occurrence, il s'agissait d'une injustice que je décèle concernant Roger-Pol Droit, et que je signale, justement, parce que j'ai lu plusieurs de ses livres — dont celui sur l'Inde, qui est dans le droit fil de son article — y voyez-vous vraiment à redire ?
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 10:51   Re : Aristote au Mont Saint-Michel, II
Mais bien sûr, Bernard, je ne faisais que vous titillez un peu.

Pour Boris, vous le savez bien, c'est tous les jours, l'Injustice !
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 11:43   Re : Le Soi est le danseur
Citation

56. Même celui qui se plait à tout nier doit reconnaître que la négation de la connaissance, du connaisseur et du connaissable n'est possible que dans la mesure où ceux-ci se manifestent à lui, sujet conscient

Tantrãloka de Abhinagupta (10ème siècle)

Je partage avec Bernard Lombart un grand intérêt pour la culture et la spiritualité de l'Inde. L'auteur de l'extrait ci-dessus est un grand maître shivaïste cachemirien.

La pente de ce site est certes plus occidentale, grecque et chrétienne. Mais, les conceptions cosmogoniques des penseurs indiens, évoquant un univers qui surgit, se déploie, se maintient puis se résorbe dans le dieu créateur et destructeur qu'est Siva, ont souvent plus de mille ans d'avance sur les conceptions proches de la cosmologie occidentale actuelle.
D'accord, Boris, vous m'avez bien eu !

À Corto : la grande force des Indiens, c'est de ne pas attacher leurs textes à un auteur, car pour eux, seule compte leur valeur de vérité. C'est aussi une petite supercherie, comme si l'on jouait sur la propension des adeptes à tout rattacher aux mystérieux rishis qui ont "vu" le savoir (veda)... Il n'est pas rare de devoir dater un texte, selon les méthodes rigoureuses de notre philologie, à « plus ou moins cinq cents ans » ! (Par exemple, entre le cinquième siècle avant et le cinquième siècle après J.-C. !)

La cosmologie indienne est fascinante, et il y a longtemps que les physiciens des particules, qui ont souvent une tendance mystique, comme par hasard, tirent à eux les textes indiens, montrant ainsi, une fois de plus, la fécondité de ces textes. Les dernières nouvelles du Cosmos nous orienteraient résolument vers une expansion indéfinie et une création permanente (oscillation quantique du vide), ce qui est encore compatible avec les textes indiens, et le tambour de Shiva...
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 13:20   Trop tentant !
« À Bernard : la grande faiblesse des Indiens, c'est de ne pas attacher leurs textes à un auteur, car pour eux, seule compte leur valeur de vérité. »
Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? C'est très camusien, non ? Il faut répondre à un message, pas à un auteur, c'est pourquoi, si j'ai bien compris, l'on affiche plus la hiérarchie des messages !

Si un texte est utilisé et transmis, c'est qu'il dit quelque chose de "vrai" ; et comme le nom de l'auteur, la plupart du temps (nombreuses exceptions), n'est pas transmis, il est volontiers rattaché à la tradition védique (comme pour les upanishads les plus récentes).
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 13:32   Faiblesse
Ce n'est pas que je ne comprends pas, c'est que je ne suis vraiment pas d'accord pour considérer qu'il s'agisse là d'une avancée. Je ne crois pas aux "textes sans auteur".

Vous êtes devenu gouldien ?
12 avril 2008, 13:42   Re : Faiblesse
Mais ai-je dit qu'il s'agissait d'une avancée ? J'ai quasiment dit le contraire... Non, c'est autre chose, car un texte attaché rigoureusement à un nom d'auteur, organismes puissants et redoutables faisant éventuellement office de notaire, nous fait prendre un autre chemin, où le défaut est l'argument d'autorité... Connaissez-vous l'auteur de la Genèse ? Ce texte ne peut-il rien apporter ?

» Vous êtes devenu gouldien ?

Ah ça se voit donc, quand même, un peu... À qui la faute ?
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 14:39   Re : L'Ecclésiaste
Citation

Connaissez-vous l'auteur de la Genèse ? Ce texte ne peut-il rien apporter ?

Ah bon, ce n'est pas Dieu ?

Bon, je ne crois pas que connaître l'auteur (ou les auteurs) de l'Ecclésiaste ajouterait quelque chose à ce texte.

Citation

Je ne crois pas aux "textes sans auteur".

Et l'intertextualité camusienne, cher Boris ? Attention à la gomme du maître !
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 14:55   Soudaine faiblesse rhétorique
Oui oui oui, pardon, je voulais dire : je ne crois pas au sexe sans auteur.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 15:19   Re : Soudaine faiblesse rhétorique
Ah, elle est bien raide, cette soudaine faiblesse réthorique.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 15:33   À l'épée !
Allons allons, Corto, et la flexsécutiré, qu'en faites-vous ?
12 avril 2008, 17:34   Ecclesiaste
L'auteur est Qohélet.
» faiblesse réthorique

Boris voulait dire "hauteur".
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:00   Souplesse théosophique
« Boris voulait dire "hauteur". »

Oui oui, c'est ça, Bernard. Je ne crois pas aux textes sans hauteur. Rien de nouveau sous le soleil, en somme.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:45   Re : Bible service.net
Citation

Qohélet, désabusé, dit qu'il y a un temps pour tout, qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil et qu'il faut donc jouir de la vie.
Y sont pas polis sur Bible service. Y pourraient pas dire Monsieur Quohélet, non ? Respect, quoi !
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 18:56   corto.net
Ah, Monsieur Quohélet, on le connaît bien, celui-là, y nous explique toujours que bien-névidemment on la lui fait pas, à lui, qu'y a par exemple trois monothéismes, lesreligionsdulivre, qu'y a pas à en sortir, et que tout ça c'est mauvais et compagnie. Affreux. Vilain.

C'est un malin, Monsieur Quohélet !
12 avril 2008, 19:45   Monsieur Qohélet
Hélas, on ne peut dire Monsieur Qohélet, car le texte lui-même le nomme "Qohélet", sans aucune adjonction.


Jugez-en plutôt :


Au début, nous avons :

"Paroles de Qohélet, fils de David..."


et à la fin :


" Sans compter que Qohélet fut un sage..."
12 avril 2008, 19:48   Précision
Il va de soi que Qohélet et Ecclésiaste désignent la même personne.

Qohélet ou Ecclésiaste signifie "le maître de l'assemblée". En conséquence, "l'Eclésiaste" n'est pas le titre d'un livre mais l'auteur d'un livre, de la même façon que Jéricho n'a pas soufflé dans sa trompette.
Utilisateur anonyme
12 avril 2008, 20:44   Jéricho n'a pas soufflé dans sa trompette
Mais comment le savez-vous ? Elle était bouchée ?
12 avril 2008, 20:48   Générique
Mais comment, bien cher Boris, vous n'aviez pas entendu Jéricho jouer le générique de l'émission de M. Jeanneney ?
Utilisateur anonyme
13 avril 2008, 09:50   Re : Aristote au Mont Saint-Michel, II
Si vous n'aimez pas tant RPD, vous apprécierez sûrement son GPS site Causeur
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