Le site du parti de l'In-nocence

Vous aurez la guerre

Envoyé par Gérard Rogemi 
17 mai 2008, 15:28   Vous aurez la guerre
Recension des plus intéressantes parue cette semaine dans l'opinion Indépendante.

En attendant la guerre…

Dans un essai incisif et argumenté, Vous aurez la guerre, Loïc Lorent dénonce «l’esprit de Munich», mélange de pacifisme et de défaitisme, à l’œuvre hier comme aujourd’hui.

«Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre.» L’adresse fameuse de Winston Churchill aux signataires des accords de Munich, qui marquèrent l’affaissement des démocraties face à Hitler, fut hélas vérifiée par l’Histoire. Depuis, les références aux «munichois» et à «l’esprit de Munich» ont fait florès (de même que celles à la guerre d’Espagne), permettant à des intellectuels, confortablement calés sur les banquettes du Flore, de réclamer une «bonne guerre» contre telle ou telle tyrannie exotique. La figure-type du Déroulède en chemise échancrée étant l’irremplaçable BHL dont les justes causes (Bosnie, Tchétchénie, Kosovo, Afghanistan, Irak, Darfour…) se succèdent selon les modes et la tendance.

Guerre à la guerre

L’un des mérites de l’ouvrage de Loïc Lorent, historien et écrivain né en 1984, est de mettre en perspective ce qu’il appelle le «munichisme» : alliance d’un pacifisme protéiforme à la croyance «en l’arbitrage international et en la résolution pacifique des conflits». «Nous pensons qu’il existe une marche vers Munich qui a amené la France à souscrire au lâche soulagement. Mieux, nous alléguons que l’idéologie qui s’est manifestée à Munich, loin de se limiter aux années 1930, est au contraire encore vivace aujourd’hui. Et victorieuse ! Une victoire totale sur l’autel de notre inconséquence face aux véritables défis du monde», explicite l’auteur qui va se livrer à une analyse fine et très précise des pacifismes à l’œuvre – à gauche comme à droite, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite – durant l’entre-deux-guerres en France. Dans ce vaste panorama d’un pays hanté, malgré la victoire, par le traumatisme de 14-18, on découvre ou redécouvre des citations saisissantes de Félicien Challaye («Plutôt l’occupation étrangère que la guerre») ou de Paul Faure («Nous avons applaudi le pape. Nous aurions applaudi le diable.») contrastant avec la belle et forte lucidité d’un Marc Bloch. L’inconscience illuminée d’un Briand, la naïveté d’un Blum, le cynisme d’un Laval, les positions variables du PCF, la pré-collaboration des fascistes : tout est étudié avec une implacable lucidité.

On suit moins l’auteur dans sa tentative d’étendre de manière un peu globalisante l’ombre et les réflexes du «munichisme» aux périodes les plus contemporaines. Ainsi, pour ne prendre que le dernier quart de siècle, on peut rappeler que lors de la crise des euromissiles, François Mitterrand appuya le déploiement américain en Allemagne en déclarant au Bundestag : «Les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles sont à l’Est». De même en 1991, le soutien de la France dirigée par le même François Mitterrand à la volonté des Américains, sous l’égide de l’ONU, d’intervenir contre l’Irak qui venait d’envahir le Koweit (puis sa participation militaire), ne compta pas pour rien. En Bosnie encore, la France envoya des forces toujours chapeautées par l’ONU et Jacques Chirac pesa dans la décision de bombarder les positions des Serbes de Bosnie. Il faudrait citer encore nos interventions armées au Tchad, au Liban, en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan où nous venons d’envoyer 700 hommes supplémentaires. Certes, il y eut le refus français de cautionner la deuxième guerre du Golfe et – malgré quelques dérapages verbaux de Jacques Chirac (déclarant en 2003 que «la guerre est toujours la pire des solutions») et du lyrisme de Dominique de Villepin – il faut reconnaître que la suite a donné raison à la position française d’autant que les arguments avancés par l’administration US (présence d’«armes de destruction massives» en Irak sur fond d’amalgame plus ou moins avoué entre le régime de Saddam Hussein et les responsables des attentats du 11 septembre) relevaient de la pure désinformation.

Par ailleurs, on ne peut transposer le tragique aveuglement des accords de Munich et de «l’esprit de Munich» à la situation contemporaine en occultant la diabolique singularité de l’ennemi d’alors, à savoir Hitler et le Troisième Reich. En dépit de quelques slogans propagés ces dernières années décrivant des autocrates comme Milosevic (renversé par le verdict des urnes et des manifestations) et des dictateurs comme Saddam Hussein en réincarnations d’Hitler, aucun péril contemporain – pas plus les talibans qu’Ahmadinejad – n’est en mesure de faire peser une menace comparable à celle des nazis. Qu’il s’agisse des 3000 victimes du World Trade Center ou des dizaines de milliers d’Irakiens tombés depuis l’intervention des Etats-Unis, les conflits, attentats et guerres en cours aujourd’hui n’ont rien à voir avec l’affrontement apocalyptique nazisme / communisme / démocratie d’il y a un demi-siècle.

Inévitable crétinisation

De même, l’évocation récurrente par Loïc Lorent des massacres de Srebrenica rejoint un confusionnisme et un manichéisme à la mode. Pour être précis sur cet épisode horrible d’une guerre qui ne l’était pas moins, il conviendrait de rappeler le martyre subi les semaines auparavant par les villages serbes voisins de Srebrenica dont femmes et enfants furent hachés en morceaux par les combattants musulmans bosniaques. Quand les «défenseurs» de Srebrenica menés par le criminel de guerre Naser Oric quittèrent l’enclave – sur ordre du président Izetbegovic (qui aurait sans doute fini devant le TPI, comme le président croate Tudjman, si la mort ne l’avait sauvé) – et que le général Morillon fit de même en oubliant ses promesses, la vengeance terrible des forces serbes de Mladic contre les hommes bosniaques en âge de combattre relevait dès lors de la triste férocité des guerres civiles et ethniques.

Pour autant, Vous aurez la guerre vise juste quand il met en accusation le prêt-à-penser hexagonal mêlant repentance, mauvaise conscience, autoflagellation, haine de soi et un sentimentalisme béat. Loïc Lorent trouve des accents à la Philippe Muray pour pourfendre la glu compassionnelle et consensuelle selon laquelle il faut «chanter le vivrensemble, chanter l’obsolescence des frontières, chanter le métissage, chanter le mépris envers l’histoire de notre pays, chanter en tenant des drapeaux arc-en-ciel dans nos mains, aller se pavaner dans des émissions télévisées où l’inculture, le conformisme, l’art de pleurer sur commande seront loués, quand ce n’est pas récompensé.» À travers quelques événements récents (les infirmières bulgares, Ingrid Betancourt, la prise d’otages de Beslan), il dénonce le «culte de la faiblesse» et «de l’altérité sans limites». Dans un pays encore traumatisé par les attentats de la rue de Rennes et du boulevard Saint-Michel ainsi que par la prise d’otages de Neuilly (un mort : le preneur d’otages), on n’ose imaginer le séisme que provoquerait un attentat de l’ampleur de ceux de Madrid ou de New York… La France est sortie du tragique et de l’Histoire, nous confie avec une rage désolée Loïc Lorent. Sa plume, aussi à l’aise dans l’étude historique que dans le souffle pamphlétaire, pointe sans faiblir «l’inévitable crétinisation congénitale à une société du spectacle et du divertissement permanent et obligatoire». C’est assez rare pour être salué.

Christian Authier

Vous aurez la guerre, Jean-Paul Bayol éditions, 299 p, 19,50 €. Article paru dans l'édition du Vendredi 16 Mai 2008
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 16:21   La crue des Cévennes !
Mais ce Bayol, il inonde le marché !!!
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter