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Judiciarisation et discrimination

Envoyé par Gérard Rogemi 
Judiciarisation et discrimination

par Anne-Marie Le Pourhiet, professeur à l'Université Rennes 1. Texte extrait du livre La société au risque de la judiciarisation, Fondation pour l'innovation politique, 25 avril 2007, LItec, Collection Colloques & Débats - 2008.

La société au risque de la judiciarisation, éditions Litec


La judiciarisation de la « lutte contre les discriminations » ne date pas d'aujourd'hui mais a connu une accélération remarquable depuis les années 1990, sous le double effet du militantisme associatif et des normes européennes. La loi du 30 décembre 2004 portant création de la Halde et pour l'égalité, qui prétend compléter et couronner l'édifice, semble à la fois vouloir consolider l'arsenal répressif mis en place et prévenir le recours au juge par un système de médiation.

Avant d'examiner cet arsenal, il convient cependant de situer le contexte idéologique et sociologique profondément anti-libéral dans lequel il intervient.
Un premier constat porte sur la terminologie récurrente utilisée. On ne compte plus, en effet, les propositions et projets de loi déposés devant le parlement français se proposant de « lutter contre » un phénomène quelconque. Cette obsession normative et purgative dont nos gouvernants ne semblent pas vraiment prendre conscience, est très révélatrice de la mentalité post-moderne tendant à vouloir nettoyer au « pas de loi » (1) tout ce qui contrevient au politiquement correct dans les comportements sociaux.

A cette manie de la « lutte contre » s'ajoute celle de faire plus précisément la chasse aux « phobies » de toutes sortes, la discrimination étant en effet considérée comme l'expression achevée et le symptôme suprême d'une pathologie mentale dissidente qu'il convient d'éradiquer d'urgence. Xénophobie, homophobie, lesbophobie, judéophobie, négrophobie, handiphobie etc … tournent ainsi en boucle dans le discours associatif, médiatique et politique que le regretté Philippe Muray raillait sous l'expression de « cage aux phobes » (2). Les débats parlementaires précédant la loi de 2004 sur la Halde et celle du 12 février 2005 sur l'égalité des personnes handicapées font apparaître un souci permanent de « forcer les mentalités à évoluer », fût-ce au prix de sanctions allant, pour le premier texte, jusqu'à des peines d'emprisonnement. Le cousinage de ces finalités et procédés avec le lavage de cerveau et le goulag ne semble choquer que quelques rares parlementaires, aussitôt priés de mettre leurs scrupules libéraux sous le boisseau au nom du concept le plus subjectif, fourre-tout et galvaudé du post-modernisme : la dignité. On ne compte plus, en effet, les usages liberticides qui sont aujourd'hui faits du terme dignité qui se répand comme un champignon dans le droit français et européen, générant toujours plus de répression et, compte tenu de l'indétermination de la notion, de gouvernement des juges. Rien ne saurait plus, en effet, être opposé à la dignité des individus et des groupes, c'est un concept absolu et totalitaire qui ne tolère aucune limite et devant lequel toute liberté doit désormais s'incliner. Guy Carcassonne a raison de relever que la dignité et la liberté qui étaient autrefois soeurs siamoises sont devenues ennemies, la première devenant le bourreau de la seconde (3).

C'est donc dans ce contexte de « tentation totalitaire » et de tyrannie associative qu'intervient la judiciarisation des discriminations, sanctionnées aussi bien sous l'angle du droit pénal que du droit social, civil ou administratif. Notre collègue canadienne Andrée Lajoie a fort bien montré dans son livre intitulé « Quand les minorités font la loi », comment les associations défendant des groupes d'individus interviennent aussi bien auprès du législateur que des tribunaux pour faire triompher leurs revendications et ceci au niveau international comme national (4). En ce qui nous concerne, il est évident que le lobbying associatif est particulièrement fort auprès des institutions européennes, ce qui explique d'autant les contraintes qui retombent ensuite sur le législateur français.

C'est d'abord la discrimination raciale qui a fait l'objet en France, d'un traitement judiciaire mais cette répression s'est étendue depuis à des distinctions infinies s'accompagnant de fortes entorses aux principes libéraux du droit répressif (I). On verra cependant, à travers l'analyse de la loi de 2004 sur la Halde que la répression de la discrimination tend à s'accompagner de la multiplication parallèle de délits d'opinion. Les différents groupes à l'origine de l'arsenal répressif ne supportent en effet plus, non seulement les distinctions elles-mêmes mais encore la seule expression d'un jugement distinctif (II)

I. LA SANCTION DES DISCRIMINATIONS RACIALES ET AUTRES

La sanction des discriminations est d'abord apparue en application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée à l'ONU le 21 décembre 1965. Ce texte a été ratifié par la France le 28 juillet 1971 et publié par décret du 2 novembre 1971. Sa rédaction est assez prudente et précise.

Son article 1er définit d'abord la discrimination raciale comme « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».

L'article 1er précise, en outre, dans ses alinéas 1 et 2, d'une part qu'elle ne s'applique pas « aux distinctions, exclusions, restrictions ou préférences établis par un Etat partie selon qu'il s'agit de ressortissants ou de non ressortissants », d'autre part qu'aucune de ses dispositions « ne peut être interprétée comme affectant de quelque manière que ce soit les dispositions législatives des Etats parties concernant la nationalité, la citoyenneté, la naturalisation, à condition que ces dispositions ne soient pas discriminatoires à l'égard d'une nationalité particulière ». On voit donc que la convention ne vise aucunement le cas de simple préférence nationale et que c'est bien le caractère strictement raciste des pratiques ou des idées propagées qui est visé puisque seuls les termes de race, couleur, ou ethnie sont employés.

Les Etats signataires doivent d'abord « par tous les moyens appropriés, y compris, si les circonstances l'exigent, des mesures législatives, interdire la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations et y mettre fin ». Ils s'engagent ensuite à assurer à toute personne soumise à leur juridiction une voix de recours effective devant les tribunaux nationaux et autres organismes d'Etat compétents contre tous les actes de discrimination raciale. Enfin, ils s'engagent aussi, en tenant compte des principes formulés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et de certains droits énoncés à l'article 5 de la convention (dont le droit à la liberté de la pensée, d'opinion et d'expression), à « déclarer punissables par la loi toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou de provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement ».

Le gouvernement français avait, de surcroît, estimé nécessaire d'assortir sa signature d'une déclaration indiquant que la France interprète la convention « comme déliant les Etats parties de l'obligation d'édicter des dispositions répressives qui ne soient pas compatibles avec les liberté d'opinion et d'expression, de réunion ou d'association pacifique ». Cette réserve a cependant été levée par lettre du 22 mars 1984 publiée par décret du 31 janvier 1985.

La loi du 1er juillet 1972, prise en application de cette convention et dite « loi Pleven », du nom du garde des sceaux qui l'a défendue, va déjà très au-delà de ce qu'exigeait la convention puisqu'elle vise toute distinction opérée entre les personnes « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Cependant, toutes les discriminations ainsi définies (par l'actuel article 225-1 du Code pénal) ne sont pas incriminées pénalement. Seules sont punies de 3 ans de prison et 45 000 € d'amende les discriminations consistant en en un refus de fourniture de bien ou de service, une entrave à l'exercice d'une activité économique, un refus d'embauche ou de stage, une sanction ou un licenciement (article 225-2 du Code pénal). Ces mêmes discriminations commises par un dépositaire de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public sont punies de 5 ans de prison et 75 000 € d'amende (article L 432-7 du Code pénal).

En outre, alors que la Convention de l'ONU visait l'incitation à la discrimination et la provocation à des actes de violence, la loi Pleven réprime la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, et aggrave la sanction de l'injure ou de la diffamation lorsque qu'elles sont commises à raison de ces mêmes faits. Or, ces notions sont beaucoup plus subjectives et difficiles à circonscrire ou définir et donc plus dangereuses pour la liberté d'expression puisque tout individu ou groupe s'adonnant, comme c'est le cas le plus fréquent, au militantisme sectaire et à la paranoïa identitaire et victimaire, verra dans le moindre jugement de valeur ou une simple qualification péjorative une provocation à la haine ou une injure. Enfin, ces délits incorporés à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, peuvent être constitués non seulement à l'égard d'une personne, mais aussi d'un groupe de personnes.

Mais surtout, le législateur de 1972 ne se limite pas du tout à la race, à la couleur de peau ou à l'origine ethnique mais leur ajoute dangereusement l'origine tout court, ainsi que l'appartenance à une nation ou une religion. Le concept d'origine, sans adjectif de précision, est évidemment susceptible d'intégrer une infinité de sens (origine régionale, locale, familiale, sociale, professionnelle, etc …), tandis que la discrimination à raison de la non appartenance à une nation est susceptible d'englober toutes les différences inhérentes à la nationalité que la convention de l'ONU a précisément voulu exclure. Enfin la notion « d'appartenance à une religion » est une énormité philosophique et juridique contraire à tous les textes qui affirment la liberté de conscience ainsi que le droit de choisir sa religion et d'en changer. On adhère à une religion, on ne lui appartient certainement pas ! Il y a assurément des relents de pensée réactionnaire anti-libérale dans cet usage malencontreux du mot « appartenance », en contradiction avec le principe révolutionnaire d'auto-détermination.

Mais le militantisme communautaire et l'obsession anti-discriminatoire ont progressivement obtenu du législateur français, de plus en plus complaisant à l'égard de ses différentes clientèles, le rajout à ces dispositions d'un chapelet hétéroclite et infini de catégories bariolées. Aux critères de l'appartenance ethnique, nationale, raciale et religieuse ont ainsi été rajoutés : l'origine, le sexe, la situation de famille, l'apparence physique, le patronyme, l'état de santé, la grossesse, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l'orientation sexuelle, l'âge, les opinions politiques, et les activités syndicales !
L'activisme du législateur ne s'est même pas arrêté là et s'est encore étendu à la procédure juridictionnelle elle-même. Invité en cela par des directives communautaires, il a consacré, en droit social, civil et administratif, la notion de discrimination indirecte qui vise le cas où « une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier » pour des personnes d'une race, d'une religion, d'un âge, d'une orientation sexuelle etc … donnés. Il ne s'agit donc pas ici de sanctionner des discriminations intentionnelles mais seulement les effets discriminatoires involontaires de certains critères. L'imposition de certains horaires de service sera, par exemple, considérée comme dissuasive et donc discriminatoire pour les femmes ou pour les adeptes de certaines religions. En outre, le législateur a aussi, toujours sur prescription des normes européennes et suite aux revendications des associations qui se plaignent sans cesse de ce que les victimes de discriminations auraient des difficultés à en apporter la preuve devant les tribunaux, inversé la charge de celle-ci en matière de discriminations indirectes comme directes. En cas de litige, en effet, la personne se prétendant victime d'une discrimination se borne à présenter les faits laissant supposer l'existence de celle-ci. Il incombe alors à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le Conseil constitutionnel, saisi de la loi dite « de modernisation sociale », a cependant jugé, dans sa décision n°2001-455 DC du 12 janvier 2002, que l'inversion de la charge de la preuve ne s'appliquant qu'en cas de « litige » ne concernait pas la matière pénale et ne portait donc pas atteinte à la présomption d'innocence. De même la notion de discrimination indirecte ne figure pas non plus dans le Code pénal. Ces précautions du législateur, qui n'ose quand même pas introduire ces notions et procédés en droit pénal constituent, au fond, une sorte d'aveu implicite de leur caractère arbitraire.

Enfin, last but non least, le législateur a aussi cru nécessaire de venir en aide aux victimes de discriminations en permettant aux organisations syndicales représentatives au plan national ainsi qu'aux associations constituées depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations, d'exercer les actions en justice en leur lieu et place avec, selon les cas, leur accord exprès ou tacite.
Les délits de presse constitués par les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence ainsi que les injures et diffamations sont cependant longtemps restés cantonnés aux seuls cas visés en 1972 c'est-à-dire à l'origine, l'ethnie, la nation, la race et la religion. Mais le Code pénal a quand même également permis aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant par leurs statuts de combattre le racisme ou d'en assister les victimes d'exercer les droits reconnus à la partie civile c'est-à-dire de déclencher l'action pénale.

La loi du 30 décembre 2004 portant création de la Halde et pour l'égalité marque un pas supplémentaire dans l'escalade des délits d'opinion tout en cherchant apparemment à ralentir le recours au juge en matière de discrimination.

II . LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 2004 CRÉANT LA HALDE ET POUR L'ÉGALITÉ

La loi du 30 décembre 2004 est issue de deux projets de loi initiaux finalement réunis en un seul, l'un créant la Halde et l'autre tendant à « lutter contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe ». Ces deux aspects seront envisagés successivement

1° La création de la haute autorité de lutte contre les discriminations

A priori la création d'une autorité administrative indépendante dans un domaine quelconque contrarie le phénomène de judiciarisation puisqu'elle invite à s'adresser à une autorité administrative plutôt que judiciaire. Cependant, cette nouvelle autorité peut aussi être intégrée dans le circuit juridictionnel en étant conduite à saisir ou informer le juge ou à intervenir au cours du procès, de telle sorte qu'elle peut contribuer à la fois à limiter la judiciarisation et à la rendre plus efficace.

Tel est exactement le cas de la Halde. Elle peut être saisie par toute personne qui s'estime victime de discrimination, directement ou par l'intermédiaire d'un parlementaire national ou européen. Elle peut aussi se saisir d'office ou l'être par une association déclarée depuis au moins cinq ans pour combattre les discriminations ou en assister les victimes. La saisine de la haute autorité n'interrompt ni ne suspend cependant les actions civiles et pénales et les recours administratifs et contentieux. La haute autorité peut mener une enquête et entendre toute personne utile. Ses agents peuvent être habilités par le procureur général à procéder à des vérifications sur place. En cas de silence elle peut mettre en demeure les personnes intéressées et saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction qu'il juge utile.

Selon l'article 7 de la loi, la Halde « assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier et l'aide à identifier les procédures adaptées à son cas, elle peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation ». Elle peut également « formuler des recommandations » qui peuvent être rendues publiques tendant à remédier ou prévenir les pratiques discriminatoires et peut aussi établir un rapport spécial publié au Journal Officiel.

Lorsqu'il apparaît à la haute autorité que les faits considérés sont constitutifs d'un crime ou délit, elle en informe le procureur de la République qui l'informe à son tour des suites données à ses transmissions.
L'article 13 de la loi précise, en outre, que les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. Dans les mêmes conditions, les juridictions pénales peuvent, à la demande de la haute autorité, l'inviter à présenter des observations, y compris à les développer oralement au cours de l'audience.

A part cela, la haute autorité mène des actions de communication et d'information, met en place des programmes de formation, conduit et coordonne des études et recherches, soutient de initiatives publiques et privées, identifie et promeut les bonnes pratiques, recommande des modifications législatives et réglementaires, est consultée par le gouvernement sur tout projet de loi ou toute question relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité, etc…

On le voit donc, son positionnement vis-à-vis de la judiciarisation est ambigu : elle peut être à la fois dissuasive de l'action judiciaire et auxiliaire de celle-ci. Certains juristes voient avec regret dans la loi de 2004 et le pouvoir de transaction de la Halde une « marginalisation délibérée de la composante pénale du droit de la non-discrimination alors que c'est dans le prétoire que le refus de l'arbitraire devrait livrer et gagner son combat par le droit » (5). Ne partageant pas ce que Philippe Muray appelait « l'envie du pénal » (6) ni cet engouement très soviétique pour la répression, j'aurais plutôt tendance, personnellement, à me réjouir du désencombrement des tribunaux et de la limitation du gouvernement des juges, mais je ne suis pas certaine que la Halde et l'esprit de délation - la « fièvre cafteuse » dirait encore Muray - qui l'anime marque un recul réel du maccarthysme ambiant.

La loi de 2004 ne contient cependant pas que les dispositions relatives à la Halde et apporte la cerise sur le gâteau en matière de judiciarisation de la pensée.

2° La répression des propos homophobes, sexistes et handiphobes

On a vu que le législateur avait eu la sagesse minimale de limiter l'envahissement communautaire aux discriminations proprement dites et non aux délits d'opinion restés cantonnés jusqu'à présent au cas du racisme élargi. Seule la loi Gayssot du 13 juillet 1990, réprimant la négation de la Shoah (article 24 bis de la loi sur la presse) devait faire exception à cette sagesse et amorcer malheureusement l'engrenage actuel des lois dites « mémorielles » accompagnées de revendications d'incrimination pénale, notamment de la négation du génocide arménien ou de l'esclavage transatlantique.

La loi du 30 décembre 2004 rompt malheureusement avec la sagesse précédente et franchit un pas qualitatif et quantitatif supplémentaire dans l'escalade liberticide.

Le projet de loi, tendant à réprimer les provocations à la haine, à la violence et à la discrimination ainsi que les injures et diffamations commises à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle (7), avait fait l'objet de critiques sévères de la part du Conseil d'Etat et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).

Cette dernière avait d'abord, dans son avis d'assemblée plénière du 18 novembre 2004, tenu à rappeler l'importance primordiale de l'universalité des droits de l'homme et émis des réserves sur la multiplication de catégories de personnes dotées d'une protection juridique spécifique. Elle indiquait avec prémonition que « favoriser les lois de circonstance ne pourra que réduire les droits et les libertés de tous » et ajoutait que si l'Etat doit assurer la protection des personnes vulnérables, il n'était pas établi que tel soit le cas des homosexuels. Surtout, la commission s'inquiétait des modifications incessantes de nature à altérer les principes de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et constatait que le projet de loi en cause était « à contre-courant », non seulement de ses précédents avis dénonçant les peines d'emprisonnement pour les délits de presse, mais encore de l'évolution des législations étrangères sur la liberté d'expression ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle concluait : « pour toutes ces raisons, la CNCDH estime que le projet de loi doit être retiré ».

A cet avis négatif s'ajoutaient les inquiétudes des journalistes et de la Fédération nationale de la presse française ainsi que les protestations des représentants des grandes religions, voyant soudainement leurs commandements érigés en délits par la loi française.

Pris en étau entre ces condamnations lucides et le harcèlement du lobby homosexuel auquel le président de la République avait fait des promesses électorales inconsidérées dans un entretien accordé en mars 2002 au journal Têtu, le gouvernement semblait incapable de faire raisonnablement marche arrière. Il faut aussi rappeler que l'on avait présenté le texte comme une réaction urgente à la prétendue agression criminelle dont aurait été victime un certain Sébastien Nouchet « brûlé vif pour homophobie », au partenaire duquel le chef de l'Etat avait cru nécessaire d'adresser une lettre compassionnelle, interprétée par les médias comme un signe de reconnaissance présidentielle du couple homosexuel. La suite des évènements devait cependant montrer que le président de la République avait, une fois de plus, anormalement manqué de prudence, puisqu'on ne trouvât pas plus de trace de l'attentat homophobe que de l'agression antisémite de Marie L. dans le RER D (8) !

Le gouvernement a donc feint de « concilier » ces prétentions antagonistes en transformant le projet de loi critiqué en amendements au texte portant création de la Halde et en ajoutant les handicapés à la liste pour ne pas donner l'impression d'obéir aux seuls « khmers roses » (9).

Les défenseurs du texte avancèrent que l'on avait limité le délit de provocation à la discrimination aux seules discriminations économiques et sociales prohibées par le Code pénal, de telle sorte que le texte n'interdirait pas d'émettre des jugements de valeur, de philosopher et de débattre sur des questions de société. On peut donc affirmer sans hésiter que les travaux préparatoires manifestent sans équivoque la volonté du législateur de ne point empêcher d'argumenter librement sur les questions de mœurs.

Il n'était pourtant pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que cette limitation concernant la seule provocation à la discrimination ne pouvait avoir les effets libéraux escomptés. Il est parfaitement évident, en effet, qu'une personne hostile, par exemple, à l'extension du mariage et de l'adoption aux homosexuels, doit pouvoir non seulement affirmer sa position mais l'expliquer et l'argumenter librement et démocratiquement. Or, il est non moins évident que les motifs invoqués à l'appui de son hostilité seront toujours dépréciatifs et donc jugés attentatoires à leur dignité par les associations d'homosexuels, qui se plaindront dès lors systématiquement devant les tribunaux de provocation à la haine ou d'injure homophobes. En d'autres termes, le législateur permet d'approuver certaines discriminations mais interdit cependant d'exprimer les raisons de cette approbation.

Cette hypocrisie avait été parfaitement repérée par certains parlementaires et notamment le député Jean-Paul Garraud qui avait fait adopter, en commission, un amendement réservant la constitution de partie civile aux seules associations déclarées d'utilité publique de façon à éviter une avalanche de procès. Cet amendement a cependant été supprimé en séance publique. Il faut bien admettre que le principal vecteur de la judiciarisation sociétale et du rétablissement de la censure en France résulte de la folle manie du législateur de délivrer à n'importe quelle association hystérique se proposant de « lutter contre » une phobie quelconque et déclarée depuis simplement cinq ans, le pouvoir exorbitant de déclencher l'action pénale. Ce constat n'a cependant pas dissuadé le ministre Dominique Perben de déclarer, contre toute évidence mais avec force clientélisme, « Comment prétendre que l'action des associations serait l'expression d'un communautarisme ? »

Bien entendu, il ne s'est trouvé aucun président d'assemblée, ni soixante députés ou sénateurs, pour déférer au Conseil constitutionnel ce texte juridiquement contestable à plus d'un titre (10). Outre l'atteinte manifeste à la liberté d'expression, la loi en cause accorde encore de nouveaux privilèges à des groupes au mépris du principe d'égalité devant la loi et de la jurisprudence constante du Conseil. Celui-ci devrait également être appelé à se prononcer sur la privatisation croissante des poursuites pénales et la communautarisation de l'action publique auxquelles procède de plus en plus systématiquement le législateur. Le président du Sénat s'était illustré, en 1971, en saisissant le Conseil constitutionnel pour protéger la liberté d'association, il ne serait pas inutile que l'on se soucie aujourd'hui de calmer l'usage dévoyé et liberticide de l'outil associatif.

Quoiqu'il en soit, les parlementaires opposés au texte avaient vu juste puisque l'un d'entre eux allait immédiatement faire les frais de ce nouveau texte dans des conditions particulièrement choquantes.
Lors du débat sur le texte, à l'Assemblée nationale, le député Chistian Vanneste (UMP) avait manifesté son opposition au dispositif en considérant qu'un comportement choisi devait toujours pouvoir être critiqué. Il avait ajouté « L'introduction même de l'idée d'homophobie tend à accréditer que le comportement homosexuel aurait la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour la survie de l'humanité ». Des associations homosexuelles ayant organisé une manifestation contre ces propos dans la circonscription du député, celui-ci fût invité à s'expliquer dans la presse locale en janvier 2005. Il a, bien entendu, réitéré et explicité le jugement de valeur exprimé dans l'hémicycle et, comme il fallait s'y attendre, a aussitôt fait l'objet de poursuites devant le Tribunal correctionnel de Lille, par les associations SOS Homophobie, Act-up Paris et le Syndicat national des entreprises gaies. Les poursuites, fondées sur le chef d'injure publique envers un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle, donnent rétroactivement entièrement raison aux préventions du député Jean-Paul Garraud.

Le tribunal a condamné Christian Vanneste le 24 janvier 2006 à une amende de 3000 euros, aux termes d'un jugement partial, oublieux du principe d'interprétation stricte de la loi pénale et refusant de s'inspirer des travaux préparatoires de la loi pour en apprécier la portée. Les termes de l'avis de la CNCDH ainsi que de l'arrêt Handyside, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme en 1976, ont été délibérément tronqués par le Tribunal dont l'argumentation médiocre témoigne, une fois de plus, de la faiblesse de la formation théorique et constitutionnelle de certains magistrats français.

En particulier, on lit avec stupéfaction dans le jugement la phrase suivante : « En l'espèce, le préjudice est important d'autant plus que la position d'élu de M. Christian Vanneste a donné à ses propos réitérés un caractère retentissant » ! Manifestement, les magistrats de Lille n'ont jamais lu ni compris l'article 26 de la Constitution puisque, non seulement ils n'en tiennent pas compte pour atténuer la responsabilité pénale d'un parlementaire, mais ils la considèrent benoîtement comme une circonstance aggravante.

La Cour d'appel de Douai a confirmé le jugement de première instance par un arrêt du 25 janvier 2007 quasiment dépourvu de motivation où elle procède par affirmation sans démonstration.
Le plus choquant de l'affaire aura sans doute été l'attitude des dirigeants de l'UMP qui ont non seulement « laissé tomber » leur collègue mais même promis au lobby homosexuel de lui refuser l'investiture aux législatives.

S'il y avait une suggestion à faire à un futur président de la République qui se prétendrait libéral et républicain, ce serait de supprimer la possibilité exorbitante reconnue aux associations de déclencher l'action pénale et d'exciter ainsi dans les prétoires les passions et détestations intercommunautaires au mépris des libertés élémentaires.

Il faut bien admettre que tous les principes libéraux du droit répressif, de la présomption d'innocence, à la charge de la preuve, en passant par le secret de l'instruction, l'interprétation stricte de la loi pénale, l'immunité parlementaire, la proportionnalité des peines, ou la règle selon laquelle le doute bénéficie à l'accusé sont aujourd'hui altérés et méprisés au nom des droits des groupes et de leur prétendue dignité. La judiciarisation est devenue le principal vecteur d'un communautarisme que les décideurs politiques prétendent vouloir combattre, mais qu'ils encouragent cependant par leur arsenal législatif.
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1/ Philippe Muray, Désaccord parfait, Gallimard, 2000, p.183
2/ Philippe Muray, Exorcismes spirituels III, Les belles lettres, 2002, p. 349
3/ Guy Carcassonne, Devoir de mémoire et droit à la sensiblerie, Frontières du droit, critique des droits - Billets d'humeur en l'honneur de Danièle Lochak, LGDJ, 2007, p. 171
4/ Andrée Lajoie, Quand les minorités font la loi, PUF, Les voies du droit, 2002
5/ Gwnéaële Calvez, Répression des discriminations : l'adieu aux armes, Billets d'humeur en l'honneur de Danièle Lochak, précité, p. 45
6/ Désaccord parfait, précité, p. 183
7/ Les injures et diffamations à caractère sexiste n'étaient toutes fois pas sanctionnées dans le texte initial
8/ L'Express, 23 décembre 2005, L'énigme Nouchet
9/ François Devaucoux du Buysson, Les khmers roses - Essai sur l'idéologie homosexuelle, Editions Blanche, 2003
10/ Bertrand Mathieu, précité
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 15:35   Re : Judiciarisation et discrimination
Tout ce jargon pénalophile est effrayant.
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 16:34   Re : Judiciarisation et discrimination
Bon, je n'aime pas beaucoup cette Anne-Marie Le Pourhiet et encore moins cet homophobe de Vanneste. Mais, objectivement, sa condamnation est choquante. Ce d'autant qu'un député s'exprimant à l'assemblée devrait avoir le droit de dire ce qu'il veut et bénéficier d'une immunité absolue.
Voilà les propos - stupides selon moi,mais assurément pas de nature à justifier une condamnation pénale - tenus lors des débats parlementaires :

"M. Christian Vanneste - Ce qui est en jeu, c'est à la fois la liberté d'expression et le principe d'égalité, car l'inégalité que vous instaurez devant la loi conduit au communautarisme. Vous mentionnez la lutte contre le sexisme et la lutte contre l'homophobie comme s'il s'agissait de choses comparables. Tel n'est pas le cas ! Il est bien évident que les inégalités que nous devons combattre s'appliquent à des états subis, non à des comportements choisis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Bloche - C'est honteux !

M. Christian Vanneste - Un comportement choisi peut toujours être l'objet de critiques, et nous sommes plusieurs à penser que celui qui est en question n'est pas le plus utile à la société ! On peut certes penser qu'une protection momentanée doit être accordée à certaines personnes victimes de discriminations, dans une visée pédagogique et en attendant que le comportement global de la société se rectifie, mais cet argument n'est pas admissible pour les comportements choisis ! Ou alors, Georges Orwell aurait eu raison : dans notre société, certains seraient plus égaux que les autres ! En quoi un comportement qui peut être jugé critiquable serait-il privilégié par rapport à d'autres ? Et celui que vous visez peut légitimement faire l'objet de critiques, non seulement au nom de l'intérêt social, mais aussi au nom de l'universalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Un jugement de valeur est universel s'il est fondé sur l'impératif catégorique de Kant : agis toujours selon une maxime qui peut être érigée en principe universel. Manifestement, l'homosexualité ne le peut pas, à moins de vouloir le suicide de l'humanité !

M. Patrick Bloche - C'est honteux !

M. Christian Vanneste - C'est simplement logique ! Vous êtes en train, pour lutter contre la discrimination, de défendre une séparation entre les sexes ! C'est complètement absurde ! L'idée même d'homophobie tend à accréditer l'idée que le comportement homosexuel a la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour la survie de l'humanité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous devriez écouter la vérité dans un silence respectueux...

Ce texte de loi est donc un contresens, illustré par le terme même d'homophobie : « détester le même ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Voulez-vous créer un troisième genre, qui aurait une égalité d'existence et de droits avec les deux autres, qui contribuent eux à la perpétuité de l'humanité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)"
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 16:41   C'est tonteux !
Il est bien ce Patrick Bloche. On peut en mettre un sur sa cheminée ? Et il tire combien de coups à la minute ?
Citation
Bon, je n'aime pas beaucoup cette Anne-Marie Le Pourhiet et encore moins cet homophobe de Vanneste

Cher Corto,

Il ne s'agit pas de savoir si on aime ou on aime pas Pierre ou Paul mais de décider si les arguments juridiques avancés par Mme Le Pourhiet sont solides ou pas. Vous êtes avocat et avez des connaissances en droit constitutionnel. Est-ce que la démonstration de ce professeur est correcte?

Quand à Vaneste je ne comprends pas pourquoi les sociétés de vertus homosexuelles ne font pas montre de plus de libéralité. On met un instrument juridique entre leurs mains et la première chose qu'elles font c'est de s'en servir et d'oublier que pendant très longtemps ce sont les homosexuels eux-mêmes qui ont été soumis à la vindicte publique et aux poursuites pénales.
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 19:47   Re : Judiciarisation et discrimination
Mais enfin, pardonnez-moi de mettre les deux pieds dans le plat, mais en quoi exactement ce que dit ce Vaneste (que je ne connais pas) est-il tonteux ?
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 19:57   Re : Tonteux
L'idée même d'homophobie tend à accréditer l'idée que le comportement homosexuel a la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour la survie de l'humanité.

Oui, franchement, on se demande pourquoi on en fait tout un plat !
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 21:44   Re : Oui, non, peut-être
Vous avez raison, cher Rogémi et j'ai essayé de prendre une position aussi objective que possible en ce qui concerne la condamnation du député Vaneste.

Pour le reste, une détermination objective et circonstanciée sur les arguments d'Anne-Marie Le Pourhiet nécessiterait de faire un important travail de vérification de chacune de ses affirmations,. Je manque singulièrement de temps pour cela. De plus, n'oubliez pas, cher Rogémi, que le droit constitutionnel, souvent fort concis, nécessite un important travail d'interprétation, et même de concrétisation, qui n'est jamais neutre : les valeurs et les préconception de l'interprète influent, plus que dans d'autres domaines du droit, sur le sens et la portée qui peut être donnée à une déclaration aussi brève que, par exemple : La liberté d'expression est garantie. Le juge, notamment le juge constitutionnel, fait un travail de nature créatrice, lorsqu'il précise le contenu et les limites d'une telle liberté. On sait bien que, dans une cour constitutionnelle, les décisions se prennent le plus souvent à la majorité et que rares sont les décisions unanimes. En définitive, le contenu d'une liberté résulte souvent d'un consensus résultant, d'une part, de la volonté du législateur qui peut, avec une loi, fixer les intérêts publics susceptibles de limiter l'exercice d'une liberté et le contrôle du juge constitutionnel qui peut approuver ou défaire tout ou partie du travail du législateur. Personne n'a donc, en définitive, tort ou raison. Mais, il y a, à un moment donné, une interprétation qui l'emporte. c'est celle de l'organe qui est appelé, par la constitution d'un pays, à trancher en dernier lieu (sous réserve, naturellement, de la possibilité de contester l'ultime interprétation nationale devant une autorité judiciaire internationale).
Utilisateur anonyme
22 mai 2008, 21:45   Re : Oui, non, peut-être
C'est la bêtise, la vraie menace, cher Alexis, mais s'il fallait pénaliser la bêtise....
Pardonnez-moi de déplacer un peu certains détails de cette question du domaine du droit à celui de la philosophie, mais je me demande si une "orientation sexuelle" est un comportement choisi? Et si l'on répond par la négative, si tant est qu'on puisse donner une réponse nette à cette interrogation, il me semble que cela dégonflerait déjà certains des arguments de ce M. Vaneste, non?
Cela dit, entièrement d'accord avec Corto lorsqu'il dit qu'un député s'exprimant à l'Assemblée devrait pouvoir dire ce qu'il veut et bénéficier d'une immunité absolue.
Mais, comme souvent dans ces conflits où l'idéologie et le pénal s'embrassent furieusement, les uns comme les autres semblent prendre un malin plaisir à outrer propos, attitudes, partis pris et réactions. Ce qui fait qu'on a envie de renvoyer tout le monde dos à dos.
Utilisateur anonyme
23 mai 2008, 10:20   Re : Oui, non, peut-être
Mais, Corto, il faut bien que quelqu'un se dévoue ici pour être un peu bête, non ?
Citation
On sait bien que, dans une cour constitutionnelle, les décisions se prennent le plus souvent à la majorité et que rares sont les décisions unanimes

Il est évident que les questions constitutionnelles sont très délicates mais les dérives actuelles sont dûes au fait que les juges comme les parlements d'ailleurs se laissent contaminer par le Zeitgeist au lieu de garder une saine et raisonnable distance vis à vis des changements accélérés des us et coutumes.
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