Jean Clair n'a pas fait "volte-face", quoi qu'en dise ce journaliste. Il aime l'art moderne ou d'avant-garde (avec quelques réserves sur Picasso), dans la mesure où cet art est ou reste de l'art, s'inscrit dans une histoire ou dans un grand récit historique avec étapes, ruptures, innovations : de l'art, c'est-à-dire du savoir-faire, du métier, de la technique et aussi de la pensée et de la culture. En conséquence de cela, Clair s'oppose à l'art dit "contemporain", qui rompt avec le moderne ou tien le moderne pour caduc et qui rompt même avec l'art : c'est la fin de l'art (cf. les ouvrages lumineux d'Artur Danto, philosophe, critique d'art et spécialiste d'esthétique), fin du métier, du savoir-faire, de l'histoire de l'art et même du passé, et surtout abolition du grand récit dans lequel les formes successives raconte l'histoire. Le musée n'est plus qu'un réservoir de "propositions théoriques", parmi lesquelles "l'artiste" en choisit deux ou trois, un tableau du XVIIe siècle, des meubles contemporains, des objets manufacturés, qu'il imite, plagie ou recopie, tout en ajoutant à des éléments de ce tableau des formes du mobilier contemporain ou des fragments d'objets manufacturés. La raison d'être du musée, de l'histoire de l'art, de l'art est de fournir des formes, des couleurs, des personnages, des paysages, que l'artiste contemporain réarrange à sa manière. Autrement dit, il n'y a plus de passé, plus d'histoire - mais du présent perpétuel. La transformation des musées en zones piétonnières pour touristes oisifs est en harmonie avec ce triomphe du "contemporain".