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Emmanuel Todd - Le destin des immigrés

Envoyé par Gérard Rogemi 
Je viens de trouver sur un blog "identitaire" un excellent compte-rendu du livre d' Emmanuel Todd LE DESTIN DES IMMIGRES..

Ce livre est à mon avis incontournable et le meilleur jamais écrit sur la question et cela en dépit des réserves que j'ai exprimé, ici, à plusieurs reprises sur les travaux plus récents d'E. Todd.

Et comme le dit assez bien l'auteur de l'article:

Cela dit, en dépit de ses limitations, le propos de Todd est vraiment, 15 ans après, plus que jamais d’actualité. Il permet de dessiner à gros traits une véritable compréhension pragmatique et cohérente en matière d’immigration, c'est-à-dire une compréhension qui prenne en compte la nature des peuples concernés, leurs essences respectives – plus ou moins proches, plus ou moins compatibles. Lire Emmanuel Todd, c’est sortir du discours désincarné et absurde sur « les immigrés », « les Français de souche », « les musulmans », « les Noirs », « les Blancs ». C’est comprendre la complexité extraordinaire du réel, que nous masquent en temps ordinaire ces catégories convenues, mais trompeuses.

Pour lire le compte-rendu dans son intégralité

Deux extrais qui devraient aussi retenir l'attention d'Obi Wan.

"Emmanuel Todd a organisé sa réflexion autour d’une opposition théorique entre universalisme et différentialisme.

Il définit l’universalisme comme l’idée selon laquelle les hommes et les peuples sont jugés équivalents. La notion d’équivalence n’est pas clairement définie, mais Todd l’explicite par la description des attitudes mentales qu’il associe à l’universalisme. L’universalisme s’interdit de valoriser les différences, il les assimile à des retards.

L’universalisme n’est pas tolérant, contrairement à l’idée reçue. Dans la logique universaliste, toute différence objective peut et doit être résorbée par la marche du progrès. Cependant, l’universalisme n’est pas nécessairement intolérant : s’il se heurte à une culture possédant une véritable supériorité sur un plan donné, l’universaliste s’approprie cette culture sur ce plan. En fait, les catégories tolérance / intolérance ne rendent pas compte de la logique universaliste. Ce sont des catégories en elles-mêmes porteuses d’une vision différentialiste. L’universaliste, c’est celui qui croit fondamentalement que l’humanité est une, et qu’elle n’a qu’un destin, dans lequel il doit se fondre de bon gré.

Todd identifie comme grands universalismes occidentaux historiques : Rome (droit de cité octroyé à tous les hommes libres de l’Empire au III° siècle), l’empire espagnol (reconnaissance de l’âme des indiens par l’Eglise catholique), la Révolution Française (le citoyen libre et égal, prototype de l’humanité future), le communisme (l’homo sovieticus, égal mais pas libre). Il reconnaît également un universalisme chinois (le barbare peut être sinisé) et musulman (existence d’une essence humaine universelle, appelée à converger vers l’Oumma musulmane). Romains, Espagnols, Chinois, Français, Arabes, Russes : peuples universalistes.

Emmanuel Todd identifie également plusieurs différentialismes, d’ailleurs très différents les uns des autres : Athènes (modèle de la Cité Etat fondée sur le droit du sang), l’Allemagne (principe ethnique), Japon (nation famille), Pays Basque (survivance historique), Anglo-saxon (différentialisme non polarisé, c'est-à-dire reconnaissance universelle d’un droit à la différence), indien (modèle extrême de différentialisme social par système de castes), juif (polarisation inversée, le groupe se différencie par le déclassement).

Observant les modèles familiaux des divers peuples en question, Emmanuel Todd constate que les peuples universalistes admettent un principe d’égalité entre les frères (parfois entre les frères et les sœurs), alors que les peuples différentialistes admettent au contraire un principe d’inégalité. Il remarque aussi la cohérence entre les différentialismes et la nature de l’inégalité assumée dans le cadre familial : le droit d’aînesse strict à l’Allemande ou à la Japonaise fabrique des différentialismes de supériorité, le libre choix des parents qui décident à quel enfant ils lèguent la propriété familiale fabrique un différentialisme anglo-saxon souple et fluide..../...



.../... Ainsi, l’égalité américaine n’est que l’égalité des élus entre eux. On retrouve d’ailleurs des structures proches dans l’Afrique du Sud de l’apartheid : démocratie des Blancs entre eux. L’égalité des Blancs satisfait l’idée de prêtrise du croyant, l’inégalité avec les Noirs satisfait le principe d’élection. C’est la reproduction du modèle athénien : ethnodifférentialiste mais démocratique.

La ségrégation des Noirs est indispensable à la cohésion du monde blanc américain. Todd fait remarquer que dans les régions sans Noirs touchés par l’immigration asiatique, les Jaunes étaient jadis tenus jadis à l’écart ; dès que des Noirs sont arrivés, les Jaunes ont été « blanchis ». Dès lors que les Blancs pouvaient percevoir une différence majeure avec les Noirs, ils n’avaient plus besoin de « différencier » les Jaunes.

Ce différentialisme américain est inconscient. Il est refoulé derrière un universalisme conscient. Exemple frappant : avant la guerre de sécession, les abolitionnistes croyaient en l’égalité des Blancs et des Noirs, mais s’ils étaient suivis par les populations du Nord, c’était surtout parce que celles-ci, en interdisant l’esclavage dans les nouveaux états, espéraient éviter la propagation des Noirs.

Pour Todd, l’universalisme américain de façade sert à dissimuler un différentialisme hypocrite. Et c’est, juge-t-il, ce qui explique qu’aujourd’hui, alors que les Noirs sont devenus des lettrés, comme les Blancs, ils restent à part. L’obstacle de l’apparence physique est indépassable selon l’esprit américain.

Todd estime que c’est cette aberration – des Noirs éduqués comme des Blancs mais tenus à l’écart d’une société restée blanche – qui explique la désintégration effarante de la population noire. Cette population en vient à s’auto-stigmatiser pour reconstruire un sens à son aliénation. La désintégration du modèle familial est absolue. Niés comme hommes, les Noirs ont disparu comme pères. La proportion de mères isolées atteint, dans certains ghettos, des chiffres incroyables, au point que le modèle « matrifocal » est devenu la norme, comme pour caricaturer le système de plus en plus matrilinéaire qui imprègne l’ensemble de l’Amérique.

Cet effondrement noir est, pour Todd, indispensable à l’équilibre des USA. Il faut que le Noir soit stigmatisé, pour que les non noirs soient égaux. Todd fait remarquer que le moment où la ségrégation a effectivement semblé devoir disparaître, dans les années 60, fut aussi celui où apparut le discours multiculturaliste – un discours qui, sous couvert de tolérance, détruit les fondements de l’universalisme américain. Le multiculturalisme apparaît au fond comme une pensée ségrégationniste, inversée pour rester acceptable.

L’ethnicité revient dans l’esprit américain quand le Noir acquiert à l’égalité : il faut un nouveau moyen de combler le désir de différence. C’est alors que le féminisme rend les femmes ontologiquement différentes des hommes. C’est alors qu’en passant de Martin Luther King aux black panthers, les Noirs, d’eux-mêmes, s’enferment dans la différence.

Ce multiculturalisme, inventé par l’Amérique pour soigner sa pathologie latente, est en train de se retourner contre elle. Il risque en effet d’interdire l’assimilation des Mexicains, un problème qui pourrait un jour poser de vrais problèmes aux USA. Pour Emmanuel Todd, compte tenu de leur système anthropologique, les latinos étaient à peu près aussi facilement assimilables que les Italiens. Mais comme ils sont appuyés sur une vraie culture, vraiment structurée, ils peuvent loger cette vraie culture dans le modèle de fausse culture multiculturaliste, et ainsi créer une vraie différence, vraiment structurante.

Et les latinos sont en train de devenir majoritaires dans certains Etats, et il n’est pas certain qu’ils feront globalement le choix de l’assimilation…/
Les hispaniques sont un vrai pont-aux-ânes de la comparaison entre l'Europe et les Etats-unis.

On oublie que ce pays a toujours été tolérant envers ses minorités linguistiques, certaines aires étant d'ailleurs, de tout temps, d'une autre langue que l'anglais (parties de la Louisiane, grandes parties du Texas, du Nouveau-Mexique, de l'Arizona et de la Californie).

Des villes comme Nogales ou Laredo n'ont jamais été majoritairement de langue anglaise, et la capitale du Nouveau-Mexique, Santa Fe, compte près de la moitié de sa population d'origine hispanique. Notez que Santa Fe est la plus vieille ville des Etats-Unis, et fut plus longtemps espagnole qu'elle n'a été, de façon cumulée, mexicaine ou américaine.
Utilisateur anonyme
13 juin 2008, 17:36   Re : Emmanuel Todd - Le destin des immigrés
Rogémi, j'achète ce livre bien sûr. Emmanuel Todd, malgré sa ligne idéologique, est en effet un précieux remueur d'idées, un iconoclaste qui laisse paradoxalement à l'esprit une grande liberté pour s'exercer et des gisements de découvertes à faire. Cela s'annonce passionnant en effet ! Merci !
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