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Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"

Envoyé par Thierry Noroit 
Pour le christianisme, Jean, faites comme ma grand'mère. Ne comprenez pas, croyez.
Pourriez-vous, Francis Marche, m'indiquer qui est le ptérosaure de Pologne ? Et qui "le pélican des Açores" ?
(Cela dit, vous vous trompez, je n'ai ni bagnole ni enfants, moi c'que j'pense, quand j'erre sans but, c'est plus : "wah, trop bonne la meuf !" ou bien "que va-t-il arriver au Dr House ?" - c'est vrai que c'est pas tellement mieux...)
Jean-Marc, j'essayais justement de paraphraser, je vous assure, lors de ma première intervention. Quant au christianisme, c'est pas h'évident quand on reprend tout depuis le début, n'ayant jamais été baptisé à plus de vingt ans, et ce ne sont pas les messes d'aujourd'hui qui vous insufflent le plus efficacement la foi !
Rien de cela cher Jean. Votre lecture de Pascal est passionnante. Et mon dernier message n'était motivé par nulle autre intention que celle de prolonger la sotie stéatosique qui l'accompagne. Certaines citations sont comme des enluminures dans ces échanges, étant où je me trouve sans livre aucun et n'ayant guère accès à ceux que je pourrais trouver en ligne, j'en suis réduit à citer des auteurs imaginaires et grotesques pour vous accompagner. La perception qu'a Lesquis de l'oeuvre de Pascal et de la personnalité de son auteur pourrait être convaincante mais je la crois superficielle. Je vous sais gré de rappeler que Pascal est un auteur très difficile, et suis au nombre de ceux qui souhaitent continuer de vous lire sur ce sujet, et bien entendu sur d'autres.
"L'observateur, même le plus avisé, est souvent victime de ses propres observations et en tire d'étranges conclusions. Un soir, au bar du Massilia, chez Franck, à Belem, je discutais dans la moiteur amazonienne avec un vieux Français expatrié qui s'émerveillait de la pudeur des prostituées brésiliennes. Il me déclarait que les "piranhas" du Bar do Parque, praça da Republica, où le chopp est glacé après l'averse, exigeaient toujours, ces belles femmes, que l'acte fût accompli dans le noir et par derrière, sans doute pour qu'on ne puisse voir leur visage". Uma viagem pela Amazônia, par Alonzo Bobinar, Rio de Janeiro, 1948.

Je complète, Francis, votre catalogue. Transmettez mes amitiés au Tonlé-Sap.
Merci, cher Francis Marche, de vos précisions.
Celui qui a écrit ça s'appelle vraiment Bobinar, Jean-Marc ? Vous me comblez là.

Tonlé Sap: merci pour lui, je n'y manquerai pas. Il est très "gros" en ce moment et certains de ses poissons et anguilles nagent par nos chemins et nos rues.
Citation
Jean
Ne pensant jamais par moi-même, étant délivré de ce "prurit", mais toujours par d'autres, qui pensent mieux, je ne vois pas comment m'abstenir de citer...

Jean, bien qu'il me soit arrivé de critiquer légèrement monsieur Finkielkraut dans un fil dont j'ai oublié le nom, je me souviens qu'il dit un jour dans un entretien quelque chose de très pertinent, avec un ton des plus solennels : « Le passé est aussi constitué de gens qui vous regardent et devant qui l'on doit bien se tenir... »

J'ajouterai à cela : ...et dont il est louable de rappeler les paroles lorsque l'on les juge justes.
J'ai beaucoup d'estime pour Finkielkraut, Henri, j'aime beaucoup la phrase que vous rapportez et qui me fait penser à ce que disait un penseur allemand du XIXe siècle dont le nom m'échappe, Frédéric Quelque Chose, de ce qu'il appelait histoire monumentale : se rapporter au passé en y voyant la preuve que la grandeur fut possible en ce monde, et tâcher de l'imiter. Hélas ! je crains que depuis les Limbes où on lui fit une place, il ne juge bien durement notre "citationite", lui qui disait je ne sais plus où se retirer loin de la fréquentation des hommes et des livres, pour ne plus entendre penser quelqu'un d'autre, ou quelque chose de la sorte. Il faut certes avoir d'abord bien lu pour que cela puisse avoir un sens...
(Le plus grand bienfait que je dois à Finkielkraut est d'ailleurs de m'avoir fait connaître Renaud Camus, par l'intermédiaire de ses Répliques, et de cela je lui suis bien reconnaissant. Internet, qu'il a entièrement raison de critiquer, n'aura pas eu que des conséquence désastreuses. Wo aber Gefahr ist...).
Citation
Jean
Hélas ! je crains que depuis les Limbes où on lui fit une place, il ne juge bien durement notre "citationite", lui qui disait je ne sais plus où se retirer loin de la fréquentation des hommes et des livres, pour ne plus entendre penser quelqu'un d'autre, ou quelque chose de la sorte.

Jean, je crains que notre citationite soit incurable... Nous sommes de ceux dont parle Nietzsche dans le fragment qui suit — de ceux-là, oui, dont la passion de la connaissance brûle l'esprit... :

« La nouvelle passion. — Pourquoi craignons et haïssons-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce que la barbarie rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le sont ? Pas du tout ! Les barbares de tous temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais notre instinct de connaissance est trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sans connaissance, ou bien le bonheur d’une illusion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous représenter un pareil état de choses ! L’inquiétude de la découverte et de la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue tout aussi indispensable que l’est, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimerait l’abandonner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être sommes-nous, nous aussi, des amants malheureux ! La connaissance s’est transformée chez nous en passion qui ne s’effraye d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même ; nous croyons sincèrement que l’humanité tout entière, accablée sous le poids de cette passion, doit se croire plus altière et mieux consolée qu’auparavant, alors qu’elle n’avait pas encore surmonté la satisfaction plus grossière qui accompagne la barbarie. La passion de la connaissance fera peut-être même périr l’humanité ! — cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. » (Aurore, extrait du fragment 429) (C'est moi qui souligne.)
Henri, merci, je n'ai jamais lu Aurore, et cette citation me paraît éclairer le début de la Deuxième considération intempestive...
Cela dit, parier de la sorte, c'est encore jouer ; c'est jouer la vie, la passion du jeu n'en est que plus dévorante.
30 juin 2011, 19:01   La fille du docteur
Je ressors ce fil du tiroir pour vous livrer un énième coup de sang "indigné" sur l'émission Répliques où Finkielkraut recevait Richard Millet. Trois semaines plus tard, Le Monde continue d'enfoncer le clou.


De la faible vue de Richard Millet sur la peau des Français


LEMONDE.FR | 29.06.11 | 09h18

Le médiateur de Radio France nous apprend, jeudi 23 juin, sur France Culture, qu'un grand nombre d'auditeurs s'est montré choqué par les propos qu'a tenus Richard Millet, écrivain français et éditeur de littérature française pour les éditions Gallimard, au micro d'Alain Finkielkraut. Faut-il prendre au sérieux ce monsieur ?

Un homme, Richard Millet, dans un RER, regarde les passagers autour de lui, voit des gens à la peau teintée ("quand je suis le seul Blanc", dit-il) et conçoit, devant leur nombre, un sentiment d'exclusion, surtout si ce sont des Arabes ("particulièrement lorsque cette population dans laquelle je me trouve est fortement maghrébine", dit-il). Peut-on prendre au sérieux un homme qui, dans un train, regarde la teinte de la peau des passagers comme un élément significatif, un élément qui le concerne, qui provoque en lui un trouble qui "fait sens", dit-il ? Un homme qui ne se pose pas de question sur ce qui construit son regard, ce qui en aiguille la lecture, la cristallise sur une appartenance ethnique, lui fait percevoir un groupe là où se tiennent des passagers de train ? Comment cet homme, écrivain, à qui l'on permet une parole publique et qui exprime une vision si faible pourrait-il être pris au sérieux ?

Alain Finkielkraut, au téléphone avec le médiateur de Radio France, a tenu à citer Claude Lévi-Strauss mettant en garde contre la banalisation du terme de "racisme", c'est-à-dire, dans la bouche de Lévi-Strauss, la théorie des races humaines. Je ne sais si la mise en garde soutient cette façon polie d'exprimer sa terreur de l'autre, du pauvre urbain, qui a toujours été moins blanc que le bourgeois, qui a toujours semblé plus étranger, plus dangereux en nombre, qui a toujours été parqué pour mieux être circonscrit, qui a toujours donné à ses enfants un prénom pas comme il faut, trop vulgaire, trop arabe, comme "Mohamed", prénom que Richard Millet juge incompatible avec la culture française, au contraire de Guénaël, ou d'Enzo, j'imagine.

[...]

Nicole Caligaris, romancière.

[www.lemonde.fr]
Utilisateur anonyme
30 juin 2011, 19:50   Re : La fille du docteur
De cabinet s'agissant de Mme Caligari(s).
C'était tentant mais je n'ai pas osé.
Citation
Florentin
C'était tentant mais je n'ai pas osé.

Allez, allez...
Pour être franc, cher Brunet, je n'ai pas su tourner la réplique. Je voulais éviter d'associer cette triste Nicole à un des films cultes du cinéma muet.
Utilisateur anonyme
01 juillet 2011, 00:26   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
Citation
Florentin
Pour être franc, cher Brunet, je n'ai pas su tourner la réplique. Je voulais éviter d'associer cette triste Nicole à un des films cultes du cinéma muet.

Ah oui vous aimez aussi? J'avoue que je ne supporte que le cinéma muet.
A lire : les réactions de quelques abonnés au Monde webmatique. Eux au moins, ils ne sont pas dupes de l'opération de "diabolisation" que tente de lancer leur journal.

Mais l'essentiel est ailleurs, à savoir dans la carrière de cette "romancière", dont on apprend qu'elle exerce ses talents dans une revue de littérature pour la jeunesse (Griffon) et que cette revue émane de la Ligue française de l'enseignement et de (ou pour) l'éducation permanente" qui finance la revue grâce aux subventions que lui prodiguent l'Etat et les collectivités publiques. L'idéologie de cette Ligue est connue. C'est l'idéologie dominante, celle des puissants, du clergé intellectuel, de l'argent facile : immigration, diversité, multiculturalisme, antiracisme (de pacotille, évidemment). Cette "romancière" a le profil type de l'intellectuelle organique des anciennes tyrannies de l'Est : elle fait partie des "organes", dont elle tient son crédit et sa légitimité, et elle obéit au doigt et à l'oeil aux injonctions des organes.
Pendant quatre-vingts ans en Union soviétique (et ailleurs, même en France), des campagnes de dénigrement et de désinformation ont été organisées par des plumitifs à la solde des organes contre des écrivains ou contre des scientifiques de haut niveau : rumeurs, mensonges, déformation des propos, insinuations, imputations (de fascisme, d'anti-soviétisme, de "racisme", etc.) Soljénitsyne en a été la cible à plusieurs reprises. Millet devrait être fier de devenir la cible de la Bête immonde.
01 juillet 2011, 09:24   Doctoresse Caligaris
Vous ne croyez pas si bien dire. Dans les films de Fritz Lang, Caligari n'était-il pas l'autre nom de la bête immonde ?
Utilisateur anonyme
01 juillet 2011, 12:04   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
Je crois en effet que Kracauer fait ce rapprochement dans son "De Caligari à Hitler". Mais ne tombons pas nous aussi dans la reductio.

Cette dame est seulement là pour nous endormir comme le bon docteur du film.
De toute façon, cher Latin, j'avais confondu les docteurs Caligari et Mabuse et Robert Wiene et Fritz Lang.
01 juillet 2011, 14:41   Re : La fille du docteur
Quand cette dame écrit ceci:

Je ne sais si la mise en garde soutient cette façon polie d'exprimer sa terreur de l'autre, du pauvre urbain, qui a toujours été moins blanc que le bourgeois, qui a toujours semblé plus étranger, plus dangereux en nombre, qui a toujours été parqué pour mieux être circonscrit, qui a toujours donné à ses enfants un prénom pas comme il faut, trop vulgaire, trop arabe, comme "Mohamed", prénom que Richard Millet juge incompatible avec la culture française, au contraire de Guénaël, ou d'Enzo, j'imagine.

Elle vend la mèche, elle dit tout ce que nous disons: que dans l'esprit remplaciste et colonial, il s'agit bien d'assigner à ces éléments allogènes la position d'un peuple nouveau, d'installer ces colons dans les chaussures et à la place laissée chaude et inamovible du "pauvre urbain" qui a toujours été moins blanc que le bourgeois et dont le modèle originel, déplacé, s'est en allé ailleurs cependant que son archétype se doit de poursuivre son incarnation dans Mohamed.

Regardez Nicole nous livrer sa vision du monde: "qui a toujours été parqué", "qui a toujours été moins blanc", "qui a toujours donné à ses enfants un prénom vulgaire etc."

La pensée de Nicole, qui nous traite littéralement d'ânes à longueur de phrases, est simple: rien ne change, rien ne bouge, un peuple s'en va, l'autre le remplace, les "fonctions populaires" demeurent. Le réel n'apporte rien de nouveau quant à l'essence des choses; il n'est pas de fait nouveau, tout est à sa place: une rame de métro parisienne, un bourg de la Nièvre comptent six à sept nationalités représentées, mais c'est normal, bougres d'ânes! Dès lors que l'essence des choses n'a pas varié, il n'est point d'état de fait nouveau, c'est un illusion d'optique que d'en voir! Le réel de bronche pas et ceux qui s'effrayent de le voir partir à vau-l'eau avec les conditions mêmes d'une existence humaine décente, sont des apeurés, des effrayés de l'ouverture, et au mieux, des crétins qui n'ont rien compris

Cette position très manifestement extérieure au réel, témoigne bien de ce qu'il faudrait appeler, soit des oeillères idéologiques (pour quelqu'un qui nous traite d'âne, ce serait assez savoureux) soit une interprétation particulièrement pernicieuse du conservatisme politique. Oui, conservatisme radical et radicalement autiste de cet auteur résolu à ne voir dans le phénomène explosif qui secoue la définition même de la nation, qu'une permanence de structure des plus connues et des plus rassurantes. Politique de l'autruche, du casse-cou, de l'apprenti sorcier, caractérisent l'illuminé remplaciste, qui aujourd'hui, depuis peu, ajoute à cela une veine particulièrement irritante de fatalisme dans des tons de preneurs d'otages: "de toute façon on ne peut plus revenir en arrière".
Indeed. En livrant ici ce texte, j'ai failli surligner cet infâmant adverbe.
Le réel n'apporte rien de nouveau quant à l'essence des choses; il n'est pas de fait nouveau, tout est à sa place [...].

De tels rapprochements sont peut-être hasardeux, mais j'ai trouvé dans le dernier livre de Rémi Brague, Les Ancres dans le ciel, qui se veut une réhabilitation de la métaphysique, ce passage qui semble correspondre à la dissociation dont vous parlez, chez Nicole Caligaris, savoir la perte d'influence du réel, de l'existence, sur l'essence des choses, et dont Brague fait l'origine du nihilisme contemporain :

«  Le premier pas est peut-être fait au moment même de la fondation de la métaphysique comme discipline dans l'oeuvre d'Avicenne. Le système du penseur persan repose sur une thèse ontologique centrale, qu'exprime avec plus de netteté un écrit sans doute issu de l'atelier du philosophe : l'être (wujûd) est quelque chose qui advient ('ârid) à l'étant. Ce n'est pas à titre d'accident qu'il le fait, comme Averroès l'a compris en un contresens peut-être voulu. C'est plutôt comme un état qui "survient" du dehors (en latin contingere) à l'essence et qui est donc, en un certain sens, "contingent". Le fait que l'existence survienne à l'essence n'enrichit celle-ci d'aucune détermination supplémentaire de son contenu, mais n'apporte rien d'autre qu'une simple position dans l'être. Pour le dire autrement, l'essence est indifférente à ce qu'on appellera plus tard, guère avant Kant, les catégories de la "modalité". »
A mon sens, de tels rapprochements, loin d'être hasardeux sont de ceux pour lesquels l'on voudrait solliciter la philosophie, la convoquer, au lieu qu'elle nous convoque comme elle a parfois tendance à le faire ici, de manière de plus en plus systématique et pressante et sans y être toujours invitée, mais passons.

Cette perversion du conservatisme politique, celui qui tient à nous convaincre, tout en insultant notre intelligence de manière littérale, directe et explicite -- bougres d'ânes! -- que rien ne change, qu'il faut voir, dans les bouleversements en cours, l'expression d'une permanence de l'être dont même la couleur de peau serait stable ("les gueux ont toujours été plus noirs que les bourgeois"), a récemment évolué en la mort du politique.

En effet, quand le politique était encore vivant, tout en étant déjà dénégateur de réel, il nous affirmait que le grand remplacement était chose souhaitable, chose préférable, choix supérieur, éthique, valorisant de l'être, tandis que le voici à présent débarrassé de toute pudeur argumentaire, contraint et contraignant, qui nous déclare : de toute façon, c'est comme ça, nous n'avons pas le choix, nous ne sommes plus libres, et nous sommes impuissants contre ce qui advient.

La mort de la liberté politique, et ce commentaire pourrait en être une banalité mais ne l'est pas, est très inquiétante, elle manifeste que l'état de fait nouveau est porteur d'une modalité politique totalitaire elle aussi nouvelle. L'enfermement politique, la mort de la liberté de choisir et d'infléchir la totalité du réel social s'affirment comme prix à payer de la permanence de l'être, du régime absolu de l'essence, de la valeur principielle et de la non-prise en compte de ce qui se passe. Que va-t-il se passer ? demandait Renaud Camus. Réponse de nos néo-conservateurs remplacistes: Rien, rien parce que rien n'est advenu qui pourrait passer dans un autre état, si bien que la question du choix d'une action ne se pose pas, se trouve sans objet. La liberté est sans objet.

Cette évolution vers le principe de non-évolution est terrifiante. Les tenants de sa suprématie entendent nous dicter notre pensée les yeux grand fermés sur nous: ce que vous croyez voir apparaître, se produire n'est qu'illusion et imbécillité nous disent-ils, et vos yeux grands ouverts ne le sont que sur la superficie des choses, votre incapacité à acquiescer à l'inexorable n'est que cécité à la permanence, à la quiétude fondamentale de l'essence, dont le règne est absolu. Ce que vous vivez, vous le vivez sans le connaître en son principe ergo vous ne le vivez point, ne le connaissez point, vous êtes des ânes bons à fustiger, à cravacher, à parquer, à obéir aux injonctions de nos principes.

Le conservatisme autiste, né d'une certaine gauche principielle, est bien l'antichambre du fascisme. Le Grand Remplacement en cours, assorti du théâtre de propagande que, phare dans le dispositif politico-médiatique en charge de l'irrigation idéologique de son opération, déploie le journal Le Monde par des textes tels que celui-là, qui prétend dicter à un peuple ce qu'est le peuple, qui lui enjoint, lui précise, lui définit la vision qu'il doit entretenir de lui-même, lui réassigne la place qui doit demeurer la sienne, est fasciste. Il participe d'une ingénierie sociale révolutionnaire descendante, comme pouvait l'être la Révolution nationale de Pétain-Laval ou la Révolution culturelle de Mao ZeDong: il entend forger, d'en-haut, tout à la fois un peuple nouveau et, chez ce peuple, une identité consciente et une vision de lui-même ancrée dans une essence immuable elle-même forgée dans l'idéologie.

Le réel est donc laissé seul, il vogue et enfle, à la fois navire en perdition et mer démontée. Les nuées s'amoncèlent. Et la houle est grosse de tempêtes approchantes.
De tels rapprochements sont peut-être hasardeux

Je disais cela à propos de ce qui allait suivre (ma référence maladroite au livre de Brague), non pour ce qui précédait (la citation de votre commentaire)...
C'est bien dans ce sens que j'y répondais: ma défense de votre choix très pertinent de citer ce passage du livre de Brague.
01 juillet 2011, 23:50   Il sourit bêtement et dit :
Ah bon, toutes mes excuses... vous me rendez parfois complètement paranoïaque, Francis.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 08:54   Re : Il sourit bêtement et dit :
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je trouve très appropriée, pour le cas présent, la mention de cette vieille (ce n'est pas péjoratif) opposition ; il semble en effet que pour les Amis du désastre le réel, l'existence et sa contingence n'aient aucune chance de percer la carapace des Idées pour leur conférer une détermination particulière. D'ailleurs je me rends compte que ces grands pourfendeurs de la France éternelle sont les véritables défenseurs de cette dernière, les plus attachés à l'idée d'une France immuable : la France, quel que soit le peuple qui la compose, la langue qu'on y parle, sera toujours la France. Aussi nul sentiment de la fragilité du monde, celle dont témoignaient les émouvantes paroles d'Halévy dans la Revue de la Quinzaine sur l'Eglise : "Si peu de chose existe !"

[message modifié]
Ce qui me frappe est que cette femme sait écrire "Enzo" et "Mohamed", mais pas "Gwenael" ou "Gwenaël", à la rigueur "Gwen-Aël", mais en aucun cas "Guénaël". Il existe le prénom féminin "Guénaelle" (ou "Guénaëlle").
Il frappant quel seul prénom indigène cité, elle soit incapable de bien l'écrire, comme si elle n'ignorait rien tant que les réalités indigènes.
Comme le dirait Millet, il y a une vérité de l'onomastique !
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 20:46   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
Citation
Francis Marche
A mon sens, de tels rapprochements, loin d'être hasardeux sont de ceux pour lesquels l'on voudrait solliciter la philosophie, la convoquer, au lieu qu'elle nous convoque comme elle a parfois tendance à le faire ici, de manière de plus en plus systématique et pressante et sans y être toujours invitée, mais passons.

Fronton le grammairien écrivit à Marcus : « Il se trouve que le philosophe peut être imposteur et que l'amateur des lettres ne peut l'être. »

Je souscris à cela. La littérature est plus noble que la philosophie. Aussi ai-je quelques scrupules lorsque je songe à tous les errements philosophiques que je vous ai infligés. Vous avez raison Francis, j'ai manqué de légèreté...
Henri,

J'ai bien peur que cette citation n'ait été fabriquée. Pouvez-vous m'indiquer les références du texte original ?
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 21:55   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Pas libyen, algérien (il était de Constantine, ville d'Enrico).
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 21:59   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Henri,

On sait que Cicéron orateur ne s'exprimait pas exactement dans les termes qu'on lit dans ses oeuvres.

Je suppose que Fronton avait dû dire à Marc-Aurèle (pourquoi diable l'appelez-vous Marcus ?) : "la philosophie est à la littérature ce que la semoule est au couscous-boulettes, celui que fait ma maman le vendredi soir" ; ça, c'est de Constantine.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 22:07   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
Citation
Jean-Marc
Henri,
J'ai bien peur que cette citation n'ait été fabriquée. Pouvez-vous m'indiquer les références du texte original ?

Jean-Marc, j'ai trouvé cette pensée de Fronton dans Rhétorique spéculative de Quignard, qui le cite. Comme à son habitude, Quignard n'indique pas l'œuvre d'où il extrait ce qu'il cite. Il me semble qu'il a extrait cette pensée de Fronton de la Correspondance de ce dernier.

Quignard ajoute ceci :

« Mais les pages de Fronton que je viens de citer sont la première déclaration de guerre que je connaisse manifestant avec clarté l’existence d’une opposition irréconciliable à l’encontre de la tradition philosophique. Elle administre la preuve de la réalité et de l’obstination d’un courant plus ancien, autonome, irréductible, offrant une véritable alternative à la classe lettrée devant l’expansion brutale, envahissant toutes les grandes cités méditerranéennes, de la formalisation et de la hiérarchisation obsessionnelle, raisonnable et terrifiée de la métaphysique des Grecs. Nous n’avons pas besoin d’aller nous adresser à l’Orient, au taoïsme chinois, au bouddhisme zen pour penser à plus de profondeur ou pour nous défaire des apories de la métaphysique des Grecs puis de la théologie des chrétiens, enfin du nihilisme des Modernes : une tradition constante, oubliée, marginale parce que intrépide, persécutée parce que récalcitrante, nous porte dans notre propre tradition, venant du fond des âges, précédant la métaphysique, la récusant une fois qu’elle se fut constituée. »
Quignard a bien tort de ne pas citer ses sources. Les écrits de Fronton sont particulièrement lacunaires.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 22:21   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Pour une fois, nous sommes d'accord. Je vous offre le thé à la menthe après le couscous-boulettes.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 22:28   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Il semble qu'elles vous ont laissé un souvenir impérissable, vu la précision de votre souvenir, "une ou deux autres".
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 22:56   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
L'intérêt de la décoration de "La Cigale" à Nantes ; la beauté des chevaux (à ce propos, savez-vous quel homme célèbre a dit de sa fille elle aussi célèbre "Ce qui ne pète pas et ne mange pas de foin n'existe pas pour elle" ?) ; le fait que la librairie de la place Edouard-Normand a disparu.
Au fait, que pensez-vous de ceci, vu à Lannion où j'étais en déplacement professionnel la semaine dernière :




Fait-ce trop peuple ?
Utilisateur anonyme
02 juillet 2011, 23:17   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Didier, je ne dirais pas que Quignard soit un peu court, en l'occurrence... plutôt qu'il est fidèle à quelque recoin très ombreux jalousement revendiqué, probablement pas très ragoûtant, propre, élucidé, domestiqué. On y trouvera sans aucun doute des insectes rampants, tant l'ordure y est récurrente, un goût du secret et des voies de contournement, une sorte d'esprit de résistance... et une sainte horreur des trajectoires droites, des autoroutes, de la lumière même semble-t-il. Alors les systèmes, les racontars formalisés du monde, les axiomatiques, les remâchements logiques (ne me regardez pas comme ça), les philosophies, vous pensez...

Tenez, j'ai déjà cité ce passage d'Albucius :


« Saison où se cultivent les amours, les nourritures, les comportements de chacun, les sensations ambivalentes, les jeux de rôle des enfants la main sur un chariot ou bouche bée devant un rhinocéros — bref, les "sordidissima" d'Albucius, bonbons, comptines, épluchures, sexes, pouces sucés, jouets, salissures plus ou moins épongées, gros mots ou mots inopinés. Saison qui est étrangère non pas à tout langage mais au tout du langage, étrangère au langage comme discours, étrangère à toute pensée très articulée, étrangère à tous les genres littéraires constitués et de ce fait secondaires et qui débouche, simplement par défaut, sur un genre qui n'est pas un genre, plutôt un dépotoir, une décharge municipale du langage ou de l'expérience humaine nommés dans la Ville, à la fin de la République et sous l'Empire, "declamatio" ou "satura", nommés plus tard, au cours du XIème et XIIème siècle en France, du nom très romain de roman et qui ne s'éloignent jamais tout à fait de ces lambeaux de langage, de ces éponges de mer imprégnées du lexique le plus bas, de ces torchons de récits qui ne cessent d'essuyer sans cesse nos vies, à chaque heure de nos vies, dans une petite rumination misérable et obsédée. »

Pascal Quignard, Albucius
Didier, c'est le duc d' Edimbourg parlant de sa fille Anne.
Utilisateur anonyme
03 juillet 2011, 15:26   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
05 juillet 2011, 15:00   Re : Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
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