Décidément, Francis... Le darwinisme social, ce qu'a bien pu penser Spencer, les "conceptions du monde" résultant de telle théorie en biologie, franchement, je m'en fiche complètement, ce n'est pas cela que j'entends lorsque je parle de darwinisme. Mais une seule et unique chose, une théorie en biologie précisément, susceptible d'être un modèle utile pour décrire et comprendre certains phénomènes, lequel modèle propose, pardon de me citer encore, un mécanisme explicatif rendant compte de la diversification et de l'évolution des espèces. C'est absolument tout.
Pour aller très vite, et me citer encore, parce que nous avons déjà eu pas mal de fois cette discussion, ce modèle repose sur le postulat suivant : variabilité préexistante des caractères héréditaires dues aux mutations, sélection par l'environnement de individus qui par ce hasard sont les plus aptes à s'y adapter.
Et il ne s'agit pas du tout de la pseudo tautologie bien grasse, argutie qui me semble être un modèle de mauvaise foi, que vous essayez de placer à tout prix, à quoi vous voulez réduire tout le darwinisme en tant que théorie... Le
fittest, c'est celui qui est le plus adapté ; on n'est pas plus adapté à la survie, mais on survit, et de ce fait a plus de chances de transmettre les caractéristiques favorables à cette survie, parce qu'on est plus adapté à un milieu donné.
L'"amélioration" du vivant qui résulte d'une telle description n'est certes pas une amélioration qualitative sur une échelle graduée allant du moins au plus valeureux en soi, mais n'est qu'une amélioration circonstancielle, dépendant du rapport entre une variété préexistante et aléatoire donnée, et un milieu qui est lui-même en constant changement, ce qui fait, comme vous n'avez manqué de le remarquer, croyant par là enfoncer le darwinisme alors qu'à mon sens vous l'avez plutôt confirmé, que le "meilleur", le
fittest d’aujourd’hui est en passe de devenir le raté, le
misfit de demain, dans un environnement en perpétuel mouvement.
»
Le darwinisme, dans ses effets philosophiques, économiques et sociaux, a beaucoup emprunté au christianisme sur ce plan précis du sacrifice, l'horreur, outre qu'il fonctionnerait comme un régime transcendant qui se priverait de transcendance, est que son principe d'élimination améliorante, d'élagage de la race par l'épreuve, va comme un gant à toutes les expérimentations du vingtième siècle qui alignèrent l'humain sur le sort animal et qu'il est inutile de nommer ici.
Il n'en est pas question ! Que le darwinisme soit vrai ou faux, ou approchant plus ou moins de la vérité, la question reste ouverte (en tant que théorie scientifique, je persiste à le considérer comme brillant, simple et très performant), mais fût-il "vrai", toujours en tant que théorie scientifique strictement, il n'engagerait à rien, rien du tout, en termes "philosophiques", idéologiques ou axiologiques.
Votre Spencer aurait mieux fait de lire Hume au lieu de dire des bêtises, et de prendre la mesure imprenable qui existe entre le
is, qui est tout ce dont se préoccupe une théorie scientifique, et le
ought, concernant la façon dont nous jugeons devoir mener nos vies, entre lesquels il y a tout un monde.