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Pépite davilienne (5)

Envoyé par Pierre-Marie Dangle 
17 juillet 2008, 10:13   Pépite davilienne (5)
"En un siècle où les médias publicitaires divulguent un nombre infini de sottises, l'homme cultivé ne se définit pas par ce qu'il sait mais par ce qu'il ignore."

(Avec une pensée pour Henri Bès)
17 juillet 2008, 13:02   Re : Pépite davilienne (5)
Qui est Henri Bès ?
(Non, je rigole !)
17 juillet 2008, 18:09   Re : Pépite davilienne (5)
Merci de cette aimable pensée, cher M. Francmoineau. Savez-vous si c'est Hegel qui a affirmé que la prière de l'homme moderne était désormais la lecture du journal? Je me demande s'il a vraiment dit cela, et où... Et d'ailleurs aussi, au passage de Napoléon en train de traiter indignement sa patrie, s'il a vraiment vu en lui l'Histoire incarnée, ou quelque chose d'approchant (le Zeitgeist?) Davila ne prédispose pas à lire Hegel, j'en conviens.
Eh bien, puisque vous me le demandez, je vous répondrai que je ne suis pas un spécialiste; ni de Hegel, ni de Napoléon; cependant, je crois pouvoir corroborer vos dires.
"La lecture du journal du matin est une sorte de prière matinale réaliste" (Aphorismes de l'époque d'Iéna, n° 31)
"J'ai vu l'empereur -cette âme du monde- [Weltgeist] sortir de la ville pour aller en reconnaissance; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine." (Correspondance, Gallimard, tome I, coll. "Tel", 1990, p. 114 et 115). (le 13 octobre 1806 après la bataille d'Iéna)
18 juillet 2008, 07:37   Re : Pépite davilienne (5)
On peut bien dire, en effet, que Napoléon a « animé » le monde... Une pensée totalitaire ne pouvait que s'en enthousiasmer... (Merci à Francmoineau d'avoir mis une référence précise sur ces citations si répandues.) Je pense, moi, que Hegel est un point de passage obligé en philosophie, ne serait-ce que pour bien voir comment il ne faut pas philosopher...
18 juillet 2008, 07:52   Re : Pépite davilienne (5)
Je vous remercie de votre réponse, cher M. Francmoineau. Comme le dit plus haut M. Lombart, il est bon de savoir où se trouvent précisément des pensées toujours cités plus ou moins exactement, et dont on doute de l'attribution exacte.
Comme il ne faut pas philosopher ainsi, cher Bernard ?

La présence est l'être devenu, déterminé, qui, en même temps, est en relation avec autre chose, par conséquent avec son non-être.

La présence est ainsi une chose en elle-même divisée. D'une part, elle est en elle-même; d'autre part, elle est relation à autre chose. Pensée avec ces deux déterminations, la présence est réalité.

in Propédeutique philosophique, 1er Partie: l'Etre, 1ère section: Qualité, B. Présence

(j'ai toujours perçu cette définition de la présence comme parente de celle des nombres complexes en mathématique, qui sont des nombres composites et dont une des composantes est toute relationnelle et "menace" leur être qui, pourtant, s'il se détachait de cette relation, se séparait de cette coda de négativité (i2=-1) et de non-être, ferait que ces nombres cesseraient d'être, redeviendraient des "naturels")
Oui, Francis, certainement. On peut tout trouver chez Hegel, presque « par définition ». C'est une philosophie qui veut intégrer absolument les autres philosophies, présentes, passées et à venir, non pas pour elles-mêmes, mais pour elle-même, et tant pis s'il faut les raboter à cet effet. De plus, c'est une philosophie qui a posé un absolu, défini comme l'opposé d'elle-même, et qui, de ce fait, tourne à vide... Je vous recommande, comme exemple de sa pratique, le passage (de la Phénoménologie de l'esprit, ou est-ce de la grande Logique ?) où il définit l'estomac comme la synthèse en soi et pour soi du foie et du pancréas (j'invente un peu, car je ne me souviens plus de la citation exacte, mais Francmoineau voit peut-être à quoi je fais allusion...)
Ma citation préférée n'est pas de Hegel mais sur Hegel: Toute l'histoire du 20e siècle est celle d'un long débat entre hégéliens de droite et hégéliens de gauche, entrecoupé de prises d'armes
Oh, mais Francmoineau n'est pas aussi savant que ça, cher Bernard Lombart; en tout cas, beaucoup moins que M. Marche !
Au sujet de Hegel, j'ai moi aussi un petit commentaire intéressant à vous livrer :
"Dans sa Philosophie de la Nature, Hegel déclare qu'il traite des faits objectifs. Mais il procède à partir du dedans vers le dehors, essayant d'imposer aux phénomènes extérieurs sa propre conception intérieure de ce que devrait être l'univers. La déclaration oraculaire que renferme sa thèse, De Orbitis Planetarum, est célèbre à juste titre. Parlant du haut des nues de son Sinaï particulier et platonicien, il annonça qu'il était impossible, de par la nature des choses, qu'il y eût une planète entre Mars et Jupiter. Presque simultanément, l'astronome Piazzi découvrit l'astéroïde Cérès. Ses autres exploits scientifiques sont à peine moins remarquables. Dans le passage qui suit, Hegel parle de la lumière et de la transparence ou de l'opacité des substances matérielles. "La lumière", dit-il, "est une identité abstraite et complètement libre. L'air est l'identité des éléments. L'identité subordonnée est une identité passive à la lumière, d'où la transparence du diamant. Le métal, au contraire, est opaque, parce qu'en lui l'identité individuelle est concentrée en une unité plus profonde par un poids spécifique élevé." Que le poids spécifique du diamant soit plus élevé que celui de plusieurs métaux, c'est là une question qui a relativement peu d'importance. Ce qui est significatif dans le passage cité, c'est le ton dominant, l'affirmation fondamentale qui y est sous-entendue. Hegel admet que le monde extérieur doit être modelé sur l'univers dialectique existant dans son esprit : "Ce que je pense trois fois est objectivement vrai." Voilà, en fait, ce qu'il affirme. Que notre conception de l'univers soit nécessairement humaine, c'est là une chose évidente; nous ne pouvons considérer le monde par les yeux des fourmis ou d'esprits omniscients. L'univers que nous connaissons est, dans une certaine mesure, créé par nous-mêmes. Mais cela n'entraîne pas l'affirmation que le monde extérieur dépend de nous, qu'il obéit à notre dialectique et se met à danser sur des formules abracadabrantes relatives à l'identité abstraite et subordonnée. (...) La Philosophie de la Nature est, pour moi, semblable aux divagations d'un fou. Et pourtant, il y a eu -et je crois qu'il y a encore- des Hégeliens pour qui ce livre est plein de la signification la plus profonde."

Question annexe (grille d'été oblige...) : de qui est ce passage ?
Allez, en « tapant à gailles », comme on dit chez moi (« en tapant dans le noyer pour faire tomber les noix ») : Châtelet ?
Je suppose que vous voulez parler de François, et non de Noëlle ? En tout cas, ce n'est pas ça. Je ne connaissais pas cette belle expression. Tapez encore, il reste quelques noix, tout là-haut...
Un indice, peut-être ? Il est mort le 22 novembre 1963.
"Il est mort le 22 novembre 1963."

C'est bien ce que je pensais depuis le début, le style reconnaissable entre tous, c'est bien lui: "John-Fitzgerald Kennedy".
Plus sérieusement, l'écrivain et philosophe britannique Aldous Huxley, influencé par la théosophie, et mort le même jour que Kennedy, paraît un bon candidat.
19 juillet 2008, 09:20   Re : Pépite davilienne (5)
Moi, je donne ma langue au chat.

À propos de grille d'été, je prie les intervenants de ce forum de ne point hésiter à nous faire part des émissions intéressantes de France Culture ou de France Musique qui passent en « baladodiffusion ». Ou même de les placer quelque part d'où l'on puisse les télécharger, comme le fait souvent Rogemi. Pensez à nous, pauvres Belges, qui n'avons plus d'accès à ces chaînes (monopole de Canal, n'est-ce pas...) Je puis capter en différé notre ami Finkielkraut, mais je rate tout le reste. Je regrette en particulier les Notes du traducteur de Philippe Cassard... (Boris, êtes-vous là ?)
Bravo à Francis...
Il s'agissait d'un extrait de "Le plus sot animal..." (titre original : Proper Studies, 1945). Etrange ouvrage où l'on trouve pêle-mêle des considérations de tous ordres, parmi lesquelles une critique de l'égalitarisme, une dénégation de la métaphorisation et de l'hypostase des abstractions effectuée par les psychologues, une analyse des systèmes éducatifs, assez proche du pédagogisme qui viendra plus tard et effectuera les ravages que l'on sait, une description des succédanés de la religion dans l'époque moderne, etc.
On trouve même, à la fin, une Note sur l'eugénisme (écrite, certes, en 1927) qu'on pourrait croire tout droit sortie de L'homme, cet inconnu. Un passage qui expédierait aujourd'hui son auteur directement devant les juges.
19 juillet 2008, 15:27   Re : Pépite davilienne (5)
Quel qu'il soit, l'homme n'est qu'un enfant face aux menées, aux montages des générations ultérieures; aussi grand soit-il, sa prospective se limite à un balayage, éminemment contradictoire, des possibles futurs. Aldous Huxley, mais aussi, dans son pays, D.H. Lawrence, en furent réduits ainsi à tout parcourir, le mal et le bien, le triomphant et l'infâme, de notre présent; l'ancien prophète, comme un fantôme, ne peut être rangé dans aucun parti: il ne fit que lire le chaos futur en prenant prétexte de ses écrits pour s'y identifier à ses dépens.
Le plus étonnant, peut-être, dans cette vie de Huxley :



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