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Spéciale dédicace à nos amis globe-trotters

Envoyé par Thomas Rhotomago 
Celui qui part sera déchiré, mais celui qui reste tombera en morceaux.

Je voudrais qu’après ma mort on fît de ma peau une valise.

Rester chez soi est une négligence dont, tôt au tard, on se verra puni.

S’en aller, seul moyen de parvenir.

La vitesse est vraiment le seul vice nouveau.

Lire, écrire, c’est devoir ; voyager c’est pouvoir.

Les métis sont des souvenirs de voyage.


Paul Morand - Le voyage Coll. « Notes et maximes » (1927)
Je trouve ces sentences parfaitement idiotes.
Utilisateur anonyme
03 février 2012, 10:47   Re : Spéciale dédicace à nos amis globe-trotters
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je modifie mon message pour ne pas être désagréable inutilement, et je reconnais volontiers que je n'avais été ni juste ni élégante à l'égard d'un écrivain.
Oui. Morand écrit souvent de façon brillante. Et du brillant au clinquant, la marge est étroite.
Est-ce une rébellion de sédentaires ? Il faut sans doute remettre ces citations dans leur contexte éditorial, qui est très probablement celui d'une commande pour alimenter une collection dans le goût des "éloge de ceci ou de cela" (à preuve, au passage, que les "petits livres" thématiques, les petites collections, sont à la mode depuis longtemps.)

La plus intéressante de ces sentences me paraît être celle sur la vitesse, désignée comme seul "vice" nouveau, "vice" en tant qu'elle a fait disparaître une grande vertu : la lenteur, "vice" en tant que c'est une tentation à laquelle on cède.

Cela dit, toute considération morale mise à part, la vitesse, en effet, peut bien passer pour le changement capital - et peut-être le seul - apporté dans nos moeurs par le progrès. On n'a pas fini de courir de plus en plus vite après ce truisme.
Je me demande s'il n'y en a pas bon nombre qui cèdent au vertige de la lenteur, sur le canapé acheté avec un crédit qu'on ne paiera pas, une babouche pendant au pied, la bière à portée de main et le saucisson à l'aïl en bouche.
"une babouche pendant au pied, la bière à portée de main et le saucisson à l'aïl en bouche. "

On se croirait à la Bataille d'Hernani, vue par Théophile Gautier.
Ah ! Ah ! Comme on reconnaît bien là les belles images de Jean-Marc ! Saucisson à l'ail et bière, en voici un qui ne fait pas sa prière cinq fois par jour...

Quant au thème de la lenteur, on aurait tort de croire que ce gaillard bien de chez nous n'attend pas de sa zapette qu'elle traîne à lui faire changer de chaîne et à son micro-onde de tarder à lui faire chauffer son plat cuisiné ! Croirait-on qu'il "écoute pousser les fleurs" ? A d'autres ! A supposer que ce type d'individu existe en quantité autre que négligeable, il a beau ne guère bouger, ce n'est pas du tout un amoureux de la lenteur, ça non alors, et il faut être singulièrement aveuglé par des fantasmagories personnelles pour le croire !
Utilisateur anonyme
03 février 2012, 20:07   Re : Spéciale dédicace à nos amis globe-trotters
Pantouflard né, je me ferai l'avocat de Jean-Marc : la vitesse n'est pas en nous mais hors de nous, dans les objets techniques (ordinateurs, objets de télécommunication, automobiles, trains, avions, etc.) ; elle n'est donc pas un vice mais un trait de notre monde, une de ses modalités. Nous, nos esprits, nos corps, nos gestes, sont moins lestes que ceux de nos aïeux, et pour une raison simple : la technique a pris le relai.
La vitesse s'humanise via le tourisme, pour faire écho au premier message.
J'ai longtemps été émerveillé par le fait qu'en chinois, ce qui est cool, grisant, agréable, sensationnel, etc, se dise liang kuai (涼快) soit littéralement frais et rapide (comme une brise légère mais soutenue, un galop, etc.).

Je trouve ces sentences de Morand sensationnelles et justes, tout à fait 涼快. Je dois être un esprit simple et facile à séduire. L'amour de la vitesse est l'apanage des simplets, comme doit l'être aussi le goût pour les déplacements sans but véritable.

Voir Morand, aux nouvelles de qui Proust avait donné une préface admirative en 1921, traité ici de "vieux beau" et autres amabilités, serre le coeur.
J'ai relu il n'y a pas longtemps la préface de Proust à Tendres stocks : elle n'est pas si admirative que cela ! Et, de plus, elle ne parle à peu près que de Marcel Proust.
"Je dois être un esprit simple et facile à séduire."

Topez là, Francis !
Didier, je trouvais au contraire que Proust y parlait surtout de Sainte-Beuve...
Orimont,

Je me demande pourquoi vous ne vous piquez pas d'exotisme et ne militez pas en faveur de la langueur des harems.

Imaginez l'ambiance tiède et humide, alanguie, les confitures de roses, la volupté lente, les formes rebondies (Marc, où êtes-vous ?)...

C'est Léo qui va être content !
un peu trop rondes pour moi
04 février 2012, 15:34   Fast love
Jean-Marc, décidément, nous n'avons pas la même vision de la lenteur. Rien de plus rapide qu'un harem : celle que veut le pacha, il l'obtient immédiatement !
Utilisateur anonyme
04 février 2012, 15:36   Du balai les rondelettes !
Jean-Marc, permettez-moi d'opposer aux fadasses et grasses donzelles d'Ingres cette somptueuse créature aux hanches un peu pointues, indécente et négligée, torturée par les mines sèches et acérées du diable Egon Schiele :


Je vote pour la créature de Monsieur Léo ! Au moins pour son système pileux efflorescent…
Utilisateur anonyme
04 février 2012, 18:43   Re : Spéciale dédicace à nos amis globe-trotters
Citation
Jean-Marc
Orimont,

Je me demande pourquoi vous ne vous piquez pas d'exotisme et ne militez pas en faveur de la langueur des harems.

Imaginez l'ambiance tiède et humide, alanguie, les confitures de roses, la volupté lente, les formes rebondies (Marc, où êtes-vous ?)...


Ca vous excite vous des asticots sur un camembert?
Didier,


Votre remarque me fait penser à l'aventure récemment arrivé à un agriculteur tarnais, amateur de rugby, qui, ayant entendu parler d'une spécialité érotique rhodanienne, voulut l'essayer avec sa femme.

Il tenta la chose et repoussa sa compagne avec horreur, croyant reconnaître Sébastien Chabal.
Eh bien je vous en prie, relisez-la encore! Cette préface est plus qu'une préface, un véritable petit traité sur le style. Retrouvez le passage où Proust compare Morand à Renoir, par exemple.
» La plus intéressante de ces sentences me paraît être celle sur la vitesse, désignée comme seul "vice" nouveau, "vice" en tant qu'elle a fait disparaître une grande vertu : la lenteur, "vice" en tant que c'est une tentation à laquelle on cède.

Vice avant tout parce qu'elle écourte le déplacement, aurais-je dit, s'il est une fin en soi... Mais une époque qui n'est capable que d'un seul vice, et encore est-il si pratique, tu parles d'un siècle !
"la lenteur, "vice" en tant que c'est une tentation à laquelle on cède. "

Surtout au lit où la vitesse n'est pas un progrès...
Devinette, Marc :

Quel est l'écrivain auquel Hervé Guibert, dans un roman à clé, attribua le surnom "Quickly" ?
Aucune idée, cher Jean-Marc, je crois qu'il était aussi photographe et cette neige qui recouvre Toulouse en ce moment m'inspire beaucoup.
Elle arrive à Castres.

Cherchez, le journal tenu par cet auteur était fort lu par Guibert et les autres pensionnaires d'une certaine villa, c'est relaté dans l'ouvrage qui parle du lieu de plaisir nommé Incognito.
Francis Marche : un petit traité de style, oui, tout à fait d'accord. Mais où il est, somme toute, assez peu question des nouvelles de Morand. Mais enfin, vous avez gagné : je vais la relire après le déjeuner…
Utilisateur anonyme
05 février 2012, 22:23   « S'en aller, c'est gagner son procès contre l'habitude. » Paul Morand
« Quelle existence intolérable ! La supportez-vous cher ami ?
— Assez bien, me dit-il — mais intolérable pourquoi ?
— Il suffit qu’elle puisse être différente et qu’elle ne le soit pas. Tous nos actes sont si connus qu’un suppléant pourrait les
faire et, répétant nos mots d’hier, former nos phrases de demain. [...] Oh ! ce n’est pas que je me plaigne ; mais je n’y pouvais plus tenir : — Je pars — je pars en voyage. »

Gide, Paludes
« On ne part pas. » (Mauvais sang)


« Départ

Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs de la ville, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. — O Rumeurs et Visions !
Départ dans l'affection et le bruit neufs ! »

Illuminations
J'aime. Je suis aimé. Je pars.

Un inconnu marchant sur le bord de la route, hirsute, son pantalon retenu à la taille par une ficelle en guise de ceinture.
Vous m'avez fait penser à cette scène délicieuse du Journal de Barnabooth, où l'itinérant et adorable Archibald pique une crise, s'en voulant à mort d'être si riche et incompris, et de dépit jette ses somptueuses malles par la fenêtre de sa suite dans l'Arno.
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