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"Le Monde", Marie Desplechin et les classes préparatoires

Envoyé par Marcel Meyer 
Le Monde publie une tribune de Marie Desplechin qui est une violente charge contre les classes préparatoires. Le journal la met en avant, l’annonçant en première page.

Extraits :

Prépas, l'excellence au prix fort

A peine sortis d'un bac auquel ils ont généralement obtenu une mention "Bien" ou "Très bien", sélectionnés avant l'examen sur leur parcours scolaire, ces jeunes de 17 à 20 ans vont connaître, pendant deux ans, parfois trois, des semaines de travail de soixante heures en moyenne (autour de 35 heures de cours, le reste chez eux). Ils seront évalués avec sévérité. Leurs enseignants utilisent volontiers un arsenal de méthodes pédagogiques qu'ils ont eux-mêmes connues, et qui sont destinées à endurcir : contrôles longs et fréquents, notes très basses, classements permanents. (…)
A société cruelle, formation brutale. Dans le pamphlet effaré qu'il consacre à l'école française (On achève bien les écoliers, Grasset, 2006), l'Américain Peter Gumbel compare les prépas françaises à l'armée américaine en guerre, telle qu'elle est représentée dans le film Full Metal Jacket, de Stanley Kubrick. La comparaison est outrancière mais elle est historiquement juste. Créées au XVIIIe siècle, institutionnalisées sous la Révolution française puis le Premier Empire, les grandes écoles et la préparation qui devait y conduire étaient initialement destinées à former des ingénieurs et des cadres pour l'armée. Il leur en reste ce côté "Sir, yes Sir !" et cette ambiance de service militaire qui laisse à ceux qui l'ont connu des souvenirs ambigus, mélange de souffrance et de fierté. Ce que Gumbel stigmatise comme un "syndrome de Stockholm". (…)
Il n'existe pas de statistique du mal-vivre en classes préparatoires, de données sur les suicides, maladies, anorexies... Une étude avait bien été initiée, au début des années 1990. "Nous n'avons jamais eu ni l'argent ni l'adhésion des grandes écoles" pour la faire, expliquait la psychologue et épidémiologiste Marie Choquet, dans Le Monde Magazine, en 2010.
(…) Chez les très bons élèves, ceux que leur triple héritage bourdieusien (social, financier, culturel) sur-adapte au système ou ceux, plus rares, que des dons singuliers distinguent, le constat en reste là : deux ou trois années enrichissantes et plutôt heureuses.
Mais chez les autres, les juste bons, les moins conformes, le discours se fissure vite. Il apparaît que l'inestimable se paie, cher. Ce sont les nuits de trop peu de sommeil, les repas avalés en vingt minutes, l'épuisement. Le sentiment de l'insuffisance, de l'incapacité, entretenu par quelques enseignants, minoritaires mais marquants, sur des élèves qu'ils "cassent". "Sans mentir, dit Valentine, qui sort d'une khâgne dans le nord de la France, la moitié de la classe était sous antidépresseurs." Pour Lucie, qui a quitté un lycée parisien pour un autre en banlieue, "plus humain" : "En khâgne, ils ont l'air morts. Ils vivent sous une pression totale."
Samuel, qui sort d'une classe étoile (le haut du panier scientifique) dans un lycée des Hauts-de-Seine, se souvient de "cette fille qui travaillait tellement qu'elle ne se faisait pas à manger. On l'a vue perdre dix kilos en quelques semaines". Salomé, qui a abandonné l'hypokhâgne pour préparer les Arts Déco, se revoit se lever "très tôt et fixer longtemps le plafond ; plus rien ne passait dans ma tête". Chez certains, le régime aboutit à la paralysie. "Cette année, je n'arrive plus à rédiger une dissert de philo, dit Lucie. Je me dis qu'il faut que je montre mes idées. J'ai trop peur." "Les moqueries publiques en colle sont cruelles, ajoute Clara, en khâgne à Paris. Je ne sais pas comment on est censé réagir dans des situations pareilles. Moi, je me recroqueville." (…)

Marie Desplechin

Madame Desplechin est romancière et de fait, sa tribune est un mauvais roman. Je l’ai montrée à mon plus jeune fils qui est actuellement en « maths sup » à Janson de Sailly : il a ri en disant « n’importe quoi ! ». Son tableau est à peu près aussi réaliste que son jugement sur notre société : « société cruelle » écrit-elle. Quelle cruauté en effet que la sécurité sociale, les retraites, le RSA, l’assurance chômage, les aides au logement, les libertés syndicales, les droits démocratiques, etc. ! Et ne parlons même pas de notre justice : les tortures, bagne, cachots humides et supplices raffinés de jadis formaient un enviable paradis à côté de la nôtre.

Le drame, au-delà de la pitoyable madame Desplechin, c’est que Le Monde se sert d’elle dans un but précis, obstinément poursuivi depuis un demi-siècle avec un acharnement fanatique et méticuleux : la destruction du système d’instruction publique fondé sur la recherche de l’excellence et la promotion du mérite par le travail. Ces gens-là n’auront de cesse qu’ils n’en aient balayé les derniers vestiges. Nous n'en somme plus au nivellement, à présent on creuse : aux levellers ont succédé les diggers, ces extrémistes à demi-fous du temps de Cromwell.
Qu'est-ce qu'une femelle anorexique peut comprendre à l'émulation, au travail, au goût de la perfection ? Rien que de les voir en collant j'ai le dégoût du surgelé.
Marc, vous devenez de plus en plus sibyllin... je ne vois pas en quoi ces dames évoquent les surgelés...
Connaissant votre neutralité en la matière, cher Jean-Marc, je n'entrerai pas dans les détails.
J'ai pourtant toujours eu l'impression, peut-être fausse, que les anorexiques étaient de sacrées excitées, et que le désir s'accrochait davantage aux angles aigus des corps décharnés...
Je sens bien que vous cherchez à me cuisiner mais si je trouve que le squelette est essentiel à l'équilibre, un peu de chair autour n'est pas pour me déplaire. Je ne vous referai pas le coup les 3 Suisses, trop c'est trop.
Utilisateur anonyme
04 février 2012, 00:36   Re : "Le Monde", Marie Desplechin et les classes préparatoires
Alain, mes penchants sont parfois aussi baudelairiens que les vôtres... « [...] laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse ; abandonnez ces mensonges aux néophytes de l'école pseudo-romantique. Si la femme grasse est parfois un charmant caprice, la femme maigre est un puits de voluptés ténébreuses. »
04 février 2012, 02:41   Rien ne se perd
Dire que je viens de défendre l'embonpoint en littérature...
04 février 2012, 07:09   Re : Rien ne se perd
En littérature vous êtes plutôt hyperkhâgne, Alain, onvadir.
Utilisateur anonyme
04 février 2012, 12:06   Pleins et déliés
Les rondes et riches écritures d'un côté, les frêles dames de l'autre, ces deux inclinations s'assortissent à mes yeux davantage qu'elles ne se contredisent... Peut-être est-ce par amour des variations et des contrastes, des bigarrures et des saillies...
Les classes préparatoires (ainsi que les grandes écoles) forment en effet une "exception française" mais qui se justifie par la nécessité de sélectionner les meilleurs élèves étant donné que la première année d'université fait figure de dépotoir : à force d'avoir supprimé la sélection à tous les échelons précédents (disparition de l'examen d'entrée en sixième, baccalauréat bradé à 80 % d'une classe d'âge, absence d'examen d'entrée à l'université), celle-ci se fait à la fin de la première année de fac, où la plupart des étudiants abandonnent. Résultat : le niveau déplorable de l'université française, d'autant plus que les meilleurs élèves les évitent pour justement aller en classes préparatoires, et que la gratuité de l'enseignement n'encourage pas à l'investissement personnel.
Le système des classes préparatoires est donc le meilleur moyen de sélectionner les meilleurs élèves, étant donné que l'université, comme le secondaire, n'est plus capable de le faire.

S'il n'y a pas ce système dans d'autres pays, c'est sans doute parce que les universités sont, là-bas, plus performantes que les nôtres, et qu'on n'y entre pas comme dans un moulin. Prenez par exemple les Etats-Unis ; les meilleures universités sont privées et n'acceptent que les meilleurs élèves : aller à Harvard ou au MIT, c'est comme faire Polytechnique ou les Mines. Aux Etats-Unis, les meilleures universités sont à la fois un moyen de sélectionner les meilleurs élèves, ainsi que des pôles de recherche. En France, seules les prépas et les grandes écoles sélectionnent les meilleurs éléments, la recherche est déléguée au CNRS (pour chercher, il cherche ; quand à savoir s'il trouve...), quand à l'université, elle sert de distributeur à diplômes qui ne valent rien (à force de les donner à tout le monde sans sélection), de voie de garage à tout ceux à qui on n'a pas osé dire auparavant (au nom de "l'égalité des chances") qu'ils n'iraient de toute façon nulle part, de bastion pour l'extrême gauche jamais à recours de grèves ou de blocages (mis à part peut-être quelques filières comme le droit ou la médecine).


Pour ce qui est de l'article du Monde auquel ce communiqué fait référence, il décrit les classes préparatoires de façon très caricaturale. Les faits relatés se produisent peut-être dans les prépa parisiennes les plus sélectives, mais il existe également d'autres classes préparatoires où le rythme est moins soutenu.
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