Le Genevois Ami Bost, "ministre du Saint Evangile" et militant du Réveil dans les années 1830-1840 (il a dû se réfugier en France, où il a fait souche, pour échapper aux vexations que lui infligeaient ses supérieurs), visite en 1840 (c'est un voyage militant qui préfigure ceux de Sartre, Gide, Macchiocchi, etc.), dans les Hautes-Alpes, la paroisse de Félix Neff (mort en 1829 et célèbre pour sa piété). Il arrive au centre de la paroisse, à plus de 1500 mètres d'altitude et habité par de pauvres éleveurs qui vivent, dorment et mangent dans l'étable avec leurs bêtes, pour y rencontrer le pasteur qui a succédé à Félix Neff. Voici un extrait de son récit.
"Arrivés vers une heure dans cet endroit, nous y trouvâmes le pasteur Ehrmann, enseveli dans la maçonnerie, tout occupé à bâtir une maison d’école pour sa paroisse, en travaillant lui-même avec les maçons. J’avais eu le plaisir de faire sa connaissance pendant ma mission d’Alsace ; il est alsacien lui-même ; et je l’avais vu, comme je le retrouvai, homme zélé pour toute espèce de bonne œuvre, très dévoué, et
ami extrême de la simplicité. Peut-être, sur ce dernier point, passe-t-il même les bornes : car
les paysans eux-mêmes s’en plaignent, me dit-on,
au lieu de lui en savoir gré ; et il convient sûrement d’avoir quelque égard à
ce besoin de notre nature qui veut à une cause noble un représentant qui en porte aussi quelque empreinte : il n’y a pas d’être si abject entre les hommes qui ne garde peut-être encore en lui-même quelque sentiment du beau. Heureux, du reste, si tous les pasteurs n’avaient de reproches plus graves à se faire que celui-là !"
Deux siècles plus tard, ces paysans des Hautes-Alpes, parfois tenus pour des "crétins des Alpes", pourraient donner des leçons de dignité ou de savoir être (de savoir paraître ?) à toutes les "élites" médiatiques et politiques.