Belleville-sur-Saône 01-08-1957

Carte noir et blanc, vue du Château d'Arginy


"Bien chers amis,

L'acclimatation au pays se fait tout doucement mais surement. Il n'est d'ailleurs pas déplaisant nous avons beau temps.
J'ai déjà visité bien des environs samedi je dois encore accompagner nos démarcheurs. Ils vont me faire manger la spécialité du pays : des cuisses de grenouilles, il parait que c'est délicieux. Meilleure santé à tous.
Bien amicalement.

"des cuisses de grenouilles, il parait que c'est délicieux."

Ah, les cuisses de grenouilles, quelle découverte ! On pourrait presque parler d'un avant, et d'un après, les cuisses de grenouilles...

Or donc, en 1957, pour ce Français nouvellement installé dans une région qu'il ne connait pas, les cuisses de grenouilles sont un plat exotique.

Tout à fait, c'est une spécialité suisse. J'ai découvert les cuisses de grenouilles en 61 dans un restaurant de Berne. Sans persillade ça n'a aucun goût. Mon oncle avait commandé une fondue qui schlingait un max. Avec le recul je m'en suis voulu de ne pas l'avoir suivi.

Manger des cuisses de grenouilles, dans les années 60, c'était quand même le "must"...

J'étais jeune et cette notion de "must" m'échappait absolument.

Cher Florentin: s'il n'est pas trop tard, notez avec nous tous que l'on a toujours tort de ne pas suivre les oncles dans ces moments, et généralement dans toute l'enfance, l'oncle étant le pouvoir contestataire supérieur des parents. Très bonne année, 1961, pour les cuisses de grenouille, ma vieille amie Bernadette savait les attraper au chiffon rouge, à la chaîne, comme on le lit dans les romans. Ma vieille amie Bernadette qui m'a appris à fumer à huit ans (comme à un jeune crapeau) et à jouer de la cuisse comme une grenouille un peu plus tard.

Mais non voyons, c'est une spécialité ardennaise. Du plus loin qu'ils se souviennent, mes parents ont mangé des cuisses de grenouilles.

Je suis bien d'accord, cher Francis, mais l'oncle suisse prêchait pour des valeurs d'ordre un peu trop appuyées pour un petit Français en vacances. Cela dit, l'hospitalité suisse reste exemplaire.

Sur les bords du Rhin, en Alsace, il y a des théories de restaurants dans lesquels les Allemands viennent en manger.

"On n'est pas toujours impunément le neveu de quelqu'un. C'est très souvent par son intermédiaire qu'une habitude héréditaire est transmise tôt ou tard. On pourrait faire ainsi toute une galerie de portraits, ayant le titre de la comédie allemande "Oncle et neveu", où l'on verrait l'oncle veillant jalousement bien qu'involontairement, à ce que son neveu finisse par lui ressembler."

Marcel Proust

Excellent... merci Orimont !

Grand observateur le petit Marcel. Il en va de même pour les tantes.