"; le Xinjiang, auquel fait référence l'article que vous citez, est un territoire autonome situé à mille cinq cents kilomètres de là, dans une tout autre région de Chine:"
Oui, évidemment, mais je n'ai rien trouvé pour le Yunnan, sinon...
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JO Pékin 2008 - "La Chine produit des terroristes islamistes"
le 18/07/2008 à 09h18, LCI.fr.
Jean-Vincent Brisset est directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques. Il a notamment été attaché militaire à l'ambassade de France en Chine.
Combien de musulmans vivent-ils en Chine et dans quelles régions ?
Comme toutes les statistiques chinoises, les chiffres varient beaucoup. On estime qu'ils sont ainsi entre dix et cinquante millions. La grande majorité de ces musulmans sont des Ouïghours (ndlr : une ethnie turcophone) et vivent dans le Xinjiang, à l'Ouest du pays.
Quel type d'islam pratique-t-il ?
La Chine n'est pas construite autour de l'islam et cette religion y est minoritaire. Les Ouïghours pratiquent donc généralement un islam "mou" et sont "moins" musulmans que dans les pays où l'islam est la religion d'Etat, avec une application de la charia à la lettre. Néanmoins, même si c'est difficile à dire car l'évolution souterraine est différente de l'évolution en surface, une partie de ces Ouïghours pratiquent un islam rigoriste. L'Etat tente bien entendu de l'interdire, mais il ne contrôle pas tout. Quand cela devient trop visible, il passe à la répression. Mais globalement, les musulmans ont donc le même statut que les catholiques ou les protestants.
Quelles sont leurs relations avec les autorités de Pékin et avec les Chinois ?
Une chose est claire : ils ne s'aiment pas. Même si la Chine est plus ou moins souveraine depuis plusieurs siècles sur la région, les Chinois "ethniques" ne sont véritablement arrivés sur place que récemment. Comme au Tibet, ils sont considérés comme des occupants, mais de manière plus marquée puisqu'ils sont beaucoup moins nombreux que les musulmans. Il y a une quinzaine d'années, je m'étais rendu sur place et j'avais été surpris de voir les Ouïghours bien faire comprendre aux Hans (ndlr : l'ethnie chinoise) qu'ils étaient des allogènes en les empêchant de s'asseoir dans le bus. Depuis, la situation a néanmoins changé avec l'arrivée de l'islam radical dans la région et une présence militaire plus importante.
Comment Pékin traite-t-il cette minorité ?
Les autorités veulent éviter les problèmes. Le Xingjang est ainsi une région bénéficiant d'une large autonomie Les Ouïghours ont donc des facilités que les Hans de Pékin n'ont pas -mais qui sont insignifiantes selon les critères occidentaux des droits de l'Homme : liberté d'association, liberté de réunion, assouplissement de la politique de l'enfant unique. Souvent, les administrateurs chinois hésitent également à se faire voir car ils sont très malvenus dans les villes et les villages. Résultat : ils lâchent du lest dans l'application de la loi. Plus globalement, vu l'importance géostratégique de la région -aux frontières de l'Inde et du Pakistan, elle est au cœur du seul "triangle nucléaire" de la planète et se situe également sur le passage des routes de la soie et ressources naturelles-, Pékin ne peut pas se permettre un clash très lourd avec les Ouïghours.
La répression y est néanmoins sûrement plus importante qu'au Tibet. Mais on en parle très peu proportionnellement à la réalité chinoise. Certains gèrent mieux que les médias que d'autres et n'ont pas forcément leur Robert Ménard...
Que revendique les Ouïghours?
Ils veulent obtenir plus d'autonomie et être dégagés des fonctionnaires chinois et de la présence policière. Certains poussent à l'application de la charia, mais ils sont minoritaires.
Pékin affirme qu'une partie de ces musulmans sont radicalisés et prêts à commettre des attentats pendant les JO. Propagande ou réalité ?
La menace est réelle, ou du moins il existe une réelle volonté de lancer des attaques. Reste à savoir si les terroristes auront la capacité de mettre leur plan à exécution. Quoi qu'il en soit, des attentats ont déjà eu lieu en zone musulmane. Mais ils ne sont pas uniquement le fait de musulmans chinois, bien au contraire. Il n'y a pas en effet de mouvement strictement nationaliste et musulman au Xinjiang. En revanche, la mouvance islamiste dite d'Al-Qaïda dépasse les frontières, qui sont déjà plus théoriques que pratiques dans cette région. Une fois arrivés en Chine, les djihadistes peuvent cependant bien sûr se servir des musulmans les plus radicalisés comme relais. Mais il est impossible d'avoir des chiffres précis sur ces derniers.
Quel est l'intérêt pour ces réseaux de la mouvance Al-Qaïda d'attaquer la Chine ?
Tout d'abord, dans le raisonnement de ces islamistes radicaux, "ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous". Ensuite, la visibilité offerte par les JO est énorme.
L'éventuelle menace terroriste sur les JO est-elle un prétexte pour accroître la répression ?
Après les attentats du 11-Septembre, Pékin, qui avait déjà pris des mesures anti-terroristes auparavant, a renforcé les contrôles. Les Chinois veulent se donner les moyens d'assurer la sécurité des Jeux et que tout se passe bien. L'effort de police global concerne donc l'ensemble du pays. Evidemment, les Ouïghours, tout comme le Falungong, sont plus ciblés que les catholiques. Et quand on demande à la police chinoise de multiplier les contrôles et de tirer sur les ficelles, elle les déroule jusqu'au bout quand elle trouve quelque chose, sans prendre de gants.
En multipliant les arrestations et les exécutions, Pékin ne va-t-il pas arriver au contraire de ce qu'il cherche en fabriquant de fait des terroristes ?
Tout à fait. C'est d'ailleurs là tout le problème de la gestion des martyrs, parfaitement utilisée par l'islam radical. Dernièrement, cinq personnes ont été exécutées car elles s'étaient réunies avec des couteaux. Elles vont être vraisemblablement transformées en martyrs. Dans un monde prêt à se radicaliser, cela crée des vocations.