Il est peut-être également possible d'établir un rapprochement avec la façon dont chacun construit ses représentations du monde.
L'organisation de nos représentations selon le modèle de Abric, avec la théorie du moyau central donnant sa couleur générale à l'idée (inconsciente) que nous nous faisons d'un objet social, entouré d'éléments périphériques qui forment la confrontation au réel de ce noyau central, chaque élément périphérique étant l'expression consciente de l'idée qu'on se fait de l'objet dans une situation précise.
Les éléments périphériques ont la couleur du noyau central mais plusieurs nuances selon la situation, le noyau central donnant la tonalité générale.
Ce qui est intéressant dans cette théorie et qui rejoint le fil se trouve dans la génèse et l'évolution des représentations.
Le psychisme fonctionne à l'économie et cette particularité peut entrainer des évolutions radicales dans la perception qu'on a du monde.
Prenons la natalité (croissance démographique) comme exemple d'objet social.
Il est possible d'avoir une idée positive de la natalité, c'est d'ailleurs l'influence active de la présentation de cette croissance dans la société : "les français,
on peut s'en réjouir, on le record de natalité en Europe" ; incluons-y également les moqueries de l'analyse malthusienne de la démographie, la fuite en avant qui consiste à dire que les enfants de
demain sauront balayer les problèmes d'aujourd'hui...
La couleur générale qu'on peut avoir de cette natalité est donc positive.
Et pourtant chacun fait l'expérience quotidienne du surnombre, de la promiscuité. Chacun revenant sur les lieux de son enfance et cherchant le bois où il jouait enfant, constate qu'un lotissement y a poussé, qu'une zone commerciale a rendu incongrue les vieilles maisons en pierres.
Et petit à petit, la confrontation au réel (les éléments périphériques, conscients) de l'idée de croissance démographique (toujours de couleur positive) entraine l'individu à accumuler des exceptions dans les éléments périphériques : l'idée est toujours positive, sauf dans telle situation, telle autre encore telle autre.
Vient un jour l'exception de trop (non par sa force particulière, par parce qu'elle est la dernière d'une longue série) qui bouleverse l'édifice : le psychisme souffre trop d'un noyau central positif entouré d'éléments négatifs tous considérés comme des cas particuliers.
La perception s'inverse alors totalement et devient négative, les exceptions de naguère deviennent les éléments périphériques en accord avec le noyau central (économie de conflit psychique). Les anciens aspects positifs devenant alors les exceptions nouvelles : "certes ce sont les enfants de demain qui peuvent améliorer notre monde" ; "certes il faut bien du monde pour payer nos retraites" ; mais la couleur générale de la pensée est désormais qu'on a plus à gagner avec une natalité maitrisée que galopante.
Cette théorie me semble pouvoir contribuer à la compréhension du constat de départ de Loik A. en ce sens que la confrontation à l'autre vient accumuler des exceptions finalement trop nombreuses dans notre perception de l'autre, qui toute positive qu'elle était ne peut résister à tant d'éléments contraires à l'idée positive intitiale.