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Cratyle et Hollande

Envoyé par Daniel Apfelbaum 
15 mars 2012, 15:06   Cratyle et Hollande
En meeting à Marseille, le candidat socialiste François Hollande s'est engagé mercredi soir, s'il est élu à l'Elysée, à mettre un terme au vocable de "zone urbaine sensible", qu'il juge stigmatisant, proposant pour les quartiers défavorisés des politiques publiques "renforcées".

Voulant tourner en dérision le "plan Marshall" pour les banlieues promis en 2007 par Nicolas Sarkozy, François Hollande a prononcé au passage une phrase maladroite mettant en doute les connaissances historiques des habitants des quartiers défavorisés. "Je ne propose pas je-ne-sais-quel plan Marshall pour les banlieues. Personne ne sait d'ailleurs dans les banlieues qui était le général Marshall, même si c'était un homme estimable", a déclaré le candidat socialiste lors d'un grand rassemblement à Marseille.
...


Hollande est arrivé à la conclusion que la novlangue ne suffit plus à effacer de nos esprits les réminiscences du monde réel.
La greffe n'a pris que partiellement car les patients se sont mis à développer un mécanisme de traduction subconscient où le jeune est redevenu un voyou, le quartier sensible un coupe-gorge, et l'immigration extra-européenne la contre-colonisation arabo-musulmane.
Là où la greffe a échoué, l'ablation réussira peut-être. Effaçons de nos constitutions (notre constitution de papier et notre constitution physique) aussi bien les mots qui désignent une chose ("race") et ceux qui n'en désignent plus ("zone sensible"), et peut-être alors, parviendrons-nous à vivre heureux dans la caverne du Bien.
Preuve que l'opération ne sera pas simple, le chirurgien en chef lui-même n'est pas à l'abri d'une éphémère rechute, d'un instant furtif où le bon sens refoulé lui refait voir la lumière du jour ("personne ne sait d'ailleurs dans les banlieues qui était Marshall"). Il faudra toute la vigilance des grands maîtres de la patinoire - comme disait l'autre - pour éviter les moindres dérapages ("une phrase maladroite").
Utilisateur anonyme
15 mars 2012, 15:13   Re : Cratyle et Hollande
"François Hollande a prononcé au passage une phrase maladroite mettant en doute les connaissances historiques des habitants des quartiers défavorisés"

Comme un symbole...Pour lui, pour eux, pauvre = inculte = ignare

Merci M. HOLLANDE !
15 mars 2012, 15:13   Re : Cratyle et Hollande
Maladroite ? Politiquement sotte plutôt, et au demeurant fausse. Nous voilà bien.
15 mars 2012, 15:17   Platonisons
La "caverne du Bien" : c'est bien trouvé.
Je suis quand même déconcerté par la vitesse à laquelle les Amis du Désastre revisitent le langage. On se croit au dessus de tout soupçon en parlant de "zone urbaine sensible", et vlan, la nouvelle tombe : on Stigmatise avec un grand S.
Apparemment, chez les socialistes, les mots c'est comme les impôts : on peut toujours les rendre plus progressifs.
15 mars 2012, 16:55   Re : Cratyle et Hollande
Notre ami Muchielli vient de quitter le CESDIP (qu'il a laissé à un certain Jobard, beau fils de Plenel) pour étendre ses nuisances jusque sur la Canebière où il a créé, en attendant la victoire de François Hollande qui lui permettra de remplacer, n'en doutons pas, l'affreux et méchant Bauer à la tête de l'ONDRP, son propre observatoire de la délinquance. J'ai lu dans Libération, il y a quelques jours, qu'il souhaitait créer de nouveaux indicateurs en la matière afin de mieux mesurer le phénomène. Un de ceux-ci est baptisé conflits sociaux et viendra se substituer aux catégories de l'ancienne typologie. Quel rapport me direz-vous entre la délinquance et les "conflits sociaux". Muchielli voudrait-il criminaliser les conflits sociaux ? Bien évidemment non. L'indicateur muchiellesque "conflits sociaux" mesurera les insultes et les agressions des jeunes des quartiers à l'égard des forces de l'ordre. Celles-ci n'étant qu'une réponse légitime aux rafles et au racisme-des-policiers-dans-les-quartiers-à-haute-délinquance-provoquée-par-le chômage-et-la-misère. J'exige le Orwell d'or pour Laurent Muchielli.
Utilisateur anonyme
15 mars 2012, 17:01   Re : Cratyle et Hollande
Citation
Whitna
Citant F.Hollande: «Personne ne sait d'ailleurs dans les banlieues qui était le général Marshall, même si c'était un homme estimable.»

La forme est très proche de

«Personne ne sait d'ailleurs dans les banlieues qui était le général Marshall, ni même si c'était un homme estimable.»

ce qui permet au besoin, dans un prochain glissement syntaxique, de rapprocher Marshall de la terrible estrême-drouate.
15 mars 2012, 19:15   Re : Cratyle et Hollande
Les insultes envers les forces de l'ordre des conflits sociaux ? Toujours plus loin dans la modernité et le Bien ! À partir de là on pourra aisément étendre le qualificatif aux cambriolages de demeures un tant soit peu cossues, voire aux meurtres, pourvu que les victimes puissent être appelées des bourgeois. Il n'est pas impossible que ce Mucchielli entre dans l'histoire.
Utilisateur anonyme
15 mars 2012, 19:52   Re : Cratyle et Hollande
Les insultes envers les forces de l'ordre étaient des conflits sociaux durant le joli mois de mai...
Utilisateur anonyme
15 mars 2012, 20:17   Re : Cratyle et Hollande
En définitive, pour Hollande et les apôtres du Bien comme pour Cratyle, la seule issue au problème du langage, c'est le silence. Gageons qu'en 2022, le PS après un "droit d'inventaire" des années de présidence Hollande proposera d'éradiquer l'expression "politiques publiques renforcées" jugée machiste, islamophobe et ethnocentrée.
Utilisateur anonyme
15 mars 2012, 20:51   Re : Cratyle et Hollande
En 2022, an IV de la Première République islamique de France, le PS, ce sera le Parti salafiste, qui tournera autour de 18 % aux élections, bien moins que son glorieux homonyme, dissous bien qu'ayant été salué pour hauts faits de collaboration.
J'ai retrouvé l'article de Libération que je mentionnais plus haut :

Un nouveau modèle pour mesurer la délinquance

Le sociologue Laurent Mucchielli vient de créer l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Et propose un nouveau modèle pour mesurer la délinquance, avec sa première étude : Délinquance et contextes sociaux en région Paca.

Un contre-modèle ?

Cette petite structure est avant tout un anti-Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), créé par Nicolas Sarkozy, dont la «lisibilité est de moins en moins avérée», selon le chercheur.

Quelle classification pour les délits ?

«Parler de LA délinquance, c’est parler de quelque chose qui n’existe pas.» Selon le sociologue, les «agrégats administratifs» utilisés par le gouvernement n’ont pas de sens. Le chercheur propose une nouvelle classification autour de cinq catégories d’infractions «sociologiques et non juridiques» : «petite et moyenne délinquance économique», «délinquance organisée»,«délinquance en col blanc»,«violences interpersonnelles» et «l’indicateur des conflits sociaux». Ce dernier regroupe l’usage de stup, les outrages aux forces de l’ordre, les dégradations de biens publics… Des comportements qui sont «la traduction de conflits sociaux» ou «résultent d’une pression policière ou judiciaire discriminante sur les habitants des quartiers», telles les procédures pour consommation de hachisch, dont la majorité concernent les jeunes de milieux populaires.

Que nous apprennent ces nouveaux indicateurs ?

En Paca, «il n’y a pas de corrélation globale entre les taux d’infractions constatées et la jeunesse.» Mais il existe un lien entre taux de chômage des jeunes et «petite et moyenne délinquance économique». Parmi les variables les plus pertinentes : vivre dans une ZUS (3,75 fois plus de risque d’avoir un taux global d’infraction important, 18 fois plus de «conflits sociaux»). Autres variables ayant un impact : famille monoparentale ou nombreuse. L’Observatoire de Mucchielli est aussi politiquement construit. Mais le chercheur rappelle : «Les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes, c’est nous qui les faisons parler.»
Utilisateur anonyme
16 mars 2012, 10:39   Re : Les néo "Conflits sociaux"
Il n'y a pas une délinquance, il y a des délinquances.

Comment s'appelle ce procédé rhétorique souvent utilisé par des gens que je n'aime pas?
16 mars 2012, 10:44   Re : Cratyle et Hollande
Le rasoir de Muchielli ou le nominalisme d'Occam.
Utilisateur anonyme
16 mars 2012, 11:53   Re : Cratyle et Hollande
Que de mépris pour les habitants des banlieues : tu es pauvre donc tu seras un sale con ! Ce n'est jamais que le culte de l'argent, sournoisement dissimulé.
Pour autant, l'angélisme bobo style Samuel Benchetrit dans Le cœur en dehors ne vaut pas mieux.

Quant au fait de consommer du hachisch pour se venger de procédures policières et judiciaires discriminantes, je vois comme seule explication à la présence d'une telle absurdité dans cet article le fait que le journaliste qui le signe ait lui-même à se venger de procédures humiliantes...
Utilisateur anonyme
16 mars 2012, 11:58   Re : Cratyle et Hollande
Et du rasoir de Muchielli (dont les textes sont certainement très rasoirs) au Grand Rasoir national, il n'y a qu'un pas...
Notez, Emmanuel, que le "Plan Marshall" fut voué aux gémonies par les communistes, alors fort puissants, notamment dans les "banlieues rouges" (et il est exact de dire que la philosophie du "Plan Marshall" était bien de couper l'herbe sous le pied aux communistes).
17 mars 2012, 10:38   Re : Cratyle et Hollande
Je sens que la catégorie “indicateur des conflits sociaux” va être très fréquemment sollicitée…
18 mars 2012, 10:24   Re : Cratyle et Hollande
Ce qui est intéressant à observer, c'est la chaîne causale, jamais interrogée, qu'établissent certains sociologues. Comme si il allait de soi que "on refuse de m'embaucher, je brûle une école" ; "je subis une discrimination, je brûle ma copine".
Je ne vois pas comment la situation A (discrimination, inégalité, chômage) conduirait au comportement B (agression, vandalisme, "incivilité"...).
Tant qu'il n'y a pas de lien nécessaire établi entre A et B, B est une conséquence de la liberté du sujet, de l'acteur, qui doit en répondre et en subir les conséquences...
Utilisateur anonyme
18 mars 2012, 12:53   Re : Cratyle et Hollande
Citation
Loik A.
Ce qui est intéressant à observer, c'est la chaîne causale, jamais interrogée, qu'établissent certains sociologues. Comme si il allait de soi que "on refuse de m'embaucher, je brûle une école" ; "je subis une discrimination, je brûle ma copine".
Je ne vois pas comment la situation A (discrimination, inégalité, chômage) conduirait au comportement B (agression, vandalisme, "incivilité"...).
Tant qu'il n'y a pas de lien nécessaire établi entre A et B, B est une conséquence de la liberté du sujet, de l'acteur, qui doit en répondre et en subir les conséquences...

Ceci me pose problème également. J'ai le sentiment que pendant bien longtemps, les faits de délinquance étaient analysables par l'appât du gain; et cela supposait une adéquation des moyens à la fin visée, elle-même corrélée au caractère du délinquant (ce qui facilite le travail des policiers --- sur un vol de scooter, on cherche d'abord une petite frappe --- les choses ont une explication).

Cette «délinquance à papa» est justifiée par quelques auteurs (comme Soral, bon exemple d'une pensée simpliste) par le fait que pauvreté implique frustration, et frustration implique sédition. Dans cette façon de voir les choses, les riches sont des voleurs qui n'ont pas besoin de passer à l'acte. Elle alimente une vision positive du bandit; un brave gars au fond, et plus il risque gros, plus il est romantique; le diptyque Mesrine en est exemplaire. Je n'adhère pas à cela, mais si il n'y avait que cela, on pourrait encore s'estimer heureux.

La situation hélas dégénère de façon triple; d'abord, certains braquent un macdo ou un bureau de tabac au fusil à pompe --- au matin, quand la caisse est vide --- pour un butin de vingt euros, avec option arrêt cardiaque d'une petite vieille; ce faisant, ils montrent leur épaisse bêtise;

ensuite, en réactions disproportionnées (insultes sur la mère, il y a comme un blocage) ou désignation par extension de cibles abstraites ("on refuse de m'embaucher, je brûle une école", il y a encore une logique, elle est perverse mais bon...)

Pour finir, le "je me venge sur le premier venu" se rencontre parfois, et c'est le pire, le mal gratuit s'ajoutant au mal. Aldo Stérone décrit ceci comme une particularité culturelle (appelée hagara(?) en Algérie --- j'appellerais plutôt ça un trouble psy?) qui voudrait que certains, sous l'effet d'un débordement --- pas content, trop chaud, trop marre --- arrachent l'oeil d'un inconnu dans la rue. Il explique également que cette catégorie-là, est rapidement purgée [en Algérie] par l'homme de la rue sans passer par la case gendarme.

Si des lecteurs du forum ont de quoi confirmer, infirmer ou élaborer sur le dernier paragraphe, cela m'intéresse beaucoup.
18 mars 2012, 14:47   Re : Cratyle et Hollande
C'est l'amok, décrit pour la première fois par James Cook en Malaisie dès la fin du XVIIIe siècle. A mettre en rapport avec l'interdit musulman du suicide: celui qui se précipite dans l'amok s'arrange ainsi pour ne pas violer cet interdit, en faisant en sorte que d'autres le tuent par légitime défense.

[en.wikipedia.org]
Emmanuel,


Les travaux de Foucault, par exemple, ne nous disent pas cela (du moins pour la France d'il y a une centaine d'années).

Les malfaisants "de base" n'ont pas un raisonnement logique, ils sont avant tout des asociaux, ils recherchent une satisfaction immédiate, et leurs modes d'action ne sont pas directement corrélés au gain espéré.

On a vu bien des meurtres pour quelques francs, autrefois. Sur la route de Lacaune, dans le Tarn, vous verrez par exemple la "Croix de deux sous", lieu où un homme fut tué au siècle dernier pour deux sous, justement.

La catégorie qui, effectivement, "proportionne" les moyens aux fins est celle des malfaisants de profession ("délinquance astucieuse", braqueurs, trafiquants de haut vol), qui ne constituent pas, et de loin, la majorité des cas.

Le cas que vous décrivez en Algérie ressemble fort à ce qu'on nomme, en France et dans la littérature, le "meurtre par agacement" (du style "je suis rendu furieux par le bruit, je prends mon fusil et je tire", qui ne me parait pas proportionner l'action à la cause, voir cette scène de "Week end" où un enfant crie "Papa, papa, il a rayé la dauphine" et où le père sort et tire dans le tas, alors que le "rayeur de dauphine" s'est esquivé). Je pense que l'amok, sous le contrôle de Francis, est un peu différent, il me semble n'être présent que dans des sociétés où les rapports entre personnes sont très codifiés et ne permettent que mal l'expression des oppositions.
Je pense que l'amok, sous le contrôle de Francis, est un peu différent, il me semble n'être présent que dans des sociétés où les rapports entre personnes sont très codifiés et ne permettent que mal l'expression des oppositions.

Le Japon, par exemple ?
Pour le Japon, je n'ai pas de lumières particulières (je crois me souvenir que l'ouvrage fameux de Ruth Benedict abordait en partie ce thème en disant que la forme japonaise de l'extrême violence était le suicide de protestation qui ridiculisait l'adversaire), mais ce genre de comportement, un genre de transe en quelque sorte, est présent dans les légendes nordiques sous le nom de berserkers, d'où le terme anglais berserk.
19 mars 2012, 10:21   Re : Cratyle et Hollande
Ce qu'il faut critiquer, c'est la relation causale établie par certains sociologues entre "pauvreté" et "agressions gratuites". Si ce sont bien les inégalités qui causent la violence, celle-ci est bien une sorte d'indicateur social... et donc, on doit adhérer au mucchielisme, car cette pensée forme système.
Utilisateur anonyme
06 avril 2012, 21:51   Re : Cratyle et Hollande
Citation
Francis Marche
C'est l'amok, décrit pour la première fois par James Cook en Malaisie dès la fin du XVIIIe siècle. A mettre en rapport avec l'interdit musulman du suicide: celui qui se précipite dans l'amok s'arrange ainsi pour ne pas violer cet interdit, en faisant en sorte que d'autres le tuent par légitime défense.

[en.wikipedia.org]

Ceci vous plaira je pense (Aldo Stérone encore!)

Quand ils arrivent dans un train pour chercher la merde, ça se voit dans leur regard. Je reconnais ce regard. En Algérie, quand on voit une personne se comporter ainsi, on sait qu’elle n’en n’a pas pour longtemps à vivre. On sait qu’elle cherche son tueur et qu’elle va le rencontrer très vite. En fait, le comportement de cette racaille correspond au déclenchement d’un reflexe de suicide. En Algérie, nous leur offrons cette prestation de suicide et nous les terminons comme tu éteins un PC. Ceci permet de garder leur nombre au strict minimum.

Il y a une expression pour les designer. On dit : « rah tayer ! ». Littéralement traduit : « il vole ». Etre « en vol », c’est comme avoir le cancer au stade terminal. Le vol se poursuit jusqu’à la rencontre avec « moul el foul ». Moul el foul c’est le « vendeur de fèves ». C’est la dernière rencontre que fait le racaille avant de rejoindre son Créateur et ça n’a pas besoin d’être le RAID ou le GIGN. Le plus souvent ça se passe entre particuliers.

06 avril 2012, 22:07   Re : Cratyle et Hollande
Ça au moins c'est de la littérature comme on l'aime, c'est très musical, thème-variation-cadence-accord parfait.
Couper les cheveux en quatre ou se f**** de la gueule du monde ?
Il y a tout de même le Voleur de bicyclette.

Ce pauvre père de famille qui se fait lui-même voler, se retrouve dans une situation tellement absurde et dramatique qu'il n'entrevoit qu'un vol (de bicylette, donc) pour se sortir de son mauvais pas. Evidemment comme il n'est guère expert en «petite et moyenne délinquance économique», il se fait attraper.
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