2002-2012

En 2002, MM Le Pen et Mégret ont obtenu un peu plus de 18% des suffrages; en 2012, Mme Le Pen un peu moins de 18% - et non les 20% des premières estimations. En 10 ans, le pourcentage des électeurs qui ont accordé leurs suffrages au Front National n'a pas varié. Certes, les 18% de 2012, à cause d'une participation élevée, représentent plus de voix que les mêmes 18% de 2002.

En 2002, les 18% obtenus par le Front National ont suscité une "quinzaine anti-Le Pen" avec des carnavals de défilés dévots ponctués d'indignations moralineuses, d'insultes adressées à la "Bête", de protestations de rosières. Les ficelles de ces marionnettes écervelées étaient agitées par les crocodiles gauchistes, les dinosaures du PCF, les requins du PS avec la complicité active d'"enseignants" qui ont obligé des milliers d'élèves à protester contre la démocratie.

En 2012, rien de tel ne s'est produit, sinon quelques éructations de haine. Les crocodiles, dinosaures et requins de 2002 restent cois, bien que le "ventre" d'où sort en reptations lentes le ça (pour parler comme eux) soit toujours fécond - plus peut-être qu'en 2012. Ce qui a changé, c'est la "situation", comme dirait cyniquement Sartre. En 2002, la gauche était battue; en 2012, elle est en passe de gagner et elle sait qu'elle gagnera si 30 ou 40% des électeurs qui ont accordé leurs suffrages à Mme Le Pen votent au second tour contre Sarkozy, c'est-à-dire en faveur de Hollande. En 2002, ils désignaient la "Bête immonde", pour parler leur langue, comme leur ennemi, parce que, ayant perdu, l'enjeu électoral s'était évanoui. En 2012, finie la "Bête immonde" ! Les électeurs du Front national sont de braves prolétaires désabusés et humiliés qui souffrent ou des brebis égarées, qu'il faut sinon amadouer, du moins ménager.

Dix ans plus tard, la posture morale de 2002 s'est muée en cynisme de brute. Elle était hypocrisie, elle n'est plus que cupidité : "votre argent m'intéresse", disaient les publicités bancaires dans les années 1960; la gauche morale a détourné le slogan en "votre voix m'intéresse".

Oui, cette année-là on avait inversé Mardi Gras et Pentecôte...

Dans le sillage de ce qui a été écrit ci-dessus par JGL, il apparaît, si l'on consulte les chiffres, que la progression de Marine Le Pen par rapport au score de son père en 2002 est en vérité une illusion d'optique. Marine Le Pen a réalisé un moindre résultat que son père aux présidentielles de 2002.

D'abord, Jean-Marie Le Pen était arrivé en tête dans un grand nombre de départements (au moins une trentaine, impossible de trouver le chiffre exact), alors que sa fille n'a réalisé cela que dans un seul département : le Gard.

Ensuite voici les chiffres du premier tour de 2002 pour les trois candidats de tête: soit, celui du RPR (Chirac), du PS (Jospin) et du FN (Le Pen):


Elections 2002

Jospin (PS): 16,18%
Le Pen Jean-Marie (FN) 16,86%
Chirac (RPR): 19,88%

Voici à présent ceux du premier tour de 2012:

Hollande (PS): 28,63%
Le Pen Marine (FN): 17,90%
Sarkozy (UMP, continuateur du RPR): 27,18%

Voyons maintenant la progression arithmétique (incrément en centièmes de point) de chacun de ces candidats ou de leur formation:

PS: 28,63 / 16,18 = 1,76946848, soit une progression de 76%
RPR/UMP: 27,18 / 19,88 = 1,36720322, soit une progression de 36%
FN: 17,90 / 16,86 = 1,06168446, soit une progression de 6% seulement


Conclusion 1: des trois grandes formations politiques (PS, UMP/RPR, FN) celle qui a le moins progressé entre 2002 et 2012 est le Front National. Autrement dit, quand Mme Le Pen ou des journalistes négligents affirment que "elle a battu le record de son père", Sarkozy et Hollande pourraient rétorquer non sans bonne humeur qu'ils ont quant eux écrasé les records de leurs prédécesseurs en 2012. Quant à l'argument selon lequel la donne était tout autre en 2002 avec 16 candidats au lieu de 10 en 2012, il ne tient pas car les trois formations étaient confrontées à ces mêmes conditions dans les deux élections

Conclusion 2: on vous manipule !

Il me semble qu'il y a une différence importante :

- M. Jospin d'un côté, M. Chirac de l'autre avaient à côté d'eux de nombreux candidats "marginaux", qui les affaiblissaient ;

- M. Chirac avait fait campagne au centre (ce qui correspondait bien à sa personnalité) alors que M. Sarkozy fait campagne à droite.

Si on veut comparer le score de Mme Le Pen à quelque chose, c'est à celui de son père en 2007.

La nouveauté dans cette élection, s'agissant du score du Front national, c'est que la forte participation des électeurs ne lui a pas nui. Ce qui fait qu'avec un pourcentage, à peu près équivalent à celui de 2002, Marine Le Pen recueille un million de voix de plus que son père et Mégret réunis. En outre, la progression du vote frontiste dans les terres auvergnates, occitanes et bretonnes est remarquable. La conquête des terres démocrate-chrétiennes et radsocs est en marche. Pour un parti que l'on disait moribond en 2007, ce n'est tout de même pas mal. Si l'on ajoute les voix de Dupont-Aignan, dont le score n'est pas si ridicule, nous avons une base de sept millions de Français qui ne gobent pas les deux grands mensonges de la France de ces trente dernières années : l'immigration et l'euro-chances-pour-la -France. A ce socle, ajoutons les millions de voix, symbolisées par Ivan Rioufol et Malika Sorel, qui se sont portées sur Sarkozy tout en étant pas dupes de sa politique et se dessine un tableau de l'état politique du pays plutôt encourageant.

L'optimisme est la foi des révolutions.
Jacques Bainville.

"Si l'on ajoute les voix de Dupont-Aignan, dont le score n'est pas si ridicule, nous avons une base de sept millions de Français qui ne gobent pas les deux grands mensonges de la France de ces trente dernières années : l'immigration et l'euro-chances-pour-la -France"
En effet. J'étais étonnée que personne n'ait encore fait cette observation.

Bilan de la diabolisation du FN