Le site du parti de l'In-nocence

Devinette littéraire et musicale

Envoyé par Bernard Lombart 
Quel est l'auteur de ce texte remarquable ?

Citation

Quand on songe que, de tous les peuples de la terre, qui tous ont une musique et un chant, les Européens sont les seuls qui aient une harmonie, des accords, et qui trouvent ce mélange agréable ; quand on songe que le monde a duré tant de siècles sans que, de toutes les nations qui ont cultivé les beaux-arts, aucune n'ait connu cette harmonie ; qu'aucun animal, qu'aucun oiseau, qu'aucun être dans la nature ne produit d'autre accord que l'unisson, ni d'autre musique que la mélodie, que les langues orientales si sonores, si musicales, que les oreilles grecques si délicates, si sensibles, exercées avec tant d'art, n'ont jamais guidé ces peuples voluptueux et passionnés vers notre harmonie ; que sans elle leur musique avait des effets si prodigieux ; qu'avec elle la nôtre en a de si faibles ; qu'enfin il était réservé à des peuples du Nord, dont les organes durs et grossiers sont plus touchés de l'éclat et du bruit des voix que la douceur des accents et de la mélodie des inflexions, de faire cette découverte et de la donner pour principe à toutes les règles de l'art ; quand, dis-je, on fait attention à tout cela, il est bien difficile de ne pas soupçonner que toute notre harmonie n'est qu'une invention gothique et barbare, dont nous ne nous fussions jamais avisés si nous eussions été plus sensibles aux véritables beautés de l'art et de la musique vraiment naturelle.
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 10:40   Re : Devinette littéraire et musicale
Reynaldo Hahn ?

André Suarès ?
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 11:16   Re : Devinette littéraire et musicale
Sacré Bernard…
Jean-Jacques Rousseau déterminé à prouver à Rameau sa nullité ?
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 12:11   Re : Devinette littéraire et musicale
Olivier, je vous interdis de vous moquer de moi !!!

(Je ne réponds pas à la question de Bernard, soit qu'elle me paraît trop facile, soit que je suis complètement à côté.)
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 12:25   Re : Devinette littéraire et musicale
LE SAR RABINDRANATH DUVAL
Marcel Proust
Bravo Francis !
Dictionnaire de musique, article « harmonie ».
Et bravo à Boris, qui m'a fait un procès d'intention, mais à juste titre...
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 13:40   Re : Devinette littéraire et musicale
Mais qui est LE SAR RABINDRANATH DUVAL ?

Je suis désolé, Bernard, et vous m'avez bien eu !
Vous avez vraiment lus tous les livres Francis ?
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 13:50   Re : Devinette littéraire et musicale



Please Boris
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 13:51   La chair
Olivier, bien sûr que Francis a lu tous les livres. Là il est dans sa phase : j'oublie que je les ai lus. C'est pourquoi il est si souvent brillant. Nous aurions connu Francis il y a quinze ans, nous l'aurions trouvé très ennuyeux.
Boris, je crois que vous avez bien deviné tout de même, car l'auteur qui citait ce passage de Rousseau n'était autre qu'Alain Daniélou, évidemment pour appuyer sa thèse sur la musique modale...
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 14:03   Modal Ambert
Ah bon, alors si vous nous ramenez dorénavant tous les appuyeurs de thèses, Bernard, on va s'amuser ferme !
Mais que Rousseau ait ainsi mis en plein dans le mille, franchement, le fait remonter de dix degrés dans mon estime... J'avais tendance à le mépriser un peu sur ce chapitre (le Devin du village, son système de notation musicale, etc.)
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 14:45   Dans le mille des trois plateaux
Que la musique modale soit une (petite) région de la musique tonale, comme je le crois, ou que la musique tonale soit une des multiples particularités de la musique modale, il est possible que la querelle soit aporétique. Surtout qu'il est aussi envisageable que toutes les deux fassent partie du plus vaste ensemble de la musique atonale
Bien cher Olivier,


Oui.
Olivier, plus sérieusement, j'ai probablement lu cent fois moins de livres que vous. Néanmoins, j'aime lire et observer ce que je lis. Vous aviez dans cette citation,une prose assez brutale (Rousseau était un brutal qui accusait les autres de l'être, ça, vous le saviez), où pas moins de six phrases sont mises bout à bout par des points-virgule. On n'écrivait plus le français de cette manière au XIXè. La mise bout à bout des adjectifs "jugementaux" ressort elle aussi au milieu de XVIIIe. Restait à vous pencher sur ce que fut "la querelle des Bouffons" puisque apparemment c'est de cela qu'il s'agissait ici. Qui défendit qui contre qui ? Dans un premier temps, j'avais pensé à Diderot, car ce passage est plutôt bien "envoyé". Et puis non, Diderot inclinait du côté de Rameau, restait le provincial herboriseur et gentiment paranoïaque de Genève qui se piquait de tout ce qui pouvait se donner des airs d'"anti-Paris": notre Jean-Jacques n'était plus très loin.
Francis votre modestie vous honore ! Vous démontrez ci-dessus la profondeur de votre culture. J'aurais été parfaitement incapable d'une telle observation, nonobstant les quatre-vingt mille livres de ma modeste bibliothèque (ce qui veut dire que vous n'en avez lus, si je compte bien, que huit cents ? Non je ne peux le croire ; cela couvre à peine la collection grecque et latine des Belles Lettres...).
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 16:38   Je crois que je vais m'abstenir de revenir…
Et quand on a lu 8 livres, on fait partie de quelle catégorie ?
Ah bon, vous êtes agrégé de lettres Boris ?
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 17:25   Désagrégé
Pour une fois que mes compétences sont reconnues…
» Que la musique modale soit une (petite) région de la musique tonale, comme je le crois, ou que la musique tonale soit une des multiples particularités de la musique modale, il est possible que la querelle soit aporétique. Surtout qu'il est aussi envisageable que toutes les deux fassent partie du plus vaste ensemble de la musique atonale…

Je puis certainement souscrire à cela, cher Boris, je ne crois pas que nous devions nous disputer à ce sujet. Ce n'est qu'une question de découpage conceptuel, je ne vois, quant à moi, aucune querelle. Et vous savez bien que si Jasraj me transporte, cela ne m'empêche pas de donner ma chemise et ma cravate pour un Fauré chanté par Herbillon. Je risquerais la proposition que, jusqu'à, disons, le grand traité d'harmonie de Shönberg, en 1954 (il me semble que ce serait une date bien représentative), musique "harmonique" et musique "modale" sont pratiquement les deux grands versants de ce que l'on pouvait entendre. Il me semble aussi que les deux (sauf d'un point de vue purement théorique) n'ont pas grand chose à voir l'un avec l'autre. On peut aimer l'un, l'autre ou les deux, un peu comme on peut être "littéraire", "scientifique" ou les deux... Vous me répondrez peut-être, avec raison, qu'en 1954, la musique indienne était encore ("pratiquement", encore une fois, car il y avait déjà quelques spécialistes) fort peu connue chez nous. Je crois qu'il y a deux noms à retenir à ce sujet : Ravi Shankar, que tout le monde connaît maintenant, et, Alain Daniélou, justement, avec sa collection de disques à l'Unesco... Mais il y a un point où, je crois, nous sommes d'accord : les tentatives pour mêler les deux types de musique donne une sorte de "world music" insipide et indigeste.

Pour écouter Jasraj à l'œil.
Remarquez, il y a aussi La Fille du Régiment, avec Natalie Dessay, Janina Baechle, Montserrat Caballé, sur Mezzo... Mise en scène de Laurent Pelly...
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 20:39   Re : Dans le mille des trois plateaux
Rien que le nom de Nathalie Dessay me fait fuir au fond de mon potager…
Utilisateur anonyme
10 août 2008, 21:12   La cerise…
« Ayant fêté son 74ème anniversaire quelques jours plus tôt, Montserrat Caballé est la cerise sur le gâteau de cette soirée exceptionnelle. »
Utilisateur anonyme
11 août 2008, 14:11   RAMEAU
Dans la musique, le Dessein est en général le sujet de tout ce que l'on se propose ; car un habile Compositeur doit se proposer d'abord un Mouvement, un Ton ou un Mode, un Chant et une Harmonie conforme au sujet qu'il veut traiter (…)

(Traité de l'Harmonie, Chapitre quarante-quatrième, Livre troisième, Par Monsieur RAMEAU)
11 août 2008, 14:34   Re : RAMEAU
Et moi je lis, toujours dans cet étonnant Rousseau, à l'article "modulation" :

Pour bien moduler dans un même Ton, il faut 1°. en parcourir tous les Sons avec un beau Chant, en rebattant plus souvent les cordes essentielles & s'y appuyant davantage ; c'est-à-dire , que l'Accord sensible , & l'Accord de la Tonique doivent s'y remontrer fréquemment, mais sous différentes faces & par différentes routes pour prévenir la monotonie. 2º. N'établir de Cadences ou de repos que sur ces deux Accords, ou, tout au plus sur celui de la sous-Dominante. 3º. Enfin n'altérer jamais aucun des Sons du Monde ; car on ne peut, sans le quitter, faire entendre un Dièse ou un Bémol qui ne lui appartienne pas, ou en retrancher quelqu'un qui lui appartienne.


En remplaçant "accord" par "intervalle", on croirait entendre les conseils d'un guru d'une école indienne...

(Pas mal, la "cerise sur le gâteau, à propos de Montserrat Caballé : certains journalistes n'ont vraiment aucun sens du ridicule !)
Utilisateur anonyme
11 août 2008, 14:56   Du même (cité par Montherland)
"Les nobles membres de cette académie (de l'Opéra) ne doivent aucun respect au public : c'est le public qui leur en doit.
Je ne vous parlerai point de cette musique; vous la connaissez. Mais ce dont vous ne sauriez avoir idée, ce sont les cris affreux, les longs mugissements dont retentit le théâtre pendant la représentation. On voit les actrices, presque en convulsions, arracher avec violence ces glapissements de leurs poumons, les poings fermés contre leur poitrine, la tête en arrière, le visage enflammé, les vaisseaux gonflés, l'estomac pantelant : on ne sait lequel est le plus désagréablement affecté, de l'œil ou de l'oreille; leurs efforts font autant souffrir ceux qui les regardent que leurs chants ceux qui les écoutent; et ce qu'il y a de plus inconcevable est que ces hurlements sont presque la seule chose qu'applaudissent les spectateurs. A leur battement de mains, on les prendrait pour des sourds charmés de saisir par là quelques sons perçants, et qui veulent engager les acteurs à les redoubler. Pour moi, je suis persuadé qu'on applaudit les cris d'une actrice à l'Opéra comme les tours de force d'un bateleur à la foire : la sensation en est déplaisante et pénible, on souffre tant qu'ils durent; mais on est si aise de les voir finir sans accident, qu'on en marque volontiers sa joie.
Tout annonce dans ce pays la dureté de l'organe musical; les voix y sont rudes et sans douceur, les inflexions âpres et fortes (...). Nul accent mélodieux dans les airs du peuple (...). Le Français paraît être de tous les peuples de l'Europe celui qui a le moins d'aptitude à la musique. Mylord Edouard prétend que les Anglais en ont aussi peu, mais la différence est que ceux-ci le savent et ne s'en soucient guère, au lieu que les Français renonceraient à mille justes droits (...) plutôt que de convenir qu'ils ne sont pas les premiers musiciens du monde."

La Nouvelle Héloïse (Lettre XXIII)
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter