Autre devinette littéraire et musicale

« Après cette journée de calme passée dans la vie de famille, je rentrai un peu tard chez moi ; une scène d'un autre genre m'y attendait. J'y trouvai celle à laquelle je venais de me sacrifier en proie à un accès de jalousie frénétique. Dans ces accès, cette femme était d'une brutalité sans pareille ; en m'apercevant, elle me lança une bouteille d'encre au visage. Un mouvement naturel me fit porter la main en avant pour me garer ; un éclat de verre me blessa si profondément, que pendant un mois je fus privé de l'usage de ma main droite. Je crus que là se borneraient les suites de cette scène ; je me trompais ; elle se glissa dans ma chambre pendant mon sommeil, et d'un seul coup de ciseaux coupa les boucles de cheveux qui ondulaient sur mon cou, et cela si adroitement, que seulement le lendemain à mon réveil je m'aperçus que, nouveau Samson, j'avais trouvé une Dalila. Son unique but était de me retenir à la maison, elle réussit. »

Qui est celui qui raconte (et qui écrit) ?

Un pauvre homme.

Un pauvre homme qui eut donc les cheveux bouclés.

... et qui se sacrifie pour une ingrate...

Cela me dit quelque chose... C'est une scène que l'on pourrait trouver dans les mémoires de Casanova, mais ça ne doit pas être cela...

En disant Pierre Louÿs, je suis loin, ou très loin ?

J'oubliais que la devinette était également "musicale". Donc oubliez ma proposition.

Je ne dis rien, mais vous êtes forts…

Mais c'est loin d'être "un pauvre homme" !

Béhachelle, nonobstant Arielle ?

Euphémie ! Quel rapport avec la littérature et la musique, voyons !

Cela a un rapport avec Carla !

Le passage se fait via le TPI...

Notez que si Casanova fut vénitien, Lorenzo finit dans un canal à Venise...

Francis avait bien dit que vous étiez interdit de jeu, JMarc, non ???

Si je dis "Eddie Barclay" (car un tel couple ne peut finir qu'en divorce), me répondrez-vous, d'un certain ton, J'ai dit musique, Francis, pas musiquette! ?

On parle de vie de famille (ce qui exclut Casanova, sauf peut-être par métaphore, ce qui est possible dans son style, et il était aussi musicien, mais évidemment pas connu comme tel...) Un musicien écrivain et marié, donc, qui a néanmoins une vie mouvementée...

On a droit à une question ? C'est écrit en français, n'est-ce pas, ce n'est pas une traduction ?

Ike Turner ? Je reconnais là le tempéramment de braise de son ex-femme.

Non mais quelle mouche vous pique, Francis ???

Jmarc a mis dans le mille, je crois…

Si, Bernard, c'est d'une traduction, qu'il s'agit.

Franz Liszt...

Non, Bernard, mais je vous avais laissé entendre que vous étiez tout proche de la vérité, dans votre premier message… Et Jmarc a laissé un sacré indice… (et même deux !)

Da Ponte ?

Chopin, alors, à Venise, avec la baronne Dudevant...

Ah oui, Da Ponte, c'est celui que je cherchais ! D'où Casanova !Je parie pour Orimont !

Bravo à tous les trois (Jmarc, Bernard et Orimont) !

Ce sont les Mémoires de Lorenzo Da Ponte, un livre tout à fait merveilleux !

(Au Mercure de France)

Pas de piqure de mouche: le vol du bourdon seulement.

Des trois, je suis le moins à féliciter, après les indices de jmarc, ô combien savoureux.

Oui, les Mémoires de Lorenzo Da Ponte forment un livre aussi captivant que drôle et le hasard de cette devinette m'a donné grande envie de les relire !

Bien cher Boris,

Tout le mérite revient à Bernard : une fois qu'on pense à Casanova, que vous le confirmez en disant "vous êtes fort" et qu'on fait le lien avec la musique, on arrive à da Ponte.

Pour moi, c'est tout de même Orimont. J'étais certain d'avoir déjà lu ce texte, et il se fait que c'est Casanova qui, de fil en aiguille, si j'ose dire, m'a fait lire Da Ponte... Ma mémoire était en train de refaire le chemin quand Orimont a donné la réponse...

Une leçon d'escrime, par Casanova

... je vois un petit homme coiffé à l'oiseau royal, ayant à sa boutonnière un bouquet énorme, et une épée en ceinture dont la garde tierçait de deux pouces, qui m'aborde d'un air insolent, et me dit sans préambule qu'il avait envie de me couper la gorge.
- En sautant, puisque vous n'êtes qu'un bout d'homme vis-à-vis de moi qui vous couperai les oreilles.
- Sacr... Monsieur.
- Point de colère de manant. Vous n'avez qu'à me suivre.

Je vais à longs pas jusqu'à l'Étoile, où ne voyant personne, je demande à l'insolent ce qu'il me voulait, et la raison qui le conduisait à m'attaquer.
- Je suis le chevalier de Talvis. Vous avez insulté à une honnête femme que je protège. Dégainez.
En disant ces mots il tire son épée. Je tire dans l'instant la mienne, et sans attendre qu'il se couvre je le blesse à la poitrine, Il saute en arrière et il me dit que je l'ai blessé en assassin.
- Vous mentez, et convenez-en, ou je vous égorge.
- Point du tout, car je suis blessé ; mais je vous demanderai ma revanche, et nous ferons juger le coup.

Je l'ai laissé là ; mais mon coup était en règle, puisqu'il mit l'épée à la main avant moi. S'il ne s'est pas couvert c'est sa faute.

Casanova, Histoire de ma vie, Bouquins, Robert Laffont, 1999, p. 635.