Le site du parti de l'In-nocence

La langue et son entretien

Envoyé par Phil Steanby 
Meussieu le présidan, je vous fais une lètre

10.05.2012 | Anna Lietti | Le Temps

« [...]

Libérez l’orthographe, Monsieur Hollande ! La graphie française est, au monde, l’une des plus difficiles et des plus chronophages pour l’école. Elle est, comme un vieux château, pleine de charmes, certes, mais elle coûte les yeux de la tête à l’entretien. Face à la postérité, je peux vous garantir que vous ferez un carton. Vous, président de la République, on vous retrouvera, comme Charlemagne, dans les chansons ! »


[www.courrierinternational.com]
Monsieur le Président, n'écoutez pas les cancres.
Ça y est, cher Bily, vous m'avez énervé.
"Une dictée quotidienne, génial, il faut au moins ça, tout le monde est pour. Mais problème : que va-t-on lui sacrifier? Le sport, la musique, toutes ces choses bêtement (ré)créatives ? Les langues étrangères, ce qui ferait sûrement plaisir à Marine Le Pen ?"

Moi, vous m'avez tuer.
Utilisateur anonyme
10 mai 2012, 16:37   Re : La langue et son entretien
Face aux duretés des temps Confucius recommandait d'écrire un dictionnaire. Aujourd'hui les conseillers du prince lui demandent de le brûler.
S'il est urgent, donc, de "libérer l'orthographe", pourquoi cette personne ne commence pas par donner l'exemple dans son article, pour montrer un peu ce que serait cette langue dés-orthographiée (et sans liaisons) ? Elle pourrait aussi faire preuve de plus d'imagination dans son titre : pourquoi un "s" à "vous" par exemple. J'aurais écrit : " Mè èl coute lé ieu de la tète à l’entretiun".
Lequeux, le passage que vous citez est magnifique, tout embaumé qu'il est de l'air du temps. On reste interdit devant la phrase qui mentionne Marine Le Pen, et on se demande par quels passages a bien pu s'engouffrer la pensée de l'auteur pour y arriver (oh, avec un peu d'imagination...).

L'orthographe, sans doute, est un code de courtoisie. Bien souvent elle est truffée d'incohérences, force est de le reconnaître, et ce fait-là semble aux Amis du Désastre une preuve supplémentaire en faveur leur thèse, selon laquelle elle devrait être simplifiée. Or quiconque assimile l'orthographe d'un mot difficile, une règle étrange, un cas particulier, fait au contraire un pas dans la déprise de soi-même, qui est au fond le but de toute éducation. La règle selon laquelle on doit écrire des cailloux et non des caillous n'a aucun sens intrinsèque ; ou, si ce sens existe, il est oublié par la majorité des Français, qui pourtant connaissent ce cas particulier. Le seul sens qu'elle a est son existence pure en tant que règle, qui permet à quiconque s'y soumet de manifester comme une preuve de bonne volonté sociale, comme le désir de montrer de soi autre chose que soi-même en présence d'autrui.
Ce désir de chaos est effrayant chez certains humains, du fantastique de super production.
J'abonderai dans votre sens, cher Bily, en ajoutant que la contrainte, en matière de langue, est bien entendu l'outil de la liberté. Il faut avoir l'entendement enchifrené pour se persuader du contraire.
Eh bien vous venez de m'apprendre un mot, cher Francmoineau ; encore qu'il y ait comme une impression de déjà-vu.
Utilisateur anonyme
11 mai 2012, 11:19   Re : La langue et son entretien
La cohérence des réclamations sur l'orthographe avec le modèle apparu à la fin des années soixante-dix est parfaite, elle est celle de la privatisation ; de la même façon que la religion ou les moeurs ont été laissés à l'appréciation de chacun, de même les pratiques langagières. La plupart des Français ont des failles en orthographe et ne voient guère d'inconvénient à ce qui est présenté comme une simplification, et une absolution de leurs fautes. La méthode est toujours d'infliger aux "anciens" Français un désapprentissage de ce qui les a constitués. La première conséquence sera de rendre plus ardu l'accès aux oeuvres du passé coupable d'une civilisation criminelle, car il ne fait pas de doute que celui qui ne saura pas écrire suivant les règles communes ne saura plus guère lire. La première conséquence sera de signaler à la collectivité ceux qui persisteront, en Vieux-Français, à s'exprimer à l'ancienne. S'ils résistent à la pression commune, ils passeront au mieux comme des originaux, au pire comme d'affreux réactionnaires, France Culture ou Libération invoquant le fascisme de la langue. Comme ceux qui persistent à articuler des phrases construites, à varier les tournures, à marquer les liaisons, à user de l'imparfait du subjonctif, ils seront vus comme des olibrius, des poseurs, des hypocrites. On leur reprochera vite de ne pas se conformer à l'usage ; ils auront beau jeu de rappeler que longtemps en France la langue fut affaire d'Etat et que l'usage fut toujours soumis à régulation académique avant d'être accepté : on ne les entendra pas. Il est logique que l'orthographe suive cette pente, et que la phase suivante soit l'interdiction du respect des règles traditionnelles en dehors du cercle intime, par l'effet d'une laïcisation des comportements langagiers. Pour les abolitionnistes, la langue n'est pas un savoir, contrairement aux mathématiques, par exemple, dont il ne leur viendrait pas à l'idée de demander la simplification des règles.
Ces attaques contre l'orthographe en général sont d'autant plus piquantes que la Langue de Référence, donc l'anglais, a une orthographe particulièrement erratique, et une grammaire très subtile, en fait.

Cela étant, la France et le français souffrent d'un mal réel : l'incapacité totale de notre Académie à régler quelques points (en résumé ceux de l'arrêté Leygues du 26 février 1901). Notre Académie semble tétanisée devant tout changement, alors que les réformes de 1878 et de 1835 avaient été fort intéressantes, et que la RAE, par exemple, révise régulièrement les dictionnaires espagnols.
donc l'anglais, a une orthographe particulièrement erratique, et une grammaire très subtile, en fait.

Songez en outre que l'anglais, langue pourtant universelle, n'a pas une seule orthographe mais deux ! quand le Français s'orthographie encore au Canada comme en France.
Utilisateur anonyme
11 mai 2012, 15:43   Re : La langue et son entretien
[www.lefigaro.fr]

«Nous assumons cette faute, a réagi Emmanuelle Gaye, porte-parole d'Adidas. Cette règle grammaticale n'est pas évidente et j'imagine n'était pas connue de tous les Français»...ah bon ?
A propos d'une expression que nous avions évoquée :
"Certes, elle avait toujours les mêmes yeux. Mais, si les yeux sont les fenêtres de l'âme, il est certain qu'une autre âme y émergeait aujourd'hui et que dans ceux, toujours présents, de la morte, Jane, douce et réservée d'abord, se lâchait peu à peu."
Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, 1898.
Entièrement d'accord avec les remarques de M. A.
Eh oui, que voulez-vous : comme l'installation électrique vétuste d'une vieille baraque insalubre, la langue française n'est plus aux normes... Chacun craint désormais l'éléctrocution en actionnant un subjonctif mal branché, ou en connectant une subordonnée relative dénudée. Mettez-moi tout ça à la terre, bon sang!
Utilisateur anonyme
11 mai 2012, 20:25   Re : La langue et son entretien
Utilisateur anonyme
11 mai 2012, 20:25   Re : La langue et son entretien
Et pour Anna Lietti : Le bonheur d'assassiner. Et comment on l'apprend.
Cher Marc, Saint-Simon déjà se lâchait parfois éhontément...


Citation
Francmoineau
J'abonderai dans votre sens, cher Bily, en ajoutant que la contrainte, en matière de langue, est bien entendu l'outil de la liberté. Il faut avoir l'entendement enchifrené pour se persuader du contraire.

Oui !
Saint-Simon, cher Alain --- je ne discute pas l'antériorité --- se lâchait un peu trop, surtout quand il inventait des scènes auxquelles il n'avait pas assisté et dont nul témoin ne pouvait lui dire quoi que ce soit. Ainsi, ni le roi, ni Madame de Maintenon ne pouvaient lui faire la confidence d'une gaffe que Racine aurait faite à propos de Scarron. J'admire Saint-Simon pour son style mais c'était un envieux.
L'orthographe, c'est l'uniforme de la langue. Cela ne rend pas celle-ci plus efficace, mais cela contribue à la faire respecter et admirer.
J'ai retrouvé l'extrait, de sa lettre à l'abbé de Rancé, que j'avais déjà cité :

« ...et comme je m'y suis proposé une exacte vérité, aussi m'y suis-je lâché à la dire bonne et mauvaise, toute telle qu'elle m'a semblé sur les uns et les autres, songeant à satisfaire mes inclinations et passions en tout ce que la vérité m'a permis de dire, attendu que travaillant pour moi et bien peu des miens pendant ma vie, et pour qui voudra après ma mort, je ne me suis arrêté à ménager personne par aucune considération; »
La métaphore native -- la bride, les éperons, les fers, n'ont plus cours --- est devenue second degré. Le sens est à deux doigts de l'antithèse.
Citation
Varichkine
L'orthographe, c'est l'uniforme de la langue. Cela ne rend pas celle-ci plus efficace, mais cela contribue à la faire respecter et admirer.


Et pourtant elle semble parfois si près du sens, jusqu’à lui coller à la peau et le susciter, et ce dernier s'égare si facilement s'il s'en désolidarise, que ce peut être une nudité habillée, tout de même mal vue dans les casernes.
Monsieur Eytan,

L'uniforme n'est pas réservé aux militaires. En outre, je ne crois pas qu'il faille chercher une cohérence absolue dans une métaphore. Ni dans un oxymore, du reste.
Utilisateur anonyme
16 mai 2012, 19:37   Re : La langue et son entretien
Lu ce jour dans Le Monde, ce mail envoyé de Peypin-d'Aigues (Vaucluse) par un Monsieur Jean Hourcade :

Culture. Trésor multinational en péril
La lettre de Pierre Le Peltier « La défense des humanités » (Le Monde du 12 mai) me peine. Il semble se résoudre sereinement à la mort de la langue française : « Si le français n'est pas éternel, où est le malheur ? » Le professeur Debré parlait de « l'honneur de vivre », et Camus [Albert !] dans la même veine, considérait qu'il fallait vivre pour vivre, malgré « l'absurdité » de la condition humaine.La langue française est le support d'une civilisation mondiale et séculaire. Pierre Le Peltier évoque les langues régionales, qui ont aussi droit à la vie (j'en parle une), mais elles n'ont pas le rayonnement ni le champ lexical du français et des autres langues universelles. Ce sont des langues de proximité. Pour citer un autre grand locuteur de la langue française, Brassens disait : « Mourir, d'accord... mais de mort lente, et à la grande rigueur, ne pas mourir du tout. » Le français est un trésor multinational que nous, héritiers, avons le devoir de défendre car il est réellement en danger. Se résigner, c'est déjà mourir.
Utilisateur anonyme
21 mai 2012, 01:36   Re : La langue et son entretien
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter