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De l'état actuel de la science

Envoyé par Marcel Meyer 
Je ne sais plus comment il faut nommer ce vice logique : une théorie qui, plus elle est infirmée, plus elle se voit confirmée ! C'est bien pourtant ce à quoi l'on assiste ici sous la plume d'Alain Eytan, pourtant spécialiste du chat de Schrödinger:

Proposition (a) : les espèces qui sont les mieux adaptées à un milieu donné sont celles qui prolifèrent et "réussissent" le mieux;

Proposition (b) : les milieux sont fragiles; les espèces les plus étroitement dépendantes d'un milieu strictement défini (p. ex. la forêt de bambou des pandas) meurent avec la disparition, ou la dégradation de leur milieu fragilisé ou perturbé;

Proposition (c) : c'est alors que le milieu qui s'installe à la place du milieu dégradé mais à présent supplanté, promeut dans son installation les espèces qui lui sont le plus "adaptées", lesquelles, et c'est là le résultat final, le solde de ce processus de substitution, sont dites, dans le cadre de pensée néo-darwinien, survivantes car mieux adaptées, ce qui généralement leur vaut une qualification valorisante dans la chaîne hiérarchique de l'évolution des espèces et confirme, par une boucle syllogique, l'énoncé générique (a).

donc,

l'extinction ou la forte précarité des espèces visées en (a) prouve paradoxalement, par la mortalité de masse qui les affecte et que l'on voit inscrite dans l'évenement proposé en (b) que la proposition (a) qui leur promet pourtant une meilleure pérennité, est vraie. Autrement dit, voilà une théorie qui nous enseigne que plus on meurt en masse ou plus l'on est appelé, par le truchement de sa dépendance à l'égard d'un milieu instable ou exposé aux changements brutaux, à mourir en nombre, plus l'on est fragile et plus notre force, notre réussite et notre prolifération de la proposition de départ se voient confirmées. Bravo !
Utilisateur anonyme
23 mai 2012, 13:47   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
23 mai 2012, 14:12   Re : De l'état actuel de la science
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Absolument superbe.
Peut-être parce qu'il faut nous reconcilier avec le monde.

Rezitativ (Bass)

Am Abend, da es kühle war,
Ward Adams Fallen offenbar ;
Am Abend drücket ihn der Heiland nieder.
Am Abend kam die Taube wieder
Und trug ein Ölblatt in dem Munde.
O schöne Zeit ! O Abendstunde !
Der Friedensschluß ist nun mit Gott gemacht,
Denn Jesus hat sein Kreuz vollbracht.
Sein Leichnam kommt zur Ruh,
Ach, liebe Seele, bitte du,
Geh, lasse dir den toten Jesum schenken,
O heilsames, o köstlich’s Angedenken !
... et voir les particularités naturelles.

Le 17. [juillet]

« Ce nuage, à l'aube aujourd'hui, au milieu du ciel, gris encore et qui, le premier rayon de soleil l'ayant touché, est devenu rose peu à peu. Mais ce n'est rien dire encore à son propos. Il s'agit en effet d'un phénomène infiniment plus complexe. A savoir que ce n'est pas sa couleur en fait qui avait changé seulement. Mais, si je puis dire, sa consistance. Unique en son gris avant le lever du soleil, il est devenu, sous mes yeux, avec la teinte rose que j'ai dite, mais qui était en réalité bien plus délicate : un rose d'une légèreté inconcevable. Et plus exactement encore ceci: qu'au fur et à mesure que je le regardais, sa nouvelle consistance, qui se situait entre ce qu'on pourrais appeler une mousse, mais se terme et trop lourd encore, et une vapeur, qui serait un terme trop léger --- un entre-deux donc. Il serait difficile de dire, cependant que toute la question est là, à quel point cette consistance intermédiaire en sa légèreté sans nom a fait naître en moi une émotion doucement lancinante. Quel prodige, me disais-je, que cette délicatesse dans la consistance, le plus grand prodige encore étant que la délicatesse de cette consistance, engendrée par l'apparition du premier rayon de soleil, avait pour parfait correspondant la délicatesse même de cette émotion doucement lancinante dont je viens de faire état. La vrai question étant : que se passe-t-il pour qu'une réalité aussi impersonnelle que cette légère masse nuageuse puisse susciter en nous une réalité entièrement personnelle ? Quelle mystérieuse relation existe-t-il entre ce qu'on appelle un phénomène naturel et cet autre phénomène qui est en réalité psychique en nous ? Et qui se manifestait en moi par un progressif enchantement à la vue de la métamorphose du nuage. Et la question qu'on ne peut pas, au sein de notre enchantement même, ne pas se poser : en quoi réside l'État de Poésie où sensations, sentiments et pensée se conjuguent de manière organique, dans la genèse de l'émotion que sucite en nous la vue de cette particularité naturelle. Et qui à elle seule est un voyage en même temps qu'une transfiguration intime. »

(Georges Haldas, Le Nomade Immobile, Carnets 2000)
En somme , si j'ai bien compris, une bonne adaptation à l'environnement, due au hasard des mutations, favorise la survie de l'espèce ; en revanche une trop parfaite adaptation peut favoriser le risque de sa disparition. Cela ne me paraît pas si contradictoire que ça ...
C'est très fortement contradictoire, "le trop parfait" meurtrier n'étant autre que le stade abouti du "moyennement parfait" dès lors que vous supposez un processus (le hasard des mutations) qui conduise de l'un à l'autre, chère Cassandre. Vous ne pouvez guère affirmer qu'un processus est garant de "l'adaptation" et de la "survie" des espèces si ce même processus les conduit à leur perte par la vertu de son plein achèvement. Ce serait, dans le meilleur des cas le freinage, voire l'empêchement du processus qui garantirait la bonne tenue de l'espèce dans le milieu.

Pour détendre un peu l'atmosphère de ce fil que je trouve étouffante, je vous invite à relire Pagnol, que vous aimez. et notamment Marius, pièce de théâtre dans laquelle le père César déclare au sujet de son fils, ceci que je crois très éclairant dans cette discussion : Il n'est pas bon à rien, il est mauvais à tout.

Le sens ici est très profond et plus ambigu qu'il n'y paraît à première vue. Le survivant, celui qui franchit la barrière des époques, les murs des cataclysmes qui assurent à chaque fin d'une époque géologique ou phylogénique, sa succession, n'est ni le kador suradapté à son époque et sur-spécialisé dans son milieu, ni le "bon à rien" mais, très précisément le "mauvais à tout", le médiocre, le moins exposé des êtres, l'obscur, l'espèce zéro, l'espèce des départs d'ère, le plus moyen des êtres, celui dont la tête ne dépasse pas du rang. Pourquoi en est-il ainsi, pourquoi les survivants sont-ils toujours des êtres passablement ternes et généralement assez navrants ? Si vous voulez que je vous livre le fond, le tréfond de ma pensée, qui n'est rien d'autre qu'un sentiment tant ce fond est enfoui: parce que l'existence sur cette terre, astre moyen, qui n'est pas sans charme mais qui, à l'échelle de l'univers, est dépourvu de toute grandeur, est médiocre et moyennement exaltante. Voilà. C'est dit, au risque de me faire railler par Alain qui ne va pas manquer de pointer en moi le nietzschéen de comptoir, je vous livre dans le bas-fond de ce fil, ma pensée, aussi navrante que son objet mais en cela, fidèle à sa vérité.

PS: vérification faite, la réplique n'est pas tirée de Marius mais du Schpountz, et c'est l'oncle, Baptiste Fabre qui l'adresse à Irénée, son neveu: Oh que non ! Bon à rien, ce serait encore trop dire. Tu n'es pas bon à rien, tu es mauvais à tout. Je ne sais pas si tu me saisis, mais moi, je me comprends.
Ah, cher Francis, ça n'est pas de jeu ! Si vous me prenez par le "Schpountz", un film que j'adore, je ne peux que m'incliner !
Journal d'Anne Frank, mercredi 23 février 1944 :

" ... je me suis mise à croire que nous avons une compensation énorme à toutes ces privations. Je m'en suis rendu compte tout à coup, ce matin, devant la fenêtre ouverte. Je veux dire, une compensation de l'âme.
En regardant au-dehors, donc Dieu, et en embrassant d'un regard droit et profond la nature, j'étais heureuse, rien d'autre qu'heureuse." (Trad. T. Caren et Suzanne Lombard)

" Ce matin, quand j'étais devant la fenêtre, en regardant dehors, c'est-à-dire en regardant Dieu et la nature au fond des yeux, j'étais heureuse, purement et simplement heureuse." (Trad. N. Omnes et Ph. Noble)
24 mai 2012, 00:00   Le chant des Stridulants
» C'est très fortement contradictoire, "le trop parfait" meurtrier n'étant autre que le stade abouti du "moyennement parfait" dès lors que vous supposez un processus (le hasard des mutations) qui conduise de l'un à l'autre

Il ne me semble pas, le "trop parfait", pour reprendre votre expression et votre logique (j'y suis bien obligé si je veux vous répondre, bien que je trouve que vous avez une légère propension à l'emberlificotement, Francis), le "trop parfait" donc est celui, espèce ou population, qui n'a pas pu présenter suffisamment de variations de caractères en son sein, ou pas la bonne au bon moment, de façon à pouvoir parer à une éventuelle modification du milieu et favoriser ceux qui en seraient porteurs, qui la transmettraient donc...
Rappelez-vous le criquet à ailes plates (je l'aime bien celui-là) : par le hasard des mutations il s'est trouvé parmi une population d'individus normaux à ailes stridulantes certains freaks à ailes plates non-stridulantes : tout à coup, catastrophe ! survient une modification dangereuse du milieu : le chant des Stridulants attire des bestioles qui les dévorent, épargnant les criquets silencieux. Ceux-ci survivent davantage, et donnent donc naissance à un nombre croissant d'individus porteurs de cette variation génique. Au bout du compte, c'est une majorité de criquets de cette île qui est "mutante", et mieux adaptée à leur type d'environnement. Jusqu'au prochain coup dur...

Cette situation offre un joli récapitulatif (et bien commode, j'en conviens) du mécanisme explicatif de la chose ; toujours est-il que je trouve qu'il n'y a là absolument rien d’aberrant. Je n'ai au reste pas compris de quel "être indépendant de son milieu" vous parliez ?

N'oubliez tout de même pas, et cela s'adresse aussi aux remarque de Loïk, que le darwinisme se veut être une théorie sur la diversification des espèces, pas des civilisations ; ce n'est pas la même chose.


» A quels traits merveilleusement adaptés à quel milieu (qui selon vos spéculations devrait lui-même être dominant parmi tous les milieux terrestres à proportion de la domination de cette espèce) doit-il sa phénoménale prolifération ?

Vous posez un peu la question à l'envers (ce sont les caractéristiques actuelles qui sont supposées être le résultat d'une évolution adaptative), mais la réponse n'est-elle pas toute trouvée ? son intelligence, qui lui permit de pallier les déficits et les faiblesses en inventant l'outil, et commencer de penser, jusqu'à prétendre renverser la vapeur et rendre le milieu plus favorable à lui, pour changer, et produire des Heidegger qui iront jusqu'à proposer des sortes de palindromes à tout ce processus...
Voilà, j'ai fait le lien !
a) Rappelez-vous le criquet à ailes plates (je l'aime bien celui-là) : par le hasard des mutations il s'est trouvé parmi une population d'individus normaux à ailes stridulantes certains freaks à ailes plates non-stridulantes : tout à coup, catastrophe ! survient une modification dangereuse du milieu : le chant des Stridulants attire des bestioles qui les dévorent, épargnant les criquets silencieux. Ceux-ci survivent davantage, et donnent donc naissance à un nombre croissant d'individus porteurs de cette variation génique. Au bout du compte, c'est une majorité de criquets de cette île qui est "mutante", et mieux adaptée à leur type d'environnement. Jusqu'au prochain coup dur...

b) le darwinisme se veut être une théorie sur la diversification des espèces,

Situation de départ du processus : 2 sous-espèces de criquets
Situation à l'arrivée du processus : 1 sous-espèce de criquets.

C'est ce que vous appelez "diversification des espèces" Alain ? ou bien suis-je encore trop emberlificoté ?

Ce processus de retranchement que vous nous illustrez avec cette histoire de criquets (il y a aussi dans le même genre, celle des phalènes grises sur poteaux gris qui survivent mieux que les phalènes blanches sur les mêmes poteaux, plus repérables par les oiseaux) n'est évidemment porteur d'aucune apparition d'espèce nouvelle puisque dans le stock génétique de départ les criquets à ailes plates étaient déjà présents. Il n'est autre que le processus d'appauvrissement de la diversité d'une espèce -- un coup de rabot sur l'existant, il ne débouche à proprement parler sur rien de nouveau, ne produit l'apparition d'aucun saut spécifique, d'aucune branche ou réorganisation phylogénique radicale comme en montre l'histoire naturelle. Il n'est qu'une sous-anecdote du vivant, à savoir ce que les biologistes nomment dans leur parlure un population shift qui ne mérite pas que l'on s'y arrête. Rien d'autre.
Ce n'est pas possible, Francis, vous le faites exprès. Mais qu'avez-vous donc, idéologiquement, contre cette théorie (ce n'est qu'une théorie) ?!!
Et vous ne pouvez ignorer ce postulat de base : si une variété au sein d’une espèce continue d'acquérir de nouveaux caractères l'en différenciant de plus en plus, cette variété finira par diverger au point de ne pouvoir se croiser avec des individus de variétés différentes ; et le voilà, votre "nouveau" : une nouvelle espèce.
Bien sûr, ce n'est qu'une théorie, et elle décrit assez bien un certain type de processus. Mais, la dernière fois que nous avions abordé la question, nous en avions me semble-t-il touché de plus près le nœud : le caractère assez invraisemblable, en cas de brusque modification du milieu, de la probabilité de voir apparaître à la vitesse de l'éclair, la mutation nécessaire et salvatrice parmi les milliards (ou milliards de milliards ?) théoriquement possibles. Vous répondrez, je sais, que précisément, de nombreuses espèces ne la voient pas apparaître et disparaissent ; aussi ne disputerai-je pas l'inégale adaptabilité des espèces.
Les déséquilibres de population intra-spécifiques sous les effets de la prédation (votre histoire de criquets) ne transformeront -- le "transformisme" était le terme employé que ne s'impose la doxa néo-darwinienne -- jamais un criquet en araignée ou en lézard geiko ou même en mante religieuse. Ces dynamiques de sélection par la prédation entament la biodiversité -- du reste n'est-ce pas la raison pour laquelle il importe de se prémunir contre les espèces invasives allogènes qui en entraînant pareil déséquilibre dans la prédation peuvent appauvrir la biodiversité et certainement pas l'enrichir ou je ne sais par quel miracle en faire naître de nouvelles ! (*)-- et elles ne produisent jamais le saut évolutif que l'on observe dans les arbres de M. Krammerer.

S'agissant d'une espèce relativement indépendante d'un milieu donné, je pensais à homo erectus par exemple. Il est des êtres vivants suffisamment détachés d'un milieu donné pour devenir omni-milieu -- cas de certaines bactéries, qui "réussissent" très bien en franchissant la barrière des espèces, soit la barrière des milieux, si vous me suivez.

Le seul "être vivant" (tout en sachant que ce statut lui est parfois disputé) dont l'homme n'a pas la maîtrise totale aujourd'hui appartient à la catégorie des virus, or le virus le plus difficile à maîtriser, le plus résistant, est celui du VIH, soit un virus qui dans l'histoire de son développement a franchi la barrière des espèces/milieux, comme le font la plupart d'entre eux, autrement dit, le virus est l'être biotique le moins spécialisé, le moins étroitement adapté à un milieu et le plus résistant et incontrôlable d'entre eux est célèbre pour avoir, presque sans recomposition, migré d'une espèce à une autre établissant ainsi son indépendance à son milieu d'origine. J'espère que ce raisonnement, par lequel je m'efforce de vous prouver que l'être vivant qui survit est le moins adapté à un milieu donné comme unique, ne vous paraît pas trop emberlificoté, car si c'est le cas, je ne puis rien pour vous.

Je n'ai rien de personnel contre cette "théorie" Alain, si ce n'est que c'est une fable, et je m'insurge de la voir aveugler des esprits qui méritent mieux que cela, dont le vôtre.

A moins que quelqu'un n'apporte des arguments d'autorité qui remettraient radicalement en cause ce que j'ai écrit ici sur la question, cette intervention sera la dernière de ma part sur le sujet.

Je vous remercie tous de votre aimable attention et de votre patience.

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(*) Si quelqu'un se sent tenté de transcrire cela sur un plan politique -- "aucune immigration prédatrice ne fera naître un Français nouveau" --, qu'il ne se gêne pas pour moi: je suis prêt à le suivre.
C'est nous — en tout cas moi — qui vous remercions, Cher Francis Marche, ainsi que les autres contributeurs.
» le caractère assez invraisemblable, en cas de brusque modification du milieu, de la probabilité de voir apparaître à la vitesse de l'éclair, la mutation nécessaire et salvatrice parmi les milliards (ou milliards de milliards ?)

Cher Marcel, je crois que ce point a été souligné de nombreuses fois : les mutations sont antérieures aux modifications du milieu à quoi les premières favorisent l'adaptation, selon la théorie : ce n'est pas cette modification qui provoque ou "commande" la mutation y "correspondant".
Les mutations sont aléatoires et la variation qu'elles réalisent précède la sélection de l'environnement ; et s'il ne s'en est trouvée aucune qui "corresponde" aux besoins de la circonstance, eh bien, comme je crois nous étions tombé d'accord la-dessus, l'espèce s'éteindra, comme cela est arrivé de nombreuses fois.

Cher Francis, lorsque j'écris : "ce n'est qu'une théorie", je veux dire par là que la théorie n'est pas le réel : non seulement nous divergeons quant à la théorie, probablement, mais également sur la façon d'entendre cette dernière : une théorie n'est qu'un modèle explicatif possible, rendant plus ou moins compte des phénomènes. Une théorie acceptée ne signifie pas, pour moi en tout cas, que "cela s'est passé ainsi", elle ne peut se substituer en tant que modèle provisoire au réel et tenir lieu de version définitivement acquise et bouclée du cours des choses. Et il faut la juger en tant que telle, une vue de l'esprit agençant certaines données selon des rapports de cohérence et de cause à effet, pas en tant que réalité, même de substitution, si l'on tient qu'elle paraît meilleure qu'une autre.
je vous dis cela parce vous paraissez raisonner en termes de "ce qui s'est réellement passé" — à propos de quoi d'ailleurs vous possédez de solides certitudes — alors que ce n'est que l'élaboration d'un mécanisme explicatif possible et suffisamment corroboré que je considère.

Que T. Rex ait pu devenir une sotte autruche, c'est pourtant ce que des gens très compétents sont prêts à envisager le plus sérieusement du monde...


» le virus est l'être biotique le moins spécialisé, le moins étroitement adapté à un milieu et le plus résistant et incontrôlable d'entre eux est célèbre pour avoir, presque sans recomposition, migré d'une espèce à une autre établissant ainsi son indépendance à son milieu d'origine

C'est l'être dont la spécialisation requiert le moins de transformations possibles, puisqu'il n'est constitué que des briques élémentaires de la vie : tout son être tient pour ainsi dire dans le matériel génétique. Aussi offre-t-il de ce point de vue une illustration remarquable de ce qui constitue le cœur de la théorie (néo-) darwinienne : adaptabilité parfaite au milieu par sauts mutationnels.
Bien après que la caravane soit passée et l'intérêt retombé, quelques aboiements.

Les espèces passent, les termites demeurent, à l'écart du temps, dans l'habitat parfaitement artificiel des termitières.

Dans le zoo, pas de famine, pas de prédateur, un vrai bain de culture. Mais les pensionnaires y perdent le désir de vivre et meurent sans s'être reproduits.

De quel milieu parle-t-on : le milieu causal, phénoménal, axiologique, sensible, téléologique, symbolique, universel ? De quel être parle-t-on ? Aucune cause biologique, aucune inadaptation matérielle, n'explique la stérilité des animaux de zoo.

L'espèce humaine pullule sur la surface entière de la Terre. Cependant, une partie de l'espèce, où qu'elle réside, depuis la Terre de feu jusqu'au Kamtchatka, s'éteint. Phénomène d'autant plus étrange que cette fraction d'humanité est justement celle qui façonna le milieu qui s'avère propice à la démographie générale et fatal à la sienne.

Le hasard qui propose et le milieu qui dispose ne font pas une dialectique. Il y a séparation entre l'ordre de la structure et l'ordre de l'événement, séparation entre la nécessité de ce qui peut se produire et la contingence de son effectuation réelle. Un besoin logique peut toujours trouver à s'investir autrement ou tourner à vide.

La logique ne fonctionne pas à petits pas. 1/10 est l'inverse de 10/1. Une seule opération logique suffit. Des mutations invraissemblables pour qui s'arrête au résultat empruntent en logique le plus court chemin.

Le virus de par la simplicité de sa constitution s'adapte aisément à des milieux différents qu'il ne fait en quelque sorte qu'effleurer, aussi destructif puisse-t-il être en apparence. L'artificialisation du milieu par l'homme est aussi une manière d'effleurer le monde, de s'adapter à moindre coût, avec le même effet destructif. Que reste-t-il de la nostalgie du pays, celle, par exemple, des soldats d'autrefois ou des animaux sauvages ?
» Bien après que la caravane soit passée et l'intérêt retombé, quelques aboiements.

Allons, cher Pierre Henri...


» Dans le zoo, pas de famine, pas de prédateur, un vrai bain de culture. Mais les pensionnaires y perdent le désir de vivre et meurent sans s'être reproduits.

Comment voulez-vous vous adapter à un milieu qui ne requiert aucune adaptation ? Les pauvres animaux ne s'y retrouvent plus, enfermés dans leurs enclos comme dans un paradoxe.
S'ils meurent sans se reproduire, ce n'est probablement pas par manque de liberté, terme qui n'a en l'occurrence guère de sens, mais par privation de l'"exercice de la nécessité", ce qui est à peu près le contraire ; le relâchement qui résulte d'un telle vacance peut être mortel.
C'est l'être dont la spécialisation requiert le moins de transformations possibles, puisqu'il n'est constitué que des briques élémentaires de la vie : tout son être tient pour ainsi dire dans le matériel génétique. Aussi offre-t-il de ce point de vue une illustration remarquable de ce qui constitue le cœur de la théorie (néo-) darwinienne : adaptabilité parfaite au milieu par sauts mutationnels.

Le virus de par la simplicité de sa constitution s'adapte aisément à des milieux différents qu'il ne fait en quelque sorte qu'effleurer, aussi destructif puisse-t-il être en apparence.

Je me vois contraint de sortir de ma réserve habituelle, comme disent les gens importants, et que je m'étais promise définitive, afin de vous dire que vous faites tous deux fausse route: les biologistes, les physiologistes, vous expliqueront mieux que moi que le virus qui passe d'un milieu à l'autre est le plus grand inadapté des êtres biotiques.

Ce que tente le virus, sur chaque hôte, est de s'arrimer à cet être, à son patrimoine génétique, et c'est en n'y parvenant pas qu'il tue son hôte ! Son inadaptation foncière à tout milieu vivant dévitalise le milieu et fait ainsi du virus un assassin investi d'un pouvoir de destruction supérieur à celui de l'homme, pourtant roi des inadaptés, roi des indépendants à tout milieu. Si le virus était adaptable, vous ne le sentiriez pas, il se fondrait à votre organisme sans douleur aucune et créerait avec lui, comme certaines bactéries, une symbiose.

Reconnaissez-vous enfin que l'incapacité à produire une symbiose définit l'inadaptabilité ? C'est le cas de l'homme dans l'environnement terrestre; c'est aussi le cas du virus chez ses hôtes, celui-ci constituant le danger biotique ultime pour l'homme car impossible à maîtriser totalement, ce qui le distingue de tout autre créature vivante que l'homme a subjuguée.
» Ce que tente le virus, sur chaque hôte, est de s'arrimer à cet être, à son patrimoine génétique, et c'est en n'y parvenant pas qu'il tue son hôte !

Francis, petite intervention à chaud pour exprimer mon désaccord sur ce point : le virus utilise la machinerie cellulaire de l'hôte pour se fabriquer soi-même : il libère son propre patrimoine génétique dans la cellule et oblige celle-ci à produire du virus.
Et c'est la réussite de cette opération qui peut tuer l'hôte : cette mort est causée par une réplication virale menée à son terme, autrement dit par une multiplication du virus à l'intérieur de l'hôte.
C'est donc en parvenant à ses fins qu'il devient dangereux, et toute l"adaptabilité du virus est fonction de sa capacité à "trouver" le moyen de pénétrer dans la cellule-cible et enclencher le processus.
Un homme mort par infection virale est une acmé d'épanouissement viral.
Toujours à chaud, je vous répondrais que le virus est très malheureux de s'épanouir ainsi, savez-vous ? Je plaisante à peine. C'est un sujet philosophique très sérieux: l'épanouissement dans l'en-soi est-il possible ? est-il un épanouissement ?

Un être, même le pire des parasites, peut-il avoir pour projet de tuer ses hôtes ? La fin de ses hôtes ne sonnera-t-elle pas le glas de son existence ?

On a dit que le virus Ebola n'était si meurtrier que parce qu'il n'avait pas eu le temps de s'humaniser. Les bactéries qui séjournent pacifiquement en nous, participent à notre digestion, etc. ont réalisé une symbiose quand on peut supposer (même problème avec les enzymes) qu'elles avaient été, avant cela, meurtrières par "défaut d'adaptation" à notre organisme.

L'être le plus puissant, le plus létal, est le plus inadapté. Je vous en prie, veuillez ne pas y lire je ne sais quelle bouffée de romantisme délirant. Cet être tue quand il ne le voudrait pas, par maladresse constitutive, un peu comme l'homme, roi des animaux parce que roi des inadaptés, dans le milieu terrestre.
Digression sans doute. La notion "d'adaptation" est pour le moins ambiguë : supposons un "jeune" qui fume des joints ; il est adapté à son milieu immédiat de jeune (premier cercle), et inadapté au milieu plus vaste de la société (deuxième cercle). Selon le cercle considéré, il est donc adapté ou inadapté, pour le même comportement.
Adapté dépend d'un point de référence, donc ne serait-ce pas subjectif ? Dans ce cas, la notion d'adaptation au milieu a-t-elle un sens ?
Loïk vous reposez le problème que j'essayais d'aborder au début de cette discussion: l'adapté, ici le "jeune fumeur de joints" est un grand fragile hors la sphère bien circonscrite de son adaptation à un collectif, une société bien définis, ou un tissu spécialisé si nous reparlons d'histologie et de physiologie (les cellules du foie, par exemple, auraient été, dans la soupe primitive, une sorte de parenchyme bactérien). L'inadapté "de premier cercle", le jeune qui n'est pas même fichu de fumer un joint le samedi soir, qui est un monstre, qui est le misfit des misfits donc, est déjà un grand roi en devenir car rien ne borne son inadaptation, son idiotès, son unicité et son défaut de tout arrimage à l'ordinaire d'un collectif ou d'une communauté biotique étant sans limites connues l'on ne sait rien de ses capacités d'adaptation potentielles, son adaptabilité devenant ainsi sans mesure connue, cet être occupe une place très particulière dans la hiérarchie des êtres: il est tueur parce qu'inadapté, tueur par maladresse, par gaucherie, mais il est aussi roi parce que son absolue inadaptation en fait le tueur suprême ! Le roi des tueurs, le roi des éléphants en magasin de porcelaine (le virus, homo sapiens), très paradoxalement, est ainsi institué roi des vivants! Sa totale inaptitude à l'ordinaire, à l'oeuvre commune, les propensions tératologiques de sa maladresse en font tout à la fois un dispensateur de mort (le VIH) et, chez les vivants, le plus craint des tyrans.

(l'inadapté sans limites connues à son inadaptation, dépourvu d'un cercle étroit, d'un coeur, d'un champ où il serait invisible, où son adaptation le ferait disparaître en le fondant à ses pairs, est un roi au royaume sans limites -- c'est ainsi qu'Homo sapiens a conquis sa place dans la Création: par inadaptation foncière et irréductible.)
» Toujours à chaud, je vous répondrais que le virus est très malheureux de s'épanouir ainsi, savez-vous ? Je plaisante à peine. C'est un sujet philosophique très sérieux: l'épanouissement dans l'en-soi est-il possible ? est-il un épanouissement ? Un être, même le pire des parasites, peut-il avoir pour projet de tuer ses hôtes ? La fin de ses hôtes ne sonnera-t-elle pas le glas de son existence ?

Puisque vous semblez vouloir vous livrer à d'effrénés anthropomorphismes, et l'être-pour-la-mort, qu'en faites-vous ?
(L'"adapté" est celui qui a la capacité de se reproduire.)
(Donc, les familles avec 10 enfants sont mieux adaptées ?! La "reproduction" n'était-elle pas une nocence par excellence ?)
Utilisateur anonyme
29 mai 2012, 16:58   Re : De l'état actuel de la science
Les familles avec dix enfants adaptent leur espèce en lui assurant un grand nombre de représentants. Sinon, pour reprendre les termes de Renaud Camus, la Terre n'en peut plus de l'homme.
04 juin 2012, 12:08   Question bête...
Si l’on venait vous dire qu’en réalité la Terre est plate, qu’est-ce que cela changerait dans les actes de votre vie, au jour le jour ?
Si la gravitation était une farce, cher Orimont, j'enfilerais bien vite ma bouée de sauvetage.
Question mal posée, déjà que bête. Je voulais dire, à peu près, que si vous vous mettiez à croire - et avec vous la majorité - que la Terre est plate, cela ne changerait rien, à mon avis, au cours de votre vie, dans la mesure où la rotondité de la Terre, pas plus que sa gravitation, ne sont vécues par tout un chacun. Ce sont d'indéniables vérités scientifiques qui n'en ont pas moins, dans la pratique, aucune espèce d'influence sur le cours de nos vies, des vérités, en somme, dont on peut se passer.
(Votre remarque, cher Orimont, est-elle tout à fait in-nocente ? Il me semblait que l'on a débattu sur un autre fil de la cohérence entre un monde global et l'une de ses expressions, comme la musique classique, inséparable des châteaux, des églises et des bosquets... La croyance en la rotondité de la Terre n'est-elle pas l'expression d'un état de civilisation, et la croyance qu'elle est plate d'un état de civilisation différent ? Auquel cas les deux expressions changent tout.)
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