En effet la doxa est ambiguë et en cela elle crée un double-bind, elle donne tort à tout le monde, à toute parole, partout et constamment: il est bon de dire qu'être Noir, c'est beau; il s'agit d'un élément de langage (on appelait cela "parole" il y a encore deux ou trois ans) qui affirme que les Afro-Américains ont tout lieu d'être fiers de leur beauté, de leurs canons esthétiques, ce qui ma foi n'est guère contestable devant les images, par exemple, d'une Donna Summer. Seulement voilà, on ne peut pas dire que certains cosmétiques conviennent à
leur peau, il faut déclarer qu'ils conviennent à "la civilisation américaine". Paul Morand écrivait dans les années 20 que, je cite, "les Nègres ont la peau grasse", fin de citation. C'est ce que nous dit ce monsieur qui va porter des petits pots de beurre maigre à la Maison Blanche, cependant qu'il doit
maquiller l'affaire de peau en "phénomène de civilisation", et à tout prendre, ce maquillage est tout a fait cohérent, congruent avec
ce qui se passe dans les faits. La civilisation en négation de race, qui chante la race ("Black is beautiful") tout en même temps qu'elle détruit la race dans la cosmétologie et la surcorrection de soi, la surautonomisation, s'auto-forge, s'institue civilisation dans cette contradiction, quand elle prend en charge cette évolution tout en exaltant abstraitement et idéellement (les "Black Studies") ce qu'elle s'applique des deux mains et dans toutes ses pratiques langagières à nier dans les faits et dans les mots ("nous sommes une civilisation, et non une race").
Il existe des coiffeurs dits "afro" pour têtes négroïdes; bientôt il sera dangereux d'appeler ainsi ces têtes, souvent très belles, et ces coiffeurs; ils seront des "coiffeurs pour civilisation afro", des "civilisateurs afro", en quelque sorte, ce que, pour de bon et dans les faits, ils sont déjà.