Les Français, comme leurs voisins, en avaient soupé des guerres entre Européens et la dernière finie ils s'étaient bien jurés qu'elle resterait la dernière, que l'on ne les y reprendrait plus, et ils n'avaient nul besoin d'un "machin" bruxellois au-dessus de leurs têtes pour le penser à leur place comme s'ils étaient incapables de s' en convaincre tout seuls. C'est pourquoi les années qui suivirent la fin du conflit le plus meurtrier de l'Histoire. furent pour eux des années merveilleuses. Ils savouraient une paix et une liberté qu'ils jugeaient devoir être quasi illimitées parce que, pour une fois, toutes les conditions semblaient réunies pour qu'elles le soient. Ils s'étaient séparés du poids de leurs anciennes colonies qui leur avaient coûté tant d'argent pour rien. Ne restait que l'Algérie, mais la France, bien que sans pétrole, ni gaz, ni richesse minière de quelque importance, dès avant la fin du conflit armé avec ce pays était déjà devenue la nation la plus prospère d'Europe, et plus encore après. Tous y mangeaient à leur faim et presque tous avaient un travail . Ceux qui en manquaient provisoirement étaient assistés jusqu'à ce qu'ils en retrouvassent un. La drogue n'y était pas encore un fléau. Des appartements modernes bon marché poussaient comme des champignons en faveur d'un populo ravi de quitter ses minuscules logis, noirs, humides, sans aucun confort matériel, sans chauffage central ni sanitaires autres que, à l'entre sol, des WC communs à tous les locataires, bref : sordides. A cette époque, pour des millions de personnes le hlm fut un paradis dont leurs parents n'eussent même pas osé rêver. Les Français se vivaient comme une grande famille aussi prompte à la querelle qu'à la réconciliation et se sentaient partout en sécurité dans leur pays. Les querelles elles-mêmes dépassaient rarement la simple empoignade et laissaient les querelleurs à peu près indemnes. Les insultes n'excédaient pas le "fils de pute" et personne ne menaçait pour un oui pour un non son adversaire d'aller niquer sa mère. Tout un chacun pouvait rappeler à la politesse et au respect d'autrui les jeunes qui bloquaient l'entrée des immeubles, fracassaient les tympans du voisinage ou crachaient par terre à longueur de journée sans risquer de retrouver le lendemain sa voiture cramée ou sa gamine violée dans une cave en représailles. D'ailleurs, à cette époque les jeunes ne bloquaien pas l'entrée des immeubles, ne fracassaient pas les tympans du voisinage à coups de rodéos de voitures volées, ne crachaient par terre ni ne violaient en bandes. Les Français n'avait pas attendu la propagande "Coué" du vivrensemble pour s'entendre et se plaire entre eux quelle que fût leur origine, française, italienne, polonaise, espagnole , portugaise ou kabyle, ça aussi il le faisaient très bien d'eux-mêmes. Aucun Français, d'ailleurs, à cette époque bénie, n'aurait eu l'idée de se dire " de souche". ni même de se sentir tel face à un Français d'origine étrangère. Seuls à la marge faisaient un peu tache, un peu peur pour rire, un peu voyou d'opérette, quelques "blousons noirs", comme un légère faute de goût ou un peu de désordre rehaussent et réchauffent un décor qui , sans eux, serait trop parfait. La planète entière avait les yeux tournés vers la France, ses industries , ses savants, ses artistes et rêvait de s'y établir ou d'y travailler. Les noirs d'Amérique l'idolâtraient car elle passait à leurs yeux, à juste titre, pour le pays le moins raciste de tous. Son école était la meilleure du monde et représentait un formidable espoir de réussite pour les enfants des familles modestes qui grâce à elle étaient de plus en plus nombreux à gravir les échelons de la réussite sociale. La démocratie fonctionnait à la satisfaction de tous et plus aucun conflit violent, ni politique, ni religieux, ne semblait pourvoir menacer la France et son peuple. Les gens avaient foi dans le progrès technique et croyaient que demain serait encore meilleur qu'aujourd'hui. Ils n'avaient plus peur de l'avenir. la Raison , émancipatrice de l'individu, avait eu définitivement le dessus sur les croyances aveugles ainsi que sur les superstitions archaïques et moutonnières. La religion chrétienne quoiqu'encore bien vivante avait perdu son magister étouffant sur les mentalités et les moeurs. La laïcité garantissait à la fois la liberté des cultes et celle des esprits. La liberté de penser, de critiquer, de s'exprimer avaient permis ce triomphe et inversement. C'est en tous cas ce que notre génération apprenait à l'école et nous vibrions à cette épopée de la Lumière contre les Ténèbres qui avait commencé sous les cieux de la Grèce, en vénérant le nom des héros qui avaient participé à ce glorieux combat et l'avaient souvent payé de leur vie. Nous avons été sans doute la première génération à avoir l'impression que désormais tout cela était acquis une fois pour toutes, qu'enfin nous touchions au but que notre civilisation poursuivait depuis si longtemps, que nous allions enfin pouvoir souffler, profiter du miracle que semblait constituer aux yeux du monde entier, cette "exception française" , miracle dont l 'entretien, le prolongement, nous semblaient le devoir le plus sacré de nos gouvernants et dont nous ne doutions pas un instant qu'ils s'en fissent une règle. Ce n'était, d'ailleurs que justice, nous l'avions payé assez cher : des siècles à suer sang et eau sur les champs de bataille, les champs tout court et les usines, à pâlir sur les livres, les équations ou les énigmes de l'univers, sans nous plaindre et sans autre contre partie, des décennies durant , pour la grande majorité d'entre nous, qu'un salaire de misère. Il était temps qu'à notre tour nous touchions les dividendes d'une civilisation dont profitait depuis longtemps la classe dirigeante. Bref, pour la première fois peut-être de son histoire, le peuple de France semblait content de son sort, osons le mot : heureux ! et les injustices mineures qui subsistaient encore en son sein n'apparaissaient que comme des défauts résiduels qu'un peu de bonne volonté et de sage réflexion adouciraient bientôt sans risquer de mettre en péril la société par l'outrance de changements trop radicaux ou créateurs de nouvelles injustices peut-être plus grandes que les anciennes, comme cela était arrivé si souvent dans l'Histoire que nous avions apprise à l'école. L' inconscient ! il ne se doutait pas, ce peuple, qu'il commettait le pire des crimes aux yeux des nouveaux faiseurs d'opinion d'une gauche qu'il croyait toujours de papa alors qu'elle n'en n'était plus qu'une de fils à papa, aussi différente de la première qu'un canada-dry d'un bon verre de whisky. Heureux ? ruminait donc cette gauche qui s'autorisait à faire la pluie et le beau temps moral dans le pays , quelle outrecuidance ! mais de quel droit ? de quoi se mêlait -il ? qui lui avait en donné la permission? Pas elle, en tous cas, puisqu'elle n'était pas au gouvernement . Depuis quand était-ce au peuple de décider tout seul qu'il était heureux ? Un peuple heureux sans autorisation, c'est-à-dire sans autorisation de la gauche, ne pouvait être que suspect, cacher des pensées inavouables, contre nature, sa nature de peuple. En un mot, un peuple heureux était un peuple impardonnable, probablement fasciste. Si les gens heureux n'ont pas d'histoire, un peuple heureux ne méritait pas d'en avoir une. ils n'était bon qu'à rejoindre les poubelles de la grande, d' histoire, sous les crachats et les les insultes de populations étrangères -- au carré-- que gauche caviar et droite d'affaires appelleraient à le remplacer. Bon débarras ! après tout on avait été bien bon de lui faire risette pendant tant de lustres. Et puis on l'avait assez vu. Place aux "jeunes" ! Il aurait néamoins le temps de goûter de force au vrai bonheur qu'on avait décidé pour lui: celui de la diversité et du vivrensemle prodigué par les millions d'étrangers encouragés à s'installer en France, le plus étrangers possibles, dont les enfants devenaient aussitôt français par le droit du sol avec interdiction faite au peuple dénaturé en question de les juger rmoins français que les siens sous peine d'être accusé de racisme, accusation qui ne fut jamais si infâmante que depuis qu'elle était devenue fausse, mensongère. et à sens unique. Ces nouveaux Français ou plutôt ces extra Français tant ils semblaient aussi étrangers à la France qu'un extra terrestre à la terre, ramenaient dans leur leurs bagages tout ce qu'on avait appris au peuple de France, à condamner, en particulier la bigoterie et le fanatisme religieux , et cette régression fut défendue, sous prétexte de droit à la différence, par ceux-là même qui trahissaient ainsi ce qu'ils nous avait enseigné la veille et dont notre génération avait eu à peine temps de goûter les fruits délectables. Ce fut donc le peuple légitime, le peuple d'accueil qui ne tarda pas à devenir étranger dans son propre pays, comme si on l'avait téléporté de force à Alger ou à Bamako, mais sans les égards qu'on exigeait de lui pour les vrais étranger. Du jour au lendemain le prolo romantique, courageux, sympa, dur à la besogne incarné par Jean Gabin fut remplacé par l'abominable franchouillard lâche violeur, xénophobe et raciste, fidèle représentant d'un peuple dont il convenait de se débarrasser à tous prix . N'importe quelle population ferait l'affaire pourvu qu'elle fût radicalement étrangère et ne se montrât pas heureuse se son sort sous peine de devenir à son tour un peuple au rabais. On l'y aiderait en faisant porter le chapeau bien sûr à l'ancien peuple, jamais assez respectueux de celui qui lui faisait t l'honneur de venir se faire entretenir gratis à ses frais, jamais assez docile ni assez humble , toujours trop raciste et surtout toujours trop français. Un peuple qui osait vouloir se comporter face à ceux qu'il accueillait comme s'il était chez lui ! un comble, vous avouerez ! Les nouveaux venus ne se firent pas prier et jouèrent si bien le jeu qu'on attendait d'eux qu'ils finirent par se croire vraiment les plus malheureux des hommes. Nul besoin de chercher ailleurs : à les entendre et à entendre leurs supporters les damnés de la terre c'étaient eux ! Que du bonheur pour nos fils à papa ! Et des souffrances supplémentaires pour l'ancien peuple doublement impardonnable : d'abord 'avoir été heureux sans la gauche et puis de se sentir malheureux à cause d'elle ! Résultat : en quelques décades, en moins de temps qu'il n 'en faut à un arbre pour pousser, la France paisible d'hier s'était transformée en une pétaudière de communautés hostiles faisant assaut de surenchères victimaires et de récriminations, bien décidées à vivre toujours davantage aux crochets du peuple ancien qu'elles condamnaient pourtant à disparaître comme les pêcheurs de baleines condamnent leur gagne -pain à disparaître par l'excès avec lequel ils le chassent. Une France nouvelle étai née avec un je ne sais quoi, même au plus haut niveau, de bizarrement et constamment grinçant. Fini le paradis sur terre ! Le miracle n'avait été qu'un mirage. Le bonheur qu'un déjeuner de soleil. A peine le peuple avait-il eu le temps de saliver devant la table servie que, sans crier gare, ceux qui en avaient grassement profité, lui ôtaient la nappe sous les mains et le tapis sous les pieds. Gros jean comme devant, il se retrouvait dépossédé de son pays avec juste le droit de la fermer pendant que ceux qui lui faisaient le coup défendait partout le droit des des peuples à disposer d'eux-mêmes, à préserver, fut-ce au prix du sang des autres s'il le fallait, leur identité et la terre de leurs ancêtres.
On n'est jamais si bien trahi que par les siens. Le peuple de France l'apprendrait trop tard à ses dépens. Comment d'ailleurs ne s'y serait-il pas trompé ? La trahison non seulement venait du camp qu'il croyait son allié naturel mais elle n'offrait plus l'apparence qu'une tradition poussiéreuse lui donnait . Elle avait changé son look : Fini l'aspect repoussant du traître d'hier, celui d'un raté, vieux, laid, à l'air fourbe et rancunier et fini la poule de luxe prête à se vendre pour quelques diamants. Le traître d'aujourd'hui est jeune, beau, sexy, plein aux as et débordant de joie de vivre. Il a le visage rigolard et la tenue décontractée des journalistes de Canal+, tous de gauche.
Il ne nous reste, en guise de revanche posthume, qu'à espérer que loin de finir dans les poubelles de l' histoire, la France d'Avant rejoigne au panthéon des grandes civilisation la Grèce d'Avant, celle connue sous le beau nom d' "antique", celle à qui la Grèce d'après doit de n'être pas ce petit pays insignifiant, à peu près ignoré de la planète qu'il serait devenu sans la mémoire survivant encore au- de à de ses frontières de sa prestigieuse ancêtre ; à espérer de même que ce n'est que tant que survivra le souvenir prestigieux de cette France d'Avant, que celle d'après, malgré sa suffisance, ne deviendra pas tout à fait le petit pays insignifiant à peu près ignoré de la planète qu'elle serait sans ce souvenir.
( Je sais, je me répète. Et ce n'est qu'une énième mouture de ce qui s'est dit cent fois sur ce forum, mais il y a des jours où l'indignation devient à nouveau si forte , si suffocante, qu'il n'y a que l'écriture pour s'en soulager un peu. )
(Message légèrement corrigé)