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In-nocence et common decency

Envoyé par Julien Fleury 
"Tout ce qui se donne forme, intellectuellement ou spirituellement (y compris par la sainteté), quitte le peuple".

L'écoute du dernier Répliques rencontre pour moi la lecture de l'entrée du 24 juin 1994 du Journal. Je soumets aux in-nocents le problème que soulève ce jump-cut.

La common decency orwellienne peut apparaître comme une illusion trop sympathique pour être vraie, et une solution trop facile aux contradictions du libéralisme que Michéa décrit si admirablement. Cependant, décrivant notre temps avec autant de virulence que Michéa, Camus ne devrait-il pas reconnaître que s'y élever, c'est faire preuve de corruption au plus haut degré ? Dire que "« l'ascension sociale » (...) paraît coïncider souvent avec l'imposition d'une forme", n'est-ce pas anachronique, quand l'époque sanctifie le flux débridé des nocences ? Ne doit-on pas plutôt dire que la "réussite", dans notre société devenue folle, est réservée à ceux qui savent se défaire de toutes les entraves de la morale, de la syntaxe ou de la politesse, et que la dignité du peuple, pris comme dans un étau entre les bizness florissants des cailleras et des banquiers, constitue un handicap ?

Je ne souhaite pas tenir un discours sympathique, et le "populaire" a ses limites. Mais en un temps où les "élites" se montrent si corrompues, et où sans cesse le lumpen est donné en exemple, sans doute faut-il, au moins relativement, lui reconnaître une certaine consistance, une certaine tenue. — Le vote le montre bien, le plus souvent, au grand dam des bien-pensants.
Le "peuple" d'abord est un grand mystère (il est informe certes mais sans elle, la forme, il ne saurait y avoir d'informel) -- vu quelques secondes aujourd'hui des images d'Yves Montant chantant sur scène en 1945: à cette époque Yves Montant, André Verchuren, étaient le peuple. Ils chantaient et dansaient et accordénonnaient pour toutes sortes de bandits à casquette, de "femmes de mauvaise vie", etc. pourtant, la forme était là, et les bandits à casquette molle et les femmes en cheveux goûtaient les formes du jeu scénique de ces musiciens et fantaisistes.

Ce grand mystère se double d'une opacité: le peuple, généralement, sous toutes les latitudes, se fiche d'être "le peuple". Ce terme "peuple", recouvre un concept qui lui est étranger, dans lequel il ne se reconnaît spontanément jamais. Le peuple n'a nulle envie de "faire peuple", tandis que le bourgeois, si: le bourgeois ne vit que par l'envie d'être bourgeois, et le petit bourgeois itou. Le peuple n'a aucun désir profond d'être lui-même. Pour un peu, cela donnerait quelque espoir (à l'échelle historique, rien ne le définit, rien ne l'arrête).
De toute façon tout ce qui est populaire compose un matériau complexe, comme le montre l'histoire de la musique -- les Suites populaires brésiliennes pour guitare seule de Villa-Lobos nécessiteraient de ma part au moins trente années d'apprentissage intensif avec exercices quotidiens avant que je puisse espérer les jouer comme, par exemple, Turibio Santos.

Le populaire, sous tous les cieux, aime danser, or la danse est affaire complexe, qui exige un grand esprit formel et collectif (du tango aux danses populaires hongroises). Le petit bourgeois lui, danse pas. Trop con, le petit bourgeois, trop simple et trop personnel, comme on dit qu'il ne faut pas l'être en football. Préfère le tam-tam dans les voyages à Marraketch, le petit bourgeois, à la valse de jadis qu'adorait le populo "sans forme".
Le théâtre de William Shakespeare, Théâtre du Globe, était populaire !
JC Michéa (ou Orwell ?) est sans doute le plus digne et le plus honnête des intellectuels français ou européens mâtinés de marxisme ou formés au marxisme-léninisme de l'école PCF ou SFIC, IIIe ou IVe Internationale. La double notion de "décence" (ou de dignité ?) et de "commun" (à la fois ordinaire et partagé par le plus grand nombre, comme le bon sens de Descartes ?) est admirable, non seulement parce qu'elle s'inscrit dans l'histoire, mais aussi parce qu'elle rend compte de très nombreuses réalités, telles que la défense des moeurs ou des "bonnes moeurs", le "il y a des choses qui ne se font pas", le respect de tout ce qui est tradition, donc transmission, et aussi la répulsion irraisonnée (mais irraisonnée en apparence seulement) que suscitent chez les "gens de peu" ou les "hommes du peuple" la cupidité, la vanité, la soif de pouvoir et de reconnaissance, le copinage (prétendument) libéral-libertaire des "notables" du show-biz, des médias, de la com, de la politique...

A mon sens, Michéa ne s'est pas totalement libéré de la formation (formatage ?) qui a été la sienne. Il y a dans sa pensée deux "socles" auxquels il reste fermement attaché : la critique du libéralisme et l'obsession de la recherche d'une cause première qui explique tout, à la fois l'évolution du monde et la situation actuelle.

Certes, ce que critique Michéa, ce n'est pas le libéralisme, mais, prétend-il, la logique libérale. Il pourrait dire les "dérives" libérales, ce qui serait sans doute moins faux; mais ce serait exonérer le libéralisme de toute responsabilité dans l'état actuel du monde. Certes, il juge (mais cet argument est fantasmatique) que les libéraux du XVIIIe s ne reconnaîtraient pas leur enfant dans le monstre qu'est devenu le monde actuel façonné par le libéralisme ou l'ultra-libéralisme, comme Marx n'aurait pas reconnu sa pensée (argument fantasmatique premier) dans le socialisme réel d'URSS, de Chine ou de Corée du Nord, etc. D'ailleurs, AF lui a objecté une autre thèse : celle de l'hyperdémocratie ou extension du principe démocratique, qui en théorie n'a de validité que dans les questions de souveraineté et de pouvoir politique, à tous les domaines : culture, science, école, université, etc., sauf dans les compétitions sportives de haut niveau (foin de la démocratie alors ! Des médailles avant toute chose et pour cela préfère l'impair - au sens de contraire au principe de parité).

Le socle le plus contestable de sa pensée et celui qui, à mon sens, y ôte tout crédit, c'est la croyance aveugle en une matrice conceptuelle qui fait "système" et qui est censée tout expliquer : pour échapper à l'horreur des guerres de religion (ou des guerres idéologiques), les libéraux ont ou auraient établi un ordre qui permette à chacun vaquer à ses occupations, d'acheter ou de vendre, de produire, de réussir dans les affaires, de professer les croyances qui lui agréent, ordre sans véritable transcendance et fondé sur la satisfaction des besoins matériels, ordre dont les seuls moteurs seraient l'intérêt privé ou l'égoïsme individualiste. Que cela existe ne fait pas de doute; mais que cela explique tout ou que tout événement, tout fait, toute révolution, toute idée, tout système de pensée, toute idéologie, toute invention, tout mot d'ordre, etc. relève de cette logique-là, matrice universelle, ne me paraît pas différent de l'invocation magique des matrices "histoire" ou "lutte des classes" par les marxistes des deux derniers siècles.
Oui. D'accord avec vous JGL. J'ai trouvé les objections de Finkielkraut aux thèses de Michéa plutôt convaincantes. La volonté transformatrice démente n'est pas née de l'anthropologie de la lassitude que Michéa prête aux libéraux mais du ressentiment contre le donné d'une pensée qui fait de l'homme un être bon par nature ; homme corrompu par une société et une histoire jugées mauvaises. Quand Michéa évoque par exemple le cas de Youssouf Fofana et la fascination d'une partie de la société pour la figure du délinquant, il est à la limite de la mauvaise foi. Si on peut lui concéder que Fofana dans son "système de valeurs" n'est qu'une expression caricaturale d'un certain esprit du capitalisme, il n'en reste pas moins que la fascination pour le voyou est née clairement dans le camp de l'anarchisme (Bakounine) et de la critique artiste du libéralisme bourgeois avec les surréalistes (Violette Nozières, Lacenaire) et les situationnistes avant de s'exprimer dans la sociologie de l'excuse de Foucault à Muchielli.
..Le socle le plus contestable de sa pensée et celui qui, à mon sens, y ôte tout crédit, c'est la croyance aveugle en une matrice conceptuelle qui fait "système" et qui est censée tout expliquer .


Ce qui lui donne de la proximité avec les théories complotistes très "populaires".
"Si on peut lui concéder que Fofana dans son "système de valeurs" n'est qu'une expression caricaturale d'un certain esprit du capitalisme, il n'en reste pas moins que la fascination pour le voyou est née clairement dans le camp de l'anarchisme (Bakounine) et de la critique artiste du libéralisme bourgeois avec les surréalistes (Violette Nozières, Lacenaire) et les situationnistes avant de s'exprimer dans la sociologie de l'excuse de Foucault à Muchielli."

Entièrement d'accord. D'ailleurs, je suis persuadée qu'ils sont les premiers à ne pas croire aux excuses qu'ils avancent. S'ils y croyaient ils ne seraient pas autant fascinés par cette racaille des banlieues. Cette sociologie de l'excuse a pour but de masquer la fascination que, faibles et lâches, ils ont pour le mal ( et le mâle ) à l'état pur.
J'avoue être un peu surpris par votre lecture de Michéa. Ses retours constants à Orwell jouent pour lui comme un heureux garde fou, l'empêchent de tomber dans l'idéologie, i.e." la croyance aveugle en une matrice conceptuelle qui fait "système". Il écrit par ailleurs de manière explicite dans l'Empire du moindre mal que, si les premiers libéraux et Marx ne reconnaîtraient par leur descendance, cela ne les exonèrent absolument pas de leur responsabilité. En cela, il rejoint il me semble les considérations que Renaud Camus livre sur Cratyle et Hermogène dans Du Sens, à savoir qu'une idée, un point de vue doivent être poussés à leur terme pour être correctement évaluées (est-ce bien dans Du Sens ?).
La common decency qu'invoquait Orwell, non pour en faire un concept central de sa pensée, mais simplement pour demander à tout un chacun de faire preuve de bon sens et de décence (comme vous l'expliquer mieux que moi), cette decency reprise par Michéa est tout sauf un système ; c'est un mélange, ou plutôt une mixture de rites, de traditions, de mémoire et de rectitude, une potion bienfaisante qui dispense harmonie et fraternité aux peuples qui la consomment. En quelque sorte, l'opposée de ce que propose le libéralisme pour Michéa : la primauté du contrat (ou du marché, ou de la propriété) sur tout autre considération, bref le droit plutôt que le bien. Michéa critique donc le libéralisme justement parce qu'il est un "système" faisant table rase des sociétés traditionnelles censées asservir les hommes, mais qu'en réalité il a troqué les murs de la prison par des boulets aux pieds, un système dans lequel il faut "ramper verticalement" pour réussir.
Le libéralisme est une falaise sur laquelle vient écumer la pensée de Michéa. Il est vrai qu'on aimerait qu'il l'engloutisse.
"Michéa critique donc le libéralisme justement parce qu'il est un "système [...]" DJF.

Peut-être, mais quelle idée fixe l'empêche de critiquer un autre système, l'hyper-démocratie ? Ajouter un paradigme (la logique démocratique) à un autre (la logique libérale), voilà ce que Michéa ne peut entendre. Son esprit se brouille, ses oreilles se ferment. Pourquoi ?

Passons sur l'orgueil du savant pour dénoncer quelque diablerie politique : Michéa serait victime d'un régime politique unique pour lequel il est inconcevable d'ajouter d'autres paradigmes politiques à l'unique existant et qui, d'ailleurs, à force de refuser d'être complété, oublie sa propre définition, à commencer par sa nature politique, et s'en remet au marché des biens et des idées, au seul calcul des intérêts individuels, au seul rapport des forces, et, ajouterait Finkielkraut, aux revendications débridées d'ego.

Au contraire, de vivre à l'aune d'une démocratie, d'une république, d'une royauté et d'une présidence avec leurs procédures, leurs vertus et leurs raisons propres permettrait à l'orgueilleux Michéa d'ajouter au sien, fût-ce en retrait, le paradigme tocquevillien, voire, seulement, de montrer quelque égard, quelque intention de comprendre, quelque disponibilité d'esprit, par bonté, par gratitude ou par politesse, à l'endroit d'un Finkielkraut, son hôte et interlocuteur, si bien disposé à son égard.

A plusieurs reprises, en effet, Finkielkraut proposa d'ajouter la critique de l'hyper-démocratie à celle de l'hyper-libéralisme. Jamais, il ne prétendit la lui substituer. Pourtant, Michéa, flairant un marché de dupe, termina son exposé par une défense jalouse de sa thèse contre l'insidieux Finkielkraut soupçonné de vouloir perturber le bel ordonnancement de son système si bien clos, voire de le lui piquer pour l'abîmer en lui en tendant un autre, qui, visiblement, a le gros défaut de ne pas être le sien. Finkielkraut conclut l'émission à sa façon, grand seigneur, mais visiblement dépité.

Cette logique d'épicier est si contraire à l'universelle raison, contraste si nettement avec la cohérence de la démonstration michéenne et s'inscrit dans une si longue suite de comportements analogues chez ses confrères en intelligentsia que j'en viens à me demander si cette forme d'autisme, de fermeture aux vues d'autrui ne serait pas un trait caractéristique de l'intellectuel, serait-il placé sous les aunes variées d'un ordre politique où les régimes se complètent. (Faute de fréquenter l'espèce, je laisse au forum le soin de juger.)

Se complétant l'un l'autre, Michéa et Finkielkraut déplorent tous deux l'avènement de l'individu aux dépens de l'ancienne altérité : le premier souligne la disparition de ce qui excède l'individu sous ses assauts (la neutralité axiologique des libéraux), le second souligne les assauts de l'individu contre ce qui l'excède (la revendication égalitaire).
J'avoue ne pas avoir entendu l'émission, aussi ne faisais référence qu'aux écrits de Michéa. Qu'il soit un peu mufle à la radio ne me surprendrait pas, d'autant plus qu'il a peu l'habitude des médias.

Ils "déplorent tous deux l'avènement de l'individu aux dépens de l'ancienne altérité : le premier souligne la disparition de ce qui excède l'individu sous ses assauts (la neutralité axiologique des libéraux), le second souligne les assauts de l'individu contre ce qui l'excède (la revendication égalitaire)."

Vous parlez d'or. On peut néanmoins se demander si la revendication égalitaire n'est pas la continuation paradoxale de "la disparition de ce qui excède l'individu".
Je me permets de vous transmettre une note de lecture datée de 2010 sur son ouvrage "L'empire du moindre mal".
Y figurent déjà les pièces de son actuelle grille de lecture.
J-C Michéa a été mon collègue du Lycée Joffre à Montpellier.
Dans de furtives discussions il s'est alors montré aimable (Professeur der Philosophie j'étais à l'époque l'objet de dénonciations pour mes prises de positions favorables à la liberté d'expression du FN et donc dans une situation professionnelle précaire).
J-C Michéa n'a cependant pas fait preuve d'un courage transcendant à cette occasion au sein de l'établissement alors que nous étions et demeurons assez proche au niveau des bilans voire de la genèse de la "krisis".
Je pense qu'en se rangeant sous la bannière du socialisme (avec l'immense torsion (acceptable) qu'il lui fait subir, J-C Michéa se pare comodément de toute attaque. Les derniers paragraphes de mes notes de lecture notamment sufr l'absence de toute dénonciation du Grand remplacement sont donc critiques. Voici ces notes.





Jean-Claude Michéa moraliste

Avec « L’empire du moindre mal » JC Michéa nous livre avec clarté l’ensemble de sa « vision du monde ». Après une critique en règle du pseudo-objectivisme libéral il nous propose dans la lignée de l’anarchiste-tory Orwell sa propre solution à la condition des classes laborieuses et plus généralement l’homme contemporain. Un régal.

Pour sa démonstration J-C Michéa adopte un fil directeur largement accepté aujourd’hui, concernant l’origine de la modernité. Michéa voit en elle la conjonction de deux facteurs, eux-mêmes étroitement liés. Face au grand schisme de la Renaissance laissant les peuples d’Europe déchirés sur le plan éthico-religieux dans un conflit de valeurs irréductibles, l’Etat moderne va se mettre en place. L’Etat-Nation et plus généralement par la suite le libéralisme, largement préparé au préalable par tout le devenir européen se construit sur la démarche suivante :puisqu’il est impossible de trouver une base d’accord sur le plan des valeurs, alors le « lien social » s’établira en deçà ou au-delà du plan axiologique qui sera alors réservé à la sphère privée.
Un fonctionnement neutre se mettra alors en place sur deux niveaux : le plan politique comme lieu de l’action mécanique du Droit, le plan économique avec l’action mécanique (aveugle) du Marché. Si la question des valeurs peut encore avoir un sens alors elle sera reportée au niveau de l’individu. C’est la marche continue vers la privatisation : la question axiologique comme dimension du sacré est renvoyée comme la question religieuse au niveau privé.

Ce refoulement de la loi symbolique au profit du fonctionnement objectif du droit et du Marché est combattu radicalement par Michéa. D’une part parce que cette objectivité du libéralisme est seulement prétendue-en effet le libéralisme fonctionne sur des présupposés non moins métaphysiques que les autres idéologies- d’autre part, parce qu’il est incapable d’assumer à lui seul le vivre ensemble (il fonctionne comme le rappelaient Weber et Castoriadis grâce à la survivance de mentalités pré-capitalistes) et troisième point (chassez l’éthique par la porte…) parce qu’il donne lieu à une éthique « matriarcale » encore plus féroce car occultée (cette dénonciation de la féminisation nous rappelle P Murray…et BHL…).

Le libéralisme est liberticide. En effet dans son refus de toute éthique le libéralisme va entamer une chasse aux sorcières contre toutes les catégories de la Common decency (habitudes stratifiées sur le long terme et « conservées » dans les classes inférieures de la société). Derrière un fonctionnalisme aux prétentions de neutralité c’est au contraire une éthique répressive de Chien(ne)s de garde qui tend à s’imposer. Comme tout ordre, l’ordre libéral s’entoure des conditions de sa propre reproduction. L’ordre matriarcal (Big Mother) exigeant un assentiment intérieur (à la conscience) grâce aux mécanismes de la culpabilisation.
Plus perfide et plus efficace –au niveau répressif- que l’ordre patriarcal de la loi symbolique qui, lui, se pose comme extérieur, assume sa brutalité et se contente d’une mise en conformité formelle de l’individu. Cette extériorité de l’ordre autorisant d’ailleurs la révolte.

Donc, le marché et le droit, en apparence axiologiquement neutres et prétendant à une pure rationalité (calcul de l’optimisation du profit, analyse de l’égoïsme comme donnée naturelle, spontanée et première) s’appuie en réalité sur l’inconscient et l’imaginaire. Les « figures surmoïques féroces» mises en place par des agents (de la communication) se substituant à la figure du Père clairement localisable et contre qui la révolte est possible.

Michéa reproche au libéralisme une élucidation incomplète des sociétés disciplinaires au profit d’une seule élite pouvant atteindre l’autonomie dans le cadre contemporain. Pour les masses, « soumises à l’autorité croissante des experts et baignant dans un étrange climat d’autocensure, de repentance et de culpabilité généralisées. Celui qui correspond, en définitive, à la guerre de tous contre tous, quand s’y ajoute désormais, la nouvelle guerre de chacun contre lui-même. », ce sera au contraire une société de contrôle renforcé.

Dans sa belle démonstration, comme à l’accoutumée, Michéa se range sous la bannière d’Orwell et de Christopher Lasch. Dénonçant la civilisation du narcissisme (la montée de l’insignifiance chez Castoriadis) au nom d’un imaginaire proudhonien. Ce socialisme primitif français auquel Michéa se réfère, via Proudhon, n’est pas un socialisme prolétarien mais de classes laborieuses (petits artisans etc) qui refusent au nom de la morale (c'est-à-dire la conservation de leurs habitudes de vivre et de juger, de leur loi symbolique, bref leur common decency) le libéralisme et leur prolétarisation. Il va de soi que ce socialisme n’est pas de gauche. Pour Michéa la Gauche, comme la Droite, mettent en place, dans une division du travail et des créneaux différents la politique du Capital. La gauche ayant l’avantage d’être plus radicale idéologiquement, poussant plus loin le raisonnement débouchant sur la liquidation de la common decency au profit d’une société toujours plus atomisée où règne sans partage l’imaginaire du Marché face à des individus démunis des protections communautaires traditionnelles.

Cette critique du Droit et du Marché est limpide mais un grand absent –au moins dans cet ouvrage- est la question de la colonisation afro-asiate de l’Europe.
Certes, J-C Michéa dénonce sans concessions l’idéologie de l’anti-racisme. Idéologie résiduaire du socialisme marxiste et de l’anti-fascisme stalinien. L’anti-racisme comme instrument du Capital laissé aux mains –plus expertes de la Gauche- est aussi clairement exposé que chez Taguieff. Mais, mis à part quelques passages dans autre opuscule, réservé au football- opuscule dédié à la dénonciation de l’anti-populisme des élites- concernant la racaille, Michéa ne procède pas à une analyse sur la racaille ou le métissage aussi méthodique que celle à laquelle il nous a désormais habitués. Et ses dénonciations de la racaille semblent présenter des contradictions avec son dispositif argumentatif traditionnel (le socialisme orwellien).
Expliquons nous.
Michéa, on le sait, se revendique du courant qui va de Proudhon à Orwell et Lasch c'est-à-dire un courant du « mouvement ouvrier » (en réalité courant de résistance à la prolétarisation) se livrant à une récusation du libéralisme non pas sur des raisons économiques mais éthiques au sens classique de morale et au sens étymologique (ethos) d’ensemble d’habitudes ancrées dans un peuple car stratifiées le long des temps (common decency). Primat donc de l’éthique dans la critique et la dénonciation face au marxisme et au libéralisme qui prétendent à l’objectivité de la science quant à la justification de leur hégémonie. C’est là, la thèse centrale de Michéa dans le présent ouvrage. Alors quand Michéa dénonce la racaille comme un phénomène capitaliste –la racaille est constituée par les différentes strates de dealers qui défendent leurs territoires de vente et leurs sanctuaires (de reproduction de la force de travail maffieuse ?) il se cantonne à une analyse en termes essentiellement économiques, donc neutres, objectivistes etc Opérant par là une réduction de phénomènes qui nous semblent culturels, politiques, éthiques, civilisationnels donc, avant tout.
Sans doute la volonté de se garder à gauche (en s’inscrivant dans une tradition proudhonienne qui malgré la trajectoire de Sorel reste connotée « de gauche ») , d’éviter d’être taxé de racisme (en soulignant la dimension communautariste, spécifique à une culture extra-européenne même décomposée mais en tous cas se retrouvant face aux « gaulois » ou « camemberts »), ou encore d’être renvoyé dans le camp des « partisans » du choc des civilisations (en analysant la racaille comme une dimension de la colonisation afro-asiate et d’un esprit revanchard d’anciens colonisés donc dans une analyse de type « superstructurel » :confrontation de systèmes de valeurs appartenant à des civilisations riveraines et en conflit le long des âges.
Si la contradiction avec le référentiel habituellement utilisé par JC Michéa était avéré alors peut être devrions nous voir le poids encore présent du terrorisme intellectuel de la gauche. Terrorisme qui a permis aux idéologies progressistes anti-libérales de maintenir une hégémonie dans la « classe » intellectuelle et dans l’air du temps (mopdes et conventions servant de fond impensé et indiscutable sous peine de se voir appliqué une « reductio ad hitlerum » (Léo Strauss) ; terrorisme en perte de vitesse cependant. Nous éspèrons donc que JC Michea marque encore davantage sa distance d’avec la political correctness qui continue de sévir, notamment dans l’Education nationale où j’ai l’honneur d’officier dans la même ville et dans la même discipline que lui.
» Si la contradiction avec le référentiel habituellement utilisé par JC Michéa était avéré alors peut être devrions nous voir le poids encore présent du terrorisme intellectuel de la gauche.

Tout dépend de cette contradiction, en effet.
Ce n'est pas la théorie de Michéa qui est systématique, mais la réalité telle qu'elle a été transformée par la théorie libérale.

Plus généralement, on ne peut se contenter, pour critiquer un auteur, de considérer qu'il généralise. Voyez par exemple Du sens, pp.50 et 75. Parler, c'est tailler dans la parole ; théoriser, c'est tailler à vif dans le sens. Quiconque généralise se trompe nécessairement, ce qui permet aux contradicteurs de retrouver leur confort et d'avoir raison : mais c'est alors une raison qui fait faire silence à beaucoup de raison, et qui écrase bien de la vérité.

Sur le ton plus ou moins mufle de Michéa : on n'est pas philosophe pour se laisser commander par la politesse des salons ; et on n'a jamais vu un penseur véritable abandonner sa théorie pour satisfaire à la bienséance de la conversation. Finkielkraut d'ailleurs, en y mettant un peu plus les formes, n'était certes pas près d'abandonner son idée.

Je me permets d'indiquer ma position sur le fond, maintenant : faut-il davantage critiquer le libéralisme ou la démocratie ? On voit l'origine des deux conceptions, "de gauche" et "de droite". Mais étant donné le travail de Michéa sur ce ruban de Möbius qu'est la modernité politique, une grande part de l'opposition devient rhétorique. Finkielkraut et Michéa ont à peu près les mêmes ennemis. Je soutiendrai pour ma part néanmoins que la critique de Michéa est plus radicale que celle de Finkielkraut (et du P.I….).

Du point de vue de l'actualité : il est bon de critiquer la gauche bobo, les mythe de la racaille et du rebelle, l'assistanat généralisé, etc… Mais cela Michéa le fait autant que Finkielkraut ; par contre, les critiques de Finkielkraut ni du P.I. ne s'attaquent suffisamment à ma guise à la weltanschauung des élites mondialisées, qui en en organisant l'économie, les institutions, les conditionnements médiatiques, font le monde comme il va. Ce saccage qui organise la jouissance prédatrice se pare parfois, le jour des élections, de certains atours in-nocents : bribes de leçons de morale de l'ancienne bourgeoisie, lambeaux de vertu aristocratique. Comment ne pas voir pourtant l'escroquerie ?

D'un point de vue plus historique : les travers de la démocratie, analysés par les libéraux depuis Tocqueville, sont les conséquences du déploiement de la logique libérale analysée par Michéa. Si aucune valeur ne peut s'imposer aux individus, si le pacte de la société moderne construit les relations sociales en faisant abstraction de toute norme transcendante à la sphère des intérêts bien compris de la société civile, comment pourrait-il rester pour chacun une autre valeur que soi-même ? Pourquoi accepter de soumettre quoi que ce soit de sa personnalité à un ordre qui n'est là que pour la servir ? Quel critère extérieur subsisterait pour que j'accepte d'obéir ou de me considérer comme inférieur, en quelque domaine que ce soit ? Le libéral de droite est bien celui qui milite pour les causes sans accepter les conséquences.



Nommons décence commune l'idée que la forme imprègne l'existence du peuple alors même qu'il se moque de la forme. Cette idée paraît remettre en cause certains présupposés de Camus : dans la lignée des références anthropologiques de Michéa, les exemples de Marche le montrent : il y a une dignité qui n'est pas un arrachement à son milieu, une noblesse sans ascension sociale, une élévation sans trahison de l'origine. Cependant ce progrès ne pourrait exister sans la valorisation de la culture, de l'effort, du travail sur soi : bref, de l'in-nocence. Michéa a le tort de ne pas l'expliciter suffisamment, laissant penser que pour lui ces vertus sont naturelles.

Ne doit-on pas penser qu'entre la croyance à une décence commune naturelle, qui serait la mauvaise pente de Michéa, et le refus d'accorder au peuple certaines modalités de l'in-nocence, qui serait celle de Camus, il y a place pour l'idée d'une vertu populaire historiquement constituée ?

Mais l'un et l'autre auteur y viennent d'eux-mêmes, convoqués par le réel et leur probité. Michéa relie la dignité des milieux ouvriers du XXème siècle au travail d'éducation du syndicalisme révolutionnaire. Camus crée un parti politique qui ne prend pas seulement la défense d'un volontarisme aristocratique mais aussi d'un mérite national, des acquis séculaires d'une civilisation qui imprègnent la vie commune.

Aussi bien, quand même Michéa rechigne à penser la nation et Camus la vertu populaire, peut-on conclure pour eux, grâce à eux : la nation et la politique (irait-on jusqu'à "une politique nationale" ?) sont les conditions de possibilité d'une décence commune.
Citation
Certes, il juge (mais cet argument est fantasmatique) que les libéraux du XVIIIe s ne reconnaîtraient pas leur enfant dans le monstre qu'est devenu le monde actuel façonné par le libéralisme ou l'ultra-libéralisme, comme Marx n'aurait pas reconnu sa pensée (argument fantasmatique premier) dans le socialisme réel d'URSS, de Chine ou de Corée du Nord, etc

Je rappelle que Jacob Burckhardt l'historien suisse (1818-1897) avait pressenti et annoncé les catastrophes du XX siècle qui étaient apparemment déjà en gestation tout au long du 19 ème siècle.

A son propos je signale un excellent article paru dans le dernier numéro de Commentaire (Eté 2012) sur le livre de Burckhardt sur la Renaissance italienne "La Civilisation de la Renaissance en italie", Bartillat.
L'exposé de Julien Fleury est brillant.
Mais j'aimerais lui poser une simple question. Je ne comprends pas ce qui serait "au dessus de l'individu" si Dieu n'existe pas... La nation ? L'économie ? L'écologie ? Quoi donc ?
Le Beau ? Le Bien ? Le Vrai ?
Julien Fleury pose sans doute de vrais et bonnes questions et soulève des problématiques lourdes et fondamentales, mais il le fait un peu vite.

Ce raisonnement-ci, par exemple, comporte un saut logique qui illustre cette rapidité et cet empressement à vouloir buter sur le fondamental quand celui-ci ne manifeste encore aucun envie de frapper à notre huis:

Si aucune valeur ne peut s'imposer aux individus, si le pacte de la société moderne construit les relations sociales en faisant abstraction de toute norme transcendante à la sphère des intérêts bien compris de la société civile, comment pourrait-il rester pour chacun une autre valeur que soi-même ?

J'ai eu la chance de baigner quelques années dans une société qui était incontestablement l'une des plus libérales-sauvages que l'humanité ait connues, où seule était prise en considération, prévalente et omniprésente, la "sphère des intérêts individuels" dénuée de toute transcendance ou pacte social. A dire vrai, ce pacte existait, c'était un pacte de protection coloniale, artificiel, désuet et superficiel, du type de ceux par lesquelles les puissances occidentales garantissaient la protection théorique leurs "protectorats" ou comptoirs qu'elles revendiquaient leurs et le territoire ainsi régi dont je veux vous parler était Hong Kong. Or on s'est aperçu, en 1989, soit huit années avant la tant redoutée "rétrocession" de ce territoire à la Chine communiste que les habitants de Hong Kong, viscéralement, fanatiquement anti-communistes, à l'occasion des événements de la Place Tien An Men en mai-juin, que ce peuple d'individualistes que l'on croyait cyniques, dis-je, était tout aussi viscéralement et fièrement attaché à la nation chinoise, à ses valeurs, à sa grandeur passée et à une possible grandeur future qu'à la course du rat économique et financier qui faisait son quotidien. On découvrait que le consumérisme le plus béat et totalement déculturé recouvrait comme un film un coeur vibrant pour la Chine des ancêtres, la grande culture Han et les valeurs séculaires. Un découplage est ainsi possible entre l'horreur économique et son cortège de destructions (du paysage, du cadre de vie, des rythmes de vie, des beautés naturelles, etc.) et l'amour de la patrie et la grande transcendance du destin national. Hong Kong se découvrit ainsi inattendu laboratoire de ce découplage.

Allons plus loin, en l'absence de pareil découplage, la religion économique impose un culte, un maître idéologique, une superstructure totalitaire qui "règne sur les coeurs" et les esprits, soit aujourd'hui, en Europe, ce que nous brocardons à longueur de forum comme nouveau paradigme, nouvelle norme et système moraux: l'antiracisme, à la fois carcan moral, mental et institutionnel. Le découplage dont j'ai été témoin à Hong Kong est sain: le libéralisme économique est impuissant face à ce qui lui préexiste dans la sphère des valeurs, et ce n'est lorsque cette sphère se vide de tout contenu ancestral comme aujourd'hui en Europe, que le totalitarisme, le monstre véritable, celui qui commence à sévir chez nous en France et en Europe après avoir sévi sur la tabula rasa de la Chine communiste avec la "Révolution culturelle", montre la pointe de son museau verreux et vorace de mangeur et de broyeur d'humanité.
Cher Julien Fleury, le Bien, le Vrai et le Beau sont-ils des Universaux ou de simples mots ?
Si ce sont des abstractions, pourquoi les individus se sacrifieraient-ils à ces sons, ou à d'autres sons comme "patrie" ?
Les noblesses d'antan étaient cohérentes, qui liaient la notion de sacrifice à celle de transcendance ; sans transcendance, je ne vois pas au nom de quoi on voudrait critiquer le libéralisme et son corollaire l'individu-roi.
La transcendance étant une unification par le haut, ne pensez-vous pas, cher Loik, que le Bien, le Vrai et le Beau sont de hautes et nobles aspirations ?...

(mais, tout bien considéré, peut-être préférez-vous quelque croyance ancienne (préférence absolument compréhensible, je dois dire))
Loïk, veuillez un instant considérer que le libéralisme qui hante un Michéa, et l'individu-roi, sont de l'écume, ne séjournent pas dans le coeur des hommes, n'y sont point constitués en valeurs inexpugnables, qu'ils ne sauraient ravir leur place à ces valeurs pour peu qu'elles soient encore présentes, qu'ils ne peuvent en aucun cas l'emporter sur quoi que ce soit de préexistant, à preuve, ils doivent, pour continuer d'écumer et de façonner la société et d'ordonner l'agitation des hommes, se mettre en cheville avec des systèmes de valeurs tout forgés, des prêts-à-penser et des prêts-à-vivre indispensables à leur maintien, aussi neufs et superficiels qu'eux : l'antiracisme, le "vivrensemble", etc. qui sont des religions de fabrication récente dont le rôle est aussi archaïque, primaire et transparent que la nouveauté de leur facture.
Cette common decency est tout de même une notion assez floue... sorte de sens moral minimal et un peu smart, façon de se vouloir bien comporter sans trop s'encanailler franchement avec les tenants impudiques de la morale, ces souteneurs du Bien.

(Cher Loïk, les abstractions, concepts ou idées ne sont pas des "sons". À strictement parler, non seulement un concept n'est pas dénué de sens, mais c'est une sorte d'entité mentale qui n'existe qu'en tant que sens, toute présence ou possibilité de "présentation" physique lui faisant défaut. Le son d'un mot, lui, n'en est que la forme acoustique sansonsens.)
Pyrrhon :
"La transcendance étant une unification par le haut, ne pensez-vous pas, cher Loik, que le Bien, le Vrai et le Beau sont de hautes et nobles aspirations ?..."

Et aussi pour répondre à Julien Fleury : le Bien, le Vrai et le Beau sont des mots insérés dans un Récit, disons celui de Platon qui comporte le Monde des Idées, ou bien celui de St Thomas avec l'édifice convergeant en Dieu, summum bonum.
Il me semble quelque peu in-sensé d'isoler ces concepts de leur grammaire ; cette opération qui consiste à enlever certains fragments d'un tout, pour les cultiver hors-sol, est d'ailleurs discutée sur le Forum (la musique classique a-t-elle un sens sans les châteaux, les ciels gris, les paysages européens et ainsi de suite...).
Donc, pour en revenir à Michéa et à l'horizon des valeurs, je vois mal comment des concepts organiquement innervés par une vision religieuse du monde peuvent se trouver dans une vision a-religieuse, ou anti-religieuse. Sans cet arrière-plan et ces arrières-mondes spirituels, le Beau, le Bien et le Vrai n'en redeviennent que des masques revêtant différentes formes de vouloir-vivre ; comme ce vouloir-vivre est une propriétés des individus concrets (sauf à être schopenhauérien), l'individu est donc la valeur indépassable derrière ces sons que sont le Bien, le Beau, le Vrai. Vive le libéralisme!
Utilisateur anonyme
14 juin 2012, 17:11   Re : In-nocence et common decency
(Message supprimé à la demande de son auteur)
» Si aucune valeur ne peut s'imposer aux individus, si le pacte de la société moderne construit les relations sociales en faisant abstraction de toute norme transcendante à la sphère des intérêts bien compris de la société civile, comment pourrait-il rester pour chacun une autre valeur que soi-même ?

N'oubliez tout de même pas que le pacte lui-même, comme condition de la possibilité de soi-même comme valeur, est une valeur qui le dépasse.
C'est une extériorité formelle ou fonctionnelle, peut-être, mais elle n'en est pas moins vitale à l'être même des individus en tant que tels, bien davantage qu'une extériorité de type transcendant dont la nature serait de fait dissociable de l'être social de l'homme.
Et qui dit "dissociable" entend bientôt expendable.
Cher Alain Eytan,

mais, depuis Sartre, n'avons-nous pas cette idée que "transcendance" et "immanence" sont liées (in Critique de la raison dialectique) ? D'ailleurs l'erreur de la gauche n'est-elle pas de vouloir réformer ou révolutionner la société de l'intérieur, avec une approche faite à partir du seul tout est intérieur à tout dont on observe au jour la journée le résultat désastreux, tandis qu'avec une approche faite depuis un haut transcendantal, parfaitement atteignable puisqu'inversement rien n'est extérieur à rien, on obtiendra, comme on obtient à chaque fois qu'on tient les deux bouts, de biens plus belles merveilles...
Mon cher Pyrrhon, j'entends bien.
Rien ne vous empêche non plus de vous assouplir en cerceau et d'éprouver ainsi la perfection de la forme sphérique en dévalant tous les raccourcis que vous voudrez.
Alors laissez-moi le temps de mettre au jour un dernier "raccourci" : la personne, à la différence de l'individu, n'est pas fermée vers le haut. (quant aux cerceaux, qu'on ne voit pas toujours, il s'agit d'une histoire, comment dire, cyclique : ça va ça vient...)
Marx tantôt serait responsable de sa descendance (L'Empire du moindre mal), tantôt ne le serait pas (Réplique). DJF

A moins qu'il ait changé d'avis, Michéa se contredit donc sur un sujet d'importance. Sachant que l'époque souffre du discrédit qui frappe les philosophes, il ne suffit pas de renvoyer l'impertinent contempteur aux livres du maître, mais il faut s'arrêter à ces signes que le contexte radiophonique ne suffit pas justifier. Le public trop habitué aux effets de manche des intellectuels supporte avec complaisance leurs défaillances : puisque la matière étudiée est réputée molle pourquoi réclamer une pensée ferme ? Pourtant, ce n'est pas l'objet des sciences de l'homme qui les font molles mais ceux qui s'y livrent.
......
Le découplage dont parle Francis Marche confirme que les critiques du libéralisme et de la démocratie se complètent pour des raisons de logique et non de "politesse de salon". Ceci dit, l'expérience apprend que la politesse peut ouvrir l'esprit à des idées auxquelles la raison seule, parfois, reste fermée.

L'hyperlibéralisme (préservé de l'hyperdémocratie) garde une secrète admiration de la civilisation car il est sauvage. Un peu comme les Barbares n'avaient d'yeux que pour Rome, Hong-kong conservait la nostalgie de la grande civilisation chinoise. Pour cause, sauvage, le libéralisme décultive et décivilise mais, sauvage, il préserve un fond d'humanité ou d'inhumanité. Le libéralisme ne stipule ni le bien ni le mal. Par contre, il laisse l'homme libre comme peut l'être le funambule. Le monde reste articulé par des alternatives et son principe, la liberté, est subjectif. L'individu libéral fait ceci car il ne fait pas cela, est vivant car il n'est pas mort. La mort, en sauvagerie libérale, n'est pas honteuse. Les habitants de Hong-Kong courent aux machines à sous parce que le hasard, pour eux, n'est pas aveugle. C'est depuis ce fond vital que les sociétés libérales ensauvagées attendent la civilisation quand les sociétés hyperdémocratiques l'ignorent superbement.

...............

"[...] entre la croyance à une décence commune naturelle, qui serait la mauvaise pente de Michéa, et le refus d'accorder au peuple certaines modalités de l'in-nocence, qui serait celle de Camus, il y a place pour l'idée d'une vertu populaire historiquement constituée ?

Mais l'un et l'autre auteur y viennent d'eux-mêmes, convoqués par le réel et leur probité. Michéa relie la dignité des milieux ouvriers du XXème siècle au travail d'éducation du syndicalisme révolutionnaire [...]" Julien Fleury

La politique est l'art de faire avec l'existant, entend-on. Le socialisme primitif français de Michéa, tel qu'en rend compte Santamaria, laisse penser que Michéa ne fait pas avec l'existant, c'est-à-dire avec des individus. Il ne permet pas de dépasser le mythe, dénoncé par Fleury, qui fait de la décence commune un attribut naturel du peuple car il suppose établi ce qui est à restaurer : un sentiment de corps, de classe, des valeurs et des vertus qui se diffusent en cascades de déférence dans une société hiérarchisée dont l'élite ouvrière occupe le sommet. La politique, à la manière ouvrière, ne résulte pas d'un contrat préalable entre individus. Elle suppose l'appartenance collective. Un peu à la manière athénienne, l'égalité politique n'est reconnue, certifiée qu'au travers de la participation obligée aux débats du syndicat, du soviet ou du café du coin. Les bruyantes discordes confirment l'identité du peuple à lui-même. Certains peuples archaïques prenaient les décisions collectivement. Ils ne constituaient pas pour autant des démocraties libérales. La politique ouvrière, c'est, comme à Athène, l'archaïsme de la décence commune et du corps commun (le corps prolétaire et politique) plus la raison individuelle du débat.

Puisque l'Eglise n'assure plus la médiation avec le Ciel, la philosophie de l'Un qui hiérarchise chacun et chaque chose selon sa place au regard du Bien, du Beau et du Vrai doit être rationnellement et contractuellement fondée (contrat d'in-nocence) pour résister à l'érosion des individus que le Royaume qui n'est pas de ce monde a dégagés de toute légitimité politique et axiologique.

........

La dissidence a besoin d'un système ouvert. Système, il donne à qui le possède réponse à tout. Pourquoi laisser aux autres les systèmes qui séduisent les masses et assurent le triomphe militant des polémistes ? Ouvert, il permet à la réalité et au débat de renouveler les réponses, de réviser le système lui-même et au sytème non de réduire la réalité et le débat mais de multiplier le sens et d'intensifier l'esprit. Le système ouvert n'est pas à inventer. On sent bien qu'il est là, mais que la seconde carrière du totalitarisme entrave la dissidence qui n'a jamais opposé, par principe, que des pensées singulières au totalitarisme.
Trouvé sur Fdesouche ce commentaire avec lequel je suis plutôt d'accord :

"La fierté des ouvriers du nord. J’ai eu la chance de la connaitre lorsque j’étais enfant dans les années 70, juste avant que le monde ne s’écroule. Ils étaient mineurs, mais aussi fondeurs, ou verriers. Ils travaillaient dans le textile.
C’est vrai qu’il y avait comme un goût d’ aristocratie plébéienne. Ca
créait comme une saine émulation entre les cités et les professions. Fier d’être Mineurs, fier d’être des verriers… Nos pères s’ils portaient des bleus la semaine, n’auraient jamais trainé en survêtement crasseux le weekend. Le dimanche, la moindre occasion de sortir, justifiait d’être habillé. On allait même à la fête foraine ( la ducasse) en costard ,cravate et je détestais çà.
En ce temps là, les cités étaient belles, entretenue et fleuries par l’usine et leurs habitants. Les « grosses têtes » avaient certes, de plus belles demeures. (On appelait ça les châteaux). Puis venaient celles des cadres et des contremaitres et enfin les plus modestes et nombreuses, celle des ouvriers. Tout cela réuni sur quelques kilomètres carrés, dans la même cité. La mixité sociale, ça existait alors. Moi, je l’ai connue et tous gosses d’ouvriers que nous étions, nous côtoyions alors les enfants des cadres. On étaient les mêmes mômes crasseux qui retournions chez nous, après avoir trainé dans les terrains vagues et les champs les longues journées d’été… Môme, je n’ai jamais lorgné sur la vie des enfants « des châteaux », car nous étions les mêmes. Juste que chez eux c’était plus grand…
Mais la belle vie s’est terminée en 1978, lorsqu’ils ont commencé à fermer nos usines et lorsqu’ils ont transformé nos ouvriers de pères,en manœuvres. Lorsque la gauche a fermé les yeux. C’est alors que nous avons compris ce qu’était la misère."

J'ajouterai que les ouvriers étaient inscrits au parti communiste mais ne pleurnichaient pas sur leur sort.
Cassandre,


Je suis de votre avis, à ceci près que si le vote des ouvriers était largement communiste dans la plus grande partie du pays, il était fortement socialiste dans le Pas-de-Calais et à Toulouse, et gaulliste en Lorraine et dans le sud du Tarn, vers Mazamet-Castres.
À Francis Marche :

Merci pour ces nouvelles illustrations, qui ainsi que vos exemples précédents rendent la discussion plus concrète. Votre distinction entre le cas du découplage et celui de la superstructure totalitaire me paraît très pertinente, mais je ne vois pas en quoi elle remet en cause mon propos. Comme à propos de la dissidence, nous sommes pris dans l'alternative entre pessimisme et optimisme. La notion de common decency indique justement l'espoir que la victoire des idéologies archaïques-toc du système n'est pas totale, qu'il reste malgré le grand lavage de cerveau libéral-libertaire un héritage culturel consistant à partir duquel militer, résister, et renverser l'infamie.

À Loïck A. :

Le Bien, le Vrai, le Beau, désignent ici simplement ce qui élève l'individu au-dessus de l'utilitarisme borné de l'époque. Ce qui l'engagerait, par exemple, à baisser la voix dans un couloir d'hôtel, à accepter qu'un écrivain puisse décrire des faits gênants pour la bienpensance, à éviter de construire un dépot de grande surface au sommet d'une colline. De même, je ne prétendais pas faire œuvre de métaphysicien en parlant de ce qui est "transcendant à la sphère des intérêts bien compris de la société civile" : seulement indiquer que les hommes peuvent être mus par autre chose que le désir immédiat et le goût du lucre. Il n'est sans doute pas besoin pour cela de présupposer un système ontologique très particulier ; ma réponse était un peu plus qu'une simple boutade, mais le platonisme ou le hegelianisme que je vous demande pour me suivre est vraiment minimal.

À Alain Eytan :

Je ne crois pas qu'on puisse classer Michéa parmi les contempteurs bobo de la morale. L'expression "common decency" lui permet d'éviter de renvoyer à une doctrine particulière et de désigner un fondement anthropologique universel. Ce sens de la réciprocité attaqué par le principe libéral est certes bien insuffisant pour faire à lui seul une morale très élevée, mais il est la condition de possibilité de toute morale possible.

À Didier Bourjon :

Pardonnez-moi si je vous comprends mal, mais je suis très surpris de voir chez le premier secrétaire du P.I. un matérialisme historique si orthodoxe. J'ai sans doute eu tort là encore d'employer un terme trop connoté philosophiquement, mais je supposais que nous serions tous d'accord pour penser que les hommes ont une possibilité réelle de maîtriser leur destin et que les conditions d'existence que nous subissons ne proviennent pas du déterminisme pur de l'infrastructure. Des hommes, des institutions, des corps politiques, économiques ou technocratiques ont décidé et décident chaque jour de ce qui arrive au monde. C'est bien pour cela aussi qu'il y a un espoir à entretenir, et des résolutions à prendre.

À Alain Eytan (II) :

Cette valeur absolue du pacte libéral qui dépasse l'individu, en tant que ce qui permet à l'individu d'avoir une valeur, c'est bien la dyade du Marché et du Droit, n'est-ce pas ?

À Pierre Henri :

N'est-ce pas dans l'idée de "logique" d'un système de pensée que se trouve la résolution de l'antinomie entre la responsabilité et son contraire ?

Enfin, à tous, je propose ici un extrait de l'ouvrage inédit d'un ami qui me paraît prolonger les réflexions de Francis Marche sur la préservation paradoxale du sacré en régime libéral :

Citation

D’après la spiritualité libérale, cet Etat est donc aussi puissant que subordonné. Il concentre un pouvoir considérable, mais ce pouvoir ne s’exercerait qu’au service d’individus qui, sujets du Royaume ou citoyens de la République, contestent virtuellement leurs juridictions. Car la religion des droits de l’homme concurrence les Etats en naturalisant leurs ressortissants « citoyens du monde ». Qu’on ne s’y trompe pas, d’ailleurs : apparemment généreux, ce cosmopolitisme n’est pas né de l’amitié de l’homme pour l’homme, mais de la haine des croyants entre eux ; le sentiment d’une commune appartenance ne l’a pas inspiré, mais l’expérience d’une vulnérabilité radicale. Ainsi la première « liberté moderne », avant que Constant en dresse la liste élargie , consiste-t-elle à ne pas mourir de la main d’un autre et, juste ensuite, à prospérer dans ses propriétés. Dans la succession historique comme dans l’ordre logique, la sécurité précède de loin l’association, l’expression et la circulation. Au milieu de l’univers libéral, si froidement rationnel en apparence, vivent ensemble l’effroi de la Saint-Barthélémy, l’enthousiasme révolutionnaire et le visage sans traits d’une Humanité abstraite. Quand l’enthousiasme s’éteint, que l’effroi se dissipe et que le vide commence à faire horreur, le religieux, que les Lumières n’avaient du reste jamais pu chasser du monde , accomplit un retour en force salué par certains libéraux lui confiant volontiers la charge du « sens » et du « lien » . Si l’on peut passer aussi vite qu’elles le méritent sur les pathétiques nouvelles spiritualités pour cadres houellebecquo-dépressifs, symptômes inquiétants certes de notre état général, ce retour prend aujourd’hui en France le visage des vieilles religions juives et musulmanes (le catholicisme ayant jeté l’éponge théocratique sous la contrainte d’abord, par doctrine depuis Vatican II). Dans le contexte français, si universalistes prétendent-elles être, elles se distinguent moins que jamais de la communauté ethnique, héréditairement juive pour le judaïsme, patrimonialement arabe pour l’Islam, qui supporte leur réalité et fait leur puissance. Ces communautés trouvent dans la faiblesse de l’esprit public toutes les occasions d’imposer, la première par l’influence, l’intimidation moralo-mémorielle et les poursuites au tribunal, la seconde par le nombre, la rue, la menace émeutière et judiciaire, un climat de pressions ethno-religieuses que les institutions françaises ne peuvent accepter sans se trahir ; et, de fait, elles se trahissent en y cédant chaque jour davantage. Selon une ruse de l’histoire dont rien n’indique qu’elle conduise au triomphe final de la raison, la religion civile des droits de l’homme installe ainsi (par la volonté perverse de quelques uns de ses diffuseurs et la faiblesse servile du grand nombre), un état de guerre de religions qu’entretiennent et recouvrent, au plan des discours, le multiculturalisme, le métissage, la repentance occidentale.

Yannick Jaffré, Vladimir Bonaparte Poutine.
Utilisateur anonyme
28 juin 2012, 09:06   Re : In-nocence et common decency
RATP : un palmarès des incivilités
AFP Publié le 28/06/2012

Parler fort avec son téléphone portable, sauter par dessus les tourniquets ou laisser son journal sur un siège. RTL révèle ce matin un palmarès des incivilités dans les transports en commun parisiens réalisé par la RATP.

Sans surprise, 97% des voyageurs déclarent avoir été témoins d'au moins une incivilité durant leur voyage au cours des 30 derniers jours. Parmi les impolitesses, les usagers bousculent sans s'excuser, mangent dans les bus et restent assis en période d'affluence.

La RATP a lancé une campagne d'affichage pour sensibiliser les voyageurs à cette montée de l'incivisme qui rend le temps de transport de plus en plus inconfortable

[www.rtl.fr]
Ce matin, dans une rame de la ligne 8 du métro, mon regard s'est attardé sur une portière proche de moi : elle était couverte, comme le sont la plupart, de ces "logos" et graffitis qui tiennent lieu de signature pour les sections d'assaut et petits gangs des "quartiers". J'imaginais l'ambiance qui devait régner dans cette même rame lorsque ces jeunes exprimaient leur créativité, avec rage et insolence. J'ai longuement médité sur un "K-libr" écrit au feutre noir...
Citation
RATP
- Laisser son journal sur un siège : 80 %

Allons allons, rassurez-vous cher Olivier : puisqu'on vous explique qu'en mettant les choses au pire, dans le dernier métro, en fond de rame, vous serez confronté aux Cahiers de l'in-nocence déflorant sauvagement une banquette.
En fait l'idéologie mondialo-immigrationniste ne tenant pas ses promesses et le retour à l'époque heureuse d'avant cette idéologie étant impossible, il ne reste plus aux Amis du Désastre que de favoriser à nouveau, avec le cynisme qu'on leur connaît, la solution archaïque de la religion comme opium du peuple, soit le couple idéal que forme l'islam et le chritianisme, celui-ci tendant l'autre joue à celui-là.
" Laisser son journal sur un siège : 80 % "

C'est fou le nombre de gens qui marchent en dormant.
Utilisateur anonyme
28 juin 2012, 15:00   Re : In-nocence et common decency
S'ils l'avaient payé, ce journal... peut-être ne le laisseraient-ils pas sur le siège?
"Parler fort avec son téléphone portable, sauter par dessus les tourniquets ou laisser son journal sur un siège."
Ces choses n'ont rien à voir l'une avec l'autre.
Ne pas payer est un délit dont la généralisation mettrait en péril l'existence même de transports publics.
Parler fort est une gêne pour l'entourage.
Laisser son journal est certes sale, mais certains le ramassent parfois (souvent) et en profitent pour le lire : c'est donc une semi-incivilité (par l'intention plus que par l'effet - même si l'effet est sale).
Appeler tout cela incivilité en dit long sur la dissolution du sens des mots.
soit le couple idéal que forme l'islam et le chritianisme, celui-ci tendant l'autre joue à celui-là.

Pour l’histoire de tendre l’autre joue, ce n’est pas du tout, comme on croit, une affaire de femmelette qui aime à se faire battre, mais au contraire une histoire de fier sioux impavide, méprisant l’adversaire et l’invitant à ne pas se gêner, vu l’effet que cela lui fait.

J’ai découvert cela par le plus grand des hasards, en allant à la messe, où on lit rituellement les textes sacrés. Ils sont extrêmement intéressants, les textes sacrés (ancien et nouveau testament).
Utilisateur anonyme
28 juin 2012, 20:34   Re : In-nocence et common decency
Sur France II, un long reportage vante l'amélioration des services rendus aux touristes (politesse en anglais des chauffeurs de taxis, aménité des serveurs de restaurants...). Ceci dit, il n'y avait rien sur les hôtels...
Utilisateur anonyme
01 juillet 2012, 10:53   Re : In-nocence et common decency
Fusillade à l'entrée d'une discothèque, ou quand "non" n'est pas une réponse admissible.

[www.huffingtonpost.fr]
Utilisateur anonyme
01 juillet 2012, 17:41   Re : In-nocence et common decency
Gard Incivilités : le directeur ferme le supermarché avant l'arrivée du train à 1€

[www.midilibre.fr]
Discothèque de Lille : encore du boulot pour les changeurs de prénoms...
Ajouté qu'avec l'utilisation de plus en plus habituelle d'une Kalachnikov, les prénoms russes ont de l'avenir...
Utilisateur anonyme
01 juillet 2012, 19:57   Re : In-nocence et common decency
La Kalachnikov sera-t-elle reconvertie en pistolet à eau ?
Utilisateur anonyme
01 juillet 2012, 20:23   Re : In-nocence et common decency
Citation
Orimont Bolacre
Discothèque de Lille : encore du boulot pour les changeurs de prénoms...

L'ouverture du journal de vingt heures sur France2 force le respect pour sa grande virtuosité à ce sujet. Tous les témoins-trottoir étaient des divers (donc victimes). Je m'étonne que le service public n'ait pas l'obligation de diffuser le portrait-robot de notre amer débouté.
reconvertie


Le mot est excellent.
Utilisateur anonyme
02 juillet 2012, 16:10   Re : In-nocence et common decency
Citation
Orimont Bolacre
Discothèque de Lille : encore du boulot pour les changeurs de prénoms...


Crénom de prénom !

LE MONDE | 02.07.2012 à 11h49 • Mis à jour le 02.07.2012 à 11h49

Par Pascal Galinier

Nom, prénom, âge et qualités..." Le fait divers, exercice journalistique par excellence, a parfois des allures procédurales. Pour les journalistes, mais aussi pour les lecteurs.

Le Monde, le 25 juin, a raconté le terrible homicide d'un adolescent de 13 ans par un autre de 16 ans, dans un collège de Rennes (Ille-et-Vilaine). L'auteur et signataire de l'article, Serge Le Luyer, journaliste d'Ouest-France et pigiste occasionnel pour Le Monde (en l'absence de notre correspondant local ce jour-là), a prénommé l'agresseur, d'origine tchétchène, Vladimir. Prénom fictif qui sera vite remplacé, en ligne, par une simple initiale, "S.", celle du vrai prénom de l'adolescent, que Le Monde ne s'autorise pas à dévoiler, pour respecter son anonymat, conformément à la loi.

Il n'en fallait pas plus pour que le médiateur soit saisi d'une rafale de courriers et de courriels au ton virulent et parfois délirant. "Manipulations dignes des pires heures soviétoïdes !", accuse Paul Pottel, de Reims. "Manière insidieuse de désinformer", selon Jean-Christophe Antoine (Paris). "Désinformation qui vise bêtement à protéger les musulmans tchétchènes, totalement contre-productive, et injuste vis-à-vis des Russes", estime Claude Courouve. Ce "professeur de maths retraité" à Auzances (Creuse) s'"étonne qu'un grand quotidien, jadis de référence, s'abaisse et se déshonore à travestir la réalité de la délinquance juvénile d'origine étrangère, et désinforme ses lecteurs".

Le Monde travestit la réalité, désinforme ses lecteurs... Diantre. Voilà une accusation qui interpelle le médiateur. Il ne peut certes pas donner totalement tort à ceux qui s'étonnent, de bonne foi, qu'on ait troqué un prénom (présumé) musulman contre un prénom (supposé) russe... Un choix d'autant plus malvenu, convenons-en, qu'un certain Vladimir (Poutine) est le grand persécuteur de la Tchétchénie...

"J'admets qu'il était maladroit de choisir Vladimir comme prénom pour un Tchétchène, reconnaît Serge Le Luyer. Le jeune concerné et ses parents sont des Tchétchènes russophones, ils ont tous des papiers d'identité russes... Il me semblait nécessaire de lui trouver un prénom de substitution qui évoque cette spécificité, plutôt que de l'affubler d'un Martin ou d'un Robert..." Cela étant, estime ce "fait-diversier" de longue date, il ne faut pas donner à ce choix de prénom plus d'importance qu'il n'en a : "Maladresse certes, faute non. Plus que des excuses, ce sont des explications que j'offre aux lecteurs. Qu'est-ce que Poutine a à faire dans un collège du fin fond de la Bretagne ? Je lance davantage un appel au bon sens qu'au sens du pardon..."

Un fait divers dans le fait divers, en somme. Pas de quoi fouetter un chat... Mais l'occasion d'expliquer aux lecteurs le pourquoi du comment de notre métier - c'est l'une des missions que s'est assignées votre médiateur. En l'espèce, "la loi nous oblige à protéger l'identité d'un mineur, rappellent Cécile Prieur et Emmanuelle Chevallereau, responsables du service Société à la rédaction du Monde. Cela signifie ne pas citer son nom de famille ni même son prénom s'il permet de l'identifier à coup sûr". Désolé, cher "Lionel H." (de Nancy), il n'y a dans cette "habitude désormais de "changer les prénoms"", où vous croyez déceler "un subtil glissement (une connotation musulmane transformée en slave orthodoxe)", nulle dissimulation : l'article que vous dénoncez précisait, dès la deuxième ligne, que le jeune agresseur était "issu d'une famille de réfugiés tchétchènes".

A bon entendeur, salut, est-on tenté de conclure. Pas si simple. Certains, parmi ceux qui s'insurgent de nos us et abus supposés, ne veulent rien entendre, justement. Et ils ne se privent pas d'user et abuser de cet anonymat qu'ils dénoncent par ailleurs...

Votre serviteur a eu un échange assez vif avec un certain Bohdan Madenski. L'homme appelait apparemment de Pologne - il n'a pas souhaité préciser son identité ni ses motivations, comme nous le lui proposions. Ses propos (écrits et oraux) tiennent en trois lignes : "Honte à vous !" ; "Pascal n'est pas Mamadou..." ; "Vous êtes des RG ou quoi ?"

Que répondre à qui ne veut pas entendre ? Et que répondre au long courriel - ouvertement identifié et revendiqué, celui-là - dans lequel Jean-Patrick Grumberg, bien connu de la blogosphère extrémiste, prétend révéler "ce que la presse francaise a omis de vous dire" ? Etre cité dans Le Monde, cet éditeur d'un site Web controversé (pour rester poli), n'attend que cela : "Reproduction autorisée, et même vivement encouragée", précise-t-il... Un grand classique du "conspirationnisme", dont nous avons décrypté et dénoncé la "logique" (sic) dans Le Monde du jeudi 21 juin). Une enquête et un éditorial qui nous ont aussi valu du courrier...

"Vous faites passer les perplexes pour des conspirationnistes ! Vous-même pointez les incohérences de la version "officielle" mais dénigrez les gens qui se posent des questions", déplore un certain Jean-Jacques Bernard, "internaute lambda, gueux prolétaire sans diplôme", qui signe "Guillaume" (le conquérant, sans doute...). "Etonnez-vous du désintérêt des gens pour les médias historiques et de leur intérêt croissant envers les sites d'information alternative...", ajoute-t-il.

Tout cela nous emmène loin de la "petite affaire" du prénom litigieux, direz-vous. Pas si sûr. En cette époque où "chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage" (Montaigne), le médiateur hésite entre Audiard et Brassens pour qualifier ces vrais-faux lecteurs de tous poils... Mais, comme en France tout se termine par des chansons, disent nos cousins québécois, nous conclurons avec Jacques Dutronc : "On nous cache tout, on nous dit rien. Plus on apprend, plus on ne sait rien. On nous informe vraiment sur rien..."

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Pascal Galinier
Idée nom pour Le Monde : Faycal Mokhtari = Geert Dewinter. "Il semble nécessaire de lui donner un nom flamand plutôt que Martin ou Robert"
Utilisateur anonyme
02 juillet 2012, 16:32   Re : In-nocence et common decency
Je ne crois pas que votre idée sera retenue, cher monsieur.
Utilisateur anonyme
04 juillet 2012, 13:20   Re : In-nocence et common decency
"On ne compte plus les voyages perturbés par une conversation intempestive ou des hurlements téléphoniques. On aimerait se concentrer, lire, travailler, et à l'occasion faire la sieste. Indiciblement, sans trop savoir pourquoi, on sent son espace vital menacé."

[transports.blog.lemonde.fr]
Utilisateur anonyme
04 juillet 2012, 15:12   Re : In-nocence et common decency
Indiciblement ? Je trouve que c'est parfaitement dicible, pour ma part.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2012, 09:10   Re : In-nocence et common decency
[www.chervoisin2transport.fr]

Cette stigmatisation de l'homme blanc est insupportable. De plus, cela manque singulièrement de diversité, non ?

Que font le Mrap, le Cran et SOS Racisme ?!!!
11 juillet 2012, 09:27   Re : In-nocence et common decency
Assurément ils ne doivent pas prendre le mème transport que moi (pourtant je le prends tous les jours en région parisienne et à Paris). Je n'ai jamais vu de tels agissements ! On voit bien que ces publicitaires ne prennent jamais le métro, ils sont complètement en dehors des réalités. C'est tout simplement une propagande honteuse. Oui, que font les associations ?!
11 juillet 2012, 09:37   Re : In-nocence et common decency
C'est tout de même étrange cette volonté de contourner la réalité pour en faire un plaidoyer de rabat-joie aveugles à la violence quotidienne !
Utilisateur anonyme
11 juillet 2012, 10:14   Re : In-nocence et common decency
Le fameux vivre ensemble, vu par Finkielkraut.

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