On pouvait penser après la crise danoise dite des « caricatures de Mahomet » que tout le monde se calmerait, puisque tout le monde avait perdu des plumes dans l'affaire (les Occidentaux parce qu’ils avaient reçu une sévère raclée de l'oumma, les musulmans parce qu’ils apparaissaient définitivement comme des fanatiques irascibles et massacreurs).
Mais paradoxalement, loin de s’apaiser, les querelles imagières s’enveniment. C’est particulièrement évident en Tunisie — ce qui ne fait certes pas l’affaire de nos journalistes, qui nous ont imprudemment « vendu » cette révolution islamique comme l’invention spontanée de la démocratie par les masses arabes. Les émeutes contre la chaîne de télé qui a diffusé le dessin animé
Persepolis ont entraîné la condamnation pénale... du directeur de la chaîne (et non des émeutiers), dans une solution à la pakistanaise ou à l’égyptienne (vous savez bien, ce sont les chrétiens victimes de pogroms qui se retrouvent en prison). Et à présent, coup de main des islamistes contre une exposition, suivi d’émeutes généralisées. Le prétexte est toujours l’atteinte au sacré dans sa conception islamique, mais cette notion est dorénavant suffisamment élargie pour englober toute l’iconosphère, et non plus seulement de prétendues représentations du prophète, puisque tout (une femme nue, un barbu, etc.) est motif de scandale pour qui a choisi d’être scandalisé. À noter aussi que le pouvoir tunisien ménage la chèvre et le chou, en invoquant précisément la sacralité islamique. Le scénario le plus probable en Tunisie est donc celui d’une prohibition iconique généralisée, négociée comme une solution d’apaisement, respectueuse de la tradition et des conceptions du sacré en islam. (Cela vaut du reste pour tout l’arc islamique, du Pakistan au Maroc.)
À noter que, simultanément et sans qu’il y ait là aucune contradiction (sauf peut-être à nos yeux d’Européens), ces gens manipulent eux-même l’image avec une incontestable maîtrise. Voyez, en Algérie, la tentative de déstabilisation émanant du père de Mohamed Merah et de l’avocate islamiste Zahia Mokhtari, l’un et l’autre prétendant détenir, sur la fin de Mohamed Merah, on ne sait quelles vidéos, filmées on ne sait comment et incriminant on ne sait qui, toute l’affaire n’ayant pas d’autre but que d’embarrasser les autorités françaises, de semer le doute dans l’esprit du public, d’encourager les imaginations complotistes chez les musulmans de France (et de recruter de nouveaux terroristes) et finalement — ce n’est pas à négliger — d’humilier la France en diffusant grâce à la complicité de nos médias les images d’une islamiste strictement voilée qui prononce des anathèmes contre la justice de notre pays.