(Ancien message)
Bien plus qu’à une quête mystique ou même existentielle, on peut se demander si l’Islam et son Coran ne répondent pas à un besoin très partagé de mode d’emploi.
Cette hypothèse m’est venue en écoutant l'interviou d'un musulman, interrogé dans le cadre d’un reportage télévisé sur l’islamisation de la Belgique et du nord de la France. Cet homme comparait le Coran à un « mode d’emploi » propre à répondre à toutes les circonstances de la vie, exactement, ajoutait-il filant la métaphore, comme quand on achète un ordinateur, tout est dans le mode d’emploi, il n’y a qu’à le lire attentivement.
Le principal objet de ce Coran « mode d’emploi » est de permettre la distinction entre le « licite et l’illicite » dans la vie quotidienne. Le licite et l’illicite, apprenait-on peu après, est d’ailleurs le titre d’un ouvrage très répandu, une sorte de « livre pratique » à l’usage des musulmans, de la main de je ne sais plus quel docteur en théologie des plus écoutés parmi les « vrais croyants ».
Le reportage promenait ensuite caméras et micros dans un salon entièrement dédié à la vie musulmane envisagée dans tous ses aspects pratiques, salon dont la fréquentation serait passée en quelques années de 10 000 à 100 000 milles visiteurs, salon conçu comme n’importe quel salon, de l’auto, du livre, de l’agriculture, de l’érotisme ou du bricolage.
Comme dans tout salon qui se respecte, on avait aménagé, entre les stands, des « box » plus intimes pour permettre aux visiteurs de converser plus spécialement avec des animateurs du salon, en l’espèce soumettre quelque point litigieux de la vie, quelque décision difficile à prendre en face de laquelle un bon musulman peut hésiter à reconnaître ce qui est licite de ce qui ne l’est pas et pour cela a besoin d’un expert, à peu près comme qui voudrait savoir, avant de l’acquérir, si tel logiciel est
compatible avec telle version de tel programme.
Un de ces colloques était filmé. Le questionneur s’inquiétait de la possession et de l’usage d’une carte bancaire. N’y avait-il pas là-dedans quelque chose d’illicite sournoisement dissimulé ? Peut-être la carte bancaire ne
marchait-elle pas avec le Coran ? Mais cet usager de l’Islam se voyait vite rassurer par l’expert es-licitude, lui déclarant qu’un tel objet ni son usage n’étaient proscrits et qu’il pouvait retirer en paix autant de billets qu’il voulait...
J’avoue ne pas avoir bien saisi les justifications théologiques avancées pour prononcer cet arrêt libérateur et, à vrai dire, j’y attache moins d’importance qu’à la confirmation, dans cet échange, de la métaphore du « mode d’emploi » rapportée plus haut. Il se peut qu’en elle se trouve finalement l’explication de ce mystère qui taraude certains Occidentaux, lesquels se demandent comment une religion aussi archaïque, disent-ils, que l’Islam, et qui prétend dicter la conduite de ses fidèles en puisant ses préceptes dans des ouvrages dont les plus récents datent du XIIème siècle, comment une telle religion, dis-je, peut trouver à se répandre en plein XXIème siècle, aller jusqu'à séduire des individus totalement étrangers à elle et, souvent, jeunes ?
Et si c’était, précisément, par son aspect de « mode d’emploi » universel ? Et si le Coran était en définitive parfaitement
en phase avec une modernité toujours plus soumise à un maillage technique qui accoutume les esprits aux lois égalitaires d’une infinité de « marches à suivre » ? Et si « le licite et l’illicite » étaient l’équivalent moral des procédures techniques qu’il est impératif de suivre à la lettre ou, du moins, représentaient un degré de questionnement finalement au diapason de l’époque, un degré de questionnement où le « comment » l’emporte sur le « pourquoi » ?
Si cette hypothèse était vérifiée, il semblerait alors assez vain, pour quiconque prétendrait lutter contre l’islamisation, de ne pas lutter avec une égale ardeur contre une sorte de technique invasive, aussi dépourvue de profondeur existentielle que l’Islam de vrai mysticisme, aussi bornée que lui dans la simple observance d’une série de gestes, une technique qui dicte sa foi, sachant que celle-ci n’est rien d’autre qu’une soumission à une infinité de procédures lesquelles, en elles-mêmes, ne sont pas nécessairement mauvaises mais ont le génie de devenir rapidement des impératifs, développent cette fâcheuse tendance à faire ou à ne pas faire
fonctionner intégralement le monde, sans laisser à ceux qui ne voudraient pas de toutes ces « marches à suivre », d’autre choix que l’isolement, la marginalité ou, pourquoi pas, la survie dans une « dhimmitude » technique où ce que l’on est censé POUVOIR faire se change rapidement en DEVOIR faire, glissement qui pourrait très bien s’accorder avec « l’islamisation de la modernité », cette ambition affichée par les musulmans « branchés » et qu’il ne faudrait pas prendre à la légère, dès lors que ladite modernité, débordée par la seule fascination de la technique, trahie par elle, est de moins en moins synonyme d’élargissement de l’horizon et tout au contraire de rétrécissement du champ de vision.
Et s’il ne restait plus qu’à sceller l’union entre le « ça marche ? » et le « c’est permis ? » ?