Boualem Sansal poursuivi par la vindicte du monde arabe.

J'avais envie de m'attarder sur le cas de l'écrivain algérien Boualem Sansal.
Cet homme, contrairement à nombre de donneurs de leçons anti-français, voire anciens membres du FLN tranquillement installés en France, vit dans son pays.

Il est depuis quelques temps au coeur d'une polémique assez virulente car Boualem il a eu le tort de se rendre en Israël afin de présenter son travail.

Des représailles s'en sont aussitôt suivies : communiqués hostiles, retrait du prix littéraire du roman arabe, accusations de trahison, etc.

Cet épisode illustre, une fois encore, l'intolérance profonde des autorités de l'immense majorité des pays arabes à l'égard de tout individu cherchant à exprimer une parole différente.

Je crois qu'il est aussi urgent que nécessaire d'exprimer notre soutien et notre admiration aux figures qui, tel Boualem Sansal, avec courage, tentent de tenir une parole juste et indépendante.







[www.lexpress.fr]

Tout à fait d'accord pour ce soutien, chère Véra.

Il faut beaucoup de courage à un algérien pour se rendre en Israel. Quelqu'un a-t-il lu ses livres et est-ce un bon écrivain ?

Non, Rogemi, je n'ai pas lu ses livres. Ce qui est remarquable aussi chez cet homme, c'est sa tranquille détermination. Aucune agressivité, aucune rancoeur apparente malgré la chasse aux sorcières dont il est l'objet.

Et surtout, une chose qui démontre et sa lucidité et son courage, le désir qu'il affirme dans l'entretien radiophonique, de continuer à vivre en Algérie dans l'espoir que ce pays se délivre de ses ornières.

Voici un entretien intéressant donné à l'Express par le même Boualem Sansal.
Boualem Sansal à propos de l'Algérie contemporaine et de l'islam.

Boualem Sansal avait écrit un roman intitulé "Le village de l'Allemand", je crois, et dont le sujet aurait intéressé les membres de ce Forum :

"Les deux narrateurs sont deux frères nés de mère algérienne et de père allemand. Tous deux ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d'Aïn Deb, près de Sétif. En 1994, le GIA massacre une partie de la population du bourg. Pour les deux fils, la douleur du deuil va se doubler d'une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid."

J'ai lu ce livre, très intéressant et qui se lit facilement car l'auteur sait ménager le suspense. De là à le considérer comme un "grand écrivain", c'est à ce stade exagéré (ou prématuré) à mon avis.

J'ai eu la même impression qu'Ostinato.

Citation
Ostinato
J'ai lu ce livre, très intéressant et qui se lit facilement car l'auteur sait ménager le suspense. De là à le considérer comme un "grand écrivain", c'est à ce stade exagéré (ou prématuré) à mon avis.

Boualem Sansal n'a pas besoin d'être un grand écrivain pour être inacceptable par les autorités algériennes. Dans les régimes totalitaires, toute parole, toute prise de position non-conforme est condamnée.

Autre exemple : des galeristes tunisiens ont eu leurs galeries attaquées par des intégristes pour avoir exposé des artistes qui ne donnaient pas l'image souhaitée de l'islam.

Les oeuvres proposées étaient très gentiment subversives. Par exemple, un tableau représentant une femme nue, portant un plat de coucous devant son pubis.
Une sorte de provocation surréaliste guère haineuse.

Pour les islamistes, c'est déjà trop !

Tout cela m'amène à poser une question. Comment, dans ces conditions, peut-on encore nier que l'islam est un dangereux facteur de régression et le ferment d'un nouveau totalitarisme ?

Et encore, ces islamistes si durs dans leurs pays, pourquoi, implantés chez nous, nous feraient-ils des cadeaux et ne chercheraient-ils pas à faire régner leur loi ?

La régression-même chère Véra.

Entretien intéressant avec Boualem Sansal au sujet de son livre Le Village de l'Allemand :
« La frontière entre islamisme et nazisme est mince »

Extrait :

Citation

En avançant dans mes recherches sur l'Allemagne nazie et la Shoah, j'avais de plus en plus le sentiment d'une similitude entre le nazisme et l'ordre qui prévaut en Algérie et dans beaucoup de pays musulmans et arabes. On retrouve les mêmes ingrédients et on sait combien ils sont puissants. En Allemagne ils ont réussi à faire d'un peuple cultivé une secte bornée au service de l'Extermination; en Algérie, ils ont conduit à une guerre civile qui a atteint les sommets de l'horreur, et encore nous ne savons pas tout. Les ingrédients sont les mêmes ici et là: parti unique, militarisation du pays, lavage de cerveau, falsification de l'histoire, exaltation de la race, vision manichéenne du monde, tendance à la victimisation, affirmation constante de l'existence d'un complot contre la nation (Israël, l'Amérique et la France sont tour à tour sollicités par le pouvoir algérien quand il est aux abois, et parfois, le voisin marocain), xénophobie, racisme et antisémitisme érigés en dogmes, culte du héros et du martyre, glorification du Guide suprême, omniprésence de la police et de ses indics, discours enflammés, organisations de masses disciplinées, grands rassemblements, matraquage religieux, propagande incessante, généralisation d'une langue de bois mortelle pour la pensée, projets pharaoniques qui exaltent le sentiment de puissance (ex: la 3ème plus grande mosquée du monde que Bouteflika va construire à Alger alors que le pays compte déjà plus de minarets que d'écoles), agression verbale contre les autres pays à propos de tout et de rien, vieux mythes remis à la mode du jour.... Fortes de cela, les dictatures des pays arabes et musulmans se tiennent bien et ne font que forcir. Plus que mille discours, cinq petits jours de Kadhafi à Paris ont suffi pour édifier les Français sur la nature de nos raïs. Ah, quelle morgue, ce Kadhafi! Maintenant, ils peuvent comprendre ce que nous subissons tous les jours qu'Allah nous donne à vivre sous leurs bottes.

Entretien vidéo : [bibliobs.nouvelobs.com]

L'ennui est que Boualem Sansal, cet homme au courage et à l'intégrité incomparables, que j'ai eu l'honneur de rencontrer il y a quelques années, après la parution du "Village de l'Allemand", est désormais perçu comme un "idiot utile", un "token Muslim"... A la limite, cette étiquette de mépris qu'on lui a accolée ici ou là est plus nuisible à sa lutte que la haine, voire les menaces contre sa personne...

Citation
A la limite, cette étiquette de mépris qu'on lui a accolée ici ou là est plus nuisible à sa lutte que la haine, voire les menaces contre sa personne...

Voulez-vous dire, cher Bruno, que sa critique acerbe des régimes arabes tombe à plat et ne rencontre en fait pas le plus petit écho ?

On fera de lui un idiot utile, "l'Arabe de service", celui qui "fait le jeu" de, etc. C'est ce qu'il faut craindre, hélas. C'est le sort qu'on réserve aux critiques internes de l'islam. On dirait que le temps des Rushdie, et même des Redeker, est passé.