Dans l’article ci-dessous on s’aperçoit, sans aucun doute possible, que le journaliste ne sait pas ce que veut dire le mot “paroisse”, qu’on aurait pu croire, pourtant, relativement usuel.
Je dédie à notre ami Francis Marche le joli « et en utilisation religieuse jusqu’en 1987 », pur décalque de l’anglais.
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Ma maison est une église
Royaume-Uni
Habiter-vivre autrement 4/6 Ian Bottomley et Sally Onions ont passé presque dix années de leur vie à transformer une église du nord de l'Angleterre, pour en faire un logement à couper le souffle
L'église apparaît au détour d'une petite route de campagne, à proximité de la mer, au nord de l'Angleterre, tout près de la frontière écossaise. De l'extérieur, rien ne la distingue des autres paroisses de la région, si ce n'est les très beaux arbres centenaires qui l'entourent. Mais sur le mur d'entrée, un discret petit panneau prévient : " Ceci est une propriété privée. "
Il faut pousser la lourde porte en bois d'origine, puis tourner dans le petit couloir et déboucher sur le salon pour comprendre. La vision est à couper le souffle. Les vitraux de l'église Saint-Nicholas, dans le petit village de Kyloe, sont encore aux murs, la charpente, faite de lourdes poutres de bois, est exposée à la vue, la voûte gothique soutient l'édifice. Tout indique cependant qu'il s'agit d'une maison privée : le lit placé au centre de l'autel, les vieux canapés bleus dans un coin de la pièce, les jouets d'enfant qui traînent par terre...
La majesté du lieu s'impose immédiatement. Rien à voir avec les luxueux lofts reconvertis dans d'anciens hangars, comme c'est la mode à Londres au bord de la Tamise.
Ici, la paroisse d'origine est encore là, omniprésente, imposante. Elle n'a pas disparu et a juste été adaptée à la vie quotidienne moderne. Il faut du temps pour s'habituer aux dimensions : 20 mètres de long, 7 mètres de large, 10 mètres de plafond... Et ce n'est que pour le salon.
Ian Bottomley apprécie du coin de l'oeil la surprise du visiteur. Avec sa femme Sally Onions, il a mis dans cette rénovation presque une décennie de sa vie, " dont trois ans et demi à temps plein ". Pour ce pilote d'avion et sa compagne, c'était un coup de foudre pas vraiment réfléchi. " On voulait retaper une maison, raconte- t-il, mais dans le coin, il existe soit de toutes petites maisons individuelles, soit d'énormes manoirs, et on ne trouvait pas ce qu'on voulait. " Jusqu'au jour, en 2000, où ils tombent par hasard sur une agence immobilière qui a mis l'église Saint-Nicholas en vente.
La paroisse, construite en 1792, et
en utilisation religieuse jusqu'en 1987, avait été rachetée par un particulier. " Mais le type avait fait n'importe quoi : il voulait rénover l'endroit, mais avait commencé à placer des murs qui coupaient les vitraux en deux, et installait des meubles bas de gamme pour décorer. " Pour 100 000 euros, Ian et Sally décident d'acheter et de tout refaire. " Mon père, qui est ouvrier du bâtiment, est venu voir. Il m'a dit : "Il y a de grosses fissures, l'humidité a pénétré profondément les murs, le toit est à refaire, mais regardez la beauté de cette pièce" ! "
La rénovation a été loin d'être simple. Pendant longtemps, Ian et Sally ont tâtonné : d'un côté, ils voulaient conserver l'espace impressionnant ; de l'autre, il leur fallait un logement fonctionnel, qui puisse être chauffé. Les hivers dans ce coin d'Angleterre sont frisquets...
Jusqu'au jour de l'illumination. " On a décidé de couper l'église en deux, mais dans le sens vertical ", explique Ian. La tour située à l'entrée, où était la cloche - malheureusement disparue - et une partie de la nef ont servi à la construction d'un petit appartement. A l'intérieur, trois chambres, une kitchenette et une salle de bains avec vitraux ont été installées. C'est là que le couple et leur enfant de 2 ans vivent six mois de l'année. " Paradoxalement, c'est plutôt petit ", souligne Ian. Mais aux beaux jours, ils déménagent et utilisent l'immense salon.
Forts de l'idée de cette partition, les deux tourtereaux se sont mis au travail, avec une obsession : conserver l'esprit originel de l'église. Ils se sont pour cela lancés dans une énorme entreprise de récupération : l'escalier installé dans le salon vient d'un ancien commissariat de Bradford ; le balcon auquel il mène est tiré d'une chapelle du pays de Galles ; l'énorme table de la salle à manger a été réalisée à partir du bois d'une église locale désaffectée...
Ce travail de puzzle minutieux a pris beaucoup plus de temps que prévu. Le toit a dû être ainsi entièrement refait, le salon a été surélevé pour placer à hauteur des yeux les vitraux, qui ont été restaurés. Le tout a été fait de leurs mains, à l'exception de la plomberie, du travail d'acier, de la pose du plâtre et de la reconstruction du toit.
Après huit années, l'église était à peu près finie. Bien décidés à la vendre immédiatement, Ian et Sally ont fini par changer de plan. En partie parce qu'ils n'ont pas trouvé d'acheteur au bon prix, en partie parce que leur fils est né entre-temps et qu'il pouvait profiter du jardin, mais surtout parce qu'ils se sont rendus compte qu'ils y étaient finalement très attachés.
Assis dans leur jardin, entre quelques-unes des 250 tombes du cimetière qui jouxte l'église, profitant d'un rare rayon de soleil, ils contemplent leur réalisation. Pour ces deux athées, la conversion de l'église n'avait rien de religieux. Mais cela va cependant bien au-delà d'un simple travail de reconstruction. " Nous sommes très anti-consuméristes, témoigne Ian. Si on peut, on construit les choses nous-mêmes, ou on les répare. "
Sally se décrit elle-même, en plaisantant à moitié, comme " anti-sociale ", très heureuse de pousser son fils dans un landau vieux de cinquante ans, loin de tout. " Nous avons deux mille voisins, explique-t-elle. Mais ils sont tous morts et enterrés dans le jardin ! "
Elle fait pousser ses légumes, écoute Radio 4 (équivalent de France Culture) dans la journée, et affirme que cette église est aussi une façon de " contrôler - sa - vie ". Mais une fois tous les deux ans, elle organise une grande fête. " Il faut inviter du monde, sourit Ian. A moins de 90 personnes, le salon semble vide. "
Éric Albert (Kyloe, Envoyé spécial )