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La langue du journal "Le Monde" (suite)

Envoyé par Renaud Camus 
Dans l’article ci-dessous on s’aperçoit, sans aucun doute possible, que le journaliste ne sait pas ce que veut dire le mot “paroisse”, qu’on aurait pu croire, pourtant, relativement usuel.

Je dédie à notre ami Francis Marche le joli « et en utilisation religieuse jusqu’en 1987 », pur décalque de l’anglais.

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Ma maison est une église
Royaume-Uni
Habiter-vivre autrement 4/6 Ian Bottomley et Sally Onions ont passé presque dix années de leur vie à transformer une église du nord de l'Angleterre, pour en faire un logement à couper le souffle


L'église apparaît au détour d'une petite route de campagne, à proximité de la mer, au nord de l'Angleterre, tout près de la frontière écossaise. De l'extérieur, rien ne la distingue des autres paroisses de la région, si ce n'est les très beaux arbres centenaires qui l'entourent. Mais sur le mur d'entrée, un discret petit panneau prévient : " Ceci est une propriété privée. "

Il faut pousser la lourde porte en bois d'origine, puis tourner dans le petit couloir et déboucher sur le salon pour comprendre. La vision est à couper le souffle. Les vitraux de l'église Saint-Nicholas, dans le petit village de Kyloe, sont encore aux murs, la charpente, faite de lourdes poutres de bois, est exposée à la vue, la voûte gothique soutient l'édifice. Tout indique cependant qu'il s'agit d'une maison privée : le lit placé au centre de l'autel, les vieux canapés bleus dans un coin de la pièce, les jouets d'enfant qui traînent par terre...

La majesté du lieu s'impose immédiatement. Rien à voir avec les luxueux lofts reconvertis dans d'anciens hangars, comme c'est la mode à Londres au bord de la Tamise. Ici, la paroisse d'origine est encore là, omniprésente, imposante. Elle n'a pas disparu et a juste été adaptée à la vie quotidienne moderne. Il faut du temps pour s'habituer aux dimensions : 20 mètres de long, 7 mètres de large, 10 mètres de plafond... Et ce n'est que pour le salon.

Ian Bottomley apprécie du coin de l'oeil la surprise du visiteur. Avec sa femme Sally Onions, il a mis dans cette rénovation presque une décennie de sa vie, " dont trois ans et demi à temps plein ". Pour ce pilote d'avion et sa compagne, c'était un coup de foudre pas vraiment réfléchi. " On voulait retaper une maison, raconte- t-il, mais dans le coin, il existe soit de toutes petites maisons individuelles, soit d'énormes manoirs, et on ne trouvait pas ce qu'on voulait. " Jusqu'au jour, en 2000, où ils tombent par hasard sur une agence immobilière qui a mis l'église Saint-Nicholas en vente.

La paroisse, construite en 1792, et en utilisation religieuse jusqu'en 1987, avait été rachetée par un particulier. " Mais le type avait fait n'importe quoi : il voulait rénover l'endroit, mais avait commencé à placer des murs qui coupaient les vitraux en deux, et installait des meubles bas de gamme pour décorer. " Pour 100 000 euros, Ian et Sally décident d'acheter et de tout refaire. " Mon père, qui est ouvrier du bâtiment, est venu voir. Il m'a dit : "Il y a de grosses fissures, l'humidité a pénétré profondément les murs, le toit est à refaire, mais regardez la beauté de cette pièce" ! "

La rénovation a été loin d'être simple. Pendant longtemps, Ian et Sally ont tâtonné : d'un côté, ils voulaient conserver l'espace impressionnant ; de l'autre, il leur fallait un logement fonctionnel, qui puisse être chauffé. Les hivers dans ce coin d'Angleterre sont frisquets...

Jusqu'au jour de l'illumination. " On a décidé de couper l'église en deux, mais dans le sens vertical ", explique Ian. La tour située à l'entrée, où était la cloche - malheureusement disparue - et une partie de la nef ont servi à la construction d'un petit appartement. A l'intérieur, trois chambres, une kitchenette et une salle de bains avec vitraux ont été installées. C'est là que le couple et leur enfant de 2 ans vivent six mois de l'année. " Paradoxalement, c'est plutôt petit ", souligne Ian. Mais aux beaux jours, ils déménagent et utilisent l'immense salon.

Forts de l'idée de cette partition, les deux tourtereaux se sont mis au travail, avec une obsession : conserver l'esprit originel de l'église. Ils se sont pour cela lancés dans une énorme entreprise de récupération : l'escalier installé dans le salon vient d'un ancien commissariat de Bradford ; le balcon auquel il mène est tiré d'une chapelle du pays de Galles ; l'énorme table de la salle à manger a été réalisée à partir du bois d'une église locale désaffectée...

Ce travail de puzzle minutieux a pris beaucoup plus de temps que prévu. Le toit a dû être ainsi entièrement refait, le salon a été surélevé pour placer à hauteur des yeux les vitraux, qui ont été restaurés. Le tout a été fait de leurs mains, à l'exception de la plomberie, du travail d'acier, de la pose du plâtre et de la reconstruction du toit.

Après huit années, l'église était à peu près finie. Bien décidés à la vendre immédiatement, Ian et Sally ont fini par changer de plan. En partie parce qu'ils n'ont pas trouvé d'acheteur au bon prix, en partie parce que leur fils est né entre-temps et qu'il pouvait profiter du jardin, mais surtout parce qu'ils se sont rendus compte qu'ils y étaient finalement très attachés.

Assis dans leur jardin, entre quelques-unes des 250 tombes du cimetière qui jouxte l'église, profitant d'un rare rayon de soleil, ils contemplent leur réalisation. Pour ces deux athées, la conversion de l'église n'avait rien de religieux. Mais cela va cependant bien au-delà d'un simple travail de reconstruction. " Nous sommes très anti-consuméristes, témoigne Ian. Si on peut, on construit les choses nous-mêmes, ou on les répare. "

Sally se décrit elle-même, en plaisantant à moitié, comme " anti-sociale ", très heureuse de pousser son fils dans un landau vieux de cinquante ans, loin de tout. " Nous avons deux mille voisins, explique-t-elle. Mais ils sont tous morts et enterrés dans le jardin ! "

Elle fait pousser ses légumes, écoute Radio 4 (équivalent de France Culture) dans la journée, et affirme que cette église est aussi une façon de " contrôler - sa - vie ". Mais une fois tous les deux ans, elle organise une grande fête. " Il faut inviter du monde, sourit Ian. A moins de 90 personnes, le salon semble vide. "

Éric Albert (Kyloe, Envoyé spécial )
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 18:00   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Maître, je me demande si, dans cette utilisation de paroisse, ne se fait pas jour un régionalisme. Il me semble l’avoir déjà entendu ainsi en France mais je ne sais où. Aussi en Picardie le terme « deuil », en Savoie le terme « sépulture » renvoient à la cérémonie des obsèques. « Je suis allé au deuil de X à la paroisse de Y (dans le sens église)» doit se dire dans un endroit. Vous risquez de me répliquer que ce n’est pas du français.
A couper le souffle... de l'Esprit.
Même si la métonymie peut à la rigueur être admissible, il est plus que douteux que le scribouillard au souffle coupé en ait usé ainsi de façon consciente et volontaire. L'absence d'intention crée la faute.
Sympa, l'église transformée en appartement ; sympa aussi, le couple athée et gentiment "antisocial" et — cerise sur le gateau — écoutant l'équivalent de France-Culture. On comprend que Le Monde se soit précipité sur les lieux.
Paroisse ou pas, Ian Bottomley et Sally Onions sont en tout cas faits pour s'entendre.
Je crois que le garçon croit que traduire signifie traduire mot à mot...
Le journaliste ignore aussi et l'anglais et le français : "This is a private property" se traduit en français courant par "Propriété privée" tout simplement.
Autre bizarrerie : "Les vitraux de l'église Saint-Nicholas, dans le petit village de Kyloe, sont encore aux murs." C'est aussi idiot que de dire qu'une fenêtre est "au mur", comme s'il s'agissait d'un tableau.
Autre traduction littérale ratée : "Bien décidés à la vendre immédiatement, Ian et Sally ont fini par changer de plan." "Plan" en anglais signifie "projet", pas plan.
Autre traduction littérale ratée : "la reconstruction du toit" - je crois qu'on parle plutôt de "réfection" si ce n'est pas trop grave...
La joie avec laquelle cette transformation est décrite laisse songeur : comme si on se réjouissait qu'un lieu de culte chrétien n'accueille plus de pratique religieuse.
Peut-on imaginer pareil article dans "Le Monde" à propos de la reconversion d'un mosquée ?
« Le lit placé au centre de l’autel », outre que ça ne veut rien dire (à l’emplacement de l’autel ? au centre du chœur, du sanctuaire ?), est d’un goût exquis.

Décidément cet article, si on le lit avec attention comme nous y invite Virgil, est une mine.
« Le tout a été fait de leurs mains » sonne un peu étrangement, aussi.
" Nous avons deux mille voisins, explique-t-elle. Mais ils sont tous morts et enterrés dans le jardin ! "

Cela devrait pourtant vous plaire...
Il y a bien vingt ans déjà que ce type de "conversion" d'un édifice religieux en "lieu de vie" est condamné en Grande-Bretagne par tout ce qui peut avoir deux sous de jugeotte. Mais le Monde, face à ce genre de chose est encore le ravi de la crèche, pardon, de l'autel.

A quand un article élogieux et pâmé sur les conversions des églises en logements sociaux dans la Chine de Mao ? Car cela se fit.
"Forts de l'idée de cette partition, les deux tourtereaux se sont mis au travail, avec une obsession : conserver l'esprit originel de l'église. Ils se sont pour cela lancés dans une énorme entreprise de récupération : l'escalier installé dans le salon vient d'un ancien commissariat de Bradford ; le balcon auquel il mène est tiré d'une chapelle du pays de Galles ; l'énorme table de la salle à manger a été réalisée à partir du bois d'une église locale désaffectée..."

Ce serait comique si ce n'était pas si désolant: ils découpent une église en quatre pour s'y aménager des appartements en veillant bien d'en "conserver l'esprit originel". Ce doit être de l'humour noir.

On appréciera le "balcon tiré d'une chapelle du pays Galles". L'usage du verbe "tiré" -- de l'argot de tire-laine -- est très parlant s'agissant de ces pillards de lieux saints, désacralisés ou non. On remarque également que "les tourtereaux" ont désossé une "église locale désaffecté" pour se confectionner leur table de salle à manger. On imagine très bien ces deux ravageurs arrachant à la barre à mine les battants du tambour d'une église ruinée. De vrais petits castors nos tourtereaux à fortes mandibules, sont-ils pas chou, tout de même, avec leurs jouets d'enfant rose et jaune fluo jonchant les dalles séculaires où s'agenouillèrent hommes et femmes en prière pendant des siècles ?
Je suis parfois tenté de me livrer à des lectures minutieuses des articles du Monde, de Libération, du Nouvelobs, voire des Inrocks, mais c'est une tâche interminable et fondamentalement inutile, car cela ne changera rien à l'effondrement généralisé de l'expression.
Si je puis me permettre une confidence assez peu optimiste. Cet effondrement est bien un effondrement de l'expression, pas du seul français. Les langues scandinaves subissent le même phénomène. L'anglais souffre atrocement - on ne le dit pas assez.
Comme disait Nietzsche, "le désert croît" bel et bien !
Utilisateur anonyme
03 août 2012, 15:00   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
L'anglais souffre atrocement

À qui le dites-vous. Sur le site du Daily Telegraph de Londres, il y a eu pendant des semaines un débat parce qu’un malheureux s'était aventuré à dire « an hotel ». Conclusion du conservateur quotidien : c’est une sur-correction, tout le monde dit « a hotel » avec un h aspiré. Lisez n’importe quel texte littéraire du canon littéraire victorien ou edwardien, les aventures de Sherlock Holmes ou The Riddle of the Sands (1903) d’Erskine Childers, tout le monde dit « an hotel ». Si on n’a pas le droit de parler la langue des romans qu’on lit à l’âge des grandes lectures, on est censé parler quoi, le globalese (langue internationale du futur, bâtie sur des détritus de l'anglais) ?
Horreur et consternation ! Je télécharge le canon holmesien, puisque j’en causais il y a deux minutes et que je ne l’ai pas sur mon ordinateur. Les textes sont truqués. « An hotel » est bel et bien remplacé par « a hotel ». Exemple : The Adventure of the Stock-Broker’s Clerk. Texte original du Strand Magazine : « I took my things to an hotel in New Street ». Texte téléchargé : « I took my things to a hotel in New Street ».
Question, Chatterton (et Francis).

J'entends de plus en plus ofTen. Quelle est la bonne prononciation ?

Pour ces questions d'hôtel, je dirais "an otel" en mettant un n mais en laissant tomber le h, alors que je dirais "a Hospital" en faisant sonner le h...

Qu'en pensez-vous ? cette différence est-elle correcte ?
C'est plus compliqué que ça (comme dirait un intervenant qui nous est cher): s'il y a possibilité, dans le dialogue ou la narration que "a" soit entendu comme opposable à plusieurs, et pour souligner l'unicité : a hotel. (ex: They called in a hotel near Bedford half-way through their journey to York); sinon, "an hotel" (ex: Once at home, he found he had left his watch in an hotel near Bedford).

Mais je soupçonne, sans être allé le vérifier, qu'en anglais le terme "hotel" est si souvent précédé d'un adjectif que l'usage "a/an" en est devenu incertain. ex: a Bedford hotel / a run-down hotel / a seedy hotel / a non-descript hotel / a posh hotel / a 3-star hotel, etc..; si bien que dans une langue où l'adjectif, normalement, précède le nom, la question du h aspiré est moins visible (ou sur la selette) que ne le sont chez nous, par exemple, les haricots.

ofTen : façon appuyée (stressed) de prononcer ce terme, un peu comme lors que l'on prononce l'adjectif indéfini "a" êï en le diphtonguant lourdement.

Au chapitre des surcorrections : on voit de plus en plus souvent "cannot" écrit "can not", etc.
Utilisateur anonyme
03 août 2012, 17:09   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Jean-Marc
J'entends de plus en plus ofTen. Quelle est la bonne prononciation ?

Les Canadiens (Vancouver) insistent pour prononcer toutes les lettres de often.

Le dictionnaire Cambridge indique /ˈɒf.t ən/ pour l'anglais, et /ˈɑːf-/ pour l'américain.
Déjà, dans les années 60 (either se prononce différemment en British English et en anglais d'outre-Altantique, "eeeether" en Amérique):







You say "either" and I say "either"
You say "neither" I say "neither"
"Either" "either", "neither" "neither"
Let's call the whole thing off
You say "potato," I say "patattah"
You say "tomato", I say "creole tomata"
Oh, let's call the whole thing off
Oh, if we call the whole thing off
Then we must part and oh
If we ever part, that would break my heart
So, I say "ursta" you say "oyster"
I'm not gonna stop eatin' urstas just cause you say oyster,
Oh, let's call the whole thing off
Oh, I say "pajamas", you say "pajamas"
Sugar, what's the problem?
Oh, for we know we need each other so
We'd better call the calling off off
So let's call it off, oh let's call it off
Oh, let's call it off, baby let's call it off
Sugar why don't we call it off,
I'm talking baby why call it off
Call it off¡­
Let's call the whole thing off
Cher Didier,
Je suppose qu'une exigence de pensée disparue ou relâchée a permis à l'expression de se relâcher à son tour avant de finir par s'effondrer tout à fait, mais l'expression étant l'élément de la pensée, sans une expression précise et exacte, la pensée n'est plus qu'une errance d'une nuée conceptuelle à l'autre, sans frontière nette. On peut tout dire, l'essentiel étant, comme disent les élèves, qu'on "comprenne", alors qu'on ne peut plus espérer, si on est honnête intellectuellement et précis lexicalement, qu'on "devine" ce qu'est le sens !
Nier le plus sûrement possible le réel passe par l'impossibilité de le penser, laquelle passe elle-même par une langue qui ne veut plus rien dire, n'a plus de sens, et inversement. Or jamais le réel n'a été autant nié qu'à notre époque. Nous vivons littéralement dans monde de fous. CQFD
Comme diraient nos débatteurs sur les plateaux de télévision : "vous n'avez pas le droit de dire ça, Cassandre, pas en 2012 !"
C'est devenu l'unique argument brandi contre ceux qui font simplement état du réel.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 08:00   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Maître, je me demande si, dans cette utilisation de paroisse, ne se fait pas jour un régionalisme. Il me semble l’avoir déjà entendu ainsi en France mais je ne sais où. Aussi en Picardie le terme « deuil », en Savoie le terme « sépulture » renvoient à la cérémonie des obsèques. « Je suis allé au deuil de X à la paroisse de Y (dans le sens église)» doit se dire dans un endroit. Vous risquez de me répliquer que ce n’est pas du français.

Je vous rassure tout de suite, Jean-François, ce n'est pas régional, c'est très français.

Voir Littré, sens 2 :

L'église de la paroisse. Il est allé à la messe à sa paroisse. "On fuit la paroisse, les services sont trop longs". [Fléchier, Sermons de morale]

Voir aussi Chrétien de Troyes (Perceval) : Se tu es an leu ou il ait Mostier, chapele ne barroche.
Cet anticlérical de Littré n’est-il pas une autorité quelque peu chancelante en matière religieuse ? Les deux exemples versés ne me semblent pas des plus probants (le premier est de Littré lui-même). « Il est allé à la messe à sa paroisse » (= dans sa paroisse, alors qu’il a l’habitude d’aller ailleurs ? Ça ne désigne pas spécifiquement l’église). On fuit la paroisse, les services sont trop longs » (= on fuit qui ? le curé, plus que l’église, on est ici aussi plus proche du sens de la circonscription administrative).

Dans le meilleur des cas, il me semble qu’il y a métonymie (de l’abstrait — la circonscription administrative — vers le concret — l’édifice). Le CNRTL donne un bon exemple tiré de Gautier : « et le donateur qui a commandé au peintre l'ex-voto pour sa chapelle ou sa paroisse. » Gautier, Guide Louvre, 1872, p.83. Le type veut mettre cela dans sa chapelle privée ou alors, généreusement, en faire profiter sa communauté en le mettant à l’église paroissiale.

Mais encore faut-il que cette métonymie puisse fonctionner logiquement. Ce n’est pas le cas pour nos Britanniques, puisque l’église est désaffectée, qu’il n’y a plus de paroisse.
Chatterton,

Je me borne à répondre à la question posée par Jean-François, l'usage métonymique en France de "paroisse" pour "église".

J'ai peut-être mal présenté l'entrée "paroisse" de Littré. La voici quasi-complète :

nf (pa-roi-s')

1 Circonscription dans laquelle un curé dirige le spirituel. "Vous auriez une paroisse de plus dont vous seriez le seigneur supérieur avec toutes les marques ; c'est en Bretagne ce qu'on appelle embellir sa terre et la rendre considérable, que d'avoir plusieurs paroisses". [Sévigné, à Guitaut, 9 fév. 1683]

Porter un habit de deux paroisses, se disait, quand, par suite de quelque convenance particulière, deux paroisses étaient réunies en une seule, du bedeau dont la robe était mi-partie de la couleur de la paroisse supprimée et de celle de la paroisse conservée.

Fig. Porter un habit de deux paroisses, se comporter entre deux partis de manière à paraître leur appartenir à l'un et à l'autre. "Quoique, ainsi que la pie, il faille dans ces lieux Porter habit de deux paroisses". [La Fontaine, Fables]

Fig. Ces choses sont de deux paroisses, se dit d'objets dépariés, comme gants, souliers, etc. "Vos dames sont bien loin de là [la mode présente], avec leurs coiffures glissantes de pommade et leurs cheveux de deux paroisses ; cela est bien vieux". [Sévigné, 12 avril 1671]

Les coqs de paroisse, les plus riches habitants d'un bourg, d'un village.


2 L'église de la paroisse. Il est allé à la messe à sa paroisse. "On fuit la paroisse, les services sont trop longs". [Fléchier, Sermons de morale]



Je pense que si Littré, qui fait autorité, admet le sens "Eglise de la paroisse" pour "Paroisse", nous pouvons faire de même.



Que pensez-vous de l'exemple tiré de Chrétien de Troyes ?


On dit par ailleurs très fréquemment : "Les obsèques de Truc-Machin seront célébrées en l'église Saint-Georges du Dragon, sa paroisse".
Justement, je ne suis pas sûr que, chez Littré, il soit tellement clair que le sens 2 soit « par métonymie ».
C'est des bons vieux tranquilles et pas chics... pas du tout dans le train... ils vont à leur paroisse !


De Maupassant, je crois.
Vous avez raison cher Didier, il n'y a pas de fond sans forme. On ne peut atteindre aucun fond sans lui donner une forme. Aristote le disait bien : la distinction entre la matière et la forme n'est qu'une distinction de pensée. Dans les faits, il n'existe pas de matière sans forme, celle-ci dût-elle ne ressembler à rien sinon à un pur amas. Ce qu'on appelle donner une forme à la matière, c'est toujours lui donner la forme qu'on souhaite par opposition à la forme que le hasard (ou les lois de la nature) lui a donné. Ainsi, dans le langage, donner forme à sa pensée, c'est lui donner une forme précise, lui donner la forme qui corresponde précisément au propos qu'on souhaite exprimer. Même la langue effondrée qui s'étale devant nous partout n'est pas du pur informe, ce que serait des sons non articulés et sans signification. Il semble cependant qu'une tendance soit de tenter de s'approcher de cet improbable informe.
Je relie cette exaltation de l'informe, ce fantasme d'une "parole" tellement confuse et inarticulée qu'elle ressemblerait désormais davantage au cri (voir l'éloge contemporain du cri), à l'obsession d'une certaine gauche écologiste de supprimer ce qui nous distinguait de l'animal : la parole.
Si nous ne sommes que des animaux, le cri suffit désormais pour signaler le danger et indiquer les sources de nourritures et de plaisir : c'est le sifflement des CPF au passage d'une belle fille, c'est les éructations de joie (disant la grandeur de je ne sais quel divinité), etc. Tout cela est assez proche des manières d'un cabot ou un loup.
De manière métaphorique (pas tant que cela parfois), la presse ne cesse de parler en termes zoologiques... Je crains que la propriété fondamentale du langage humain ne soit en train de sombrer : le fait de parler par figures, par images, par métaphores. Combien de nos contemporains subissent des procès parce que leur parole avait un sens métaphorique et que les crétins qui nous dirigent ou simplement des crétins ne comprennent plus les métaphores et attaquent pour racisme, discrimmination, et j'en passe ?!!
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 11:11   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Virgil
Je crois que le garçon croit que traduire signifie traduire mot à mot...
Le journaliste ignore aussi et l'anglais et le français : "This is a private property" se traduit en français courant par "Propriété privée" tout simplement.
Autre bizarrerie : "Les vitraux de l'église Saint-Nicholas, dans le petit village de Kyloe, sont encore aux murs." C'est aussi idiot que de dire qu'une fenêtre est "au mur", comme s'il s'agissait d'un tableau.
Autre traduction littérale ratée : "Bien décidés à la vendre immédiatement, Ian et Sally ont fini par changer de plan." "Plan" en anglais signifie "projet", pas plan.
Autre traduction littérale ratée : "la reconstruction du toit" - je crois qu'on parle plutôt de "réfection" si ce n'est pas trop grave...

On pourrait ajouter l'énigmatique "travail d'acier". Mais c'est tout l'article de "l'envoyé spécial" qui fleure la traduction plus ou moins maladroite (The Guardian ?).
Ah oui tiens ! le "travail d'acier" pour steelwork, qui désigne la charpente métallique, ou dans d'autres contextes l'armature. (Woodwork: les boiseries).

Cela me rappelle ce correspondant de l'Express aux Etats-Unis qui dans un reportage sur les "promise keepers" (les teneurs de promesse: ces hommes mariés qui ne trompent pas leur femme, ne les quittent jamais, etc. exhaltant par là-même les "family values") et leurs conjointes, désignées dans le pays comme "promise reapers", du verbe "to reap", soit moissonner, récolter (les bienfaits, etc.) nous désignait ces dames comme "arracheuses de promesses", confondant ainsi le verbe "to reap" avec "to rip" de Jack l'Eventreur !

Je crois que la caste journalistique française moderne détient le titre olympique de la nullité toutes catégories confondues. Ils sont nuls en absolument tout. En-dessous de tout toujours et en tout. Mériteraient tous d'être recyclés par l'Etat en intermittents du spectacle, sous-catégorie professionnelle clown blanc.
En même temps, Francis, il est amusant de constater que le "français disparu" utilisait le mot "travail" dans le sens de "structure", par exemple les travails du maréchal-ferrant qui servaient à immobiliser les animaux rétifs.
Intéressant exemple, Francis, que ces "promise keepers et promise reapers".

En somme, si ces messieurs ne dispersent par leur semence à tous vents, ces dames moissonnent.

Cela me fait pensez à ce film que vous connaissez sans doute :



04 août 2012, 13:16   Quand j'étais cow boy
Oui, Jean-Marc, cela fait partie peut-être de ces chassés-croisés lexicologiques fameux entre ces deux langues qui ne s'entendent pas. Travail, chez les éleveurs de bétail canadien francophones, désigne ce que l'on appelle en français moderne la cage de contention, soit le bâti, souvent métallique, dans lequel l'on tient la bête à marquer (the cattle squeeze chute en anglais).

Le travail des parturientes se dit labour en anglais, mais ce qui est troublant est que "the whole works" désigne quelque chose comme "la totale"...

(Il est temps que je me mette à la préparation d'un petit opuscule "Les Mots anglais" façon Pierre Dac plutôt que Mallarmé, pour vous expliquer un jour tout ça, cher Jean-Marc)
Cher Francis,
Un tel livre (il y a matière pour plus qu'un opuscule) me paraît très urgent.
Pièce à ajouter : lors de la dernière campagne présidentielle américaine, Le Monde (encore lui) se fit l'écho d'une affaire qui entachait la réputation de la candidate à la vice-présidence, Sarah Palin. Il était question d'un "libraire général" d'Alaska qui aurait été renvoyé par le fait du prince (ou de la princesse). J'ai oublié le fond de l'affaire, mais fus très curieux de ce libraire. Il s'agissait en fait du "general librarian" de la bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Il eût donc fallu traduire "le conservateur en chef" de la Bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Le journaliste ignorait que "library" en anglais signifie bibliothèque, comme chez Montaigne, mais pas comme en français moderne. Une librairie en anglais se dit "bookstore".
Je crois que la caste journalistique française moderne détient le titre olympique de la nullité toutes catégories confondues. Ils sont nuls en absolument tout. En-dessous de tout toujours et en tout. Mériteraient tous d'être recyclés par l'Etat en intermittents du spectacle, sous-catégorie professionnelle clown blanc.

Oh oui, alors. Et arrogants à proportion de leur nullité.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 15:53   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Virgil
J'ai oublié le fond de l'affaire, mais fus très curieux de ce libraire. Il s'agissait en fait du "general librarian" de la bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Il eût donc fallu traduire "le conservateur en chef" de la Bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Le journaliste ignorait que "library" en anglais signifie bibliothèque, .

Elle ignorait probablement aussi que, celui qui dirige une bibliothèque, est un conservateur. La traduction était donc impossible faute du minimum vital culturel.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 16:08   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Jean-Marc
C'est des bons vieux tranquilles et pas chics... pas du tout dans le train... ils vont à leur paroisse !


De Maupassant, je crois.

Cher Jean-Marc, ce serait l’exemple le plus proche de la curiosité du Monde même si le sens de paroisse n’est pas forcément ici l’église (bâtiment) mais « ce qui serait organisé par la paroisse », en gros les œuvres de la paroisse.
Mais je maintiens qu’il existe une région où il est courant de considérer que paroisse est synonyme d’église (bâtiment). Mais je ne retrouve pas l’endroit dans mes souvenirs.
Enfin je suis très indulgent en considérant que la faute du Monde peut s’expliquer par l’origine régionale du journaliste. Car le reste…
Je reste confondu, en 2012, du niveau d'anglais de notre élite française, nos surdiplômés, vous savez, ces gens qui ajoutent à leur diplôme d'HEC un beau master d'une université américaine, qui ont étudié et fait des stages sur la terre entière (Pékin, Hong Kong, San-Francisco, Cambridge, Aix-en-Provence) pour décrocher, par exemple, un poste de haut dirigeant ou de "chargé de relations publiques" à la SCNF ou à Areva ou Bouygues, à cent-cinquante mille euros par an plus les bonus. La SNCF: depuis quelques mois elle imprime ses e-tickets en anglais, lesquels sont chargés de "visuels" et d'objets com en tous genres.

On lit par exemple:
On certain trains it is obligatory to enter before the official departure time. Detailed information can be found on your train ticket or e-ticket confirmation. [To enter what or where ? Ah you mean to board the train right ?]

Each of your bags must be provided with a label indicating your family name, first name and address


"provided with" signifie "être fourni accompagné de qq chose" quand "carry a tag showing your name and address" aurait amplement convenu

et puis ceci, admirable: "if your fare allows it, you could exchange or cancel your e-ticket" -- why "could" (pourriez) and not "can" ?

et pour conclure: International phone fare (pour phone rate ! anglais d'aéroport, du premier touriste venu), with possible extra provider costs (incompréhensible) -- all days from 7h00 to 22h00.

Passons sur l'écriture des horaires qui en anglais est 07:00 et 22:00 et penchons-nous sur cette aberration: "all days".

Now, en anglais il y a "all day", qui signifie toute la journée et "every day" qui signifie tous les jours. All days ne signifie absolument rien, n'existe pas.

Il s'agit de fautes sanctionnables (ou pardonnables) chez des élèves de seconde. Pas chez ces morveux de cadre sup de la SNCF à qui la nation, l'Etat, ont financé des études Bac+12 sur les quatre continents !
Le plus sidérant étant que les élites françaises nulles en anglais dont vous parlez font un usage maniaque des anglicismes. Elles sont donc à la fois incompétentes en anglais et en français. Une aberration que, curieusement, elles partagent avec les immigrés, qui ne parlent ni bien leur langue d'origine ni la française.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 19:19   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Immigrés dans leur propre pays, étrangers dans leur propre langue.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 19:54   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Francis Marche
Je reste confondu, en 2012, du niveau d'anglais de notre élite française, nos surdiplômés, vous savez, ces gens qui ajoutent à leur diplôme d'HEC un beau master d'une université américaine, qui ont étudié et fait des stages sur la terre entière (Pékin, Hong Kong, San-Francisco, Cambridge, Aix-en-Provence) pour décrocher, par exemple, un poste de haut dirigeant ou de "chargé de relations publiques" à la SCNF ou à Areva ou Bouygues, à cent-cinquante mille euros par an plus les bonus. La SNCF: depuis quelques mois elle imprime ses e-tickets en anglais, lesquels sont chargés de "visuels" et d'objets com en tous genres.

On lit par exemple:
On certain trains it is obligatory to enter before the official departure time. Detailed information can be found on your train ticket or e-ticket confirmation. [To enter what or where ? Ah you mean to board the train right ?]

Each of your bags must be provided with a label indicating your family name, first name and address


"provided with" signifie "être fourni accompagné de qq chose" quand "carry a tag showing your name and address" aurait amplement convenu

et puis ceci, admirable: "if your fare allows it, you could exchange or cancel your e-ticket" -- why "could" (pourriez) and not "can" ?

et pour conclure: International phone fare (pour phone rate ! anglais d'aéroport, du premier touriste venu), with possible extra provider costs (incompréhensible) -- all days from 7h00 to 22h00.

Passons sur l'écriture des horaires qui en anglais est 07:00 et 22:00 et penchons-nous sur cette aberration: "all days".

Now, en anglais il y a "all day", qui signifie toute la journée et "every day" qui signifie tous les jours. All days ne signifie absolument rien, n'existe pas.

Il s'agit de fautes sanctionnables (ou pardonnables) chez des élèves de seconde. Pas chez ces morveux de cadre sup de la SNCF à qui la nation, l'Etat, ont financé des études Bac+12 sur les quatre continents !

Il est peu probable que ce genre de textes soit le fait de cadres sup de la SNCF (probablement une "mission" confiée à une quelconque agence de traduction).
C'est en effet consternant.

Dans l'organisme pour lequel je travaille, nous sommes conscients de la nullité générale des Français en anglais (alors que bon nombre d'entre nous ont passé plusieurs années dans des pays anglophones). Dans ces conditions, soit nous payons un traducteur ou, plus souvent, notamment en ce qui concerne les montagnes de rapports techniques à envoyer à Bruxelles dans le cadre des projets cofinancés, nous utilisons les compétences des jeunes chercheurs anglophones de nos équipes (des jeunes Britanniques ou Américains) pour au moins ne pas dire le contraire de ce que nous voulons dire, en demandant à ces jeunes gens de relire.

Je ne suis en revanche pas de l'avis de M. C : je connais bon nombre de représentants des so-called (et non aforementioned) élites, essentiellement des personnes plus âgées que moi, qui parlent et écrivent un français magnifique mais qui sont nulles en anglais tout en pensant ne pas l'être.

Il y a donc, de mon point de vue, un drame de l'enseignement de l'anglais, y compris de l'enseignement des années 50 et 60.
Utilisateur anonyme
04 août 2012, 20:02   Re : La langue du journal "Le Monde" (suite)
Citation
Virgil
Cher Francis,
Un tel livre (il y a matière pour plus qu'un opuscule) me paraît très urgent.
Pièce à ajouter : lors de la dernière campagne présidentielle américaine, Le Monde (encore lui) se fit l'écho d'une affaire qui entachait la réputation de la candidate à la vice-présidence, Sarah Palin. Il était question d'un "libraire général" d'Alaska qui aurait été renvoyé par le fait du prince (ou de la princesse). J'ai oublié le fond de l'affaire, mais fus très curieux de ce libraire. Il s'agissait en fait du "general librarian" de la bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Il eût donc fallu traduire "le conservateur en chef" de la Bibliothèque de l'Etat d'Alaska. Le journaliste ignorait que "library" en anglais signifie bibliothèque, comme chez Montaigne, mais pas comme en français moderne. Une librairie en anglais se dit "bookstore".

Avec le « libraire général » on dépasse l'erreur de traduction ; L'erreur est humaine, mais dans ce cas ci personne, y compris l'auteur, n'est capable de comprendre la phrase. Le nécessité d'un sens, fût-il contestable, a complétement disparu. Je ne crois même pas qu'il s'agisse de mépris du lecteur, c'est une conception autre du texte, son utilité est d'être là, si le lecteur veut lui trouver un sens qu'il se débrouille. Depuis 10 ans j'ai souvent cette impression à la lecture des travaux académiques.
Certains erreurs de traduction sont compréhensibles et anciennes. Je suis amateur de monographies militaires : on ne compte plus les allusions au général Staff ou aux conquêtes du fameux soldat Storm.

Pour Virgil : je viens d'identifier le "libraire" en question, qui n'était pas au service de l'Alaska mais plus modestement bibliothécaire de la ville de Wassila. Il s'agit de Mme Mary Ellen Emmons.
Citation
Jean-Marc
C'est en effet consternant.

Dans l'organisme pour lequel je travaille, nous sommes conscients de la nullité générale des Français en anglais (alors que bon nombre d'entre nous ont passé plusieurs années dans des pays anglophones). Dans ces conditions, soit nous payons un traducteur ou, plus souvent, notamment en ce qui concerne les montagnes de rapports techniques à envoyer à Bruxelles dans le cadre des projets cofinancés, nous utilisons les compétences des jeunes chercheurs anglophones de nos équipes (des jeunes Britanniques ou Américains) pour au moins ne pas dire le contraire de ce que nous voulons dire, en demandant à ces jeunes gens de relire.

Je ne suis en revanche pas de l'avis de M. C : je connais bon nombre de représentants des so-called (et non aforementioned) élites, essentiellement des personnes plus âgées que moi, qui parlent et écrivent un français magnifique mais qui sont nulles en anglais tout en pensant ne pas l'être.

Il y a donc, de mon point de vue, un drame de l'enseignement de l'anglais, y compris de l'enseignement des années 50 et 60.

Je parlais de ce que je connais, ou plutôt, ai connu: le jeune personnel diplomatique, qui, je confirme, écrit, voire comprend mal l'anglais et truffe ses déclarations d'anglicismes (language au lieu de libellé, momentum au lieu d'élan, etc.). Ce qui équivaut, selon moi, à mal manier le français.
C'est donc une autre génération, mais je pense que le niveau moyen en langues étrangères des personnes ayant suivi des études supérieures et âgées de 55 à 65 ans, mettons, est très mauvais, alors que leur niveau en français n'est pas si mauvais que cela.
Si ce type de chose a été "sous-traité" à une agence de traduction, il reste que la SNCF est responsable de sa publication !
Vous avez raison, Jean-Marc. Les quelques "anciens" de l'organisation internationale pour laquelle je travaillais correspondaient à la description que vous faites de la génération des 55-65 ans: très rigoureux dans leur rapport aux français écrit et parlé, catastrophique en anglais, notamment parlé (accent à couper au couteau, censément charming, après des décennies passées dans une ville américaine ou anglaise).
"Il y a donc, de mon point de vue, un drame de l'enseignement de l'anglais, y compris de l'enseignement des années 50 et 60."

Est-il possible, tout simplement, que les Français n'aient jamais aimé parler parler anglais ?
Cela s'applique aussi à l'espagnol...
Non Orimont, je ne crois pas que l'on puisse dire cela. Valery Larbaud, Paul Morand (qui fit paraître aux Etats-Unis certaines de ses nouvelles en anglais), Mallarmé, Claudel, rédigeaient impeccablement en anglais.

Et le cas Joseph Conrad, d'abord francophone qui se révéla à 36 ans une vocation d'auteur anglais. Lui aimait les deux langues: il avait dû les acquérir toutes deux à l'âge adulte. Prodigieux exploit intellectuel.
Exemple d'un acteur français (typique de la "qualité française" avant que notre cinéma ne verse dans l'intellectualisme) qui parlait parfaitement l'anglais, Claude Dauphin.

Exemple d'une actrice américaine qui parle parfaitement le français, Candice Bergen.
"Valery Larbaud, Paul Morand (qui fit paraître aux Etats-Unis certaines de ses nouvelles en anglais), Mallarmé, Claudel, rédigeaient impeccablement en anglais."

Certainement, mais je me posais la question des Français en général, sous la forme d'écoliers ordinaires des années cinquante et suivantes.
Oui Orimont mais c'est aussi le cas des autres langues européennes (pour ne rien dire des langues extra-européennes). Qui "aimait" parler allemand en France dans les années 60 ? En y repensant on se dit qu'il n'y a peut-être qu'une seule langue étrangère que les Français aiment entendre depuis la fin des années 50, même s'ils ne la parlent pas souvent: le portugais brésilien, plein de batailles de fleurs, de bossa, de soleil généreux, de créatures pulpeuses, de pina colada et de chansons à succès. Il semble que l'on ne puisse pas se mettre facilement en colère en portugais du Brésil. L'abondance des chuintantes nuit à l'expression de la fureur, chose bénéfique aux Français. Ensuite, l'italien, et l'espagnol (ce dernier n'ayant fait que perdre en popularité depuis la mort de Ravel).

L'amour que les Français ont toujours porté à la langue du Brésil est amplement réciproque: les Brésiliens ont repris un nombre incalculable de chansonnettes françaises à partir des années 60. Et la langue française leur est aisée.
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