La parole libre selon Michel Polac

Ci-dessous un bref pot-pourri, c'est le cas de l'écrire, de propos qui s'échangèrent dans l'émission Droit de réponse, qu'on nous présente, à l'occasion des hommages rendus au journaliste décédé (voir titre), comme un monument de l'histoire de la télé française.

"Crevure!"; "Mes couilles!"; "Salope de nazi!"; "Merde de merde, crevez-tous!"; "Vous voulez voir ma bite?"; "Tête de merde!".

Le succès de cette émission marqua, si l'on en croit les différentes nécrologies, l'avènement d'une parole libre, ou plutôt libérée du carcan de l'ORTF. (De l'avis de certains, qui n'exagèrent pas, l'ORTF fut longtemps l'équivalent de l'actuelle Télévision Centrale Coréenne.)

Pour la "gauche", la parole libre c'est donc une parole vociférée, imbibée d'alcool, enfumée, obscène et sans objet. Une parole-éructation qui aura ensuite contaminé des radios devenues "libres" elles-aussi et qui auront, comme chacun sait, contribué à former des générations entières d’intermittents du spectacle. Vous savez, ces jeunes que le monde entier nous envie.

L'éthique du bien-dire (J. Lacan) dans tout ça? Eh bien elle survit dans les livres de Renaud Camus et d'une poignée d'autres, mais aussi, Dieu merci, à travers les discussions de ce forum.

Enfin, pour une certaine gauche, celle que dénonce un Michéa, notamment, la gauche libérale-libertaire, "Libé", quoi...
Mais pourquoi lui laisser le monopole de la gauche ? Ne peut-on être de gauche tout en défendant la "common decency" ? Question rhétorique...

Le débat existe, d'où les guillemets à "gauche".

En effet, cher Pierre Jean C. J'avais manqué les guillemets.

Il me semble que Polac avait le mérite d'inviter des personnes de tous bords à son émission ; il invectivait, je ne sais pas s'il censurait...

Citation
Loik A.
Il me semble que Polac avait le mérite d'inviter des personnes de tous bords à son émission ; il invectivait, je ne sais pas s'il censurait...

Il me semble, au contraire, qu'il avait l'habitude d'inviter une personne d'un certain bord et de la faire cerner d'accusateurs sarcastiques et méprisants pour une entreprise de démolition bien réglée évoquant une sorte de procès stalinien ricanant.

Pour de mystérieuses raisons, ma sympathie allait régulièrement à la personne ringardisée.

Si les émissions de Michel Polac étaient libres, le comble de la liberté était le goulag.
Polac invitait des personnes d’opinions autres que les siennes uniquement pour les lyncher et le scénario était mis au point à l’avance avec les invités de connivence. Il consistait à donner la parole sur des sujets anodins à des invités « ennemis » puis à provoquer une intervention d’un « ami » du style « mais vous faites l’éloge d’Hitler dans vos livres ». L’invité indigné et complètement déstabilisé par cette violence injuste et surprenante — jusqu’à ce moment Polac avait été très gentil voire complaisant avec lui — s’efforçait de répondre, aimablement et avec beaucoup de bonhomie, Polac lui disait « Mais Monsieur X. vous avez abondamment parlé jusqu’à maintenant, laisser les autres s’exprimer » et c’était le massacre opéré par une meute déchaînée (les invités du bon coté) et présidé par un Polac souriant.
Je me permets de relater aussi un cas que j’ai connu : Des fonctionnaires d’une institution dont il était question dans l’actualité sont invités. Préalablement ils font savoir, les naïfs, qu’ils ne peuvent accepter qu’à condition d’être interrogés sur le fonctionnement de l’institution et non sur des dossiers particuliers, secret professionnel oblige. Toutes les garanties possibles leur seront données verbalement avant l’émission. Mais les seules questions qui leur seront posées en direct porteront sur des cas personnels (Pourquoi dans l’affaire de Madame Y votre administration a refusé de … ? ». Naturellement les pauvres victimes ne pourront répondre, ce qui donnera un « pourquoi vous êtes venu ici si c’est pour ne rien dire ? » et parmi les invités on entendra « C’est facile le secret profesionnel vous êtes des lâches ! ». Tout cela étant préparé à l’avance, aucune dérive dans ces émission comme on le prétendait.
Pour résumer : Une émission de truqueur et de lyncheur.
Le mystère était que Michel Polac trouvait toujours des invités, en gros de droite (pas toujours), pour venir se faire martyriser. Cela devait remplacer, dans l’esprit des malheureux idiots, les clubs sadomasochistes.
Que Polac repose en paix, mais quand même, associer son nom à celui de liberté est particulièrement obscène.

Citation
Morel


Pour de mystérieuses raisons, ma sympathie allait régulièrement à la personne ringardisée.

Je ne sais pas. Ces personnes étaient des faibles incapables de résister à la fascination de la télévision (très importante à l’époque) ou des inconscients, pensant pouvoir résister, contrairement à tous les autres, à la meute. Il faut aussi dire, la liberté est une grande chose! qu’il y avait hors champ, un service d’ordre musclé et que les intimidations physiques (hors caméras) étaient habituelles.
Je ne pense pas qu’aller cautionner de genre de pantalonnade fût très intelligent.

On a les nostalgies qu'on peut. Polac parlait tout de même encore de littérature et de cinéma, un peu.

Citation
Virgil
On a les nostalgies qu'on peut. Polac parlait tout de même encore de littérature et de cinéma, un peu.

Vous avez raison, cher Virgil. Polac n’avait pas que des défauts, il aimait sincèrement la littérature et le cinéma et était un homme cultivé. Mon intervention, rude, portait sur les rapports de Polac et de la liberté. Personnellement j’aimais bien Polac dans les émissions littéraires du Masque et la Plume qui mettaient en valeur ses qualités. Après, passé à la télévision, il a été assez détestable, mais il y avait un reste du Polac intéressant.

Je suis tout à fait d'accord avec vous Jean-François sur le constat d'intolérance et de malhonnêteté intellectuelle de Polac. Il rappelait à un homme de droite qu'il avait fait le coup de poing avec Occident ou le GUD dans sa jeunesse - pour aller se battre avec leurs homologues Mao, Trotskystes ou simplement du PCF. Mais il ne parlait jamais de l'engagement parfois presque criminel de membres de la Gauche Prolétarienne. Les équivalents du GUD n'ont pas enlevé de gens ou fait sauter des bombes comme Action direct, les Brigades Rouges et RAF... De plus, très titilleux sur la question de l'antisémitisme, Polac et ses semblables oublient toujours les relents anti-sionistes (pré-antisémites) de ces groupuscules de gauche - on sait que Septembre Noir demandait il y a quarante ans, dans leur liste de prisonniers à libérer, mes membres la Bande à Baader et plusieurs RAF.
Polac, c'était la gauche divine ancienne manière - la bonne conscience, la mauvaise foi, le "faîtes ce que je dis pas ce que je fais", etc. la culture en plus. Nous avons toujours désormais des petits marquis de la gauche divine et morale, mais ils sont tout à fait incultes. Cela les rend encore plus dangereux, car ils ne comprennent plus l'idée que ce pays ait des traditions, une sensibilité, une identité. Seules comptent, à leur yeux, les valeurs qu'il défendent - mais ils vivent d'après d'autres valeurs que celles qu'ils défendent en public, bien sûr.

Il y avait le procureur vedette, Jean-Baptiste Doumenc, le milliardaire rouge, qui s'essuyait les pieds sur ses anciens valets du même nom. Il y avait son copain Nabe tout étonné qu'on lui passe de la pommade. Pourtant, il y avait l'admiration pour Céline et le lancement du Masque et la plume. Ah ! les empoignades entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol ! On n'en fait plus.

En passant des échanges entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol à ceux entre Arnaud Viviant et Alexandra de Lamberterie (de Elle), on est tenté de réviser sa notion de progrès...

Citation
Jean-François Chassaing
Quand un invité commençait à relever les jupes de sa voisine c’était prévisible, la seule incertitude portant sur le moment où il se finirait par vomir en direct

Si vous faites, comme je le crois, allusion à Charles Bukovski, c'était chez Pivot et non dans l'émission de Polac.

Citation
Didier Goux

Citation
Jean-François Chassaing
Quand un invité commençait à relever les jupes de sa voisine c’était prévisible, la seule incertitude portant sur le moment où il se finirait par vomir en direct

Si vous faites, comme je le crois, allusion à Charles Bukovski, c'était chez Pivot et non dans l'émission de Polac.

Vous avez raison. C’est la vieillesse. J’ai fabriqué avec deux souvenirs une scène imaginaire.
Il y eut une histoire un peu semblable chez Polac, intervenant complètement ivre, mais Bukovski et son vomi c’était chez Pivot.