Thèse remarquable, (plutôt bien) exposée par un commentateur du blog Stérone, sur le Grand Remplacement, qui présente au moins l'intérêt de l'originalité (à mes yeux). Le
white flight que l'on observe en France en direction des zones rurales face au Grand Remplacement qui se noue dans les zones périurbaines semble corroborer cette thèse :
« Ville par ville », « quartier par quartier », certes, mais vous semblez ignorer le socle historique de toute l’histoire de France depuis le haut Moyen âge. Je me permets donc de vous proposer ce petit aperçu historique, lequel peut-être atténuera vos certitudes dépressives.
1)
L’affrontement des campagnes contre les villes a toujours primé tous les autres, même les affrontements religieux, et surtout les affrontements de classe, n’en déplaise à la mécanique idéale de l’histoire rêvée jadis par Marx, devant la violence des guerres de rue qui ont ensanglanté nos villes durant la première moitié du dix neuvième siècle.
Marx n’a jamais beaucoup aimé les ruraux. Il ne voulait donc pas savoir que cette violence était précisément d’origine rurale, et que les prolétaires armés de 1830, 1831, 1834, 1839, 1848 (février et juin, dieu que la liste est longue !) n’étaient pas sortis du néant urbain, mais bien de l’atavisme de leurs ancêtres les croquants qui ont, des siècles durant, lutté pied à pied contre LA ville. Ce Paris qui symbolisait moins pour eux le lieu du Prince, que l’astre du pouvoir centralisateur et spoliateur des bourgeois et « des grands ».
L’ascension du pouvoir monarchique absolu en France, principalement sous Louis XIII et Louis XIV, se fit malgré les campagnes, qui connurent elles aussi de véritables guerres civiles, un phénomène peu connu voire occulté par les historiens eux-mêmes.
La dernière d’entre elles, la guerre dite « des camisards », dans les Cévennes au tout début du dix huitième siècle, d’essence apparemment religieuse mais où l’on retrouve toutes les constantes des « émotions » qui avaient jalonné le siècle précédent, vit la meilleure armée d’Europe se faire durement malmener par des bandes de guérilléros avant la lettre.
Mais cette problématique existait déjà trois siècles plus tôt.
Que fut la guerre de cent ans, sinon la longue histoire de l’arraisonnement du Paris intellectuel (la première force intellectuelle étant la cléricature religieuse) et cosmopolite (déjà vendue aux intérêts anglo-saxons, l’une de ces fameuses constantes dont je parlais) par le poids géographique et forcément politique des campagnes, que symbolisait bien « la bergère » Jeanne d’Arc ?
2)
Une fois la monarchie absolue installée, ce furent les campagnes qui décidèrent du sort de TOUTES les révolutions. A commencer par la première et la plus cataclysmique d’entre elles, celle de 1789. L’ouverture que représenta la prise de la Bastille fut en effet immédiatement refermée par le soulèvement général des campagnes de la deuxième moitié du mois de juillet 1789, plus connue sous le terme de « grande peur ».
C’est fondamentalement contre elle que les détenteurs de patrimoine lâchèrent précipitamment leurs privilèges durant la fameuse nuit du 4 août, par crainte de tout perdre au bout du compte.
Après ce mois fatidique, les campagnes ne jouèrent plus que le rôle d’une ancre énorme, destinée à fixer le navire urbain révolutionnaire, en attendant l’arrivée du timonier Bonaparte.
La preuve en est que, vainqueurs de toute l’Europe, les armées révolutionnaires organisées par les villes ne purent jamais venir complètement à bout en revanche de l’embrasement des campagnes de l’ouest.
Napoléon seul y parvint, tout en promulguant ce véritable code de la propriété paysanne que fut la première mouture du code civil national.
3)
L’aventure révolutionnaire de 1789 consacra de fait un équilibre ville versus campagne, qui perdurera jusque au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Cet équilibre explique pourquoi l’histoire économique et politique de ce pays est tant marquée par sa ruralité. Toutes les révolutions menées par la ville y furent permises à condition qu’elles ne remettent pas fondamentalement en cause cet équilibre, y compris la révolution industrielle.
Quant aux révolutions politiques, leur point commun est d’avoir toutes été écrasées par l’entrée en lice des milices levées dans les campagnes. Ce fut le cas autant en juin 1848 que sous la Commune de 1871.
Même le poids et l’autonomie des maquis provinciaux dans la puissante organisation des communistes à la fin de la seconde guerre mondiale, explique le rôle finalement pacificateur du PC français à la libération (je rappelle que le seul maquis qui fut militairement capable d’affronter –et de battre- les divisions allemandes, fut celui du communiste Georges Guingouin dans le limousin – « le fou au fond des bois », comme l’appelaient les staliniens urbains de l’époque).
4)
Les années cinquante virent le début d’une nouvelle séquence, totalement inédite en regard de l’histoire de France passée. Apparemment en effet, l’équilibre séculaire qui présidait aux rapports entre les villes et la campagne fut irrésistiblement rompu au profit des premières.
Les leviers de cette gigantesque transformation furent principalement les mirages de l’état providence (mirages parce qu’ils portaient la promesse de l’éternité), et les contraintes « nécessaires » posées par la construction européenne, laquelle n’a jamais pu être autre chose qu’un rouage de la mondialisation marchande.
La première de ces nécessités fut de démanteler la puissance agricole française sur l’hôtel de la concurrence internationale pure et parfaite, sans en rire (j’ai peine à croire que j’ai connu le temps où l’on enseignait encore pourquoi la France était la deuxième puissance agricole mondiale, à la corde avec les USA, alors que nous ne sommes aujourd’hui même plus auto suffisants pour notre production céréalière !).
J’ai parlé d’apparence irrésistible, car qu’en est-il exactement ? Le mouvement a véritablement triomphé pendant la face des trente glorieuses, avant d’être frappé plus loin d’entropie à plus d’un titre.
Il est flagrant de constater aujourd’hui que l’élan n’a pu être poursuivi au-delà des années quatre vingt qu’au prix d’un endettement généralisé de TOUS les acteurs économiques, publics et privés (personne ne parle trop de l’endettement privé des entreprises, bien plus considérable que celui des états). Les villes et le mode de vie qu’elles génèrent ne pousse en fait que comme le reste, à crédit illimité.
« Vivre à l’heure de la mondialisation » était encore le graal des métropoles petites et grandes il y a seulement vingt ans, mais il s’avère que le paradis annoncé est porteur de bien des fruits amers.
J’ai plutôt l’impression qu’aujourd’hui les villes ne tentent de survivre à leur étouffement par insolvabilité qu’en cherchant de l’air sur ces campagnes proches qu’elles ont prétendu effacer de l’histoire promise.
Ce retour de bâton prend d’autant des allures de débâcle, qu’il nourrit toujours plus l’implacable et bien connue logique foncière, laquelle rejette les plus pauvres des villes vers leur périphérie.
La dualité très contemporaine entre la France qui s’en sort et celle qui ne s’en sort pas, est en train d’accoucher d’une très mauvaise surprise pour les obsédés de la modernité, puisque cette dualité tend à ressusciter une autre dualité, séculaire celle-là nous l’avons vu, entre les rats des villes et ceux des champs.
L’histoire pourrait fort bien bégayer dans cette nouvelle configuration, puisque, dans un contexte de mondialisation qui s’essouffle, crise de l’énergie et grande spéculation sur les matières premières oblige, la France pourrait fort bien trouver une solution de repli sur son espace intérieur, toujours susceptible d’être au moins en mesure de la nourrir.
5)
Je crois donc que l’avenir de l’immigration dans ce pays prend dans ce contexte une autre tournure -moins favorable- que celle que vous imaginez.
Oui, l’immigration organisée revêt souvent dans nos villes des allures de conquête idéologique et géopolitique (le « retour du religieux » est un euphémisme de philosophe), mais il s’accompagne d’un vaste mouvement de repli des français de souche plus ancienne (les fdspa pour éviter tout sectarisme historiquement absurde) sur leur espace vital, un peu à la manière dont les russes ont toujours cherché à noyer leurs envahisseurs dans leur espace à eux.
Ce mouvement est nécessaire, à cause des logiques foncières et fiscales dont j’ai parlées plus haut. Mais il est volontaire également puisqu’il marque le souci diffus de fuir le territoire occupé pour œuvrer et payer le moins possible en faveur du nouvel occupant.
La revanche de l’exclus est aussi de fuir une situation qui portera d’abord préjudice à ceux qui ont organisé son exclusion, toutes ces belles âmes bourgeoises et bohèmes, qui seront les premières victimes de ces zones d’abattage rituel idéales que deviennent nos villes et nos quartiers (et que vous avez bien raison d’identifier comme tel).
Les bourgeois urbains apeurés feront alors ce qu’ils ont toujours fait par le passé en situation de détresse politique, en appeler au reste du territoire pour sauver ce qu’il restera de leur peau et de leur vernis moral.
Lisez, ou relisez ( ?), les livres de Christophe Guilluy. Le géographe démontre sans détour que la conquête exogène par les ventres est un mythe, ou, ponctuellement, une réalité locale très partielle. Les campagnes de France se repeuplent et font preuve d’un dynamisme méconnu parce qu’ignoré par la doxa dominante, laquelle ne connaît que ses prédictions auto réalisatrices.
Les taux de fécondité des départements les plus pauvres de France, tous ruraux et où les rapports allogènes / endogènes n’ont que très peu évolué depuis vingt ans, y sont à peine inférieurs à ceux que connaissent les périphéries urbaines à dominante immigrée.
Il est probable que joue ici dors et déjà un réflexe de survie bien connu des populations pauvres qui se sentent menacées, considérer sa progéniture comme une richesse, ce qui n’a rien à voir avec le fait de la considérer comme une source de revenu (on n’en a pas fini avec les effets pervers et inattendus des politiques migratoires dans un cadre d’austérité généralisée).
Dans la perspective d’une guerre civile que je juge désormais inévitable (bah ! Laissons la venir, c’est un célibataire sans enfant qui vous parle), le mouvement de chassé croisé ne fera que s’accélérer au détriment de ceux qui seront assiégés par le camp adverse, une configuration historique également bien connue.
L’international, bien sûr, sera concerné, nous vivons une époque formidable…
En attendant, le coup d’envoi du vilain bordel (ou du bordel de vilains) pourra être donné à l’occasion des prochaines élections, dont je doute fort qu’elles nous amènent à franchir un palier sans passer par le cap des tempêtes.
Quel sera le futur « fou isolé », celui qui fera irruption dans un bureau de vote en faisant un carton sur les fachos potentiels ? Ou encore quels seront les points d’attaque et de crémation des bureaux de vote à vocation civique et humanitaire identique, en cas d’une vilaine surprise au premier tour ?
L’essentiel, n’est-ce pas, sera de suspendre un temps « tous nos motifs de division » et de partouzer tous ensemble (tous ensemble) dans le cadre d’une vaste unité civique nationale !
Les mauvais citoyens seront de toute façon châtiés…
Si nous échappons à l’apocalypse (qui sait ?), il sera de toute façon obligé (je sais combien cela est tentant) d’éviter toute occasion de provoquer un affrontement.
Dans l’immédiat, l’essentiel est d’assurer un volume de voix suffisant au plus mauvais canard du lot électoral (à la plus mauvaise cane devrais-je dire).
Le temps des marches forcées en troupeau (tous ensemble tous ensemble) ne sont pas non plus de notre bord, tant elles montrent leur inefficacité absolue. La dernière cartouche de mai 68, vieux jeunes et jeunes vieux confondus, aura peut-être été tirée par Mélenchon il y a quelques semaines, place de la raie-publique, dans le trou parisien.
A nous de le lui démontrer en tout cas.
Je crois aussi que ce vieux peuple rural que constitue l’Irlande, en ressuscitant le bon vieux boycott de l’impôt, nous ouvre une voix prometteuse, plus difficile à mater en tout cas qu’avec des balles en caoutchouc et des lasers aveuglants…