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L'erreur d'aiguillage

Envoyé par Loïk Anton 
22 août 2012, 00:56   L'erreur d'aiguillage
En somme, où situer l'erreur ?
Advînt-elle déjà à partir de Socrate, comme Nietzsche le pensait ? Bien après, avec les Lumières ? Ou lorsque la scolastique fut abandonnée au profit du cartésianisme, ou du kantisme ?

Je vais résumer mon impression, brièvement et donc de façon éminemment discutable : tout dérive de l'esprit, de la pensée, de la philosophie ; une "erreur d'aiguillage" en ce domaine et c'est le monde qui s'effondre.
Dans cette veine, Kant est le grand coupable ; en dérobant la possibilité des "preuves de l'existence de Dieu", il a scindé la raison et la foi, et ouvert les voies à un irrationalisme en tout contraire au génie du monde grec et occidental. (Bien sûr, Kant lui-même n'était pas irrationaliste ; mais sa pensée des limites de la raison entraîne nécessairement l'irruption d'autres guides que la raison.)
Cet irrationalisme a été l'un des pourvoyeurs de l'immonde national-socialisme et donc de la tragédie où a sombré le monde occidental et ses prétentions morales.

Quel est le moment crucial qui a amorcé la funeste direction prise en bloc par la civilisation occidentale ?
Je soupçonne que sur ce Forum il y aura un manque d'unité dans les réponses proposées à cette question, voire, ce diagnostic.
22 août 2012, 01:25   Re : L'erreur d'aiguillage
Evidemment, c'est le Kant du Criticisme qui me semble "coupable" ; mais Kant est aussi l'auteur de "Qu'est-ce que les Lumières ?" qui au contraire étend le libre exercice de la raison, et son legs est donc ambigu.
22 août 2012, 03:57   Re : L'erreur d'aiguillage
Mais en quoi le national-socialisme est-il particulièrement irrationaliste ? Il s'appuie d'abord sur un fondement ultime qu'il répute historiquement irréfragable (le Volk), à partir de quoi il infère le plus rationnellement du monde sa ligne de conduite, axée exclusivement sur la préservation et la promotion de ses intérêts.
il n'y a rien de particulièrement irrationnel dans cette conception du monde, peut-être même au contraire, sont-ce des considérations d'ordre strictement morales, affectives ou sentimentales qui s'offusquent du déroulement inflexible des conclusions pratiques ainsi inférées : définition méticuleuse du Bien et de ses apanages, identification non moins pointilleuse des foyers du Mal pouvant le mettre en danger, mise en œuvre de la politique prophylactique idoine, tout en assurant l'aire de survie et d'expansion indispensables à la Nation-fétiche. Comme dirait l'autre, c'est formellement impeccable !
En quoi, grands dieux, est-ce rationnellement fautif ?!?

(Kant n'opère pas une scission entre la raison et la foi, mais entre la raison spéculative et la raison pratique ; vous semblez avoir une fâcheuse tendance à oublier purement et simplement la Deuxième Critique, dans laquelle la raison joue un rôle considérable, puisqu'elle est à la fois le moyen de l'autonomie, de la liberté et donc de l'accession au supra-sensible, mais aussi, et pour cette raison, le bénéficiaire de la consécration humaine y appliquée : le sujet, intouchable et sacré, de la loi morale est l'être raisonnable. Raisonnable !)
22 août 2012, 05:36   Re : L'erreur d'aiguillage
Impeccable démonstration, cher Alain. Mais comme disait l'autre quand la première prémisse est fausse tout ce qui suit est également faux. Je veux dire le concept de "Volk".


"Quel est le moment crucial qui a amorcé la funeste direction prise en bloc par la civilisation occidentale ?"

Bernanos était persuadé que la Renaissance et le retour de la romanité et de l'esprit du césarisme était le moment crucial qui avait entrainé l'Europe dans une direction funeste. Il faut lire sur ce sujet son livre "Le chemin de la Croix-des-Ames".
22 août 2012, 09:02   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Loik A.
En somme, où situer l'erreur ?

En réponse, la parabole du train (l'erreur d'aiguillage) me semble plutôt mal choisie. Celle d'un bateau qui dérive serait plus juste : l'erreur a été graduelle, avec parfois des aller-retours ; les instruments de mesure permettant de se positionner en haute mer ont progressivement été rendus inopérants, ou l'usage en a été perdu à la longue, augmentant ainsi notre aveuglement ; de nouvelles routes navigables ont été ouvertes, accroissant le risque de confusion et occasionnant des déroutements souvent dramatiques (l'appel des sirènes, du large). L'erreur d'aiguillage, pour reprendre malgré tout votre allégorie, s'étend du suicide de la Grèce antique jusqu'au 11 septembre, entendu que depuis les "événements" de 2001, nous sommes entrés dans l'étape décisive de notre périple. Pourra-t-on regagner la bonne voie, la terre ferme, ou dans l'erreur, les abîmes, sombrera-t-on, là est maintenant toute la question ? Notre malheur est d'en avoir perdu le contrôle !
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 09:30   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 août 2012, 09:56   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Didier Bourjon
Je crois que pour aborder une telle réflexion, il faudrait plutôt commencer par se poser deux questions : pourquoi donc la pensée philosophique théologise-t-elle ? Et pourquoi donc la théologie philosophe-t-elle ?

Puisqu'on recherche un "coupable"...

La Gnose (γνώσις) ?
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 10:39   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Alain, tout comme vous, je trouve le nazisme extrêmement rationnel, présentant une vision du monde complète, une vision totalitaire au sens de Bainville, "qui englobe la totalité des éléments d'un ensemble donné".
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 10:55   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 août 2012, 11:48   Re : L'erreur d'aiguillage
La question d'entrée est naïve, bien sûr, et aussi elle clôt un peu hâtivement une seconde hypothèse, naturaliste. Dans le cadre d'une pensée des cycles (Spengler ? Guénon ?), la civilisation occidentale n'a peut-être pas fait "d'erreur", mais a simplement terminé son programme. En ce sens, on pourrait situer au XVIIème siècle français l'acmé de l'Occident théologique (philosophie théologisant, pour suivre Didier Bourjon) , à partir de quoi on ne pouvait plus aller plus profond dans la même direction.
Donc, en ce cas, c'est bien la Renaissance de Bacon ou plutôt ses rejetons les Lumières qui est le point d'inflexion...

Quant au reproche d'Alain Eytan sur la Deuxième Critique, il est sans doute fondé ; d'où la difficulté de situer la responsabilité de Kant, à la fois rationaliste et fossoyeur des ambitions les plus hautes de la Raison (la raison pratique n'est-elle pas, malgré tout, un pis-aller ?).

Autre difficulté, la définition de la "Raison". Ici, on pourrait dire ceci : le monde grec-et-occidental s'est donné le programme d'accéder au réel par une raison dialogique, et non par une démarche mystique ou une révélation. Cette raison est alors définie négativement, comme ce qui n'est pas un argument d'autorité. Ce contenu négatif suffit à définir un "programme civilisationnel", me semble-t-il.

(Le nazisme est un anti-rationalisme revendiqué comme tel ; cf. entretiens d'Hitler et de Rauschning, qui me semblent définir explicitement le projet nazi. Après on peut aussi y voir une "raison devenue folle". Par ailleurs, la discussion sur le nazisme est sans doute une digression, sauf à considérer qu'il est le moment à analyser ; selon le fil, le moment d'erreur se situe bien avant, le nazisme n'étant qu'une lointaine et horrible conséquence d'autre chose, une apocalypse révélant l'essence criminelle de l'occident...).
22 août 2012, 11:54   Re : L'erreur d'aiguillage
(Par ailleurs, si on situe "l'erreur d'aiguillage" ou la dérive du paquebot dès la Grèce antique et dès Aristote, le reste n'étant qu'un développement nécessaire des prémisses, alors... euh... c'est l'entier de la civilisation dite occidentale qui est une erreur. Là encore, je ne vois pas bien ce que l'on voudra défendre ou préserver, sinon des habitudes - sans valeur quelconque autre qu'une vague affectivité.)
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 12:06   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 août 2012, 12:09   Re : L'erreur d'aiguillage
Ah Pascal en tant qu'acmè d'un embarras !
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 13:14   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 août 2012, 15:34   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Pyrrhon
de nouvelles routes navigables ont été ouvertes, accroissant le risque de confusion et occasionnant des déroutements souvent dramatiques

« Mais l'homme pouvait être un être fort raisonnable avec des lumières très-bornées. Car ne voyant que les objets qui l’intéressaient, il les eût considérés avec beaucoup de soin et combinés avec une très-grande justesse, relativement à ses vrais besoins. Depuis que ses vues se sont étendues et qu’il a voulu tout connaître, il s’est dispensé de mettre la même évidence dans ses raisonnements, il a été beaucoup plus attentif à multiplier ses jugements qu’à se garantir de l'erreur, il est devenu beaucoup plus raisonneur et beaucoup moins raisonnable. »

(J.-J. Rousseau, Œuvres et correspondance inédites)
22 août 2012, 17:38   Re : L'erreur d'aiguillage
Il y a, bien sûr, beaucoup de vrai dans tout ce qui se dit sur ce fil. Pourtant en ce qui me concerne j'ai un avis très terre-à-terre , très "petit bout de la lorgnette" sur la question. Il me semble que c'est l'importance sans précédent prise par les médias audio-visuels qui signe la débâcle de notre civilisation. C'est la revanche des derniers de la classe que sont majoritairement ceux qui y sévissent par culot, piston ou hérédité. Les gens de ce milieu ne pouvaient que conduire, encouragés par la logique médiatique elle -même, à la désaffection pour une culture qui leur faisait défaut parce qu'ils n'avaient ni le goût ni le désir de se l'approprier et à la haine de ceux qui la détenaient , un peu comme ces nomades belliqueux qui détruisent les cultures et les civilisations sédentaires parce qu'ils sont incapables d'en comprendre l'intérêt.
22 août 2012, 17:40   Re : L'erreur d'aiguillage
Didier, est-il possible de formuler la question qui vous semble pertinente, à propos disons de la période qui irait de la Renaissance aux Lumières...

Est-ce dans la veine de celles-ci :

"Je crois que pour aborder une telle réflexion, il faudrait plutôt commencer par se poser deux questions : pourquoi donc la pensée philosophique théologise-t-elle ? Et pourquoi donc la théologie philosophe-t-elle ?"
Utilisateur anonyme
22 août 2012, 18:35   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 août 2012, 20:16   Re : L'erreur d'aiguillage
Sur le tissage du roman historique national, il est toujours intéressant de (re-)lire Mélancolie Française d'Éric Zemmour.
Je voudrais, si je puis me permettre, en avoir tout de même le cœur net : en vertu de la prescience (à moins qu'il ne s'agisse d'une anté-science recouvrée) de quelle "juste pensée" estimez-vous pouvoir tenir qu'il y a eu, dans le cheminement de la pensée occidentale (qui est très loin en soi de constituer un bloc homogène), qu'il y a eu donc "erreur" ???
D’où donc tenez-vous, chers amis, la certitude de ce qu'il faut penser, de la façon conforme de le faire, de la nature des problèmes réels au regard de ce qui n'est qu'artificieux et aberré ?
Ce serait peut-être par là qu'il faudrait commencer.
J'avoue très humblement que la notion d'un tel impératif de la richtiges Denken, aussi bien d'ailleurs que de la richtiges Leben, me fait totalement défaut. Pire, cela n'a même pas de sens pour moi, puisque je ne vois absolument aucun moyen de fonder la nécessaire justesse d'une "pensée des origines", quelle qu'elle soit, et encore moins, à vrai dire, de fonder la nécessité, si jamais telle chose exista, de devoir s'y tenir, à supposer, comme aime à le répéter de temps en temps Didier, que nous soyons dans une impasse.
Et diable, si le diagnostic de l'impasse était plus vrai, rendait compte de façon adéquate de la réalité de la condition humaine, après tout ? Qui sait le contraire ?
22 août 2012, 23:13   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Rogemi
Impeccable démonstration, cher Alain. Mais comme disait l'autre quand la première prémisse est fausse tout ce qui suit est également faux. Je veux dire le concept de "Volk".

Le Volk, cher Rogemi, comme tout fondement qu'on répute "ultime", est tenu pour un axiome, indémontrable en soi, mais qui sert à faire découler une axiomatique ; la postulation d'une telle entité n'est en soi pas plus "irrationnelle" que certains dogmes religieux, que l'autorité souveraine d'un roi de droit divin, que le contrat social, etc.
il ne s'agissait pas pour moi d'établir la caractère intrinsèquement rationnel du national-socialisme, mais de battre en brèche la conviction exprimée par Loïk qu'il fût un comble d'irrationalisme, ce que je ne pense pas.
À ce sujet Didier n'a pas tort : la "rationalité " d'une chose n'équivaut pas pour moi à sa "vérité", mais bien davantage à sa cohérence, à une absence de contradiction patente, quelles que soient d'autre part la vérité des propositions y énoncées.
22 août 2012, 23:38   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
À ce sujet Didier n'a pas tort : la "rationalité " d'une chose n'équivaut pas pour moi à sa "vérité", mais bien davantage à sa cohérence, à une absence de contradiction patente, quelles que soient d'autre part la vérité des propositions y énoncées.

Staline était lui aussi cohérent en envoyant au goulag ses concitoyens par milllions en ayant bien pris soin au préalable de les déclarer traitres à la patrie communiste ou espions à la solde de l'occident car comment expliquer autrement la non-venue en URSS du paradis terrestre promis.

On pourrait donc tresser à l'infini une histoire des cohérences mais à vous lire cher Alain il ne peut pas y avoir de "vérité absolue" car le sol sur lequel nous marchons est depuis l'aube des temps friables.
22 août 2012, 23:54   Re : L'erreur d'aiguillage
Je ne comprends pas non-plus votre première prémisse de la soirée, cher Alain Eytan. Aurait-on tort de voir dans ce qu'il advient, dans la décivilisation, dans la perte du sens, dans la grande déculturation et dans le Grand remplacement une erreur d'aiguillage, une dérive négative (comme s'il ne pouvait y avoir de dérive positive !) à un ou plusieurs endroits et/ou instants donnés ? Encore une fois, il y a eu des aller-retours. Notre perte d'instruments de navigation, je vais être logique avec moi-même, va peut-être jusqu'à ne pas savoir où nous sommes, au large ou au bord des côtes, presque à bon port (enfin là, j'exagère un peu dans l'autre sens !). Cependant, la fin de votre deuxième intervention me fait penser à ceci : « si l'on disait ce que l'on fait, si l'on faisait se que l'on dit, le monde y gagnerait-il ce que l'on espère ? » (phrase en diable)
Utilisateur anonyme
23 août 2012, 00:37   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Loik A.
Didier, est-il possible de formuler la question qui vous semble pertinente, à propos disons de la période qui irait de la Renaissance aux Lumières...

Est-ce dans la veine de celles-ci :

"Je crois que pour aborder une telle réflexion, il faudrait plutôt commencer par se poser deux questions : pourquoi donc la pensée philosophique théologise-t-elle ? Et pourquoi donc la théologie philosophe-t-elle ?"

"J'ai vu aussi, de mon temps, faire plainte d'aucuns écrits, de ce qu'ils sont purement humains et philosophiques, sans mélange de théologie. Qui dirait au contraire, ce ne serait pourtant sans quelque espèce de raison : Que la doctrine divine tient mieux son rang à part, comme reine et dominatrice ; Qu'elle doit être principale partout, point suffragante et subsidiaire ; Et qu'à l'aventure se tireraient les exemples à la grammaire, rhétorique et logique, plus sortablement d'ailleurs que d'une si sainte matière, comme aussi les arguments des théâtres, jeux et spectacle publics ; Que les raisons divines se considèrent plus vénérablement et révéremment seules et en leur style, qu'appariées aux discours humains ; Qu'il se voit plus souvent cette faute que les théologiens écrivent trop humainement, que cette autre que les humanistes écrivent trop peu théologalement" (Montaigne, Essais, I, 56 "Des prières")

Splendide pendimento renaissant. Le "théologal" hors théologie me semble hélas de plus en plus proliférant sur ce site.
23 août 2012, 00:39   Re : L'erreur d'aiguillage
Mais s'il n'y a pas de "juste pensée", cher Alain Eytan, y a-t-il du moins de "justes hiérarchies" ? Par exemple entre la musique de supermarché, Brassens et Purcell...
Il me semble que nous sommes sur ce site parce que nous pensons qu'il y a des choses meilleures que d'autres (par exemple la civilité, ou l'argumentation, le style littéraire plutôt que journalistique, et ainsi de suite... Ces évaluations n'étant pas purement subjectives, mais justifiables mieux que d'autres évaluations.
Or, avec votre conception de la valeur - reposant sur un point indémontrable et arbitraire -, je ne vois pas bien ce qui distingue votre message du post-modernisme. Détrompez-moi...

(S'il n'y a "rien qui ressemble à une pensée juste", il n'y arien non plus ressemblant à une pensée fausse, ou illusoire... Et pourquoi critiquer alors tels ou tels comportements ? Pas de point fixe, il ne reste rien.)
23 août 2012, 00:54   Re : Au large ou au bord ?
Cher Pyrrhon, ce n'était pas vraiment une prémisse, mais une simple question posée de bonne foi : en vertu de quelle notion de rectitude de pensée, et que peut bien valoir celle-là, peut-on prétendre vouloir corriger ce qu'on estime être une erreur ?
S'agissant de l'histoire des idées, il faut bien avoir une telle notion de la correction pour que la conviction de "penser dans le faux" puisse avoir un sens, non ?

Incidemment, la question se complique, parce que le moyen même de distinguer le correct de l'incorrect, en matière de pensée s'entend, et la spécialisation s'ensuivant, est grosso modo présenté comme le résultat de l'erreur dénoncée, justement.
J'aime bien l'allure de votre dernière phrase.
23 août 2012, 01:05   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Chatelain
"J'ai vu aussi, de mon temps, faire plainte d'aucuns écrits, de ce qu'ils sont purement humains et philosophiques, sans mélange de théologie. Qui dirait au contraire, ce ne serait pourtant sans quelque espèce de raison : Que la doctrine divine tient mieux son rang à part, comme reine et dominatrice ; Qu'elle doit être principale partout, point suffragante et subsidiaire ; Et qu'à l'aventure se tireraient les exemples à la grammaire, rhétorique et logique, plus sortablement d'ailleurs que d'une si sainte matière, comme aussi les arguments des théâtres, jeux et spectacle publics ; Que les raisons divines se considèrent plus vénérablement et révéremment seules et en leur style, qu'appariées aux discours humains ; Qu'il se voit plus souvent cette faute que les théologiens écrivent trop humainement, que cette autre que les humanistes écrivent trop peu théologalement" (Montaigne, Essais, I, 56 "Des prières")

Splendide pendimento renaissant. Le "théologal" hors théologie me semble hélas de plus en plus proliférant sur ce site.

Le problème de Montaigne est que la moitié de ses problèmes ont reçu des solutions sans appel et l'autre renvoient à des paradoxes insolubles. Toujours est-il qu'il plaît et plaira énormément aux amateurs de philosophie frottés de belles-lettres.
23 août 2012, 03:50   Re : L'erreur d'aiguillage
» Par exemple entre la musique de supermarché, Brassens et Purcell...

Tout de même, cher Loïk, les auteurs précédemment cités dans ce fil, mais la liste pourrait être très longue, ne font pas dans la pensée de supermarché ! Ce ne sont pas des fabricoteurs d'idéettes, des esprits de seconde zone ; pourtant, ils se sont fourvoyés ? C'est donc que la différence se situe à un autre niveau...


» Or, avec votre conception de la valeur - reposant sur un point indémontrable et arbitraire -, je ne vois pas bien ce qui distingue votre message du post-modernisme. Détrompez-moi...

Je ne sais pas, le "post-modernisme" est un fourre-tout conceptuel assez vaste ; mais après tout, peu importe l'appellation : à supposer que tel auteur présente une vue qui nous paraisse juste, précise ou même "intéressante", nous n'allons pas nous empêcher de la considérer, de l'essayer, sous prétexte que ce ne serait pas bien d'être ceci ou cela, quand même... Aussi si tel "post-moderne" a pu être dans le vrai (just for the sake of argument), alors va pour le post-modernisme, même si ce semble être une maladie honteuse.

(Détrompez-moi à votre tour, mais l'une des caractéristiques de certain courant post-moderne n'a-t-il pas consisté à considérer les jugements de connaissance, vérité et raison, comme une valeur parmi d'autres ? La scission dont vous parlez au début est "moderne", et entend justement ne pas confondre ce qui relève des facultés de connaissance avec ce qui ressortit à un choix axiologique : ce qu'on estime qu'il faut faire, qu'il faut penser ... N'est-pas plutôt dans cette dernière catégorie (ceux qui pensent qu'il ne faut pas confondre...) que je me rangerais, d'autant que Didier m’attribue assez généreusement une conception absolue de la logique, ce qui, en considération du "post-", est résolument réactionnaire ?...)
23 août 2012, 06:53   Re : L'erreur d'aiguillage
La question du dévoiement (à ce propos, saluons cette tentative d'Alain de réintroduire le verbe aberrer) est centrale à ce qui advient. Quand peut-on parler de dévoiement et d'aberration ? Vous lisant je serais tenté de répondre du plus simplement : quand ce qui jusqu'au point présumé du dévoiement soulève la question de sa conservation après que, pendant des ans, des siècles, son usage, son existence allaient de soi au point de s'être fait oublier, l'on sait que le dévoiement, l'erreur, l'errance, ont commencé, qu'il s'agisse de normes de pensée, d'outils invisibles de la pensée, de possibilités du quotidien, de la sécurité et du confort dans l'action, de l'ordinarité des fonctions organiques. Le cancer, la "crise", la survenue du viol ou le meurtre inexplicable, sont des aberrations, le signe d'un dévoiement chez un être, un organisme, un corps social qui jusque là n'avait point manifesté son existence par l'encombre, l'empêchement, l'opacité ou la déception.

Donc, le besoin de retenir, préserver ou conserver ce dont on ressent, voit et perçoit la perte vaut déjà signal que le dévoiement est réel. La conscience de cette nécessité vaut manifestation de l'erreur. La correction des erreurs sera dès lors une longue et complexe tentative, elle-même semée d'embûches, d'un salutaire retour à l'oubli de la chose dévoyée. Que tout ici bas rentre dans l'ordre et se fasse oublier, et se faisant permette notre élévation.

Et la recherche délibérée, volontaire et organisée d'une "correction de trajectoire" suffit à attester l'existence de cette trajectoire. En matière de trajectoire, le sentiment de perte n'est jamais illusoire. Par quelle voie sinon pourrait-il l'être ? La question du dévoiement en cours ne pourrait se poser hors l'ipséité de notre trajectoire et que cette dernière nous soit jusqu'ici demeurée voilée ou insuffisamment définie ne saurait en rien faire douter de son existence ni de son caractère indispensable à nos vies et à toutes leurs projections futures.
23 août 2012, 08:55   Re : L'erreur d'aiguillage
Vous allez dire que je radote mais ...


Extrait de l'article RAISON du Petit dictionnaire raisonné L'UNIVERS DE G.K. CHESTERTON par Philippe Maxence page 246.

Les croyances et les croisades, les hiérarchies et les persécutions terribles ne furent pas organisées, comme le dit l'ignorance, pour la suppression de la raison. Elles le furent pour la difficile défense de la raison. L'homme savait, par un obscur instinct, que si les choses étaient mises en doute une seule fois, la raison pourrait l'être avant tout le reste. L'autorité des prêtres pour absoudre, l'autorité des papes pour définir l'autorité, celle même des inquisiteurs pour inspirer la crainte, tout cela n'était que de sombres défenses dressées autour d'une autorité centrale plus indémontrable, plus surnaturelle que toutes les autres : l'autorité qu'un homme possède pour penser. Nous savons maintenant qu'il en est ainsi. Nous n'avons pas d'excuses pour ne pas le savoir. Car nous pouvons entendre le scepticisme brisant le vieil anneau des autorités et voir au même moment la raison chanceler sur son trône. Si la religion s'en va la raison s'en va en même temps. Car elles sont toutes les deux de la même espèce primitive et autoritaire. Elles sont toutes les deux des méthodes de preuves qui ne peuvent elles-mêmes être prouvées. Et en détruisant l'idée de l'autorité divine, nous avons presque entièrement détruit l'idée de cette autorité humaine par laquelle nous pouvons résoudre un problème mathématique. Avec une corde longue et résistante nous avons essayé d'enlever sa mitre à l'homme-pontife et la tête a suivi la mitre.
Orthodoxie
Utilisateur anonyme
23 août 2012, 09:30   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
23 août 2012, 22:34   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Didier Bourjon
« Aristote c'est, pour la première fois, l'identification proprement verbale du divin (θεῖον) et de l'être, Augustin c'est, pour la première fois, l'identification de Dieu et de l'être, c'est-à-dire du nominal et du verbal avec disparition du participe, Thomas entérine et résout le problème par l'analogia entis, "l'analogie de l'être"… »
(Pardon de me citer, à l'occasion d'une précédente et très grossière approximation de la chose, qu'il faudrait reprendre et préciser) [...]

Connaissez-vous mon ancêtre Hésiode (et sa petite entreprise (TPE) de cabotage) ?

Citation
Didier Bourjon
« la nécessaire justesse d'une "pensée des origines" » : il n'y a pas lieu de présumer une quelconque "justesse", c'est une question d'optique, de perspective (voyez : je nietszchéise…) [...]

Voir juste, n'est-ce pas précisément voir loin ?
Connaissez-vous mon ancêtre Hésiode (et sa petite entreprise (TPE) de cabotage) ?


Je crois que c'était un copain de son ancêtre, Monsieur Homère Aède, vous savez, l'écrivain chantant (ou le chanteur écrivain, je ne sais, voir autre fil).
23 août 2012, 22:58   Re : L'erreur d'aiguillage
Rectification : il s'agissait de la petite entreprise de son père (que ce dernier "coula" !).
Ha, le Pitalugos, le vaisseau d'Ulysse de Joïs... quel navire...

"Le Pitalugue à l'hélice trop forte..." très homérique, ça...

Mais ne doit on pas à votre ancêtre Hésiode la première histoire de la gendarmerie ?
23 août 2012, 23:53   Re : L'erreur d'aiguillage
Hésiode pensait surtout que la conscience (et l'intelligence) faisait défaut aux premiers hommes, avant que Prométhée ne vint la leur infliger, les y acculer, et les arracher à la vie. Là réside le principe du mal, et commence le drame des hommes.
Utilisateur anonyme
24 août 2012, 01:26   Re : L'erreur d'aiguillage
Citation
Pyrrhon
Hésiode pensait surtout que la conscience (et l'intelligence) faisait défaut aux premiers hommes, avant que Prométhée ne vint la leur infliger, les y acculer, et les arracher à la vie. Là réside le principe du mal, et commence le drame des hommes.

C'est aussi le désir de connaître le bien et le mal par leurs propres moyens et donc par leur raison (alors qu'ils en avaient une connaissance innée donnée par Dieu) qui a causé la perte de nos deux ancêtres à tous (vous y compris Monsieur Pyrrhon). La suite n'est qu'une succession de corruptions, de pardons, de chutes, d'alliances et de rechutes de plus en plus graves au point de requérir comme seul remède le sacrifice suprême.
24 août 2012, 03:02   Re : L'erreur d'aiguillage
» Le cancer, la "crise", la survenue du viol ou le meurtre inexplicable, sont des aberrations, le signe d'un dévoiement chez un être, un organisme, un corps social qui jusque là n'avait point manifesté son existence par l'encombre, l'empêchement, l'opacité ou la déception.

Oui, et avez-vous remarqué à quel point l'"empêchement" constitue un formidable catalyseur de réflexion, comme tout ce qui entrave le déroulement normal et machinal du cours des choses, cela allant jusqu'au simple geste ? La fonction intacte ne nécessite aucun savoir, son accomplissement suffit ; qu'une de vos articulations grippe, et voilà le réel soumis aux rayons X pour comprendre ce qui cloche.
En fait, le dévoiement malheureux produit de la pensée...
24 août 2012, 05:05   Re : L'erreur d'aiguillage
Bien sûr cher Alain. Mais quelle pensée ? sinon celle d'une reconstruction de l'inertie apparente, celle de la trajectoire désencombrée (l'inertie apparente de l'oiseau-mouche dont les ailes sont rendues invisibles par la célérité et la libre harmonie de leur battement). La pensée naît de l'écueil, souvent, mais pour quoi donc sinon pour s'en défaire et retrouver les eaux libres et les progressions heureuses et sans douleur ?
Utilisateur anonyme
24 août 2012, 08:17   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Le propre de l'oubli, c'est de devenir un outil de réflexion.
Utilisateur anonyme
24 août 2012, 10:28   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 août 2012, 11:54   Re : L'erreur d'aiguillage
« Tous les engins, tous les outils même, que l'homme crée se transforment en instruments de torture et se tournent contre lui. »

(Cioran, Cahiers)
Oh, c'est que M. Cioran n'était pas bricoleur, voilà tout...
« Il n'y a pas de cafard qui résiste au travail manuel, au bricolage. »

Cioran.
Utilisateur anonyme
24 août 2012, 15:08   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 août 2012, 23:30   Re : L'erreur d'aiguillage
» Dans le mille...

Pas si sûr : le propre d'un corps bien portant est de s'oublier et de s'ignorer. On ne pense pas à ce qui va bien.
Didier, vous avez évoqué précédemment la mort, comme unique pourvoyeuse d'expérience ; mais qu'est-ce que la mort, sinon l'empêchement radical ? Possibilité de la radicale impossibilité....
Ça, c'est un dévoi(l)ement, un sacré décrochage ! À ce compte, c'est la trajectoire fidèle, uniforme et unidirectionnelle qui est mortifère.
Vous me stupéfiez parfois, chers amis, à tenir tant que cela à rectifier le clinamen, à réintégrer vos pénates...
25 août 2012, 01:14   Re : L'erreur d'aiguillage
... et vous qui me parliez de mon cerceau, les vôtres sont pas mal non plus. Comment faites-vous ce tour de passe-partout ? Mais pourquoi pas. Par les deux bouts nous rejoignons l'inanité s'il n'y a préalablement la moindre approche.
25 août 2012, 04:08   Re : L'erreur d'aiguillage
Mon cher Pyrrhon, ce n'est pas parce qu'on taquine un peu bêtement qu'on n'est pas sérieux et qu'on ne songe qu'à faire des hula hoop.
Vous savez, à propos de l'"inanité" mentionnée dans le fil consacré à Millet, elle faisait référence à une sorte de tic intellectuel, motif courant tout au long de l'histoire de la pensée et mainte fois exploité : c'est la "démonstration" que la quintessence d'une chose ne se révèle vraiment qu'en montrant le lieu de sa dérobade, en fomentant la mise en scène de sa propre disparition ; Bataille et Barthes ne rêvent que de faire semblant d'aller se faire pendre pour jouir, et chez Blanchot ce filon se retrouve presque à l'état pur (en philo, je ne vous dis pas, c'est du nanan).
Il m'avait semblé qu'avec sa "définition par la négation", c'est vers ces eaux-là que tendait Millet, en proposant un éloge littéraire de B., tout en attendant matoisement que les moralistes de service rappliquent avec leurs gros sabots...
Utilisateur anonyme
25 août 2012, 07:58   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
C'est curieux, quand on parle de pénates, je ne peux m'empêcher de sourire, imaginant Enée les portant en même temps qu'Anchise et tenant Iule. Comment faisait-il, mystère.
Utilisateur anonyme
27 août 2012, 09:42   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
27 août 2012, 20:28   Un pays "à la dérive"
La France avance tel un équipage qui subit ce qu'il n'entend pas.
27 août 2012, 23:19   Re : Un pays "à la dérive"
» Les mathématiques ne sont pas qu'une affaire de ratiocination, elles ne sont pas qu'une affaire de non-contradiction, elles relèvent, par leur puissance formelle, d'un domaine plus fondamental, elles comportent une dimension extralogique, elles proviennent d'un regard plus essentiel. La cohérence du discours ne suffit pas à fonder les mathématiques : la logistique est une réduction stérile, une impasse stupide, au mieux une spécialité annexe d'une utilité marginale, en vérité une ramification égarée.

Cher Didier, il y a quelque chose qui me gène un peu dans cette présentation, c'est la façon de mettre en quelque rapport de compétition et presque d'antagonisme ces deux facultés constitutives de l'esprit humain chez Kant, à savoir ce qu'il a appelé l’"esthétique transcendantale" et l'"analytique transcendantale", comme s'il y en avait une qui fût plus "essentielle", et l'autre "annexe" et "marginale" : je crois que c'est en soi une subversion, puisque vous avez employé ce mot, de l'intention kantienne : elles sont complémentaires et interviennent, dans la construction de la raison, c'est à dire en fait l'édification conjointe de l'appareil psychique et du système de la représentation, à des moments différents.

Ce n'est en effet pas pour les mathématiques (c'est à dire, à cette fin) qu'est requise une "sensibilité à priori", ou encore une "intuition pure", celles-ci sont bien antérieures et servent à "installer" le cadre général dans lequel prendra place, si j'ose dire, la matière du monde : les deux formes de la sensibilité à priori sont "la forme générale des phénomènes", rien moins que l'espace et le temps.
Impossible de parler des mathématiques sans évoquer les "jugements synthétiques à priori", dont selon Kant elles relèvent totalement (ainsi que les "principes" de la physique, soit dit en passant) : elles dérivent en tant que propriétés formelles de cette donnée initiale qui constitue la forme des phénomènes (l'"intuition pure", espace et temps), qui est le moule formel préalable à l'intérieur duquel sera donnée la matière de l'expérience dans l'intuition sensible à posteriori, y traitée ensuite par les facultés analytiques (à l'étage supérieur, si vous voulez) — les relations proprement logiques de l'entendement — pour produire la représentation finale, le "phénomène". C'est pourquoi jugements synthétiques à priori et jugements analytiques à priori, tous deux "apodictiques", selon Kant, constituent de façon complémentaire les éléments formels entre lesquels sont pris en sandwich, ingérés et traités, les jugements synthétiques à posteriori, la matière de l'expérience.

Ni jugements synthétiques à priori, ni bien sûr jugements analytiques à priori, ne peuvent tendre ou montrer une voie vers l'extérieur du système ainsi élaboré de l'expérience et de la phénoménalité, qui est parfaitement clos et verrouillé, sans possibilité d'échappée : les premiers relèvent des propriétés des dispositions de l'esprit qui délimitent le territoire, en quelque sorte, les deuxièmes de la façon de traiter ce qui est donné à l'intérieur d'icelui, une fois les frontières posées.
À ce titre, si c'est ce vers quoi vous tendiez, les jugements synthétiques à priori ne "rachètent" pas la raison en la dégageant de la gangue de la nécessité rationnelle, en pointant vers quelque débouché ou abouchement qui serait l'objet d'un "regard plus essentiel" : facultés logiques et propriétés formelles des rapports découlant de la représentation de l’intuition pure, sont pareillement certaines, universelles, nécessaires, et bornées, parce que gravées à même la chair de l’esprit qui fomente le monde pour nous.
28 août 2012, 02:30   Re : Un pays "à la dérive"
J'ajouterai deux choses : la première est que dans votre passage cité supra, vous avez utilisé les mots ""stériles", "impasses", "égarées", sans compter l'"erreur d'aiguillage" nommant ce fil, ni l'"embarras" et autres plantages hoquetants qui seraient la caractéristique de certains moments ou étapes de la pensée, toutes notions indiquant que quelque chose n'est pas comme il faudrait, à tout le moins.
D'où, simplement arrimée à du solide bon sens, la question précédemment posée : « S'agissant de l'histoire des idées, il faut bien avoir une telle notion de la correction pour que la conviction de "penser dans le faux" puisse avoir un sens, non ? »

La seconde est que "la réduction à la logique" ne veut pour ma part rien dire du tout, est dénuée de sens : j'ai donné il y a peu une définition possible de la logique en un sens réduit : "s'il s'agit réellement de "tautologies", autrement dit si les propositions nécessairement déduites (logiquement valides) ne contiennent en elles-mêmes rien de neuf, aucun sens nouveau ou apport informatif par rapport aux prémisses, si les conclusions ne sont que le résultat d'une série de transformations "dévidant" ce qui était déjà présent dans ces prémisses" ; ce sont donc des règles de pensée consistant en une série de transformations d'un contenu y traité. Tout le monde sait que la logique formelle n'est justement que formelle, c'est à dire ne s'occupe que du lien inférentiel, sans considération de ce qui y est coulé.

Aussi je trouve vraiment curieux que dans un fil consacré à la volonté de mélanger des facultés distinctes, logique, d'une façon plus générale raison (mais il faut voir précisément en quoi la "raison" est plus que la logique, le débat, compliqué et technique, est très loin d'être tranché, et cela vaut également pour le statut et la réalité des idéalités dites "jugements synthétiques à priori), et valeurs, l'on me reproche de tout réduire à la logique : comme si l'on confondait le souci de réduire la logique à ce qu'elle est, et n'est que cela, en somme le soin de la distinction, avec une tendance à tout réduire à ce qui n’était lui-même que le produit d'un retranchement de ce tout ; en somme, exactement le contraire.
Utilisateur anonyme
28 août 2012, 09:36   Re : Mal entendu.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
28 août 2012, 21:54   Bien entendu !
Les mots auraient-ils davantage variés que ce qu'ils nous désignent ? Est-ce pour cela que les Anciens ne mentaient pas autant que les Modernes ?... Et l'esprit n'est-il pas à la pensée ce que la lumière est à l'étendue, un révélateur d'images ?
28 août 2012, 22:02   Les JSAP
Cher Didier, jamais je ne troquerai le pénible détail de certaines conceptions, comme par exemple le lien insécable entre mathématiques, JSAP et temps et espace, contre des filaments de phrases télescopées comme « celle où la préoccupation déterminante devient le rendement, comme dans le cas de "l'usine succédant au métier" », qui pour ma part rendent compte à peu près de tout sauf de ce que Kant avait dans la tête quand il tentait d’expliquer comment les JSAP sont possibles.
Peut-être est-ce strictement personnel, mais la seule chose qui m’intéresse lorsque j’aborde un auteur de cette importance, c’est d’être en mesure de comprendre et de reconstituer le cheminement intellectuel qui doue sa pensée du sens qu’il a produit, à supposer que j’en sois capable ; pas de prendre quelques aigrettes au lasso du « fond de ce qui est réellement en question », fond que je ne connais d’ailleurs ni d’Eve ni d’Adam, et à propos duquel je continue toujours de m'interroger.

C'est la raison pour laquelle je ne vois aucune possibilité que On Denoting, de Russel, sa "théorie des descriptions", ou même l'ouvrage très controversé, Principia Mathematica (dont je n'ai lu que des extraits, en eux-mêmes d'ailleurs assez éprouvants), puissent avoir été des erreurs.

Ce qui me permet de fermer joliment la boucle avec les JSAP : « Le but premier des Principia Mathematica est de montrer que toutes les mathématiques pures dérivent de prémisses purement logiques et n'utilisent que des concepts définissables en termes de logique. » (Russel, Histoire de mes idées philosophiques)
28 août 2012, 22:49   ... et le GOG
(... ne pas oubliez l'usage d'ampoules à décanter, qui, d'une certaine façon, éclairent. [mode gogue on])
28 août 2012, 23:41   Re : L'erreur d'aiguillage
Russel avait un cousin philosophe aussi, Russell je crois...
Utilisateur anonyme
29 août 2012, 07:18   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
29 août 2012, 23:47   Re : L'erreur d'aiguillage
Eh bien Didier, voilà qui clôt agréablement le débat.

J’avais, pour ma part, essayé de vous montrer pourquoi la présentation succincte de l’opposition entre logique, « stérile », et mathématiques, procédant à vous lire d’un regard plus « essentiel », que vous avez esquissée ne cadrait pas avec le projet et le plan de la Raison Pure, si on se donnait la peine de les considérer un peu plus en détail ; c’était vous répondre exactement, croyais-je, en essayant de replacer les choses dans le seul contexte qui importe quand on parle de Kant : celui de ce qu’avait conçu Kant.
Que cela soit juste ou non, je n’ai eu pour seule réponse qu’une remarque sur l’aspect « scolaire » d’une telle approche (ça fait toujours plaisir), et sur le fait que la littéralité des principaux thèmes kantiens serait en soi inintéressante et négligeable, au regard d’un énigmatique « mouvement de la pensée » qui pouvait en faire purement et simplement abstraction, chose inouïe à mes yeux, pour disputer de cet auteur.
Négligeables, telles quelles, les conceptions sur l’espace et le temps, le génial rattachement de facultés formelles nécessaires comme les mathématiques et la géométrie à ces derniers, le développement de l'"analytique transcendantale", tout cela au regard « d’une seule chose qui vaille » dont on ne sait toujours pas ce qu’elle pourrait bien être ?
Détrompez-vous, il n'y a dans aucun domaine, et certainement pas en philosophie, "une seule chose qui vaille", qui vaille pour tous également ; cela n'a pas grand sens. Or vous continuez obstinément à rebattre cet impératif de l'inévitable référence originelle, comme si elle devait être une évidence acceptée d'emblée, sans quoi, cela tombe sous le sens, on sera non moins inévitablement dans l'erreur.
J'ai toujours eu, à ce propos, à un certain moment envie de vous demander tout à trac : « mais enfin, de quoi parlez-vous exactement ? »
Et voilà que vous me reprochez maintenant, entre autres gracieusetés, de ne pas répondre à vos arguments, le pompon, quoi.
Il arrive parfois, hélas, qu’on soit d’avance un peu lassé de devoir lire l’autre, que cela devienne un pensum ; je crois que nous en sommes là, mais je ne sais si la question d'éventuelles affinités y soit pour quelque chose.
Utilisateur anonyme
30 août 2012, 08:55   Re : L'erreur d'aiguillage
(Message supprimé à la demande de son auteur)
30 août 2012, 09:28   Re : L'erreur d'aiguillage
Juste ceci, Messieurs. Je ne comprends, bien sûr, pratiquement rien à la substance de vos propos et pourtant je vous lis et relis, j’attends la réponse de chacun, sentant bien que ce jouent là des options essentielles en même temps probablement qu’un formidable quiproquo. Je serais navré que l’épilogue ait lieu à Jérusalem sans pouvoir en être.
30 août 2012, 22:07   Re : L'erreur d'aiguillage
» (c'est pas moi qu'a commencé, M'sieur !)

Cher Didier, je vous l'accorde.

S'agissant de "reprise", et de mésentente, et puisque vous l'avez mentionné, vous oubliez tout de même un peu rapidement qu'il n'y avait aucune approche "caricaturale" du fragment d'Héraclite, mais bien une méprise, et qu'une lecture un peu attentive du message, et surtout de sa phrase liminaire (je viens d'y rejeter un coup d’œil) aurait pu tirer cela au clair.
Si jamais ce fragment est caractéristique de quoi que ce soit, c'est, en somme, d'une mésentente sur la mésentente.

À propos de l'absence de clôture dans le système "complet" de Kant, c'est bien entendu, mais pour ce qui est de la Première Critique, c'est plus délicat à établir : c'est, me semble-t-il, justement cette clôture du système de la nature et de la phénoménalité, à quoi est vouée la raison pure, que la Deuxième Critique s’évertue à battre en brèche, littéralement ; mais je pense que nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.
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