Pour commencer, et comme le démontre dans son livre, chiffres à l’ appui jamais contestés, l’historien Daniel Lefeuvre, ce ne sont pas les immigrés nords –africains qui ont reconstruit la France mais essentiellement les ouvriers français qui y ont travaillé d’arrache-pieds répondant à l’appel du parti communiste en échange de la présence de ministres communistes dans le gouvernement du général De Gaulle. Comme le souligne l’auteur : « Tous les historiens de l’économie française s’accordent pour estimer qu’en 1950 –51, la France s’était relevée des destructions de la guerre. Cinq à six ans d’efforts considèrables ont été nécessaires pour parvenir à ce résultat. En 1951, 150 000 Algériens et moins d’une dizaine de milliers de Marocainset de Tunisiens en France se trouvent soit moins de 1 pour cent de la population active (et dont un plus de la moitié sont au chômage !) »
Daniel Lefeuvre continue ensuite :
"Cette certitude désormais gravée dans les évangiles de la bien-pensance repose pourtant sur une lecture partielle -- et donc partiale -- d'une réalité autrement plus complexe. La lecture partielle se fonde sur un constat statistique : en 1952, 71 pour cent des nord-Africains travaillant en France sont des manoeuvres, 24 pour cent des OS et seulement 5 pour cent, des ouvriers qualifiés. A Renaud-Billancourt 95 pour cent des ouvirers algériens sont manoeuvres ou OS. Incontestablement , les ouvriers algériens se situent donc bien aux échelons les plus bas de la hiérarchie ouvrière. Mais de partielle la lecture devient partiale dès lors que de ce constat on glisse vers l'idée qu'ils se substitueraient désormais aux Français absents de ces postes, c'est-à-dire que le monde des manoeuvres et des OS serait essentiellement peuplé de travailleurs coloniaux. Or si l'on observe l'origine des ouvriers qui occupent ces emplois, on trouve d'abord des ouvriers français, puis des ouvriers italiens, belges, espagnols, polonais, etc.,qui, sur ce plan, partagent le sort de leurs camarades nords-africains.
Renaud-Billancourt, premier employeur d'Algériens, occupe 19 000 maneouvres et 0S au début de 1950. Sur ce total, 3 200 sont nords-africains, soit moins de 17 pour cent. Autrement dit les quatre cinquièmes des ouvriers les plus humbles de Billancourt ne viennent pas d'Afrique mais des régions de France et des pays voisins de l'Europe.( ...) Ce qui nous mène à examiner un autre volet de la propagande repentante: "On les a fait venir quand on a eu besoin d'eux".(...) Contrairement à la légende, ce n'est pas dans les besoins de l'industrie française, quelques cas d'espèce exceptés, qu'il faut chercher l'origine de l'immigration massive des Algériens dans la France de l'après-guerre et des trente glorieuses. Le patronat français n'est pas allé sur place enrôler la main d'oeuvre algérienne. Pourquoi d'ailleur se serait-il lancé dans un racolage coûteux alors que les candidats se pressent aux portes desusines ? (...) Comment expliquer d'ailleurs le paradoxe d'une main d'oeuvre qu'on aurait fait venir alors qu'elle est frappée par un chômage massif ? En 1953 115 000 des 220 000 algériens présents en France sont au chômage, à un moment où les statistiques officielles enregistrent au total 179 000 demandes d'emploi non satisfaites.(...)
Tout au contraire les patrons se sont longtemps montrés rétifs à embaucher les Algériens et ce, dès les années 20 jusqu'à l'indépendance de la colonie, pour insuffisance de qualité professionnelle. »
Autrement dit, ce ne sont pas parce que les Français ne voulaient pas faire les « sales boulots » que l’on a fait venir des Algériens d’Afrique du nord mais, exactement le contraire. Les Algériens, dans les années 50, sont venus d’eux-mêmes encouragés par l’état français qui, dans l’espoir de maintenir la paix en Algérie, les a imposés au patronat lequel eût de beaucoup préféré s’en tenir aux Polonais et aux Italiens. Toutefois, par le fait de cette immigration, y compris européenne, les salaires se sont maintenus bas, si bas que nombre de Français sollicités par d’autres métiers auxquels, grâce à l’efficacité de l’école républicaine, ils pouvaient prétendre, ont commencé à laisser les moins bien payés aux immigrés pour accéder à de mieux rémunérés, et non pour se tourner les pouces.
D’ailleurs reprocher aux "Fdesouche" d’avoir soi disant refusé les « sales boulots » à l’heure où la discrimination positive les évince de travaux peu qualifiés que, compte tenu de la crise, certains d'entre eux voudraient bien faire, est particulièrement mal venu !