Le site du parti de l'In-nocence

Déconstruire la notion d'auteur

Envoyé par Marc Briand 
06 septembre 2012, 17:27   Déconstruire la notion d'auteur
Là, j'ai du mal à comprendre. Où veut-on en venir ? Comment Internet peut changer la perception que l'on a de l'auteur, de ses droits, de son existence ? N'y aurait-il pas une prétention insolente et ridicule à vouloir parler de choses qui nous dépassent ?
La Croix
Bon, il s’agit d’expliquer qu’un quidam qui a pondu un mémoire, une thèse, un « roman », en pillant une phrase sur deux sur la Toile, n’est pas moins auteur que, par exemple, Walter Scott, exemple embarrassant d'écrivain écrivant tout seul dans son coin, et ne disposant même pas d’un chauffage central. A priori, si on est devant un texte auquel ont mis la main Pierre, Paul et Jacques, et qui a fait l’objet de réunions et de concertations, il est clair que tous les gens qui se trouvaient à ce moment-là dans un périmètre d’un demi-kilomètre, y compris le chauffagiste et la femme de ménage, sont auteurs, et auteurs à part entière, et pas moins auteurs que Stendhal ou que Flaubert, par exemple !
"La représentation romantique d’un auteur qui écrit seul dans l’isolement de son bureau est encore très forte. Or, produire un texte littéraire a toujours été un acte social et collectif. L’autoédition et l’écriture collaborative viennent donner corps à cette idée. Internet contribue à redistribuer les rapports d’autorité intellectuels et à déconstruire la notion d’auteur."
Voilà un exemple de propos péremptoire qui enfile avec l'aplomb du scientiste ravi les plus grosses contrevérités. C'est non seulement le strict contraire qui est le vrai mais ce n'est au mieux que niaiseries sans le moindre intérêt spirituel. Aucune pensée, du vide emballé dans un jargon prétentieux (et ce verbe déconstruire... Au secours !).
Citation

On est en droit de redouter que l'ensemble de la bibliothèque universelle, une fois numérisée, ne soit plus lisible que sous la forme d'emprunts fragmentaires, de feuilletage virtuels, de visites citationnelles, de zappings littéraires, la lecture obéissant à une sémiologie primaire (iconique, fléchée, « rafraîchie », résumée, copiée-collée) qui nous débarrasserait de toute idée de continuité et d'intégralité, voire d'oeuvre, de manière qu'il n'y ait, enfin, plus d'auteurs ni de lecteurs mais des logos littéraires et que seul demeure l'usage ludique d'une littérature virtuelle, sans cesse revisitée, réécrite, rasée, relookée, bref moins lue que vue (sinon entendue sous forme de bruit de fond) – la vieille question de la mise à l'index devenant en outre inutile et le relookage du Nom de la Rose allant dans le sens de la non-lecture, du moins d'un minimalisme « culturel » qui l'apparente aux formes les plus méprisables de la sous-littérature.

(Richard Millet, Langue fantôme, p.14-15)


Pour compléter l'article de La Croix. On est fondé à craindre qu'Internet ne finisse par tuer le livre, en rendant la notion d'auteur tout à fait désuette. Il est paradoxal de le dire par ce même moyen de communication, néanmoins l'inquiétude est légitime.
Dans un reportage vu récemment à la télévision, dont le sujet était le remplacement progressif du livre par les e-books, on voyait une jeune française "nomade", qui se trouvait à l'autre bout du monde au moment du reportage, faire l'apologie de sa liseuse : elle pouvait transporter avec elle 476 ouvrages (je crois bien que c'est le chiffre exact) dans son petit objet presque immatériel. Il est évident que le lecteur se transforme peu à peu en butineur superficiel, en touriste de la littérature. Il "visite" les classiques à la douzaine, sans jamais les lire vraiment, comme l'arpenteur frénétique des salles de musées jette un oeil impavide à des centaines de toiles, sans jamais les regarder vraiment.
10 septembre 2012, 15:46   Re : Déconstruire la notion d'auteur
"A priori, si on est devant un texte auquel ont mis la main Pierre, Paul et Jacques, et qui a fait l’objet de réunions et de concertations, il est clair que tous les gens qui se trouvaient à ce moment-là dans un périmètre d’un demi-kilomètre, y compris le chauffagiste et la femme de ménage, sont auteurs, et auteurs à part entière, et pas moins auteurs que Stendhal ou que Flaubert, par exemple !"
Excellent !
Remarquez qu'avec le concept en vigueur dans l'éducation nationale de "communauté éducative" dont font partie, avec les professeurs, les femmes de ménages (pardon : les techniciennes de surface ), le jardinier, le cuistot, le concierge et son toutou, on n'est pas loin de la chose.
Utilisateur anonyme
10 septembre 2012, 18:11   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Je pense que nous sommes en pleine confusion. Un e-book de Renaud Camus a un auteur, Renaud Camus, pas Mazarine Pingeot.
Le problème des créations collectives dépend du contrat (ou du règlement administratif) et est le même pour le support papier et le support électronique.
Ceux qui plagient une phrase sur deux ressortissent du droit pénal.
Quant à savoir si posséder 476 livres sur sa liseuse favorise la lecture papillonnante, je pense que c’est une question d’éducation à la lecture qui se pose aussi pour les personnes dotées d’une bonne bibliothèque papier qui comprend bien plus que 476 titres.
"La représentation romantique d’un auteur qui écrit seul dans l’isolement de son bureau est encore très forte. Or, produire un texte littéraire a toujours été un acte social et collectif ». C’est grotesque, nous sommes bien d’accord.
476 livres numériques sur un seul support et 476 livres imprimés rangés dans une bibliothèque, ce n'est pas tout à fait la même chose. Le type de lecture n'est pas le même. Pour le dire avec Marshall Mc-Luhan, le médium c'est le message.

Lu cet été dans le Figaro à propos de la liseuse Kindle :

Citation

Amazon poursuit, lui, sa stratégie d'encerclement. Le distributeur vend ses terminaux à perte pour soutenir la demande. Il a ajouté un service de prêt d'e-books et d'autoédition. Grâce à des mouchards placés dans ses liseuses, il collecte des données sur les pratiques de lecture des possesseurs de Kindle - temps de lecture, passages annotés, genres préférés. Des données qu'il pourrait exploiter pour s'adresser désormais directement aux auteurs...

Source
476 livres dans une tablette de poche, c'est un seul livre découpé en 476 parties hétéroclites. Il doit être assez naturel pour un néo-lecteur d'avoir une centaine de livres en cours, jamais finis de lire (quand un gros lecteur traditionnel -- à l'exception des chercheurs et des boulimiques --.pouvait en avoir cinq à dix au maximum, et parvenait à les lire tous). La fragmentation de la lecture peut-elle être évitée dans ces conditions ?
Utilisateur anonyme
10 septembre 2012, 19:38   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Citation
Olivier Lequeux
476 livres dans une tablette de poche, c'est un seul livre découpé en 476 parties hétéroclites. Il doit être assez naturel pour un néo-lecteur d'avoir une centaine de livres en cours, jamais finis de lire (quand un gros lecteur traditionnel -- à l'exception des chercheurs et des boulimiques --.pouvait en avoir cinq à dix au maximum, et parvenait à les lire tous). La fragmentation de la lecture peut-elle être évitée dans ces conditions ?

Encore ici ce n'est pas une question de matériel mais d'éducation à la lecture.
C'est une grande question Olivier. L'esprit du lecteur doit posséder une plasticité, ou élasticité, je ne sais trop, devant lui permettre de lire, aborder, percevoir, ressentir 476 livres dans un seul tire (La Chartreuse de Parme, par exemple, contient 476 livres, si l'on veut bien se donner la peine ou le plaisir d'y appliquer son esprit et son goût). Chaque ouvrage littéraire digne de ce nom renferme, pour le lecteur, tous ceux qui ont traversé l'esprit de son auteur. C'est ainsi que la pénurie de livres (situation de captivité, condition du voyageur sans bagage ou presque, etc.) se trouve souvent compensée par une pénétration verticale des ouvrages disponibles, compensée par de la profondeur.
Pourquoi appliquer son intelligence à quelque chose qui n'a visiblement rien à voir avec ça ?

Ces machines sollicitent les yeux.

Or on ne lit pas avec les yeux, on lit avec les oreilles. La lecture est affaire d'écoute : fragmentations, échos, méprises et reprise, ceci cela, à votre guise.

Cela s'apprend-il ? Peut-être. Cela se forme, plutôt. Mais comment ? Qu'est-ce qui nous appelle à lire ? Le désir très particulier de faire corps.

Ces machines sont la projection par le génie humain d'un désir, appliqué au domaine technologique : placer hors de notre corps le lieu où se fonde et s'opère la lecture ; discrètement mais sûrement, elles témoignent que nos sens s'affaiblissent, que notre corps décline, que nous lui faisons de moins en moins confiance.

C'est ainsi que nous nous apprêtons à l'améliorer.

Les machines ne menacent pas la lecture, pas plus qu'elles ne la transformeront : les machines ne permettent pas la lecture ; c'est d'y avoir renoncé qu'elles existent, c'est à y renoncer qu'elles servent. Je ne parle pas de l'intérêt de ces objets comme gadget et outil. Qu'on se comprenne... La question s'infléchit alors pour devenir : qui désire lire, autrement dit qui désire encore ?

P.S. :
Vous préférez, cher Didier Bourjon, parler de reprise, d'exigence et de radicalité. Renaud Camus a créé un mouvement dont ce site révèle combien il existe ici, comme ailleurs, des gens d'une compagnie hautement désirable. En somme, une société. Vous la désirez voir élargie à l'ensemble de notre pays. Il est probable, sinon certain, que ce désir et ce lieu ne coïncident pas par hasard.
Ce lieu c'est la France.
Il y a eu un miracle grec. Il y a eu de grands empires. Des royaumes, des nations en Europe se sont succédé pour étendre leur influence jusqu'aux confins du monde.

Et il y a eu un miracle français.

Ce miracle repose sur la promotion de la délicatesse et, bien sûr, de la galanterie.

C'est la manière dont nous avons considéré les femmes qui nous distingue de tous : nous avons appris à la terre à être poli et séduisant.
Ce n'est pas rien.
Et nous voici, désormais contraints de tout devoir refaire : voilà pour le voile, voilà pour l'Islam.
Que tout cela soit éminemment politique : oui, mille fois oui. Qu'il faille une reprise, exigeante, radicale, mais oui, oui encore. Comment rompre la surdité aménagée jour après jour par tout ce bruit, ce grotesque verbiage, dont les In-nocents se lavent à longueur de fils ? Peut-on créer les conditions d'une écoute ? Peut-on re-faire société ? "Pitié, pas Sollers", imploriez-vous. Ne vous déplaise, je le re-cite :
"Le moins de société possible."
Le parti en appelle à une sécession scolaire. Former des élites pour le pays. En finir avec le mensonge éducatif et son intolérable jeu de dupes. À tout cela, je ne peux que souscrire. Mais je vous demande, sincèrement, s'il ne faudrait pas en même temps qu'envisager un engagement prosélyte, songer à une solution de replis. La sécession, c'est nous qui devons la faire, et qui d'ailleurs avons pour beaucoup commencé à accomplir ce projet ou à s'y préparer. La France, c'est désormais nous, et tant d'autres. Il faut les retrouver, les aider quand les circonstances le commandent et songer à la suite des opérations. C'est entendu, nous sommes en guerre. Une guerre d'un nouveau genre, comme à chaque fois. Une guerre de l'esprit. Il y a déjà beaucoup de victimes. Victimes bien réelles. Mais nous avons beaucoup plus d'atouts qu'on ne nous en prête.

Si tel est votre état d'esprit, alors je suis avec vous.
P.S. : Je vous laisse bouter le guillemet anglais hors du post, n'incommodons pas Stéphane Bily.
Utilisateur anonyme
11 septembre 2012, 01:48   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Cher Nicolas (et c'est valable pour tous les utilisateurs de PC ici), pour obtenir ces deux merveilles : « et », il suffit de taper Alt 174 et Alt 175. Et hop !
"Les machines ne menacent pas la lecture, pas plus qu'elles ne la transformeront : les machines ne permettent pas la lecture ; c'est d'y avoir renoncé qu'elles existent, c'est à y renoncer qu'elles servent. Je ne parle pas de l'intérêt de ces objets comme gadget et outil. Qu'on se comprenne... La question s'infléchit alors pour devenir : qui désire lire, autrement dit qui désire encore ?"

Magistral, et tout simplement beau, Cher Nicolas. Vous touchez au coeur même du problème.
"[...] Dès qu'on est devant l'écran, on ne perçoit plus le texte comme texte, mais comme une image." (Baudrillard, Ecran total)
Baudrillard est à la lecture ce qu'Afflelou est à l'optique.
Et que faisons-nous encore devant notre écran à 2 heures 22 du matin... ?
On est sage comme une image.
Utilisateur anonyme
11 septembre 2012, 03:03   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Moi, ch'suis fini.
"Ce miracle repose sur la promotion de la délicatesse et, bien sûr, de la galanterie. "

Permettez que je je vous reprenne, cher Nicolas, c'est en France qu'est née la Courtoisie qui suppose délicatesse, galanterie, dévouement, etc.

Mine de rien, c'est en France qu'est née la polyphonie.
On écrit pour être lu, cher Marc, et non repris.

Je reprends donc.

Le problème, c'est le devenir du corps humain. Il est l'enjeu du mouvement thanatique en cours : transformer l'homme. Rien de moins. Violences physiques, troubles mentaux, soins, thérapies, désaffiliation, mise à l'encan des matrices, pornographie, vulgarité, puritanisme, et cetera, et cetera... Qu'est-ce donc là ? L'aube de la fin des sens, l'adieu au corps.
Pour parachever la transformation, on agit sur le langage, c'est ainsi qu'on déréalise à coup sûr. Cela donne la systématisation des figures falsificatrices ou de détour que sont l'antiphrase, la litote ou l'euphémisme. Le résultat, on le connaît : incapacité de nommer le réel, quelque réel que ce soit d'ailleurs. Fin de l'adéquation de la pensée à la chose, révocation en doute de la présence au monde. "Langue fantôme" ? Corps zombie. Vous me rappelez le mouvement courtois ; or vous le caractérisez par des termes qui se rapportent à un autre, la Préciosité. Je songe à la carte du Tendre...
S'agit-il, oui ou non, d'en faire notre pays ?
Toute bonne renaissance est précédée d'un retour aux sources. La sédentarisation des cours permet l'essor d'un art de vivre dans lequel les clercs jouent un rôle important. Recherche de distinction et imitation des saints sont deux voies qui peuvent se confondre. La leçon pour notre temps est surtout celle de domination de soi et de l'exaltation des valeurs courtoises. La distinction n'est pas indifférente à l'hommage de la force.
C'est bien ce dont je pressens ici le bourgeonnement...

"La distinction n'est pas indifférente à l'hommage de la force."

En effet ?
Utilisateur anonyme
13 septembre 2012, 19:04   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 08:49   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Citation
Marc Briand
Toute bonne renaissance est précédée d'un retour aux sources. La sédentarisation des cours permet l'essor d'un art de vivre dans lequel les clercs jouent un rôle important. Recherche de distinction et imitation des saints sont deux voies qui peuvent se confondre. La leçon pour notre temps est surtout celle de domination de soi et de l'exaltation des valeurs courtoises. La distinction n'est pas indifférente à l'hommage de la force.

Cher Marc, toute bonne renaissance est précédée, avant le retour aux sources, par quatre à cinq siècles de barbarie. C'est un peu notre problème.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 08:58   Re : Déconstruire la notion d'auteur
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 09:04   Re : Déconstruire la notion d'auteur
Citation
Didier Bourjon
Heureusement : dans notre "monde", l'histoire s'accélère sans cesse...

Seulement deux siècles alors, tout va bien.
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