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Menus signes du Désastre

Envoyé par Phil Steanby 
06 mai 2008, 12:19   Menus signes du Désastre
Bonjour,

Je tiens à remercier Marcel Meyer de m’accueillir si chaleureusement au sein de ce forum, et le prie moi-même de croire à ma plus grande considération.
N’étant guère accoutumé à échanger des vues avec qui que ce soit sur Internet — c’est en effet la première fois que je me livre à ce genre d’excentricités (puissiez-vous prendre ceci en bonne part) —, et surmontant l’espèce d’aversion naturelle qui m’avait jusque là retenu à l’écart de la Toile pour en scruter si dédaigneusement les miasmes, je décide donc de me jeter à l’eau, convaincu, après maintes avides lectures des conversations qui ont cours sur le forum de Renaud Camus dont je suis un très fervent — bien que précoce — admirateur, que je ne pourrai avoir affaire ici qu’à des gens dont je partage, sinon les vues, du moins une certaine considération pour la langue elle-même ainsi qu’une forme inusitée de courtoisie qui n’a plus cours dans les conversations ordinaires, urbanité dont c’est trop peu dire que, tombée en désuétude dans les autres forums, elle condamne les personnes dont elle déserte l’esprit (et parce qu’elle ne compte plus parmi leurs préoccupations majeures) à ne plus émettre de jugements que stéréotypés ou péremptoires. Je voudrais donner ici quelques exemples de ce burlesque contemporain dont — Dieu ait son âme — Philippe Muray eût certainement fait ses délices. Je me propose de vous livrer régulièrement certains des exemples les plus frappants qui me tomberont sous la main (plût à Dieu que je fusse en mesure de les citer tous ! ce serait un signe de bon augure), de ce que Renaud Camus lui-même (dont la lecture a, parmi tant d’autres mérites, celui d’aiguiser notre perception) appelle le « Désastre ».


Voici le comble du raffinement. Il ne s’agit pas d’un poème municipal (dont j’ai pu voir sur ce forum, il y a quelque temps, quelques beaux spécimens), mais d’un poème anonyme qui a valu à son brillant auteur (Jean-Paul R.) — et ce, par la bénédiction de la RATP qui organisait le concours — d’avoir l’insigne honneur de voir figurer son chef d’œuvre, à l’instar des plans du réseau ferroviaire, sur les quais du RER B de la banlieue sud de Paris. Le concours de poésie avait pour objet : « La ville comme je l’aime ». Mais je ne voudrais pas vous faire languir davantage ; voici le poème en question (qui me semble, à tous égards, admirable ; se contraindrait-on à raisonner dans le cadre idéologique étroit de ces gens-là pour en mimer laborieusement les frasques, que ce que nous produirions avec peine n’offrirait qu’une image lointaine de ce qui, dans ces hautes sphères, semble pouvoir naître de manière spontanée, sans effort et sans le concours de la moindre délibération — jugez-en plutôt par vous-mêmes):



J’aime ma ville à six heures
Quand le métro parle wolof et bambara
A dix heures quand les musées parlent russe et japonais
A midi
Quand la pizza parle espagnol et hindi
L’après-midi
Quand les bars parlent anglais et chinois
Le soir
Quand la rue parle tamazight et tamoul
J’aime ma ville à minuit
Quand je cherche ma rue
J’aime ma ville
Quand je ne la comprends plus


(Jean-Paul R.)


Si outré que paraisse l’exemple, je vous prie de croire que j’eusse aimé tout avoir composé pour vous divertir plutôt que de l’avoir trouvé exposé sur un quai de gare ; mais — trois fois hélas !— il n’en est rien.
J’attire votre attention sur le caractère véritablement tragique des deux derniers vers (dont l’auteur, en les écrivant, était bien évidemment loin de soupçonner qu’on y pût déceler quoi que ce soit qui ressemblât à la mélancolie) qui décrivent une vérité effective, le drame de certaines personnes ne reconnaissant plus rien de ce qui jadis leur fut si cher, et qui fut celui, peut-être, de la génération de mes grands-parents qui ont vécu à l’époque des plus grands bouleversements moraux, technologiques et démographiques de l’histoire humaine, et dont j’admire malgré moi la capacité d’adaptation, tant il est vrai que « l’homme est un animal qui s’habitue à tout », ainsi que l’affirmait Dostoïevski, dans le roman qu’il tira du souvenir de ses années de détention — pouvoir de s’accommoder peu à peu de tout que je ne redoute pas moins moi-même, et qui plonge dans l’effroi un jeune homme qui se souvient lui aussi, à la manière d’un vieillard, d’avoir connu l’époque, pas si lointaine, où Internet et téléphones portables n’existaient pas.

Cordialement,

Stéphane Bily
Ne peut-on supposer que ce «««««poète»»»»» (il fallait bien ça !) n'a jamais rien compris à sa ville, ni à rien d'autre, et qu'il a enfin trouvé une excellente excuse à sa sottise ?
Utilisateur anonyme
06 mai 2008, 13:27   Re : Menus signes du Désastre
Très élégante entrée de M. Bily...


.........................................
"et qu'il a enfin trouvé une excellente excuse à sa sottise ?"

Cher M. Goux sachez bien qu'un poète de ce calibre-là ça ne s'excuse pas ! Soit on le comprend (comme ces fins liseurs de la RATP), soit on passe son chemin !
06 mai 2008, 14:07   Re : Menus signes du Désastre
Au sujet de la disparition de la courtoisie,

Il y a quelques semaines, lorsque je m'inscrivis sur ce forum, je voulus aussi remercier Marcel Meyer "de m'accueillir si chaleureusement au sein de ce forum". Toutefois je ne le fis pas.
La réponse que je reçus à ma demande d'inscription me sembla être un simple automatisme (ce qu'est, en partie, la politesse), voire le message d'une machine. Le 'contexte internet' n'est décidément pas propice à la politesse. J'ai servi ce contexte, honte à moi ! Ainsi, j'agis comme j'agis lorsque, conversant (dans la mesure du possible) avec certains jeunes, j'hésite à formuler mes interrogations correctement : " je peux te demander quelque chose ? ".

En m'excusant d'avoir pris Marcel Mayer pour une machine ou un jeune, et de ne pas l'avoir fait plus tôt, je tiens donc, moi aussi, à le remercier de m'accueillir chaleureusement au sein de ce forum, et le prie également de croire à ma plus grande considération.

PS : qu'on n'hésite pas à corriger mon approximative ponctuation.
Vous avez raison, Monsieur Orsoni. Je passerai donc...
Eh bien, soyez les bienvenus tous les deux ! C'est bien moi en effet qui accueille les nouveaux par un mot les informant de la validation de leur inscription. J'essaie de le formuler courtoisement mais je dois avouer que c'est en gros le même à chaque fois.
Utilisateur anonyme
06 mai 2008, 14:58   Re : Suspicions
Bon, cher Marcel, il arrive parfois que, parmi "les nouveaux", se glissent d'anciens, plus ou moins nouvellement effacés, qui, dans l'outre nouvelle d'un frais pseudonyme, cèlent un vin ancien, recraché en son temps par le goûteur officiel du site. Mais cette opiniâtreté à "en être" et à revenir encore et toujours, en dépit des rebuffades, n'est-elle pas finalement une forme d'hommage rendu à l'intérêt de ce forum et à la qualité des échanges qui le nourrissent ?
Utilisateur anonyme
06 mai 2008, 15:01   En être, y paraître
Quand je cherche ma nue
J’aime mon forum
Quand je ne le comprends plus
Cher Monsieur Meyer,

Ayant cru, tout comme Iphark, que le message de bienvenue consécutif à mon inscription était le résultat d'un automatisme, je tiens également à m'excuser de ne pas vous en avoir remercié. Je présente aussi mes excuses aux membres de ce forum, au milieu de qui je suis arrivé sans crier gare, tombant du ciel en bon moineau que je suis.
Que chacun veuille bien ne pas m'en tenir rigueur.
Vous êtes tout excusés, tous aurant que vous êtes, vrais nouveaux, revenants ou autres, mais utilisons plutôt pour les échanges de ce genre la boîte aux messages privés ou même les adresses courriel lorsqu'elles sont accessibles.
Qui prend-on pour un revenant ici ? Je ne m’attendais pas à ce que mon entrée sur ce forum suscitât tant de remous parmi ses utilisateurs ; par ailleurs je leur sais gré d’avoir témoigné à mon endroit tant de bienveillance (savez-vous que cela est très peu fréquent sur Internet ?), qui n’est certainement due qu’à l’immense considération dans laquelle ils semblent tenir l’auteur du joli « poème » sur la ville métissée.
Mais ne doutez pas, Corto, je vous prie, de mon honnêteté : je suis réellement un nouveau venu, et non un vieil habitué désireux de redorer son blason en arborant un nouveau pseudonyme (ou bien peut-être ai-je mal compris de quoi il était question). Et moi qui ne voulais pas trop me faire remarquer…

Par ailleurs, il m’est souvent arrivé de penser, du reste à tort, et non sans quelque orgueil déplacé, que j’étais seul à sentir l’absurdité de certaines choses, comme ces « poèmes » d’amateurs étalés sans ménagement en pleine rue au nez de tous les passants et dont la lecture vous emplit de honte, vous rabaisse et avilit l’âme au dernier degré, ces minables « Printemps des Poètes », le langage ordurier des unes et des publicités (telle, ce mois-ci, la couverture de la revue Marianne, arborant ces lettres immondes sur la photographie de Nicolas Sarkozy : « PUTAIN, quatre ans », et des milliers d’autres simagrées non moins conformistes ; et je m’ébaudissais en silence de mon intelligence et de ma pénétration, tant me semblaient nombreux ces indifférents qui, jetant les yeux partout, ne savent rien voir, et qu’un mot mal orthographié, qu’une phrase claudicante, n’insultent ni n’embarrassent, ou qu’un défaut de culture ou de savoir-vivre, fût-il minime et les concernât-il au premier chef, n’afflige ni ne désespère. Bien des lectures m’avaient certes depuis longtemps suggéré que telle n’avait pas été toujours la normalité, mais m’attristait de penser que nul écrivain n’avait, à ma connaissance, su mettre en forme une manière de louange des convenances, d’une façon qui ne fût point celle des manuels de savoir-vivre mais touchât de très près à la métaphysique, qui fût celle d’un certain mode d’être au monde tombé en déshérence (et qui, lisant Proust, n’eût point souhaité pareille chose, ou fût seulement en mesure de résister à l’irrésistible sanglot qui vous étreint le cœur à la pensée que ce sont les grandes choses qui meurent, et non l’inverse ?). C’est qu’alors je n’avais pas découvert, dans le recoin noyé d’ombre d’une librairie parisienne — loin de douter qu’il baignait là dans son élément naturel et qu’à dessein l'enveloppât de son regard maternel une ombre si propice — le petit livre de Renaud Camus qui s’intitule Eloge du Paraître, et qui comblait, avec son Journal que je m’empressai aussitôt d’acheter, mes plus grandes espérances : savoir qu’en ces temps si confus se trouvât une œuvre, et peut-être quelques autres livres qu’il me tardait de découvrir (et auxquels la liaient certainement une étroite connivence), qui contînt tout un monde, et qui fût en mesure de livrer à ses lecteurs les instruments de perception dont, pour la plupart et de bien cruelle manière, ils manquaient ou avaient délaissé l’usage ! Que son auteur en soit modestement remercié ici.
Bienvenue à vous, Monsieur !
Et bénie soit la librairie où vous avez pu découvrir Renaud Camus.
Utilisateur anonyme
06 mai 2008, 21:34   Re : Dieu reconnaîtra les siens
Mais vous n'êtes pas en cause, cher S. Bily, et votre venue est fort et, semble-t-il, unanimement appréciée.
06 mai 2008, 22:23   Re : Menus signes du Désastre
Oh, vous savez... A quoi bon se défendre ? Internet est décidément un endroit merveilleux, il fait de nous de suspects suspicieux. Je pourrais écrire mon véritable nom (Saket) ou mon prénom (à peine dissimulé dans mon pseudonyme), et, dans ce monde meilleur que celui de 1984, prendre ainsi le 'risque' d'être "googlé" par un hypothétique futur employeur, que cela ne changerait rien.
Le cauteleux ne sera pas plus soulagé par mon nom que par mon prénom, mon numéro de sécurité sociale, mon adresse, mon groupe sanguin ou tout ce qu'on voudra. Quelle preuve aurait-il de mon honnêteté ?
En l'occurrence, une des seules choses dont le suspicieux puisse se prévaloir est la courtoisie dont je fais preuve (puisque je n'ai encore rien écrit, ou presque). De la même manière, faute d'être certain de l'identité de Corto, par exemple, je me contenterai de sa courtoisie et de son bon accueil.
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