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L'épicerie sociale: une spécificité française

Envoyé par Francis Marche 
Vu au journal télévisé de ce soir qu'il existe en France un réseau "d'épiceries sociales". Le sujet montrait une dame, plutôt jeune, plutôt bien mise, sans tare apparente, pas unijambiste ni étique ou en surpoids, la mi-trentaine, être accueillie dans une magasin d'alimentation "comme les autres sauf que". Sauf que quoi ? Produits frais, tomates, lait, produits de maquillage, lui sont comptés au prix courant jusqu'à la caisse, où la dame paye 20 pour cent de la note, avant de s'en aller, ingambe, séduisante, promettant de revenir, avec un vague mot de remerciement à la collectivité, à "l'initiative solidaire", dans un sourire de bonheur -- ah! ça fait du bien: 40 euros de commissions payés huit!

Bien.

La dame bénéficie de "bons alimentaires du Conseil général", comme en temps de guerre, comme sous l'Occupation, parce qu'elle aurait, pour tout disponible, cinq (5) euros par jour pour son alimentation. Bien.

Il est des millions de gens, dans ce pays même qui, comme moi et comme la plupart d'entre nous ont ZERO euro par jour pour leur alimentation avant de gagner par leur labeur, leurs heures de concentration dans des tâches et des responsabilités ingrates et diverses, prenantes, dévorantes un, dix, cent, ça dépend, euros à consacrer à se sustenter et à s'agrémenter l'existence avec le solde de la sustentation. Ca s'appelle l'économie, la responsabilité individuelle. Ceux-là, ceux que la solidarité ne concerne pas, ont appris ce soir que leurs impôts locaux servaient à certains à se débarrasser, semble-t-il sans limites, sans limites de temps, de cette responsabilité, de cette douloureuse dignité de la contrainte et de l'indépendance.

Je perçois personnellement cette forme de "solidarité" comme un scandale. Je juge profondément inique et révoltant que certains doivent travailler (alors qu'ils aimeraient tant ne rien fiche) pour payer 40 euros de nourriture 40 euros pendant que d'autres, qui pourraient eux aussi travailler, bénéficient d'un régime de faveur qui les exempte de cette contrainte. A quoi occupent-ils leur temps, ces bienheureux du ticket d'alimentation ? A quel bénévolat, service à la société se vouent-ils en compensation de la générosité dont ils bénéficient. On les imagine aidant les vieilles dames à monter les escaliers d'immeuble en leur portant leur cabas, à donner la cueillérée de soupe aux grabataires des hospices, etc. Que nenni!

Voici à quoi ils s'occupent, rendez-vous sur le site des épiceries solidaires

L'épicerie est-elle uniquement un magasin ?

Non, comme dans un iceberg, il y a une face visible le libre service et une autre face plus intéressante : des ateliers. Menés conjointement avec les partenaires locaux, il s'agit, soit de faire passer de l'information sur des sujets des plus variés, alimentation, hygiène, santé, gestion d'un budget, cuisine mais aussi de permettre à ces personnes parfois en situation d'exclusion sociale et professionnelle de se reconstruire. Cela passe par des ateliers sur le maquillage, la coiffure, la présentation générale. Enfin, il s'agit aussi de permettre à ces personnes de se revaloriser aux yeux des autres comme à leurs propres yeux en apportant leurs compétences, car tout le monde a des compétences, des savoir-faire.


Ouf, on respire, on commençait à s'inquiéter. On apprend qu'ils sont dorlotés comme ils le méritent.

On cherche des volontaires pour aller les border le soir en leur lisant des histoires. Merci.
Utilisateur anonyme
30 août 2008, 22:41   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Citation

Je perçois personnellement cette forme de "solidarité" comme un scandale. Je juge profondément inique et révoltant que certains doivent travailler (alors qu'ils aimeraient tant ne rien fiche) pour payer 40 euros de nourriture 40 euros pendant que d'autres, qui pourraient eux aussi travailler, bénéficient d'un régime de faveur qui les exempte de cette contrainte.
Oui, je suis parfaitement d'accord avec vous, cher Francis. D'ailleurs, je suis tellement las de de ce genre de spécificité française et d'avoir à en assumer fiscalement le coût, que je suis en train de préparer mes bagages pour rentrer en Suisse et payer des impôts raisonnables dans un pays qui n'a pas perdu la boule.
Utilisateur anonyme
30 août 2008, 23:06   L'épicerie du ressentiment
"(alors qu'ils aimeraient tant ne rien fiche)"

Mais qu'est-ce qui vous en empêche, Francis, d'aller faire vos courses à l'épicerie sociale et décider d'être "concerné par la solidarité sociale", puisque ce m'a l'air sort enviable.

Et vous Corto, il semble que vous ayez le portefeuille encore plus sensible que le penchant sexuel et nettement moins ouvert aux audaces contemporaines...
"Mais qu'est-ce qui vous en empêche, Francis, d'aller faire vos courses à l'épicerie sociale et décider d'être "concerné par la solidarité sociale", puisque ce m'a l'air sort enviable."

Restons simple et direct: le dégoût que m'inspire un tel dispositif.
Utilisateur anonyme
30 août 2008, 23:32   Re : L'épicerie de l'inéquité
Certes, certes, cher Orimont, je suis un libéral rosé en matière de moeurs et un libéral conservateur en matière économique. Quant à l'audace contemporaine de l'épicerie sociale, je crains de ne pas comprendre....Je suis certain que Francis saura mieux vous répondre.
...auquel s'ajoute le fait plus simple encore que je n'y ai pas droit sachant que je vis de mon travail. La solidarité à la française se définit ainsi: ceux qui travaillent n'ont aucun "droit économique", hormis celui de payer pour ceux qui ne travaillent pas.

Ce dispositif est unique en Europe.
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 08:13   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Oui, une sorte d'hypertrophie monstrueuse et irresponsable de la "solidarité"...
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 09:29   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
" Je juge profondément inique et révoltant que certains doivent travailler (alors qu'ils aimeraient tant ne rien fiche) pour payer 40 euros de nourriture 40 euros pendant que d'autres, qui pourraient eux aussi travailler, bénéficient d'un régime de faveur qui les exempte de cette contrainte."

Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que la dame, sous le charme de laquelle vous êtes visiblement tombé, pourrait, elle aussi, travailler (sous-entendu: si elle le voulait)?
Vous savez bien que, de nos jours, le fait de n'être ni infirme ni débile profond n'est en rien une garantie d'insertion sur le marché du travail; le chômage, en d'autres termes, n'est pas forcément volontaire; et ce n'est pas toujours par choix que l'on se trouve sans revenu.
Et même lorsque l'on travaille, le salaire que l'on perçoit ne permet pas toujours d'assurer une vie décente, normale.
Ceci dit pour détonner un peu.
Ce qui me fait "tonner" est l'iniquité fondamentale de l'accès à ce qui faut bien appeler "les droits économiques". Ceux qui travaillent pour gagner leur pain en sont privés. Une fille de salle qui nettoie les sols d'hôpitaux tous les jours ouvrés de la semaine pour le smic n'a pas droit à payer sa bouffe 20 pour cent de son prix. Elle n'a pas le droit non plus d'escompter que ces privilégiés du ticket d'alimentation viennent lui donner un coup de main, ne serait-ce qu'une heure ou deux par semaines. Apparemment, si j'en crois la prose des épiciers solidaires reproduite ci-dessus, cela ne serait pas assez valorisant pour les bénéficiaires de ces régimes qui ont besoin de se reconstruire, les pôvres...

Ce type de discrimation positive qui serait en soi discutable si les personnes qui en jouissent étaient défavorisées d'une manière ou d'une autre en quelque sorte par la naissance ou le sort, devient à hurler lorsqu'on nous la vend comme moyen d'aider des gens à se reconstruire.

J'ai connu, il y a longtemps, une période sans emploi qui a duré plusieurs mois. J'ai accepté de vivre avec rien, me suis refusé à tendre la main à la porte d'aucun service social, me suis expatrié et ai fini par rebondir au prix de mes efforts, comme en gros 99,99% de l'humanité qui se respecte.
Quel supplice que la lecture de cette bien nommée "foire" aux questions que l'on trouve sur le site des "épiceries solidaires" (et non sociales, cher Francis) !

Existent-ils des épiceries dans d'autres pays européens ?
Combien de temps viennent les usagers dans les épiceries ?
Combien y a t 'il d'épiceries en France ?
Quels statuts ont les épiceries ?
Les épiceries sont-elles ouvertes sur la cité ? A l'idéal, oui, même si l'espace libre service est réservé aux publics passés par le filtre des travailleurs sociaux
(...), etc.

Ad nauseam.
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 15:19   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Prochaine étape : l'épicerie gratuite pour les "sans-papiers"...
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 15:21   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Et les papiers payants pour les sans-épicier fixe ?
L'expression même si l'espace libre service est réservé aux publics passés par le filtre des travailleurs sociaux donne envie de tout casser, de décréter l'abolition de la niaiserie, du camp de concentration social, de proclamer le Réveil, l'ouverture des yeux, la re-abolition des privilèges et des clôtures, le rétablissement de la guillotine et du supplice du pal pour les infirmières sociales et les droguistes de l'assistanat et de la déresponsabilisation, de l'infériorisation douce et condescendante, les cheftaines et cheftains du bovinage contrôlé de l'humain, les agents du parquage organisé de leurs congénères pour le bien laïque et le triomphe d'une certaine "solidarité", toute au profit du solidarisateur et de son cheptel associativisé.

J'espère que leurs pauvres leur chiperont leurs légumes et viendront nuitamment leur faire la caisse, ne serait-ce que pour le plaisir de leur ouvrir les yeux et de se faire justice, de faire justice à la riche et sombre humanité qui doit coûte que coûter rester tapie en eux en attendant son heure.

J'espère que les pauvres ont su rester méchants et cruels, et qu'ils savent, à l'occasion jouer eux aussi aux robins des bois en pillant leurs maudits "bienfaiteurs", rétablissant ainsi leur humanité bafouée dans ses droits.
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 20:50   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Oui, je suis bien d'accord avec vous Francis. Et vous le dites avec un souffle qui me laisse admiratif.
Utilisateur anonyme
31 août 2008, 22:45   Re : L'épicerie du ressentiment
Le dernier message de Francis est en effet animé d'un souffle enviable. Ce n'est pas le cas, à mon goût, des précédents. Les précédents illustrent pour moi la posture qui m'a toujours paru bancale de "ceux qui travaillent" ou "payent des impôts". On ne sait jamais s'ils en tirent de l'orgueil ou s'ils en éprouvent du ressentiment. Peut-être les deux à la fois.

Immédiatement après l'expression du "dégoût" qu'inspire tel ou tel dispositif de l'assistanat, ils croient bon d'ajouter, non sans une certaine aigreur perceptible, qu'ils n'y ont pas droit, eux. Comment faire mine d'enrager à l'idée qu'on n'a pas droit à ce qu'on vient de présenter comme un avilissement de la personne humaine ?

Il faudrait savoir, à la fin, quelle est la nature exacte de la rétribution du travail humain. L'extraordinaire gain immatériel qu'elle prétend offrir produit selon moi de très néfastes conséquences. A partir de conceptions morales où le travail est la seule dignité de l'homme, qui travaille est sauvé bien plus que payé. Ainsi, "ceux qui travaillent pour gagner leur pain sont privés [de droits économiques]. Une fille de salle qui nettoie les sols d'hôpitaux tous les jours ouvrés de la semaine pour le smic n'a pas droit à payer sa bouffe 20 pour cent de son prix." Quoi de plus normal, cependant, à l'aune de la morale en vigueur ? Cette fille n'échappe-t-elle pas à la trois fois maudite oisiveté, mère de tous les vices, ou plutôt, pour dire la même chose en parlure "sciences sociales", patronne de toutes les "déconstructions mentales" ? Cette fille travaille. Qu'est-ce qu'elle veut de plus ? N'est-elle pas largement payée en dignité humaine, en "repères retrouvés" ?

Et comment n'assisterait-on pas, ici ou là, à des accès de niaiserie solidaire, sur cette base "sociétale" où la question du travail est devenue obsessionnelle, l'alpha et l'oméga de toute existence humaine ? Comment s'étonner que ceux qui ne travaillent pas - quand bien même ce serait de leur faute - puissent être considérés comme atteints d'un mal plus terrible que tout, irresponsables, les pestiférés du moment à l'égard de qui il faut aller répétant : pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils ne font pas ?
Joli, Orimont !
Utilisateur anonyme
01 septembre 2008, 00:53   De l'art de la flatterie.
"Oui, je suis bien d'accord avec vous Francis. Et vous le dites avec un souffle qui me laisse admiratif."


(Hum... moins bon flatteur que je ne le pensais. Il ne sait pas "se doser". Il en fait trop. Le bon fauconnier ne lance pas plus d'oiseaux sur la proie qu'il n'en faut pour la prendre.)
01 septembre 2008, 01:19   Re : De l'art de la flatterie.
Mais vous avez du souffle aussi cher Pascal, croyez-en un ancien asthmatique. Vous en faites pas trop pour moi, je ne vais pas lui lâcher mon morceau de gruyère facilement, à ce Corto, je le garderai bien en gueule, quitte au besoin à souffler et siffler mon chant par ses trous.
» un ancien asthmatique

Que fîtes-vous pour en sortir ?
Utilisateur anonyme
01 septembre 2008, 08:59   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
" je ne vais pas lui lâcher mon morceau de gruyère facilement, à ce Corto, je le garderai bien en gueule, quitte au besoin à souffler et siffler mon chant par ses trous"

Oh je sais pertinemment qu'à vous, Francis, on ne "la raconte pas". D'ailleurs vous êtes un homme fait, une personne à point, recherchée des honnêtes gens, qui réconforte de ses conseils, réchauffe par son efficace, charme par sa conversation... (Euh... là j'ai l'impression que, le "dosage", c'est pas très bon... (?))
Utilisateur anonyme
01 septembre 2008, 10:50   Re : Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs
Pour vous, Francis cette Fable charmante de l'aigle et du corbeau :

"L'Oiseau de Jupiter enlevant un Mouton,
Un Corbeau, témoin de l'affaire,
Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton,
En voulut sur l'heure autant faire.
Il tourne à l'entour du troupeau,
Marque entre cent Moutons le plus gras, le plus beau,
Un vrai Mouton de sacrifice
On l'avait réservé pour la bouche des Dieux.
Gaillard Corbeau disait, en le couvant des yeux
Je ne sais qui fut ta nourrice ;
Mais ton corps me paraît en merveilleux état
Tu me serviras de pâture
Sur l'animal bêlant à ces mots il s'abat.
La moutonnière créature
Pesait plus qu'un fromag ; outre que sa toison
Etait d'une épaisseur extrême,
Et mêlée à peu près de la même façon
Que la barbe de Polyphème.
Elle empêtra si bien les serres du Corbeau,
Que le pauvre Animal ne put faire retraite.
Le Berger vient, le prend, l'encage bien et beau
Le donne à ses enfants pour servir d'amusette.
Il faut se mesurer; la conséquence est nette
Mal prend aux volereaux de faire les voleurs.
L'exemple est un dangereux leurre
Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs ;
Où la Guêpe a passé, le Moucheron demeure."
Je résolus d'entreprendre une sortie volontaire et unilatérale du sous-développement.
Utilisateur anonyme
01 septembre 2008, 14:48   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
(V'là qu'maintenant il lui offre une "Fable charmante"... là j'peux plus suivre...)
Utilisateur anonyme
01 septembre 2008, 19:29   Re : L'épicerie sociale: une spécificité française
Bref instant de lucidité ?
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