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Communiqué n° 1444 : Sur quelques fissures dans l'hégémonie médiatique antiraciste

Communiqué n° 1444, mercredi 26 septembre 2012
Sur quelques fissures dans l'hégémonie médiatique antiraciste

Le parti de l’In-nocence croit observer quelques premières fissures dans la totale hégémonie de l'antiracisme dogmatique sur les médias, comme si la vérité enfouie parvenait malgré tout à craqueler ici et là la formidable chape formidablement défendue de l’idéologie régnante. Il pense par exemple à certain reportage diffusé le 25 septembre au journal de 20 heures de France 2, et où il apparaissait bien, ne serait-ce que par implication, que la communauté Rom en tant que telle posait quelque problème à l'ordre public et à la tranquillité des citoyens — ce qui, si pareille fissure s'élargissait, risquerait d'entraîner un fameux ébranlement dans le dogme selon lequel des groupes ethniques, des “communautés”, des cultures, des civilisations il ne faut pas juger tant il est reçu qu’ils sont tous parfaitement égaux, moralement et intellectuellement.

Le parti de l’In-nocence, pour en rester à l'exemple suggéré par l'actualité, est évidemment bien persuadé que nombre de Roms sont parfaitement honnêtes et méritants et que dans cette communauté comme dans toutes les autres il existe des individus remarquables, de grands sages, de grands poètes, des musiciens magnifiques, des universitaires d‘une qualité exceptionnelle, des hommes d’affaires parfaitement rigoureux, des femmes tout spécialement précieuses, par leurs vertus et par leur esprit, non seulement pour les leurs mais pour l’humanité toute entière. Il pense surtout que les individus doivent être jugés comme individus et les groupes comme groupes, sans interférences de ceux-ci sur ceux-là ; mais qu’il n’y a aucune espèce de raison intellectuelle ou morale à s’abstenir de juger les “communautés” ou les “cultures”, car il en va d’elles comme des êtres humains : elles n’ont pas les mêmes relations à l’ordre public, à la propriété, à l'entretien du territoire, au contrat social, au pacte d'in-nocence, à la connaissance ni à rien (et c’est très bien ainsi).

Le parti de l’In-nocence estime que l'antiracisme dogmatique, pour avoir nié ces vérités et empêché de toutes ses forces, y compris la violence et la menace, qu'elles affleurent, a créé un monde totalement imaginaire, où les évidences les plus criantes sont niées jour après jour, ce qui laisse des civilisations entières, des nations, d'anciennes et hautes cultures, empêchées qu’elles sont de reconnaître comme ennemi ce qui leur est ennemi, sans défense aucune contre les évolutions précipitées qui les détruisent. N’importe quel voyageur savait qu’il n’y avait pas les mêmes conséquences à laisser une voiture isolée une nuit durant à Stockholm ou à Palerme. De grands États périssent pour avoir répudié à leur échelle pareille sagesse élémentaire ; et cela au nom d’une prétendue morale qui ne peut pas en être une puisque son pire adversaire est la vérité (celle qui affleurait un peu, pour une fois, dans le reportage de France 2).
Très bon communiqué, fort équilibré. Ledit reportage m'a en effet inspiré ce genre de réflexion.

L'expression « des hommes d’affaires parfaitement rigoureux » est la preuve d'une magnanimité très poussée à l'endroit de cette communauté (ce qui n'est évidemment pas une mauvaise chose).
Je trouve aussi, à ceci près que la dernière phrase m'a un peu embarrassé : toutes les morales ont pour pires adversaires la vérité, autrement dit la conformité aux faits, ce qui est, puisqu'elles sont fondamentalement prescriptives, et relèvent d'un devoir-être ; une morale qui serait parfaitement conforme à la réalité n'aurait elle-même pas lieu d'être, puisqu'elle n'aurait rien à prescrire qui n'existât déjà.
Cher Alain Eytan,

ne partagez-vous donc pas l'idée selon laquelle cette " prétendue morale ", précisément, n'a plus grand chose à voir avec la vertu qu'on lui prêtait autrefois ? Ne faudrait-il pas, à juste titre, la remplacer dans l'esprit et la lettre par une exigence mœursale --- pour reprendre le vocable proposé par Renaud Camus --- qui a le mérite d'être un peu moins galvaudée ?
Ah permettez : il ne s'agit pas pour une morale d’être « conforme à la réalité », il s'agit de ne pas la nier pour se maintenir en place, ce qui est le fait d'une idéologie, pas d’une morale. Une morale ne peut pas faire bon marché de la vérité, qui est une exigence morale de premier plan. Elle ne peut pas dire : « De ceci il ne sera pas parlé car s'il en est parlé je m’effondre » — or c’est ce que fait quotidiennement et massivement l‘idéologie antiraciste dogmatique (contrairement à la morale antiraciste), qui est un empêchement de dire de tous les instants.
Le communiqué parle très justement d’une prétendue morale, et en effet c’est une anti-morale, la morale des vices changés en vertus : ce qu’on met par dessus tout, fol orgueil, ressentiment, revendications délirantes, auto-définition comme victime, ultra-susceptibilité, c’est ce qu’on appelait autrefois la petitesse d’âme.
Il y a deux maux : le racisme et l'antiracisme.
Le racisme veut établir des hiérarchies infondées entre les races.
L'antiracisme nie carrément l'existence des races.
C'est encore pire, cher Leroy : l'antiracisme établit lui aussi une hiérarchie entre les races, et prône l'établissement définitif d'une race supérieure : celle issue du métissage, c'est à dire toutes les races en une, donc aucune race (puisqu'une race se définit par rapport à une autre). L'antiracisme a ceci de terrifiant qu'il veut rendre concrète, palpable, son idéologie, jusque dans la chair. Un ultra-métissé ne peut pas être raciste puisqu'en devenant multiracial il abolit en lui-même l'idée de race. C'est de l'eugénisme qui avance masqué, à l'échelle planétaire.
Je pense qu'Alain veut nous dire, et en cela il est conforme à la théorie classique, qu'il y a différence entre le descriptif et le prescriptif / normatif.

Classiquement, on définit par "jugement de fait" la simple description de la réalité telle qu'elle se présente et compte tenu des moyens que nous avons pour l'appréhender (exemple : pour l'homme de la rue, il est impossible d'avoir un jugement de fait sur la rotondité de la terre ; pour le scientifique qui peut la démontrer, c'est possible).

Classiquement, on définit par "jugement de valeur" la mesure de l'écart par rapport à une norme, il s'agit alors d'évaluer un individu ou une action non tel qu'il est mais tel qu'on estime qu'il devrait être. C'est le domaine normatif et donc celui de la morale.

Cette morale ne correspond en conséquence pas forcément à une réalité établie, puisqu'elle dépend non des faits mais du référentiel.

Exemple concret : dans la France de 1930, l'avortement est considéré comme immoral et criminel ; dans la France 2012, il ne l'est plus. Le fait reste le même, le référentiel a changé.
Des morales diférentes sont concevables à partir des mêmes faits, mais ce qui place les "prétendues morales" au-dessous des autres, c'est qu'elles refusent d'envisager les faits. On peut refuser de distinguer les morales véritables des idéologies, considérer tous les jugements de valeur comme égaux en droit, à partir d'un présupposé (moral) relativiste ; mais ce n'est pas là, manifestement, la voie la plus in-nocente. Si des morales différentes sont envisageables, il n'empêche que nous avons le droit de les évaluer et de les hiérarchiser en vertu de ce principe (méta-)moral de probité.
Je ne pense pas que la probité ait à voir avec cela.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Il y a, au départ, des prémisses.

Il y a, ensuite, un raisonnement moral, pour la constitution du référentiel, qui peut être totalement probe (au sens d'honnête), totalement logique.

Dans le cas que je citais (l'avortement) il y non point dérive de la morale mais changement de prémisse.

Autrefois, "Tu ne tueras point", appliqué à l'enfant à naître ; actuellement, "Tu es maîtresse de ton corps", appliqué à la femme.
L'interdiction et l'autorisation de l'avortement sont deux considérations véritablement morales, si elles acceptent d'envisager la réalité dans sa complexité et non de l'ignorer (comme pourraient le faire des idéologies qui ne voudraient pas voir soit la femme, soit l'enfant). Ce n'est pas le contenu de la prescription qui en fait le caractère authentiquement moral, mais ce respect scrupuleux du réel. Où l'on retrouve la bathmologie : le même principe d'action peut être idéologique ou moral, selon le chemin qui y mène. Tous les discours prescripteurs ne méritent pas le titre de morale, mais seulement ceux qui acceptent de se colleter avec le réel et son tragique.
Je ne vous comprends pas bien.


La "Morale" actuelle, celle qui sous-tend la pensée des médias et d'une large part des politiques, est tout à fait prescriptive. C'est parce que la réalité ne correspond pas à ce qu'elle veut (une culture totalement mondiale sans hiérarchies, une société multiculturelle parfaite) qu'elle est très fortement prescriptive.

On peut lui reprocher beaucoup de choses, à cette morale, sûrement pas son manque de probité.

Ce sont plutôt, du point de vue que vous défendez, ses prémisses qui posent problème.

Voici quelques prémisses :

"Toute culture est équivalente à toutes les autres, elles ne peuvent faire l'objet d'aucune hiérarchie."

"Tout individu est citoyen du Monde, il dispose d'une totale liberté de déplacement et d'établissement."
Toute culture est équivalente à toutes les autres, elles ne peuvent faire l'objet d'aucune hiérarchie.

Cette prémisse contient peut-être tout le mal moderne. Le désir ou le besoin ou l'impératif de se civiliser -- le fait que "être civilisé, c'est bien" -- tenaient à un fil fort robuste, ce qui doit être dit à l'imparfait s'agissant de l'Occident car s'agissant du monde musulman, ce fil n'est point rompu, qui consistait à considérer que si la civilisation est désirable, c'est parce que la sienne était la seule désirable. La noyade relativiste de cette exclusive en laquelle était tenue la spécificité civilisationnelle conduit à la perte du désir générique de civilisation en même temps qu'elle en est l'indicateur et le signal. Tout à fait comme en amour l'envie de continuer d'aimer une personne et d'aller stablement dans la vie avec elle se meurt dès lors que, pour un homme normalement attiré par les femmes, toutes les femmes se valent, s'équivalent et qu'aucune n'est sur terre pour les absorber toutes. Et en amour, tout comme en civilisation, cette omni-équivalence de l'objet de la passion est tout en même temps la cause de la fin et le signal de cette fin.

La civilisation est toujours une affaire fortement passionnelle et exclusiviste; hors le fil passionnel qui la maintient et doit la perpétuer, la promiscuité (le "métissage") des peuples, la dissolution des sociétés s'installent, très semblablement à ce qui advient après la perte de la passion amoureuse, quand s'installent la promiscuité des corps, la triste licence, la saturation des sens, elle-même illusoire, le vide, la solitude abyssale, l'isolement et la fin des raisons de se continuer.
Typiquement, pour rebondir sur ce que dit Francis, c'est la Chine qui a repris le flambeau "civilisationnel" de l'Occident.

Le Chinois est certain (et avec quelques raisons) de la grandeur de sa culture, de sa très longue histoire et est convaincu que les peuples asiatiques sont barbares s'ils ne font pas allégeance et épousent le modèle chinois, notamment sa langue.

Il faut se souvenir que le Viêt-Nam d'avant la colonisation écrit en chinois.

Dès lors, le Chinois d'aujourd'hui est exactement dans la position d'un Stanley ou d'un Livingstone, ou d'un Pizarre : il apporte la civilisation, la seule civilisation aux peuplades inférieures. Dans ces conditions, il est justifié de détruire la culture tibétaine (qui ne peut, dans ce schéma, subsister que si les lamas sont dans le temple du même nom, à Pékin, et affirment ainsi, par leur présence sous la poigne même de l'Etat, qu'ils agissent sous sa protection, ce qui rend par contrecoup leur culture légitime car serve et protégée par la Chine éternelle représentée par cet Etat. Si les lamas veulent être autonomes, alors cela s'effondre. Il faut donc fondre sur les lamas), tout comme pour Pizarre il était justifié de détruire la culture Inca.
Se civiliser pour se civiliser n'a aucun sens, est une morale impossible. Le seul processus de (re)civilisation possible et envisageable repose et s'appuie sur la souveraine conviction que sa civilisation est meilleure et destinée à absorber toute concurrente.
Chacun veut faire épouser à tous la puissance évocatrice à laquelle il est sensible.
Il n'y a pas de méta-civilisation (sur l'existence de laquelle, même théorique, pourrait se fonder la relativisation et l'indifférenciation de toute civilisation), et quand il arrive que cette existence théorique soit posée, elle ressort comme fille d'idéologie, substitut de théologie (Lumières, universalisme, etc.).
Citation
Jean-Marc
Je ne vous comprends pas bien.

Sans doute m'expliqué-je mal.

Citation

du point de vue que vous défendez

Pardon, mais quel point de vue défendé-je ?

Citation

La "Morale" actuelle, celle qui sous-tend la pensée des médias et d'une large part des politiques, est tout à fait prescriptive.

Nous sommes d'accord là-dessus.

Citation

C'est parce que la réalité ne correspond pas à ce qu'elle veut (une culture totalement mondiale sans hiérarchies, une société multiculturelle parfaite) qu'elle est très fortement prescriptive.

On peut lui reprocher beaucoup de choses, à cette morale, sûrement pas son manque de probité.

Ce sont plutôt (...) ses prémisses qui posent problème.

Une morale pourrait être authentique tout en étant très prescriptive si ce que vous appelez ses "prémisses" n'étaient pas contradictoires en elles-mêmes ou avec la réalité. Dans le cas contraire, à cause de cette absence de souci de la vérité, on est fondé à lui refuser le beau nom de morale.

Citation

Voici quelques prémisses :

"Toute culture est équivalente à toutes les autres, elles ne peuvent faire l'objet d'aucune hiérarchie."

"Tout individu est citoyen du Monde, il dispose d'une totale liberté de déplacement et d'établissement."

Par exemple, ces principes sont idéologiques plutôt que moraux parce que "culture" et "absence de hiérarchie", tout comme "citoyenneté" et "atopie", sont des concepts incompatibles, des cercles carrés.
Citation
Julien Fleury


"Toute culture est équivalente à toutes les autres, elles ne peuvent faire l'objet d'aucune hiérarchie."



Par exemple, ces principes sont idéologiques plutôt que moraux parce que "culture" et "absence de hiérarchie" sont des concepts incompatibles, des cercles carrés.


Pas exactement. Il peut y avoir hiérarchie au sein des cultures, mais non entre les cultures, par exemple.

Plus précisément, la hiérarchie au sein d'une culture n'est pertinente que pour des choses comparables.

Qu' Homère soit supérieur à Apollonios de Rhodes, c'est fort possible. Que Wagner soit supérieur à Rubens, cela ne tombe pas sous le sens.

Prenons deux cultures connues : la française ; la chinoise.

Laquelle est supérieure ?

L'esprit des Lumières, ou le confucianisme, morale pour hauts fonctionnaires athées ?

Les Classiques chinois ou le théâtre classique français ?
Oui, mais observez que pour le coup, on abandonne le plan du devoir-être pour celui de l'être. Encore une fois, le diable n'est ni dans l'un ni dans l'autre, mais dans leur confusion entretenue. Nous sommes d'accord pour dire qu'une morale prescrit, mais une prescription n'est morale au sens le plus noble que si elle reconnaît qu'il y a de l'être et n'essaie pas de se faire passer pour lui. De même, nous sommes d'accord pour dire que la science décrit ; mais elle n'est plus une science quant elle prétend ordonner un comportement.

Les dogmes de notre hyper-progressisme sont des principes heuristiques mal digérés et sortis de leur ordre : ce que l'observateur scrupuleux de peuples exotiques conquerrait de haute lutte pour établir le point de vue scientifique, s'arrachant à sa propre culture, neutralisant toute axiologie, a été placé au fondement de notre civilisation : que nul n'y entre, s'il n'est ethnologue (ou qu'on l'en fasse sortir...). Mais outre qu'on ferait peut-être difficilement une grande civilisation d'un congrès de savants, cette posture n'est pour l'ethnologue lui-même qu'une ... posture, artificielle, une abstraction qui ne "tient" pas, qui n'est pas "stable".
(Dans mon souvenir, cela est explicite dans Tristes tropiques).
(On pourrait faire un rapprochement (michéen) avec le marché parfait des libéraux qui ne peut prospérer que sur son autre, des valeurs non économiques).

(Les dilemmes que vous proposez me paraissent, pour une part, pouvoir être abordés de façon analogue : la posture esthète remplaçant la posture scientifique. Mais il y a aussi quelque chose qui résiste au dilemme : Homère vaut plus que Marc Lévy ; nous n'avons pas nécessairement besoin de hiérarchiser Wagner et Rubens. Quant à l'esprit des Lumières et au confucianisme, c'est bien là une question de choix moral, comme entre les Lumières et la Réaction ou entre le confucianisme et le taoïsme, avec cette difficulté particulière de l'accès véritable aux choix éthiques d'une culture que nous ne maîtrisons pas — mais nous ne maîtrisons pas non plus pleinement la culture du Grand Siècle ou de l'Antiquité).

L'époque souffre essentiellement de cette confusion permanente entre les ordres. Ce mélange de moraline bigote et de positivisme benêt auquel on l'abandonne, promu à coups de trique par les massives ruses de nos demi-habiles, refusons-lui au moins le nom de morale.
En fin de compte, je viens de m'apercevoir que je me suis joliment pris les pieds dans mon propre raisonnement, cette fois : s'il est vrai, à mon sens, qu'une morale est toujours contre la réalité telle qu'elle est, et que c'est bien l'inadéquation entre l'être et le devoir-être (qui lui, du reste, est essentiellement dogmatique, puisque consistant en une série d'impératifs prescrits sur le mode du "devoir" et du "falloir" venus d'on ne sait où et qu'on a l'obligation, censément, de suivre absolument), que c'est bien cette inadéquation, donc, qui la motive, une morale qui s'aveugle sur la nature du réel, et qui confond ainsi son propre dogme avec ce qu'elle a pour vocation de corriger, n'a pas plus lieu d'être qu'une morale dont les prescriptions épouseraient parfaitement la réalité telle qu'elle est et advient.
Dans les deux cas, en effet, on aboutit à la coïncidence entre être et devoir-être, ce qui déroge au principe de fonctionnement même de toute morale.

Ce que Julien Fleury a appelé "principe méta-moral de probité" est en effet indispensable, non en tant que principe moral en lui-même, auquel cas il serait à la fois juge et partie, mais en tant que contrainte méthodologique, en quelque sorte.
"En fin de compte, je viens de m'apercevoir que je me suis joliment pris les pieds dans mon propre raisonnement, cette fois : s'il est vrai, à mon sens, qu'une morale est toujours contre la réalité telle qu'elle est, et que c'est bien l'inadéquation entre l'être et le devoir-être (qui lui, du reste, est essentiellement dogmatique, puisque consistant en une série d'impératifs prescrits sur le mode du "devoir" et du "falloir" venus d'on ne sait où et qu'on a l'obligation, censément, de suivre absolument), que c'est bien cette inadéquation, donc, qui la motive, une morale qui s'aveugle sur la nature du réel, et qui confond ainsi son propre dogme avec ce qu'elle a pour vocation de corriger, n'a pas plus lieu d'être qu'une morale dont les prescriptions épouseraient parfaitement la réalité telle qu'elle est et advient.
Dans les deux cas, en effet, on aboutit à la coïncidence entre être et devoir-être, ce qui déroge au principe de fonctionnement même de toute morale.

Ce que Julien Fleury a appelé "principe méta-moral de probité" est en effet indispensable, non en tant que principe moral en lui-même, auquel cas il serait à la fois juge et partie, mais en tant que contrainte méthodologique, en quelque sorte."


Entièrement d'accord !
« Se civiliser pour se civiliser n'a aucun sens, est une morale impossible. Le seul processus de (re)civilisation possible et envisageable repose et s'appuie sur la souveraine conviction que sa civilisation est meilleure et destinée à absorber toute concurrente. » Francis Marche

« Il ne s'agit plus seulement de sortir de la civilisation française (et européenne) – c'est déjà largement accompli-, il s'agit de sortir de la civilisation tout court[...] ». Renaud Camus (Valeurs actuelles du 6 au 12 septembre 2012)

Chers maîtres, y a-t-il une contradiction entre ces propos ?

***

"Nous sommes d'accord pour dire qu'une morale prescrit, mais une prescription n'est morale au sens le plus noble que si elle reconnaît qu'il y a de l'être et n'essaie pas de se faire passer pour lui." Julien Fleury

Sans doute, les Amis du Désastre écarteront d'un revers de la main, comme une élucubration de plus, le procès en irréalisme qu'on prétend ici leur dresser, eux qui sont, au contraire, persuadés d'incarner le parti de la science, eux qui analysent, sous les apparences subjectives, ce qu'il en est objectivement du "sentiment" d'insécurité, par exemple.

Il ne suffit pas pour préserver la réalité de son déni de rappeler que la vérité est une exigence méta-morale : les Amis du Désastre ne doutent ni de leur moralité ni de la vérité de leur propos. La morale, surtout, se rapporte positivement à ce qui est. Pour cela, la science, débordant de son domaine, bafoue la vérité de deux manières comme le devoir-être se rapporte à l'être de deux façons : d'une part, il est une dimension constitutive de l'homme, l'espace moral qui rend possible ses actes, d'autre part, il est l'être véritable, une affirmation ontologique (explicite ou implicite) qui suscite l'amour et l'allégeance.

L'éponge scientiste révèle contre la vérité de l'homme, et, donc, contre la vérité tout court, le soi-mêmisme en effaçant l'horizon moral. C'est au nom de la science que l'opinion déclare le Bien une invention facultative. Par suite, les jugements moraux n'étant que des réactions naturelles (instinctives), on devrait les assouplir, les élargir comme on exige des enfants qu'ils s'habituent aux épinards (voire à la salade cuite). La tolérance, nouvelle valeur cardinale, n'est donc pas un impératif moral, mais une transposition de la diététique ; elle est dictée par l'utilité sociale. La bonne conscience du parti dévot n'a donc rien à voir avec la conscience mais beaucoup avec la satiété (barriga llena, corazon contento), la satisfaction que procure la réussite et l'adaptation sociales. Les prescriptions se multiplient logiquement avec l'effacement de la morale et l'avènement du darwinisme social.

Comme la censure prétendument morale, le mépris de la réalité résulte du dévoiement de la science. Quand le sociologue affirme que les Roms ne sont pas plus voleurs que les Suédois, il veut dire : "avez-vous des données chiffrées ? Méfiez-vous des généralités !" Lui apporte-t-on des preuves objectives, il écartera le terme voleur moralement connoté au nom des explications scientifiques de ce mode économique spécifique. Le Rom aura beau protester (mais si, je suis voleur !), le sociologue ne le croira pas. Très capable d'éclaircir le fonctionnement de ce qui est, il se montre néanmoins incapable de rendre la vérité de son objet car il ignore que son objet est d'abord une morale, une expression du Bien. Cette défaillance ontologique doublée du darwinisme social issu de cette même défaillance ontologique accouche de la société infatuée des petits professeurs, saturée du vocable et des préjugés sociologiques, qui, par exemple, refuse à Merah le droit de faire la guerre parce que la politique de la ville, la psychiatrie, etc. Il est impossible de dire la vérité d'une civilisation sans l'aimer ou l'honnir. Francis Marche l'a fort bien dit, lui qui confia sous quel effet il apprit le mandarin.

Outre l'hyper-science, on retrouve l'hyper-démocratie à la source du nouvel ordre prétendument moral. La société étant une pure construction ex nihilo, rien d'étonnant que ses agents confondent les vessies et les lanternes, persuadés qu'ils sont de pouvoir changer les vessies en lanternes du seul fait de les appeler lanternes comme ils sont convaincus que le changement, c'est maintenant parce qu'ils l'ont décidé.
J'ai eu un Gitan comme élève en sixième. Au début de l'année au questionnaire écrit demandant aux enfants ce qu'ils souhaitaient faire plus tard dans la vie, il avait candidement répondu : voleur.
Citation
J'ai eu un Gitan comme élève en sixième. Au début de l'année au questionnaire écrit demandant aux enfants ce qu'ils souhaitaient faire plus tard dans la vie, il avait candidement répondu : voleur.

C'était une ambition bien plus raisonnable que celle d'autres enfants qui n'aspirent, malgré leur faible niveau scolaire, qu'à devenir ingénieurs ou médecins.
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