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Nullité des Français en matière de langues étrangères

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
Hier soir, je dînais avec plusieurs personnes âgées qui furent des amis de mes parents.

Ces personnes avaient plus de quatre-vingts ans et avaient toutes suivi des études supérieures, aux facultés de Lettres et Droit de Toulouse, à la fin des années quarante.

A un moment, la discussion porta sur les langues étrangères et le rapport que les Français avaient, à l'époque, avec elles.

Un vieux magistrat résuma, c'est sa charge, les débats de cette façon (je cite à-peu-près) : "Finalement, on nous avait montré le beautés de l littérature anglaise, on nous avait fait lire beaucoup de livres, mais nous étions totalement incapables de parler anglais".

Je souhaiterais savoir si vous avez entendu de telles remarques de la part de personnes âgées de votre connaissance, personnes qui suivirent des études à une époque durant laquelle à peine quelques pour-cents d'une classe d'âge franchissaient les portes de l'Université, et quelles conclusions vous en tirez.
Utilisateur anonyme
06 octobre 2012, 13:03   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
Tout a changé et rien n'a changé. Non seulement les jeunes Français ne savent toujours pas parler anglais (là comme ailleurs le constructivime ne fonctionne pas — Hannah Arendt nous avait prévenus) ; mais ils n'ont même plus accès aux « beautés de la langue anglaise», car ils ont, à la place, des cours d'idolâtrie (Martin Luther King, Rosa Parks, Barack Obama — et même Malcolm X !), de haine de l'Occident, et plus largement, d'antiracisme dogmatique. C'est là d'ailleurs tout ce que la majorité des jeunes profs sont capables d'“enseigner”.

Ouvrez, un jour, si vous en avez l'occasion, un manuel d'anglais pour le collège ou le lycée. Regardez l'esthétique de clip de rap qui s'insinue partout, admirez la rectitude idéologique et l'endoctrinement éhonté à chaque page.
Bien qu'ayant une petite vingtaine d'années de moins que votre ami magistrat, j'ai suivi au lycée des cours d'anglais et d'allemand du même genre. Nous apprenions des poèmes de Wordsworth et de Goethe et assez peu l'art et la manière de demander son chemin ou de commander un repas.

Cependant, arrivé en Angleterre un an après le baccalauréat, j'appris vite et facilement ces trivialités utilitaires (et utiles, dans leur genre) qui vinrent s'installer tout naturellement sur la base solide qu'on m'avait offerte. Essayez-donc l'opération inverse en faisant lire un texte de Schiller à quelqu'un qui a appris l'allemand avec les manuels actuels, même après lui avoir fait passer un mois ou deux en Allemagne.
Utilisateur anonyme
06 octobre 2012, 13:16   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
Je ne parle pas très bien anglais et m'en porte très bien ! J'entends que l'on veut enseigner une langue étrangère (donc l'anglais) dès le CP et bien ça me défrise.

Quelle manie de vouloir absolument parler une lange étrangère, de vouloir que nos petites têtes blondes soient polyglotes au plus vite.

Je vais essayer de faire en sorte que mes filles parlent le plus correctement possible le français (cette langue vivante quasi étrangère) , cela suffira à mon bonheur et au leur.
Utilisateur anonyme
06 octobre 2012, 13:23   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
Je suis d'accord avec Marcel Meyer. L'anglais scolaire de jadis donnait des bases littéraires et grammaticales fortes sans prétendre rendre les élèves bilingues. On savait que certains (ceux qui auraient l'occasion de voyager) en feraient quelque chose, tandis que les autres oublieraient tout. Une langue, cela se travaille, cela s'entretient. On ne peut pas passer sa vie à ne pas faire ces efforts et déplorer, à trente, cinquante ou quatre-vingts ans, que l'Ecole n'ait pas fait son travail. (Quelle mauvaise foi !)

C'est d'ailleurs vrai pour tout, notamment les mathématiques. J'ai eu des cours de mathématiques sérieux jusqu'à l'université. J'ai à présent presque tout oublié. Mais il ne me viendrait pas à l'idée incriminer l'Institution et les professeurs, qui ont fait leur travail.
Cher Davoudi,


Je fais partie de ceux qui nomment MLK "Martin Lucifer King", donc je suis partial. Quant à Malcom X, je préfère ne rien en dire, je serais grossier. Pour Rosa Parks, c'est autre chose, je la pense avoir été une personne honorable.

Je comprends que la culture du moindre effort a, là encore, apporté sa pierre à l'entreprise de démolition du savoir (ne vous étonnez pas de la formule, je lis actuellement Ponson du Terrail).

On pourrait parler d'anti-racisme et faire étudier "To Kill a Mockingbird" et examiner l'évolution des points de vue depuis "Uncle's Tom Cabin", on pourrait de même faire travailler les élèves par des exercices de compréhension orale à partir d'émissions sur le thème (elles ne manquent pas) proposées par BBC4 ou NPR (qui, au-delà de l'idéologie véhiculée, la véhiculent dans une langue correcte, de mon point de vue).

Non. On préfère sans doute des débats approximatifs sur la méchanceté de l'homme blanc.
Utilisateur anonyme
06 octobre 2012, 13:26   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
C'est exactement cela, Cher Jean-Marc.
Davoudi,

Il se trouve que je suis mathématicien de formation.

En réalité, on n'oublie pas les mathématiques, de mon point de vue, et si on les oublie, c'est qu'on les a mal enseignées (ou, plutôt, qu'on n'est pas allé assez loin dans leur enseignement, c'est à dire qu'on est resté au niveau de la descprition sans entrer dans le raisonnement mathématique même).

Si vous lisez des revues d'anciens élèves (par exemple la fort bien faite "La Jaune et la Rouge"), vous serez surpris de l'intérêt que des hommes d'âge, qui ont eu une vie professionnelle pratique, portent aux devinettes et problèmes mathématiques.

Pourquoi n'oublie-t-on pas les mathématiques ? parce que ce ne sont point axiomes et théorèmes compilés, ce sont méthode et langage.

Pour en revenir aux langues, les personnes de l'âge et du milieu que j'évoque ont de très bons souvenirs du latin, voire du grec, et sont encore fort capables de réciter des pages entières de Cicéron ou Sénèque ou de parler des iambiques sénaires d'Horace.

Pourquoi cela et pourquoi l'inverse en anglais ? je suppose qu'on enseignait l'anglais un peu comme une langue morte, mais pas suffisamment comme une langue morte, c'est à dire sans l'effort de mémorisation des textes, je ne sais si je me fais bien comprendre. Résultat, on perdait sur les deux tableaux.
La dernière fois que le sort m'a contraint à consulter un manuel scolaire d'allemand, il y a deux ou trois ans, j'y ai vu exclusivement de l'allemand de cour de récréation — et je n'exagère nullement. Tous les textes des leçons racontaient un épisode d'un séjour effectué par un adolescent français chez sa correspondante berlinoise. Tout était dialogué et toujours en allemand semi-argotique, très infantile et truffé d'anglicismes : à pleurer.
Citation
Je vais essayer de faire en sorte que mes filles parlent le plus correctement possible le français (cette langue vivante quasi étrangère) , cela suffira à mon bonheur et au leur

Bien que vivant dans un pays germanique où je suis contraint (sans déplaisir) depuis plus de 38 ans d'y parler allemand je suis assez d'accord avec ce point de vue.

Souvent des voisins, des amis ou des collégues s'excusent de ne pas parler le francais. Ma réponse est toujours la même: maitriser correctement sa langue maternelle est le bien le plus précieux. En effet personne n'est obligé d'apprendre une langue étrangère s'il ne le veut pas et encore moins s'il n'en a pas besoin.

En ce qui concerne l'attitude des francais face à l'apprentissage des langues étrangères je suis convaincu que la plupart des éléves et des étudiants sont découragés à l'avance par le mythe de l'incapacité intrinséque des francais d'apprendre les langues étrangères.

Citation
Nous apprenions des poèmes de Wordsworth et de Goethe et assez peu l'art et la manière de demander son chemin ou de commander un repas

Avoir renoncé d'apprendre à nos enfants le plus beau, le plus noble des oeuvres d'une culture est à mes yeux un crime contre l'esprit, une honte.
07 octobre 2012, 09:42   Mayonnaise tonique
Hier, mon cours terminé, j'entendis deux sages élèves de Seconde se réciter le nom des mois en espagnol ("troisième langue" dont elles commençent l'étude), pour le contrôle de l'heure suivante. Ce qui avait attiré mon attention était le mot mayo, terme que j'entends fréquemment au restaurant kebab en face du lycée, sauce grasse et jaune où l'on trempe ses frites grasses quand on a dix-sept ans : mayo était pour elles le mois de mai en espagnol, et j'ai eu beau leur dire que l'accent tonique n'était pas le même du tout, ça n'a servi à rien. Mayo, donc, et tant pis pour Goya.
Les citoyens Européens en régime petit-bourgeois universel n'apprennent pas les langues des pays voisins de l'Union. C'est ainsi. Ils ne les acquièrent pas par apprentissage; hormis l'horrible "European English" utilitaire (c'est ainsi que le nomme, par exemple, l'éducation nationale en France) ceux qui acquièrent la maîtrise d'une ou plusieurs langues européennes le font généralement par contiguïté et contact, nécessité professionnelle ou familiale, sans que n'y entre la moindre curiosité intellectuelle qui aurait "la culture de l'autre" pour objet. L'Européen, malade d'exotisme depuis je ne sais quel nombre de siècles, en revanche, se plaît à apprendre, par passion intellectuelle, par goût de la distinction, par saine curiosité et amour de l'inconnu, le japonais, le persan, le chinois. Les langues européennes s'apprenaient dans l'aristocratie européennes, par goût, penchant, curiosité, exercice intellectuel et nécessité de classe. En régime petit-bourgeois, cela ne prend pas, cela n'existe pas, cela n'aurait aucune espèce d'objet.

Le français est aussi mal enseigné aux jeunes britanniques, et pour des résultats symétriquement piètres, que l'anglais en France.
Utilisateur anonyme
08 octobre 2012, 14:30   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
Je crois savoir qu'en Grande-Bretagne, passé 14 ou 15 ans, l'apprentissage d'une langue étrangère n'est même plus obligatoire, tant les résultats obtenus sont décourageants. Il en va de même, à peu de choses près, aux Etats-Unis.
Le pire, c'est que ces deux pays, réputés pour l'inaptitude de leurs citoyens à apprendre les langues étrangères, continuent d'émettre, avec le plus grand sérieux, leurs oracles moderno-constructivo-pédagogistes, qui ont pour doctrine fondamentale la haine de la grammaire (ainsi que, mais cela va sans dire, de la littérature), et qui font autorité chez nous. Dire que dans la décennie 50 du siècle dernier, Nabokov et Hannah Arendt avaient déjà, chacun à sa façon, démontré la vacuité du modèle d'apprentissage constructiviste, et notamment en ce qui concerne les langues !

Plus largement, et pour reprendre l'idée de Francis Marche, la nullité globale (due à un puissant manque d'intérêt, de goût et de curiosité) de nos concitoyens en langues prouve à merveille que le fameux amour de l'Autre, qu'on nous serine à longueur de journée, n'est qu'une sinistre farce, et qu'il ne s'agit jamais, dans cet at home obèse, que d'un pénible petit amour de soi, flatté, borné et incurieux.
Si les Français ont autant de mal avec les langues étrangères, cela est peut-être dû, aussi, à la faiblesse de leur ouïe. Ils n'ont pas souvent "le sens musical" (voir l'ouvrage de John Blacking portant ce titre).

Par ailleurs, au collège, les étudiants français pâtissent d'un certain manque de confiance en eux: ils n'osent pas participer pendant les cours de langues.

Ceci dit, les cours de français donnés dans les middle et high schools des Etats-Unis par des enseignants n'ayant jamais mis les pieds en France sont d'une nullité sidérante.
Utilisateur anonyme
08 octobre 2012, 15:54   Re : Nullité des Français en matière de langues étrangères
Parlons français !!!

rapport sur l'emploi de la langue française

P.S. : et je suis de ceux qui se battent en permanence contre leur orthographe et leur syntaxe quelque peu bringuebalantes
Si les Français ont autant de mal avec les langues étrangères, cela est peut-être dû, aussi, à la faiblesse de leur ouïe

Non. Ce serait trop simple. Les Japonais ont souvent l'oreille absolue. Et leur sens de la musique occidentale (mélodie, tonalité, peut-être moins le rythme, il est vrai) est très aiguisé. Hélàs, tout le monde, eux les premiers, connaît bien leurs difficultés à apprendre les langues étrangères, à les bien prononcer. Non, il y a autre chose, qui est proprement culturel et politique -- les Européens n'intéressent pas les Européens, et tous baraguinent l'euro-English pour "se débrouiller", faire de la thune, draguer, etc. dans un mépris souverain de tout le reste.
Citation
Francis Marche
Si les Français ont autant de mal avec les langues étrangères, cela est peut-être dû, aussi, à la faiblesse de leur ouïe

Non. Ce serait trop simple. Les Japonais ont souvent l'oreille absolue. Et leur sens de la musique occidentale (mélodie, tonalité, peut-être moins le rythme, il est vrai) est très aiguisé. Hélàs, tout le monde, eux les premiers, connaît bien leurs difficultés à apprendre les langues étrangères, à les bien prononcer. Non, il y a autre chose, qui est proprement culturel et politique -- les Européens n'intéressent pas les Européens, et tous baraguinent l'euro-English pour "se débrouiller", faire de la thune, draguer, etc. dans un mépris souverain de tout le reste.

J'ai sympathisé et travaillé avec suffisamment d'Allemands, de Scandinaves, de Britanniques et d'Italiens qui maniaient des anglais et français parfaits pour relativiser nettement ce que vous assénez.
08 octobre 2012, 22:17   Re : Nullité: vous me faites rire!
Je connais fort bien le milieu des écoles européennes à Bruxelles et je puis vous certifier que les Français, au même titre que les francophones de Belgique sortent à l’issue de leurs études secondaires PARFAITS TRILINGUES, (et au même titre que les autres ressortissants européens). Le fait que les cours sont donnés obligatoirement par des « native speakers » y est pour beaucoup.
Mais ces histoires d’oreille me font bien rire. Ici, à Bruxelles, tout quiconque veut faire une belle carrière s’arrange pour être plurilingue. Il est vrai qu’en Belgique, où qu’on habite, il suffit de faire 100Km pour changer de pays et de langue ! Il est vrai aussi que la motivation doit être forte car l’investissement pour parler correctement une langue est important, que ce soit pour lire Schiller dans le texte ou Wagner, comme une de mes amies ((ou moi, pardonnez mon manque de modestie, pour lire les auteurs flamands)) ou pour la thune, comme dit Francis Marche.
J'ai toujours pressenti que vous étiez un être d'exception M. Comolli, et je suis heureux que vous veniez ici nous le confirmer.
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