Extrait d'
Une Histoire des collèges, d'Antoine Prost.
(Conférence du 2 octobre 2007)
Les écoles primaires supérieures ont mieux résisté à la crise démographique que les lycées. La demande sociale se portait en effet vers le primaire supérieur plus que sur le secondaire. Deux indications le prouvent. En 1925, on a unifié le concours des bourses, en alignant leur montant sur les frais de scolarité réels des divers établissements, pour que cela ne coûte pas davantage aux familles de mettre leur garçon au collège qu’au CC. L’immense majorité des lauréats a choisi l’EPS ou le CC, pas le collège ou le lycée. Dans les années 1930, avec la reprise démographique, et la gratuité de l’enseignement secondaire instituée en 1930, les effectifs augmentent partout. Les lycées créent un examen d’entrée en 6e. Mais les EPS recrutent sur concours, et il y a beaucoup moins de places que de candidats. A Thiers, Marseille, cinq candidats pour une place en 1934. Pour le secondaire, c’est une injustice intolérable : le primaire garde ses bons élèves au lieu de les envoyer au lycée. C’est une concurrence déloyale.
Pour la faire cesser, en 1941, le ministre de Vichy Carcopino intègre purement et simplement les EPS au secondaire et les transforme en collèges modernes. Dans son esprit, les CC devaient se limiter à la classe de fin d’études primaires. Mais son successeur les apprécie beaucoup et il les développe. La concurrence du primaire supérieur, décapitée par l’annexion des EPS, renaît dans les CC. Comme ils sont beaucoup souples, faciles à créer, très décentralisés et très proches des familles, ils se développement plus rapidement que les premiers cycles des lycées qu’ils devancent à la fin des années 1950.
La Libération a constitué une seconde occasion manquée de réaliser une vraie école moyenne. Le directeur de l’enseignement du second degré, Gustave Monod, avait repris en l’élargissant à tout le premier cycle une expérience pédagogique menée sous Jean Zay avec des classes de 6ème d’orientation. Monod a créé des classes nouvelles, dans des lycées de centre-ville. Il s’agissait d’observer les élèves de façon plus large, en donnant beaucoup de place aux arts et au travail manuel, aux méthodes actives, à l’enquête. Un effectif de 25 élèves par classe, une heure de concertation hebdomadaire pour les professeurs modifiaient radicalement le climat. Dans son esprit, pour que l’orientation se fasse, il fallait reporter au-delà de la 6ème le début du latin. La commission Langevin Wallon, à laquelle il participait activement, se prononca par un vote sur le report en 4ème des débuts du latin. Mais la pression des défenseurs du latin fit reculer le ministre, qui décida que les 6ème nouvelles ouvriraient à la rentrée 1945 avec du latin à partir du second trimestre. La commission Langevin-Wallon a perdu la bataille bien avant d’avoir rendu son rapport.