A méditer avant les élections européennes du 7 juin.
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Europe: le duopole PPE-PSE et sa signification
Par Denis Collin • Internationale • Jeudi 07/05/2009
Selon l'Observatoire de l'Europe (étude à paraître), le PPE (droite) et le PSE (socialiste) ont voté dans le même sens au Parlement européen pour 97% des 535 votes de l'année 2008. Ils ne sont tombés en désaccord que 10 fois ... Quand on sait que près de 80% du travail du Parlement français consiste à transcrire les directives européennes, on comprend mieux ce que nous répétons dans ces colonnes: les catégories de droite et gauche sont privées de sens. Le cirque médiatique des leaders socialistes, l'antisarkozysme de façade qu'on arbore si volontiers du côté de la rue de Solferino doivent être jugés à l'aune de cette réalité.
Comme ces deux partis PPE et PSE se partagent l'essentiel des sièges à Strasbourg et comme le mode de scrutin français basé sur ces grandes régions arbitraires a été conçu en d'assurer la domination absolue du duopole PS/UMP, on voit que l'intérêt du vote est singulièrement restreint. Cette information renforce évidemment tous ceux qui pensent qu'on a mieux à faire le 7 juin que se rendre aux urnes. Mais au-delà de cette question tactique assez secondaire, cette convergence à 97% entre "droite" et "gauche" est révélatrice de l'évolution en profondeur de la social-démocratie européenne. La "droite libérale" et la social-démocratie ne sont que deux tendances et deux écuries concurrentes du même parti. Certes, au sein de la social-démocratie demeurent des contradictions comme demeurent des contradictions au sein de la droite. Mais ces contradictions s'opèrent sur de nouvelles lignes de clivages, liées à l'enracinement plus ou moins national ou à l'intégration plus ou moins avancée dans la "transnational capitalist class" pour reprendre l'expression de Leslie Sklair (voir The transnational capitalis class, Blackwell Publishers, 2000). Comme l'expliquent Martin et Labouret (Commentaire n°125), les élus socialistes des petites et moyennes communes sont plus enracinés dans le national alors que les maires des grandes villes s'intègrent dans le lobbying européen et appartiennent de fait aux "élites mondialisées" que dénonçait Chevènement. On retrouve des clivages du même type dans la droite et y compris au sein de l'UMP. En Italie, les sommets du PD liés aux fractions les plus parasitaires du capitalisme transnational sont bien plus proches de Berlusconi que les élus de la Lega Nord appuyés sur la petite industrie de l'Italie du Nord, volontiers critiques à l'égard de la "mondialisation".
Sauf à prendre ses désirs pour des réalités, on sait bien que le scrutin du 7 juin n'a aucune chance de modifier sérieusement la réalité du prétendu Parlement de Strasbourg. On peut trouver judicieux d'utiliser ces élections comme une tribune politique. Vu le manque (justifié) d'intérêt pour ce scrutin, les tribuniciens risquent fort de prêcher dans le désert. Le plus important, c'est de comprendre la situation précise, les reclassements qui s'opèrent et les nouvelles lignes de fracture qui permettront réellement efficacement. Malheureusement, les défenseurs de "l'autre Europe" n'ont visiblement aucune visée stratégique.