La Lune

Oui, il y a quarante ans j'ai passé la nuit devant le petit écran et je suis toujours passionné d'astrophysique, de technique. Pas la moindre lassitude, au contraire. Je regrette seulement que beaucoup de mes contemporains s'en foutent. Pourtant, quel meilleure arme contre la barbarie, les archaïsmes, la connerie qui nous menacent. C'est bien là un de nos points faibles, cette indifférence à l'avenir.

Je crois me souvenir qu'il y avait une panne, il y a quarante ans... je ne sais si ma mémoire me joue des tours, ou bien s'il y avait réellement un problème d'émission.

C'était interminable, les journalistes meublaient de leur mieux, la liaison fut interrompue plusieurs fois.
Je regarderai Arte, ce soir.

"C'est bien là un de nos points faibles, cette indifférence à l'avenir."

Il faudrait que la conquête spatiale ait un peu moins l'allure d'un "sauve-qui-peut" la Terre.

Avez-vous noté combien le discours autour des voyages dans le cosmos a changé. On parle bien moins de découverte que de recherche d'une annexe de la Terre, d'une autre Terre où l'homme pourrait prendre racine et remettre le couvert.

Par "remettre le couvert", vous voulez dire construire des murs de Berlin et des parcs Eurodisney sur d'autres planètes ?

On pourrait y envoyer les CPF qui deviendraient alors les chances pour Mars.

Oui, Olivier, je ne vois absolument rien de neuf dans les ambitions humaines à l'égard de l'espace, pas plus que chez les poux qui, naturellement, migrent sur une autre tête quand ils sont en surnombre.

La quête d'une autre Terre où "remettre le couvert" n'est pas au coeur des préoccupations actuelles des savants, je crois. De telles projections sont fréquentes, en revanche, dans la littérature de science-fiction, ce qui n'est pas la même chose. La preuve est faite qu'aucune autre planète de ce système n'est habitable, ni même colonisable, et la découverte, par les astronomes, d'innombrables exoplanètes ne suscite pas le désir de les occuper, à cause des distances, mais pas seulement à cause d'elles. En revanche, les documentaires de vulgarisation insistent beaucoup sur la recherche de traces de vie non-terrestre, aussi bien sur Mars que sur les satellites de Jupiter et de Saturne. Certains en ont déduit que l'exploration spatiale n'était guère autre chose que la recherche du même, ce que je trouve abusif. Ce que ces documentaires m'ont appris, en revanche, c'est que l'idéalisme, l'ardeur à rechercher et à découvrir, sont bien vivants, mais moins médiatisés et diffusés que le nihilisme.

» Certains en ont déduit que l'exploration spatiale n'était guère autre chose que la recherche du même, ce que je trouve abusif.


Cette phrase est pourtant plus profonde qu'il n'y paraît, car le même est très méconnu...

Je voulais dire, simplement, que la connaissance de l'Univers était une aventure passionnante. Je me sens bien sur la Terre, sur les bords de Garonne, en vue des Pyrénées.

Ne desespérons pas. A la "diversité" ne manquent plus que les extra terrestres. Gageons que s'ils décidaient de s'établir sur terre, nous leurs ouvririons tous grands nos bras et nos frontières, qu'ils seraient des FRançais comme vous et moi et d'abominables racistes ceux qui soutiendraient le contraire, et que le look "batracien" ferait fureur chez les ados.

Ne cherchez plus, je l'ai fait pour vous. Voici le trajet de l'éclipse totale de demain :



(Source.)

"La quête d'une autre Terre où "remettre le couvert" n'est pas au cœur des préoccupations actuelles des savants, je crois."

Des savants, peut-être ou sans doute, je ne sais et veux bien vous croire, cher Henri (cependant, je vois mal comment la perspective d'une colonisation du cosmos sous une forme ou une autre (planètes artificielles, stations, que sais-je), ne ferait pas partie du tableau. Cela me paraît invraisemblable, surtout si, écartant l'éventualité de cet éventuel peuplement, on prête à cette conquête des ambitions aussi abstraite que "la recherche du même" (je ne dis pas que cette ambition n'existe pas, il se peut même qu'elle soit le vrai moteur de toute cette affaire mais, tout de même, l'idée de trouver dans le cosmos des solutions aux problèmes énergétiques, démographiques ou sociaux de la Terre, cette idée ne me semble pas anecdotique et je doute que les gouvernements n'y aient jamais songé en soutenant de très coûteux programmes.)

Quant aux vulgarisateurs de tout poil et autres chroniqueurs professionnels, le cosmos comme "planche de salut" semble bien l'avoir emporté dans les "analyses". Pas plus tard qu'hier soir, le "Journal" de TF1 était augmenté d'une "émission spéciale" autour de la conquête spatiale. J'ai pris cette émission en cours et ne sais donc pas à quel titre était invité certain sexagénaire à l'enthousiasme moins communicatif que pénible (pour moi), lequel "invité" a bel et bien conclu sur la perspective de coloniser le cosmos et a trouvé le moyen d'y associer le règlement de la question du chômage, des "cités" et je ne sais plus quel autre casse-tête "sociétal"...

Je conçois que l'on soit agacé, cher Orimont, en regardant pareilles émissions. A vrai dire, je ne les suis pas, mais grâce au câble, je peux voir de nombreux documentaires, par exemple sur National Geographic Channel ou Encyclopédia, de meilleur niveau que TF1. Ce que vous en dites montre bien que le journalisme "généraliste" entretient d'étroits rapports avec la science-fiction et avec la publicité (je me souviens de cet écran géant incitant les humains à émigrer vers d'autres planètes, dans le Los Angeles de 2020 du film Blade Runner).

Il n'est pas douteux que l'exploration de l'espace ait des motivations intéressées, surtout dans les organismes d'état qui la financent. Cependant, je me demande si aux Etats-Unis, à l'opposé de la France dont la politique de recherche fait fuir les jeunes savants, d'autres motivations, d'autres facteurs n'agissent pas. Quelles motivations ? Le prestige international, l'expérience des retombées pratiques, toujours inattendues, de la recherche fondamentale, et même, qui sait ? un certain goût pour le gaspillage somptueux (qui nous a valu Versailles, St Pierre de Rome ou le Taj Mahal). Gaspillage du point de vue comptable, immédiat, mais sage investissement si l'on réfléchit à long terme. L'esprit comptable (qui va souvent de pair avec le misérabilisme caritatif) domine le discours journalistique, et partant, nos esprits.

Pourquoi enfin certains politiciens ne seraient-ils pas persuadés de la bonté intrinsèque de la découverte scientifique ? On a trop l'habitude de ramener toutes les entreprises humaines à l'intérêt le plus mesquin, c'est un réflexe intellectuel qui me rappelle ce passage d'une lettre de Gerard Manley Hopkins à un ami cynique et élégamment désillusionné : " ... sans conviction, il n'est rien qui puisse être sain ni beau, et [qu'] une veine de cynisme à laquelle on s'abandonne trop volontiers finit par rendre tout grossier en nous. "

Je me suis mal exprimé sur la recherche du Même : des penseurs ont reproché aux savants de trop vouloir trouver des traces de vie extra-terrestre, et d'employer pour ce faire des critères trop terrestres. Cela me paraissait mal fondé, parce que la biologie n'a qu'un objet d'étude disponible, la vie terrestre, et parce que les savants que j'ai entendu parler sur ces chaînes câblées témoignaient d'une remarquable ouverture d'esprit. Quant à coloniser d'autres planètes, il paraît difficile d'affirmer que l'idée n'a pas traversé les esprits, bien sûr. Mais techniquement, financièrement, scientifiquement, c'est impossible aujourd'hui.

D'après mes calculs, à la vitesse maximale atteinte par les capsules qui ont effectué le voyage de la terre à la lune (40.000 km/H si mes souvenirs sont exacts), il faudrait cent huit mille années pour arriver jusqu'à Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de notre système solaire.

Convertir les mobiles bas (argent, pouvoir, gloire) en mobiles élevés restera encore longtemps, je le crains, la principale difficulté à laquelle l’humanité est confrontée, comme le relevait Simone Weil.

Les premiers se révèlent toujours bien plus propices que les seconds à la mobilisation des énergies, ardeurs et moyens requis par les aventures, notamment scientifiques, les plus audacieuses et dont la science ne récolte les fruits qu'a posteriori. Sans remonter à Christophe Colomb, on ne peut que constater les multiples inventions issues des recherches entreprises dans des visées guerrières (armement, aéronautique, médecine, transmission, biologie) sans même parler du projet Manhattan et du programme Appolo, ni même d’Internet, né lui-aussi dans le giron des militaires.

वाराणसी से नमस्ते
Greetings from Varanasi