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La langue française

Envoyé par Louis Piron 
13 décembre 2012, 18:59   La langue française
... pour les Nuls


Quelques "perles" :

» Au jour d'aujourd'hui

» Le monopole exclusif

» Incessament sous peu*

» Une machinerie électorale

» Un propos dénudé de sens

» Une tasse soi-disant incassable

» Une personne infligée d'un physique ingrat


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* Déjà relevée dans le Répertoire des délicatesses du français contemporain.
14 décembre 2012, 12:28   Re : La langue française
"Une tasse soi-disant incassable" soulève un problème de langue beaucoup plus épineux que les autres éléments de la liste, dont l'incorrection est évidente.
14 décembre 2012, 12:41   Re : La langue française
Pourquoi épineux ? Il suffit de remplacer par "prétendument".
14 décembre 2012, 13:18   Re : La langue française
Je voulais dire que l'incorrection (relative) de soi-disant dans ce cas-là n'est pas du tout du même niveau que les erreurs grossières de la liste. "Une tasse soi-disant incassable" est douteux, mais pas impossible.
14 décembre 2012, 13:49   Re : La langue française
Ah pardon !
14 décembre 2012, 14:11   Re : La langue française
Et que pensez-vous de cette phrase : "Un nouveau type de stage totalement inédit" ? Il s'agit de l'annonce d'un stage que s'apprête à proposer l'auteur de cette phrase, qu'il fait figurer sur son dépliant publicitaire.

Je trouve que "nouveau" et "inédit" dans la même phrase, c'est redondant. Quant à préciser que c'est "totalement inédit", est-ce à dire que dans d'autres cas, cela peut être "partiellement inédit" ? Si c'est inédit, c'est inédit, point, non ?
14 décembre 2012, 14:45   Re : La langue française
Rien sur « c'est à la fois ................... et à la fois.............. » ?

(ou « c’est à la fois .................... et en même temps ............. », variante faux-cul ).
14 décembre 2012, 19:24   Re : La langue française
Cher Camus,

Alain Bentolila recense principalement les erreurs que les animateurs "télé" diffusent dans nos chaumières (il remarque d'autre part le rôle néfaste des réseaux sociaux où l'on utilise un langage souvent "limité"). Or dans votre exemple, il y a un précédent littéraire : « L'égalité est donc à la fois la chose la plus naturelle, et en même temps, la plus chimérique » --- (Voltaire). Cela ne justifie en rien cette redondance, mais dédouane quelque peu nos contemporains (à qui il serait peut-être surréaliste de demander en plus de corriger les fautes que leurs plus prestigieux ancêtres ont vulgarisées avant eux).
14 décembre 2012, 19:30   Re : La langue française
Ah, tiens, un adepte de la méthode du Masnau. Décidément, ils sont partout...

(la méthode du Masnau, petite arme absolue de langage, consiste, face à n’importe quelle faute de français (ou de logique, comme en l’occurrence), à dresser la longue liste des excellents écrivains qui l’ont commise — moyennant quoi, bien sûr, elle ne saurait être une faute. Et comme il n’est faute qui ne puisse se prévaloir des plus brillants antécédents, toute remarque sur la langue est barrée).
14 décembre 2012, 19:46   Re : La langue française
Ah non, il s'agit bel et bien d'une faute, je ne dis pas le contraire ! Je dis seulement que Bentolila s'intéresse précisément aux "nouvelles fautes", celles qui sont apparues récemment. Votre exemple est juste et bienvenue, comme très souvent ; je ne voulais pas vous contrarier (d'ailleurs j'ai pris beaucoup plus de plaisir à lire votre livre que celui « pour les Nuls » !). (Je suis vraiment maladroit, décidément).


[Adverbe barré après l'heureuse remarque de M. Bily]
14 décembre 2012, 19:58   Re : La langue française
(Ma maladresse proviendrait-elle ici du « en plus » en italique qui soulignerait insuffisamment l'ironie de cette remarque ?)
14 décembre 2012, 21:20   Re : La langue française
A chaque fois...
14 décembre 2012, 22:11   C'est la faute à Voltaire
« la méthode du Masnau, petite arme absolue de langage, consiste, face à n’importe quelle faute de français (ou de logique, comme en l’occurrence), à dresser la longue liste des excellents écrivains qui l’ont commise — moyennant quoi, bien sûr, elle ne saurait être une faute » (Camus)

M. Camus,

en passant, je considère qu'il n'y a aucune raison d'accepter une faute au prétexte qu'elle a été faite par un grand nom de la littérature, mais au contraire, que cela altère défavorablement l'opinion qu'on peut avoir de celui-ci. En l'occurrence, ce Voltaire est un Âne. De plus, en toute logique, sa phrase est une aberration : "l'égalité", conception de l'esprit, n'a rien de "naturelle". (Je suppose même que cet illogisme est inexorablement lié à la faute de logique décrite dans votre exemple). (Cependant, pour le marchand d'esclaves qu'il fût --- traite négrière de laquelle il tirait de substantiels bénéfices, d'après Pierre Pluchon ---, c'est d'une cohérence limpide : « dis-moi ce que tu fais, je te dirai qui tu es », dixit un Grand écrivain).

Bien à vous,
(ex-)Pyrrhon
14 décembre 2012, 22:48   Re : La langue française
En parlant de grands noms qui peuvent commettre des fautes, que pensez-vous de cette phrase :

"Toute sa vie, nous l'avons vu préoccupé de réagir contre cette opinion qu'il sentait autour de lui et chez la plupart de ses lecteurs".

Le "préoccupé de réagir" m’interpelle mais ce n'est peut-être qu'un caprice esthétique auquel je m'adonne.

La phrase est de Barrès, parlant de Zola.
15 décembre 2012, 00:05   Bestiaire de la langue française
Ah, Barrès ! Lui, se serait plutôt un Dindon "assis entre deux chaises", ou un Rossignol qui "chante dans les cimetières", c'est selon ! Le "bourrage de crâne" dont il fut l'un des plus ardents promoteurs est des plus révélateurs, encore une fois...
15 décembre 2012, 00:10   Re : La langue française
Pourriez-vous préciser votre pensée, cher Louis ?
Certes.

Le « Dindon assis entre deux chaises » est l'emblème de la passivité (puisqu'in fine l'AF perdit tous ses combats). Ensuite, il s'agit du "bourrage de crâne" va-t-en-guerre (la première) qui lui valut d'être qualifié de « rossignol qui chante dans les cimetières » par les pacifistes.
(... et le « encore une fois... » renvoie logiquement au « dis-moi ce que tu fais, je te dirais qui tu es » (... d'où ce bestiaire))
15 décembre 2012, 00:57   Les beaux yeux des phoques
Qu’est-ce que l’A.F. vient faire là-dedans ?

D'autre part les jugements sur Barrès me semblent bien injustes et caricaturaux, spécialement à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance...

« Au soleil incliné d’automne qui nous fait sentir l’isolement aux bras même de notre maîtresse, courons contempler les beaux yeux des phoques et nous désoler de la mystérieuse angoisse que témoignent dans leur vasque ces bêtes au cœur si doux, les frères des chiens et les nôtres. »
15 décembre 2012, 01:15   Re : La langue française
En parlant de jugement injuste à propos de Barrès, l'introduction que fit Finkielkraut lors de son épisode Réplique consacrée au prince de la jeunesse bat des scores de caricature. Mais je dois sans doute manquer d'objectivité lorsqu'il est question du précieux lorrain.
15 décembre 2012, 02:08   Re : Les beaux yeux des phoques
Cher Camus,

vous devez connaître l'amitié que Barrès avait pour Maurras (ai lu le beau chapitre que vous accordez à ce dernier dans Demeures de l'esprit, France IV) et sa proximité avec l'A.F., bien qu'il n'en fût jamais membre. Voilà pour le lien avec l'A.F., tout simplement.
Ensuite, je vous accorde le caractère caricatural de mes propos. Je reprends quelques reproches faits à MM. Voltaire & Barrès (un autre exemple : « Barrès s'embourgeoisa... Il entra à l'Académie française en 1906. Dévoré quelque peu par le Monde, par ces Bien-pensants dont Daudet se moquait et que Bernanos exécrait. »).
Je conçois que cela vous déplaise. J'affirme néanmoins que l'un et l'autre nous ont menés à des impasses : l'excès de Lumières a obscurci le ciel ; l'excès de nationalisme a tué la nation.
À cause de ces deux excès, l'avenir de la France s'est assombri.

Je vous prie de croire à mon profond respect,
Louis Piron (nom d'emprunt)


[Message modifié le lendemain]
15 décembre 2012, 02:15   Re : La langue française
Je ne suis pas certain d'avoir jamais lu des propos aussi étonnants ! Je vais répondre plus complètement et soigneusement demain. J'ai peur que vous enfiliez les concepts comme des perles sans réellement les maitriser, si je puis me permettre ce mot, que j'écris sans mépris aucun.
15 décembre 2012, 02:18   Re : La langue française
À demain, il fera jour...
Utilisateur anonyme
15 décembre 2012, 14:55   Re : Les beaux yeux des phoques
Citation
Louis Piron
Cher Camus,

vous devez connaître l'amitié que Barrès avait pour Maurras (ai lu le beau chapitre que vous accordez à ce dernier dans les Demeures IV) et la proximité qu'il avait pour l'AF (bien qu'il n'en fût jamais membre, un peu comme moi & le PI -- toute comparaison gardée). Ainsi parlé-je (sans animosité) de « ... assis entre deux chaises » pour décrire cette ambiguïté (ou alternative ?) Barrès-Maurras. Ensuite, je ne fais que reprendre diverses jacqueries sur MM. Voltaire & Barrès. Je conçois que cela vous déplaise. J'affirme néanmoins que l'un et l'autre (avec M. Maurras) nous ont mené à des impasses : l'excès de Lumière a obscurci le ciel ; l'excès de nationalisme a tué la Nation. En synthèse, l'avenir de la France s'est assombrie !

Il suffit de lire l'Enquête sur la Monarchie ou la dernière biographie écrite par François Broche pour savoir qu'il n'y a jamais eu d’ambiguïtés entre Barrès et Maurras. Certes, il a pu partager certains de ses combats, comme il a accompagné, un moment, Boulanger et Déroulède, mais parler d'ambiguïté est une erreur.
15 décembre 2012, 15:43   Re : Les beaux yeux des phoques
Dans quel(s) cas A chaque fois est-il incorrect ? (On m'a dit qu'il n'y avait pas de questions idiotes.)
15 décembre 2012, 18:26   Re : Les beaux yeux des phoques
D'après le dictionnaire Bordas des Pièges et difficultés de la langue française, à chaque fois que est une forme plus familière que « chaque fois que ». Il me semble qu'il est en revanche tout à fait correct de dire et d'écrire : « Il se trompe à chaque fois », exemple que l'on trouve dans le dictionnaire de l'Académie. En fait, « chaque fois » est préférable quand il introduit une subordonnée.

Chaque fois qu'on parle d'amour,
C'est avec jamais et toujours.
On refait le même chemin,
En ne se souvenant de rien.
Et l'on recommence, soumise :
Florence et Naples,
Naples et Venise.
On se le dit et on y croit,
Que c'est pour la première fois,
À chaque fois, à chaque fois,
Chaque fois qu'on aime d'amour.
15 décembre 2012, 18:45   Re : Les beaux yeux des phoques
Merci pour cette explication. Encore une locution plus "suspecte" que réellement incorrecte, semble-t-il.
15 décembre 2012, 18:50   Re : Les beaux yeux des phoques
Citation
Christophe Rivoallan
Citation
Louis Piron
Cher Camus,

[Message modifié]

Il suffit de lire l'Enquête sur la Monarchie ou la dernière biographie écrite par François Broche pour savoir qu'il n'y a jamais eu d’ambiguïtés entre Barrès et Maurras. Certes, il a pu partager certains de ses combats, comme il a accompagné, un moment, Boulanger et Déroulède, mais parler d'ambiguïté est une erreur.

Cher Rivoallan,

j'ai corrigé le message que vous citez, veuillez m'en excuser.

Pour que votre remarque soit complète, il faudrait peut-être ajouter que Barrès revint à la foi catholique peu avant sa mort.

D'autre part, j'avais acheté il y a quelques années sur les quais de Seine un viel exemplaire de cette Enquête. Excellente enquête, dois-je dire.



* * *

Qui, dans ce vieil ECHO dont les feuilles jaunissent
Reconnaîtrait le pas léger de Bérénice ?

(Barrès en un trait)



* * *

Tu ne peux être matelot
Que d'imaginaires espaces
Où plus qu'ailleurs l'aube fugace
Est longue à naître sur les flots.


(Charles-Marie-Photius Maurras)

Utilisateur anonyme
15 décembre 2012, 19:50   Re : Les beaux yeux des phoques
Citation
Louis Piron
Citation
Christophe Rivoallan
Citation
Louis Piron
Cher Camus,

[bla bla, bla bla bla...]

Il suffit de lire l'Enquête sur la Monarchie ou la dernière biographie écrite par François Broche pour savoir qu'il n'y a jamais eu d’ambiguïtés entre Barrès et Maurras. Certes, il a pu partager certains de ses combats, comme il a accompagné, un moment, Boulanger et Déroulède, mais parler d'ambiguïté est une erreur.

Cher Rivoallan,

j'ai corrigé le message que vous citez, veuillez m'en excuser.

Pour que votre remarque soit complète, il faudrait peut-être ajouter que Barrès revint à la foi catholique peu avant sa mort.

D'autre part, j'avais acheté il y a quelques années sur les quais de Seine un viel exemplaire de cette Enquête. Excellente enquête, dois-je dire.



* * *

Qui, dans ce vieil ECHO dont les feuilles jaunissent
Reconnaîtrait le pas léger de Bérénice ?

(Barrès en un trait)



* * *

Tu ne peux être matelot
Que d'imaginaires espaces
Où plus qu'ailleurs l'aube fugace
Est longue à naître sur les flots.


(Charles-Marie-Photius Maurras)

Cher Piron,

là encore je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Cette fois je citerai les travaux de Sarah Vajda. Elle est assez convaincante quand elle explique que beaucoup ont essayé de le ramener à la foi catholique, mais sans succès.

Ses Cahiers montrent qu'effectivement, il a eu quelques tentations mais elles n'ont pas véritablement été suivi d'effets.

Quant à l'Enquête de Maurras, n'est-elle pas encore d'actualité, comme l'on dit ?
16 décembre 2012, 14:41   Re : La langue française
Citation
Jonathan Baudoche
Je ne suis pas certain d'avoir jamais lu des propos aussi étonnants ! Je vais répondre plus complètement et soigneusement demain. J'ai peur que vous enfiliez les concepts comme des perles sans réellement les maitriser, si je puis me permettre ce mot, que j'écris sans mépris aucun.

Je vais essayer de préciser ma pensée. Je crois qu'il y a "deux" Barrès.

Le "premier" Barrès, celui d'avant 1906 (et peut-être de ces derniers jours, j'insiste*), dont voici un écrit publié dans sa revue Les taches d'encre (fin du XIXème siècle) :

« Notre tâche sociale, à nous, jeunes hommes, c'est de reprendre la terre enlevée, de reconstituer l'idéal français qui est fait tout autant du génie protestant de Strasbourg que de la facilité brillante du Midi. Nos pères faillirent un jour : c'est une tâche d'hommeur qu'ils nous laissent. [...] Nous dirons la France est grande et l'Allemagne aussi. Quels que soient, d'ailleurs les instants politiques, trois peuples guident la civilisation dans ce siècle : la France, l'Angleterre, l'Allemagne aussi. Et ce serait pour nous une perte irréparable si l'un de ces flambeaux disparaissait. Le patriotisme d'aujourd'hui ne ressemble pas plus au chauvinisme d'hier qu'au cosmopolisme de demain. Nous avons des pères intellectuels dans tous les pays. Kant, Goethe, Hegel ont des droits sur les premiers d'entre nous. »

Et le "second" Barrès, celui qui participa à la propagande nationaliste à outrance, encourageant tous les massacres de la guerre. D'ailleurs il n'était lui-même pas dupe des ravages de l'optimisme qu'il affichait, comme le prouvent certains de ces articles (où il allait jusqu'au pessimisme, voire au défaitisme. Quel déchirement !).


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* Il fit par exemple adopter, le 24 juin 1920, son projet visant à instituer une fête nationale de Jeanne d'Arc.
16 décembre 2012, 15:16   Re : La langue française
Plutôt que deux Barrès, ne doit-on pas considérer qu'il n'y a qu'un Barrès et qu'il est influencé par les évènements qui l'entourent ? Dès lors qu'il avait décidé d'être un personnage dont la parole fut publique, il est normal que celle-ci s'adapte aux évènements eux-mêmes publics. Avant 1906, il n'y avait pas encore la guerre.

Depuis toujours, j'entends dire qu'il y a deux Barrès. Un premier, étudiant jouisseur, adepte du café, du tabac et des femmes dans un Paris nouvellement rejoint, plutôt socialiste par la pensée, ayant même décrié le nationalisme dans quelque article. Puis, un autre Barrès, transformé en chauvin fanatique, germanophobe hystérique, et chantre d'un nationalisme à tout prix. J'accuse ceux qui font cette distinction d'utiliser le premier Barrès pour mieux combattre le deuxième, n'ayant d'attachement ni pour l'un ni pour l'autre. En conceptualisant deux Barrès, ses ennemis prétendent écrire l'histoire d'une dérive. Je constate également que si nous accusions Barrès de n'avoir jamais été assez subtil pour, à certains moments de sa vie, dévier de certaines de ses idées soit pour les améliorer soit pour en changer, nous trouverions en lui une figure parfaite de l'entêtement, c'est à dire de la non-finesse intellectuelle.

Alors oui, Barrès n'a pas été, intellectuellement parlant, un bloc en marbre imperméable aux évènements. Sa pensée, à l'aube de sa jeune vie d'écrivain (notamment à l'époque de Sous l'oeil des Barbares), était confuse, en quête, et c'est de son propre aveu que l'on entend ce constat, révélé par Jérôme Tharaud dans l'excellent et émouvant "Mes années chez Barrès". Néanmoins, prétendre qu'il a suffisamment changé pour qu'on puisse en tirer la conclusion qu'il y a deux Barrès, c'est n'avoir pas compris que sa jeune vie préfigurait le reste, et je n'aime pas l'idée que l'on parle de dérive, en l'occurrence la dérive d'un Barrès socialiste vers un Barrès nationaliste, car cela sous-entend que dès lors que sa réflexion a amené ce changement vers un Barrès nationaliste, c'est qu'il a changé d'axe, au lieu d'admettre que sa pensée a, de manière tout à fait raisonnée, débouché sur son nationalisme, en conscience et avec une parfaite sérénité intellectuelle. C'est de notre point de vue actuel que l'on considère qu'aller vers le nationalisme constitue une dérive ; s'il avait opéré le changement inverse, aujourd'hui nos commentateurs loueraient son passage "de l'ombre à la lumière" et nous verrions Barrès comme sujet du Bac dans nos lycées.
16 décembre 2012, 15:29   Re : Les beaux yeux des phoques
Quant à l'Enquête de Maurras, n'est-elle pas encore d'actualité, comme l'on dit ? (Rivoallan)

Non, M. Maurras affirme dans ce livre l'idée que la démocratie est « le mal », « la mort », proposition à la fois difficile à défendre et vouée à l'échec politiquement (vous ne pouvez enléver le goût de la démocratie à une majorité régnante) !
16 décembre 2012, 15:47   Re : La langue française
... et nous verrions Barrès comme sujet du Bac dans nos lycées. (Baudoche)

J'encourage cette motion, ne serait-ce que pour débattre de la question de l'existance ou non d'un "deuxième" Barrès.
16 décembre 2012, 16:03   Re : La langue française
Lorsqu'il m'est donné d'en parler, je demande toujours à mon interlocuteur s'il est possible de dissocier un premier Barrès d'un deuxième en utilisant une lecture qui empêcherait de trouver aussi un deuxième de Gaulle, un deuxième Charette, un deuxième Mitterrand, et autant d'autres deuxièmes qu'il existe de personnages qui, sur la scène publique, ont compté.

Il va de soi que s'il y a un deuxième Barrès, l'appréciation qui permet cette conclusion doit valoir pour à peu près tous les personnages historiques connus, et dès lors, n'en parler que pour Barrès révèle bien un plan.
16 décembre 2012, 16:14   Re : La langue française
Oui, mais pourrait-on dire qu'il y a un "second" Joseph de Maistre ? un "deuxième" Henri IV ? un "alter" Jules César ? ...

Dans tous les cas de figure il s'agit simplement de « séparer le bon grain de l'ivraie » dans la vie de nos grands penseurs.
16 décembre 2012, 17:00   Re : La langue française
Citation
Louis Piron
Oui, mais peut-on dire qu'il y a un "deuxième" Joseph de Maistre ? un "autre" Henri IV ? un "second" Jules César ? ...

Dans tous les cas de figure, il s'agit simplement de « séparer le bon grain de l'ivraie » dans la vie de nos grands penseurs.

S'il ne s'agit que de cela, je n'ai rien contre à condition que cela soit fait objectivement et sans que le résultat de nos analyses ne débouche, comme par hasard, sur la validation de nos propres idées politiques. Je pense notamment à Etienne Chouard, capable de faire abstraction de tous les noirs aspects de la personnalité et des actes de Robespierre, simplement parce que celui-ci était plus soucieux des pauvres que des riches, comme si cette caractéristique suffisait à tout. Ou comme Alain Soral, dont nous parlions ailleurs, capable de vanter la pire crapule si elle est antisioniste, et insulter la meilleure âme si elle ne l'est pas.

Concernant Barrès, l'homme a toutes les raisons d'irriter la nomenclature intellectuelle en France, et je me méfie par conséquent de tout ce qu'elle peut affirmer sur lui. Par exemple, mon agacement était complet lorsque j'entendais Alain Finkielkraut, dans son émission Répliques, vouloir absolument que l'on résume Barrès à son antisémitisme supposé. Sarah Vajda s'échinait quant à elle à expliquer que le propos de son interlocuteur n'avait pas de sens car il était anachronique, incomplet.
16 décembre 2012, 17:11   Re : La langue française
« S'il ne s'agit que de cela, je n'ai rien contre à condition que cela soit fait objectivement et sans que le résultat de nos analyses ne débouche, comme par hasard, sur la validation de nos propres idées politiques. » (Baudoche, de nouveau)

Oui, mais comment peut-on faire pour taire le fait que ce soit l'exacerbation des nationalismes qui soit à l'origine de la décadence de la France, ou plutôt à la fin de sa grandeur civilationnelle, culturelle, et d'abord politique (donc littéraire) ?
16 décembre 2012, 17:25   Re : La langue française
Cette lecture est fondée sur quoi, exactement ? Je n'ai pas du tout cette analyse. D'ailleurs, qui défend cette lecture ?

J'ai l'impression qu'il faut être fichtrement souple pour réussir à produire pareille analyse, et non moins pour l'accepter. Ce discours visant à accuser le nationalisme d'être la cause de la décadence de la nation est très dans l'ère du temps.
16 décembre 2012, 17:26   Re : La langue française
Entièrement d'accord avec la deuxième partie de votre message, mais insuffisant pour contredire cette analyse courante :

« L'historien Bernard Michel soutient qu'au XIXe siècle en Europe centrale, le nationalisme a permis le développement de réseaux de sociabilité nationaux concurrents et pacifiques, et n'est pas responsable de conflits armés (aux exceptions près des révolutions de 1848 et de la longue guerre entre les Hongrois et l'armée impériale d'Autriche-Hongrie), mais que ceux-ci ont été déclenchés par des puissances impériales (puis au XXe siècle par des États à caractère totalitaire), les haines entre nationalités étant entretenues par les États voulant détourner le mécontentement populaire ou par les mouvements pangermanistes. Le seul conflit purement nationaliste étant la Première Guerre mondiale, entre Français et Allemands. » (Nationalisme, Wikitruck)

* * *

« Nous ne sommes pas les maîtres des pensées qui naissent en nous. Elles ne viennent pas de notre intelligence. Elles sont des façons de réagir où se traduisent de très anciennes dispositions physiologiques. Selon le milieu où nous sommes plongés, nous élaborons des jugements et des raisonnements. La raison humaine est enchaînée de telle sorte que nous repasserons tous dans les pas de nos prédécesseurs. » (Barrès, La terre et les morts)
16 décembre 2012, 20:22   Re : La langue française
» J'accuse ceux qui font cette distinction d'utiliser le premier Barrès pour mieux combattre le deuxième, n'ayant d'attachement ni pour l'un ni pour l'autre

Vous avez raison, on peut rejeter les deux comme pareillement sots, et considérer la sorte de nationalisme aux hormones de la seconde période comme une égologie boursouflée aux dimensions géographiques d'un pays.
19 décembre 2012, 22:14   Re : La langue française
Je dois dire que je reste sans voix, perturbé depuis cette discussion.

Ma première incertitude est d'avoir en quelque façon nui à la mémoire de Barrès avec mes jugements à l'emporte-pièce (ce qui me valut une réprimande, à juste titre). J'espère avoir nuancé ma pensée dans les messages suivants, notamment en précisant certaines contradictions entre les idées du jeune et talentueux Barrès et les agissements propagandistes de celui qui, perdant en partie son esprit critique, était devenu le Barrès "Bien-pensants" d'après 1906 (sujet de ma critique).

Puis il y a votre intervention, Cher Eytan, objet de ma seconde incertitude. Qu'avez-vous voulu dire ? N'êtes-vous pas de l'avis des leaders politiques du Likoud --- je pense à Jabotinsky (qui en fut l'inspirateur), à Begin, à Shamir, à Sharon ---, avis qui est relativement proche de celui de Barrès, à savoir un patriotisme exalté, sans frein et reposant sur le droit du sang ? À l'inverse, comment pourriez-vous être de ces individualistes jusqu'au-boutistes qui se fichent tour à tour de la nation, de l'ethnie et de la religion de leurs ancêtres comme de leur premier iPhone et dont on peut voir chaque jour un peu plus les nombreux dégâts qu'ils provoquent en occident ? Mais peut-être avez-vous une troisième voie à m'indiquer (malgré la remarquable réussite de la première et l'échec de plus en plus manifeste de la seconde) ? Où est la raison ?
20 décembre 2012, 23:00   Re : La langue française
» je pense à Jabotinsky (qui en fut l'inspirateur), à Begin, à Shamir, à Sharon —, avis qui est relativement proche de celui de Barrès, à savoir un patriotisme exalté, sans frein et reposant sur le droit du sang

Oh non, cher Louis, on ne peut dire que ce soit mon fait : je crois que je suis resté un indécrottable individualiste, pour ce que vaut ce terme, nourrissant à l’égard de tout système d'ordre une méfiance quasi réflexe, tout en étant, comble de malheur, persuadé de la nécessité de ce dernier, les hommes étant ce qu'ils sont ; ce n'est ni très original ni recommandable, mais c'est comme ça.
Quant aux ronflants laudateurs du casse-pipe intégral, tenant si admirablement à soi par la peau des autres, très peu pour moi, mais ce n'est qu'une opinion personnelle.

(Soit dit en passant, si l'on est un individualiste jusqu'au-boutiste se fichant de la nation, selon votre expression, vous conviendrez que la déliquescence de l'état des choses, à quelque plan national ou collectif qu'on l'envisage, ne peut être un argument là-contre...)
21 décembre 2012, 21:05   Re : La langue française
» Quant aux ronflants laudateurs du casse-pipe intégral, tenant si admirablement à soi par la peau des autres, très peu pour moi, mais ce n'est qu'une opinion personnelle

Il ne vous aura pas échappé qu’avant le XXème siècle, sur les champs de bataille, les leaders s'exposaient régulièrement en première ligne, comportement autrement plus courageux que celui des pleutres qui suivirent --- et qui servent votre beau raisonnement. De plus, n'est-il pas sain que certains se fassent les laudateurs du casse-pipe intégral, comme vous dites, pour venger une nature qui étouffe, polluée qu'elle est par le pullulement des êtres ? (L'erreur étant probablement d'avoir appliqué en premier cette solution entre les peuples qui avaient le mieux compris la nature et d'avoir épargné ceux qui, à l'heure actuelle, ne l'ont toujours pas compris !)


» Soit dit en passant, si l'on est un individualiste jusqu'au-boutiste se fichant de la nation, selon votre expression, vous conviendrez que la déliquescence de l'état des choses, à quelque plan national ou collectif qu'on l'envisage, ne peut être un argument là-contre

Non, je n’en conviens pas, puisque j’estime que la réussite d’Israël provient majoritairement du comportement exemplaire de ses élites quant à la défense vigoureuse de la nation, de l’ethnie et de la religion historique de ce peuple.
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