Le site du parti de l'In-nocence

Steiner le Méchant

Envoyé par Utilisateur anonyme 
11 septembre 2008, 21:48   Re : Brecht bis
Foi de Francoineau, oi aussi !
11 septembre 2008, 22:35   Re : Souvenir saisissant
Il faudrait ici saluer le "travail de mémoire de Jmarc", et je prie le ciel que personne ne voie en cela quelque ironie mal placée.

La question de l'adhésion au nazisme de la bourgade allemande est la question interdite des historiens. Comment ce peuple foncièrement bon, en est-il arrivé à ce degré de subjugation ? Les Allemands formaient et forment sans doute encore un peuple foncièrement bon, généreux, aimant la vie et la paix. Ce fait est éclatant, incontournable. Personne, à mon humble connaissance, ne s'est penché sur ce paradoxe, qui est à la base historique (chronologique) de la naissance de l'horreur en Allemagne. Merci encore à Jmarc de librement, aventurièrement, s'enquérir de cette question fondamentale. L'Allemagne, le peuple allemand, fut la première et la dernière victime de l'horreur nazie. Ils (nation et peuple) demeureront cette victime absolument pour l'éternité; bien après que le peuple juif se soit reconstruit, ait vieilli, ait connu ses avatars naturels de déchéance et renaissance, le peuple le plus bon, le plus simple, le plus convivial du monde, continuera d'être maudit du stigmate nazi; personne au juste, ne sait comment ce drame est advenu: comment la bonté s'est soumise à l'horreur.
11 septembre 2008, 23:32   Re : Steiner le Méchant
Je pense, cher Francis, que Freud, après Le Bon, avait analysé le phénomène, dix ans avant qu'il ne survienne...

Je fais allusion à son essai sur la psychologie des foules et l'analyse du moi (1921). Voyez la table : deux foules artificielles, l'Église et l'armée, l'identification, état amoureux et hypnose, la pulsion grégaire, la foule et la horde originaire...
12 septembre 2008, 00:16   Re : Steiner le Méchant
Merci cher Bernard, pourriez-vous joindre à votre remarque un lien quelconque ? J'ai lu, dans mon très jeune temps, les yeux embués par le voile imbécile de la jeunesse, ce texte de Freud sans y reconnaître ce que vous m'indiquez.
12 septembre 2008, 06:29   Re : Steiner le Méchant
Ce texte est paru dans les Essais de psychanalyse (Petite Bibliothèque Payot). Comme Freud est mort en 39, on peut déjà en trouver le texte sur des serveurs américains. Et voilà le travail, cher Francis !
12 septembre 2008, 09:58   Re : Brecht bis
Le pourquoi de la subjugation du peuple allemand par Hitler et ses sbires est délicate car en fait le NSDAP n'a jamais remporté une élection à la majorité absolue mais pris le pouvoir grâce à une coalition.

Les régions catholiques (sud de l'Allemagne, Baviére, Rhénanie, etc..) n'ont jamais voté majoritairement pour les nazis. Ce furent essentiellement les régions protestantes (Berlin, provinces de l'ex RDA, nord de l'Allemagne) qui votaient d'ailleurs principalement SPD ou PC qui se ralliérent d'un seul homme au NSDAP.
12 septembre 2008, 10:13   Re : Brecht bis
Quand vous dites "jamais", cher Rogemi, il faut préciser : avant la "mise au pas" (Gleichschaltung). Après, il y eut de nombreux plébiscites, remportés par le régime avec des majorités écrasantes.
12 septembre 2008, 10:24   Les Allemagnes
Bien cher Rogémi,


Je partage totalement votre avis (à l'exception de Berlin qui vota, je pense, jusqu'au bout pour la gauche). L'influence du parti Zentrum était très forte dans le sud, effectivement.

Je m'étais fait la même remarque à propos des majorités : les nazis avaient le groupe le plus puissant, mais étaient très loin de la majorité absolue des voix.

Au contraire, dans l'Espagne de 1936, les blocs sont de force égale (malgré un système électoral très compliqué dû à la possibilité de pannachage) nous avons : droite, Confédération Autonome des Droites Espagnoles, 4.503.524 voix ; centre, 526.615 voix ; Front populaire, 4.654.116 voix.
12 septembre 2008, 10:29   Elections de 1933
Voici une carte à propos des éléctions de 1933, alors que les nazis sont déjà au pouvoir :

[upload.wikimedia.org]
12 septembre 2008, 10:37   Re : Steiner le Méchant
Citation
Quand vous dites "jamais", cher Rogemi, il faut préciser : avant la "mise au pas" (Gleichschaltung). Après, il y eut de nombreux plébiscites, remportés par le régime avec des majorités écrasantes.

Je parlais bien sûr des élections à la réguliére ...
12 septembre 2008, 10:59   Re : Elections de 1933
Vous aurez remarqué que les régions situées à gauche du Rhin cad. romanisées furent celles qui ont donné le moins de voix à Hitler.
12 septembre 2008, 11:03   Re : Steiner le Méchant
" Comment ce peuple foncièrement bon, en est-il arrivé à ce degré de subjugation ? "

Par, précisément, la propagande et la terreur, non ?
12 septembre 2008, 11:03   Rhénanie
Bien cher Rogémi,


Je connaissais un vieux Monsieur (le beau-père de mon professeur d'allemand) qui était de la région de Cologne et qui m'avait assuré que lui-même et ses voisins, catholiques pratiquants, vêcurent fort mal la période nazie.

Je crois d'ailleurs qu'Adenauer était de cette même région.
12 septembre 2008, 11:17   Re : Steiner le Méchant
Qu'entendez-vous par "à la régulière", cher ami ? Bien sûr, il ne s'agissait pas d'élections obéissant aux règles qui sont les nôtres ; mais à ma connaissance, et contrairement à ce qui se faisait dans les pays communistes, il y avait des isoloirs que les gens utilisaient ; ils pouvaient parfaitement voter non aux questions posées (8% de non au référendum sur la fusion des pouvoirs du chancelier et du président, moins de 1% de non à l'Anschluss) ou même refuser la liste unique NSDAP aux législatives. Les ouvrages glissent en général très vite sur la description concrète des conditions de vote mais je n'ai pas non plus connaissance de fraudes dans le décompte des voix : auriez-vous là-dessus des informations précises ?

Sous réserve de celles-ci, ma conviction est que le comportement électoral sous le IIIe Reich ressemble au comportement allemand en général pendant cette époque : on suit sans trop se poser de questions sous prétexte qu'on n'avait pas le choix et qu'on risquait gros à ne pas faire comme tout le monde. Mais c'est faux, on avait le choix, et, dans bien des cas, on ne risquait pas grand-chose à ne pas suivre, si ce n'est ne pas faire carrière. Ainsi, pour prendre un exemple bien étudié, les quelques membres des bataillons de police employés pour les massacres à l'Est (la "Shoah par balles") qui ont refusé d'exécuter la besogne, n'ont absolument pas été inquiétés. Les cas cités plus haut d'exécutions de "défaitistes" par les SS sont très différents : d'une part, il s'agit d'actes assimilables aux soubresauts d'un régime à l'agonie perpétrés par des fanatiques livrés à eux-mêmes et d'autre part il s'agit de guerre et non de politique.
12 septembre 2008, 11:55   Re : Steiner le Méchant
Citation
Qu'entendez-vous par "à la régulière", cher ami ?

Tant que la République de Weimar existait les conditions de vote étaient démocratiques cad régulières dans le sens où tous les partis étaient autorisés.

Après le plébiscite du 19 août 1934, Hitler réunit les deux rôles de Président et de Chancelier sous le titre de Reichsführer de l'Allemagne.

Et une fois au pouvoir, il abolit les libertés démocratiques et les partis de l'opposition, débutant ainsi le Troisième Reich.
12 septembre 2008, 12:10   Re : Steiner le Méchant
Ah mais je sais bien tout cela, tout le monde sait tout cela ! S'il vous plaît, cher Rogemi, relisez mon message et réfléchissez à la question concrète que je pose. Y avait-t-il des mécanismes précis empêchant les électeurs d'exprimer leur désaccord au cours des trois référendums et des trois élections générales qui ont été organisés durant cette période en votant non aux premiers et en biffant la liste unique aux secondes : absence d'isoloir, non-comptabilisation des votes blanc ou nul, fraude dans les dépouillements ? Je n'ai pas écrit que les conditions de ces votes étaient démocratiques mais, sous réserve d'informations que je n'ai trouvées nulle part, je dis que les Allemands avaient la possibilité d'exprimer leur désaccord : entre 1 et 10%, selon les cas, l'ont fait.
12 septembre 2008, 12:16   Re : Steiner le Méchant
Formidable Bernard.. merci encore.
12 septembre 2008, 12:59   Re : Steiner le Méchant
Citation
absence d'isoloir, non-comptabilisation des votes blanc ou nul, fraude dans les dépouillements ? Je n'ai pas écrit que les conditions de ces votes étaient démocratiques mais, sous réserve d'informations que je n'ai trouvées nulle part, je dis que les Allemands avaient la possibilité d'exprimer leur désaccord : entre 1 et 10%, selon les cas, l'ont fait.

Wir reden aneinander vorbei.

Mettons que lors de ces consultations 51% de électeurs aient répondu Non à la question posée. Est-ce que le Führer aurait accepté de se soumettre?

Dès qu' Hitler fut en selle le rouleau compresseur de la propagande nazie put se déployer dans toute son ampleur et provoquer ce que René Girard appelle un emballement mimétique.

En conséquence de quoi le régime nazi pouvait se permettre d'organiser des plébiscites au caractére semi-démocratique et laisser, cher Marcel, comme vous le soulignez très justement une minorité exprimer son désaccord.

Dans l'Allemagne nazie, contrairement à ce qui se passait en Union Soviétique, la vie était assez tranquille aussi longtemps que vous ne vous mêliez pas de politique et que vous vaquiez à vos occupations personnelles.

Ps.: Le III Reich n'ètait pas une dictature aveugle et on pouvait, sans risque de se retrouver dans un camp de concentration, s'opposer dans certains domaines aux autorités nazies. La ville voisine du patelin dans lequel j'habite a refusé de laisser construire l'autoroute Munich-Salzbourg sur le territoire de sa commune et a obtenu gain de cause en dépit du fait que ce refus ait entrainé une augmentation considérable du coût de la construction.
12 septembre 2008, 13:12   Re : Steiner le Méchant
"Mettons que lors de ces consultations 51% de électeurs aient répondu Non à la question posée. Est-ce que le Führer aurait accepté de se soumettre?"

Cette question n'a pas grand sens, je crois : si le régime organisait ces consultations, c'est parce qu'il était sûr de les gagner car l'emballement mimétique dont vous parlez jouait déjà à plein. Donc emballement mimétique, oui, absolument ; soumission par la terreur, non. Quant à la propagande, elle fait sans doute "passer" avec le paquet des choses que les Allemands n'auraient pas forcément choisi d'y mettre.
12 septembre 2008, 14:10   Re : Steiner le Méchant
Citation
soumission par la terreur, non.
Cher Marcel,
Ai-je la berlue ou me reprochiez-vous tardivement une de mes affirmations précédentes exprimées sur le même fil ?
je veux dire celle-ci:
" il ne faut pas oublier que l'Allemagne d'Hitler était aussi une dictature féroce et que la moindre déviation, la moindre remise en cause de l'idéologie d'Etat était sévérement punie. "
12 septembre 2008, 14:37   Re : Steiner le Méchant
Non, non, je ne vous reproche rien du tout, et je ne nie évidemment pas la terreur d'Etat, exercée contre les opposants et les déviants, qui caractérise le totalitarisme nazi. Ce que je nie, c'est que le régime ait été instauré et maintenu par la terreur exercée contre la population allemande dans son ensemble.
12 septembre 2008, 14:44   Re : Steiner le Méchant
Citation
Ce que je nie, c'est que le régime ait été instauré et maintenu par la terreur exercée contre la population allemande dans son ensemble.

Vous avez raison !
12 septembre 2008, 14:58   Re : Steiner le Méchant
N'y a-t-il pas eu un phénomène du type TINA (There Is No Alternative) dans les années de montée en puissance du régime ? savoir que le premier travail, le travail de fondation d'un régime totalitaire serait de convaincre la collectivité nationale que "l'on n'a pas d'autre choix", qu'aucune solution autre que celle proposée le jour des élections ne vaut d'être considérée. Ce serait la faiblesse des projets des républicains de Weimar, la totale absence de projet politique et économique concurrent à celui du Parti de Hitler qui eussent créée les conditions de l'adhésion générale à un régime totalitaire puis coercitif. Dès lors que les masses ont été convaincues de la nullité de toute alternative, les convaincre de l'inutilité de toute opposition n'est plus qu'affaire de degré, et le passage de l'inutilité de toute opposition au stade où toute opposition en soi doit être considérée comme nuisible ne serait encore qu'affaire de dégré. De proche en proche, en partant d'une conviction de politique générale qu'aucune alternative n'existe, un monstre s'est constitué, qui s'est imposé à un peuple pourtant bon pour en faire son premier agent et sa première et dernière victime.
12 septembre 2008, 16:13   Re : Steiner le Méchant
Ecoutez, je suis un peu gêné d'écrire cela, mais je ne crois pas que les Allemands aient été, disons entre 1860 et 1960, un peuple bon. Cultivé, civil, efficace, attentif à la nature, musical,dynamique, costaud, poète, philosophe, honnête, moral, tout ce que vous voulez, mais pas bon. Les Allemands étaient obsédés par le statut, l'image, le prestige, le rang de leur pays, d'un nationalisme maladif et prêts à tout accepter en son nom ; les Allemands méprisaient profondément les peuples qu'ils jugeaient inférieurs et détestaient ceux qu'ils percevaient comme des obstacles à leur pays (j'ai été consterné en lisant ce que Brahms a écrit à propos de la France au moment de la guerre de 1870-71, ou Thomas Mann à propos de l'emploi par la France de troupes coloniales en 1914-18) ; les armées allemandes, les troupes de base, se sont souvent conduites, au cours de des trois dernières guerres, comme les pires barbares ; la population civile allemande n'avait que mépris, ou, au mieux, indifférence pour les déportés (lire à ce sujet ce qu'écrit Eugen Kogon dans l'Etat SS).
Utilisateur anonyme
12 septembre 2008, 16:18   Re : Steiner le Méchant
Je ne voudrais pas m'immiscer dans votre discussion qui est au-dessus de mes pauvres connaissances historiques, mais, pour essayer de comprendre néanmoins, Marcel… je ne parviens pas à mettre une réalité tangible sous votre adjectif "bon", apposé au peuple allemand. Si vous pouviez expliciter un peu…
12 septembre 2008, 17:14   BON
Oui bien sûr cher Marcel mais quel est le peuple qui pourrait se targuer de mériter le qualificatif de BON ?
12 septembre 2008, 18:00   Re : Steiner le Méchant
Oui Marcel, je suis tenté de dire ce que vous avez dit à Rogemi tantôt: tout le monde sait cela. L'adjectif "bon" se trouve apposé à "peuple" dans un autre registre que celui, historique et national, que vous rappelez à bon droit. Je me hasarde grandement et j'en ai bien conscience mais dans mon esprit "bon" s'appliquait au "bon peuple" pas à la nation qui se plaît à s'affirmer hiérarchiquement face aux autres telle que vous l'évoquez; "bon" en ce sens qu'il ne m'est jamais arrivé de connaître un tant soit peu Allemands de diverses conditions sans que ne s'affirme leur caractère qui bon enfant, qui d'humanité transparente, de simplicité, qui d'une sensibilité et d'un degré de profondeur qui se marient aux miens avec bonheur, et sans qu'il ne manque de se dessiner entre nous les contours d'une naturelle fraternité. Je précise que je ne ressens cela ni avec les Anglais (ou très rarement) ni avec les Italiens, réputés pourtant proche du nous (cf. le Français qui serait "un Italien de mauvaise humeur", etc.).

Personne, en Allemagne, ne semble capable d'avoir souhaité, ou même de pouvoir comprendre, la tragédie dont les Allemands ont été les acteurs (et victimes, encore une fois); ce paradoxe et cette énigme sont réels et pour moi demeurent entiers. Le caractère des individus tranche fortement avec celui de la nation: peut-être ne s'agit-il que de cela après tout.
12 septembre 2008, 18:30   Bonté et méchanceté
Bien cher Marcel,

En matière de propagande, pendant la Grande Guerre, nous n'avons eu aucune leçon à donner aux Allemands !

Il me semble que les peuples sont parfois pris de folie collective (seuls les Anglais me semblent immunisés) :

- les Espagnols eurent, en cinquante ans, plusieurs guerres carlistes, la guerre contre les Etats-unis, une guerre coloniale désastreuse et une guerre civile d'une férocité extrême ;

- les Russes connurent les évènements qu'on sait ;

- les paisibles Italiens se donnèrent au fascisme.
12 septembre 2008, 18:51   Re : Bonté et méchanceté
A Jean-Marc : je ne parle pas de propagande mais de comportements réels. En août 1914, les troupes allemandes ont massacré la population civile dans un village des Ardennes et dans trois villages lorrains, sans la moindre raison objective, comme cela, pour faire des exemples et éviter que se lèvent des francs-tireurs comme en 1870.

A Boris : ce n'est pas moi qui ai employé l'adjectif "bon" ; je ne faisais qu'exprimer la gêne qu'il suscitait en moi.

A Francis : les Allemands ont beaucoup changé depuis un demi-siècle. Mais je crois que vous avez raison de distinguer entre la nation et les individus.

Voici un passage du livre auquel je faisais allusion. Il est écrit par un Allemand, opposant politique au nazisme, chrétien, et qui passa toute la guerre dans des camps pour prisonniers politiques :

« Quelle différence quand, prisonnier de la police, on était transporté à travers la Tchécoslovaquie (pour ne citer qu’un autre pays) ou à travers l’Allemagne ! Là-bas, sympathie de la population, de tous côtés, des petits secours donnés au prix de risques considérables ; ici, effroi craintif, dégoût ou mépris. A Weimar, des infirmières de l’Association national-socialiste ont refusé jusqu’à une gorgée d’eau à des détenus de Buchenwald qui dégageaient les victimes et procédaient au déblaiement après une attaque aérienne en février 1945. L’hôpital municipal refusa de donner les premiers secours à des détenus grièvement blessés provenant des usine Gustloff de la ville. »

Eugen Kogon, L’Etat SS, Le Seuil pp. 377-378
12 septembre 2008, 19:25   Re : Bonté et méchanceté
Citation
A Weimar, des infirmières de l’Association national-socialiste ont refusé jusqu’à une gorgée d’eau à des détenus de Buchenwald qui dégageaient les victimes et procédaient au déblaiement après une attaque aérienne en février 1945. L’hôpital municipal refusa de donner les premiers secours à des détenus grièvement blessés provenant des usine Gustloff de la ville. »

En Bavière en lisant le passage ci-dessus la plupart de mes amis et parents auraient réagi spontanément en disant "scheiß Preussen" ou salauds de Prussiens car Weimar est la capitale de la Thuringe, une province protestante dont les habitants ont toujours été mal vus par les Bavarois catholiques.

Mais bon cette réflexion est un peu desinvolte et au ras des pâquerettes mais il y a quelques années un auteur allemand avait écrit un livre " A pieds du nord au sud de l'Allemagne" une sorte de journal dans lequel il relatait ses expériences pas toujours ragoutantes mais constatait qu'il commenca à être accueilli chaleureusement et à trouver facilement un hébergement pour la nuit en arrivant dans le sud catholique du pays.
12 septembre 2008, 19:44   Re : Bonté et méchanceté
Quand ils n'ont pas à déterminer leur conduite par rapport à des enjeux religieux ou communautaires, les Maghrèbins, pris individuellement, sont souvent les plus adorables personnes qui soient.
12 septembre 2008, 20:33   Re : Bonté et méchanceté
Une génération d'enfants qui ont bu les histoires du Struwwelpeter avec le lait de leur nourrice...

12 septembre 2008, 20:48   Maghrébins
Bien chère Cassandre,

Ce que vous dites est exactement ce que disait mon grand-père, le militaire colonial dont j'ai parlé à plusieurs reprises.
14 septembre 2008, 01:17   Re : Steiner le Méchant
La bonhomie du peuple allemand, la Gemütlichkeit, son amour de la vie et de la bonne chère, son sens inné de la musique, comme sa démesure, son hybris - y compris dans le souci d'organisation et dans l'obéissance ! - sont les vins d'un même cépage : l'instinct dionysiaque. L'Allemand est l'homme dionysiaque par excellence : poète de la nature et du bonheur de vivre aux grandes époques, démon cruel et sanguinaire aux heures noires. Je ne vois pas de paradoxe dans le fait que le nazisme soit né en Allemagne ; j'ajouterai même qu'il ne pouvait naître qu'en Allemagne - précisément en raison de son aspect vertigineux et dantesque. L'Allemand que nous pouvons cotoyer aujourd'hui est l'Allemand solaire, résolument tourné vers la Vie.
14 septembre 2008, 01:45   Re : Steiner le Méchant
Cher Olivier,

c'est un peu ce qu'on l'on est enclin de penser sur le sujet. Mais est-ce de la pensée ? Je me méfie de la "typification" des peuples dès qu'elle se veut explicative quant au fond. Je dis "le peuple allemand est bon" mais c'est superficiel, ça n'a aucune valeur prétendûment explicative, cela paraît comme un donné, un "vécu" personnel même. L'intérêt de cette question (comment la bourgade allemande a-t-elle basculé dans l'insondable horreur, comment ce peuple en est venu à donner son aval à cette horreur ?) serait dans les réponses politiques que l'on pourrait y apporter; les mécaniques universelles, dangereusement transposables ailleurs, qui ont entraîné le processus comme une machine infernale dans ses dispositifs de poulies et de contrepoids peut entraîner une chute complexe, très énergétique ,d'un ensemble aimablement construit. Je partais de l'idée que l'on a pu dire, asséner à ce peuple, pour commencer: il n'y a pas d'alternative à Hitler. La faiblesse des démocraties européennes, qui a permis dans un long premier temps le triomphe de cette étrange brute, à dû commencer chez lui. La démission des démocrates allemands, à l'image de celle de leurs homologues européens: voilà par où il faut soupçonner la gangrène qui a ravagé l'Europe d'avoir débuté. Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle a l'avantage d'ouvrir sur un cheminement de la pensée, mot cher à Benoit XVI autant qu'à Heidegger (qui, lui, accole ce "cheminement" à "vers la parole") que la typification interdit.
14 septembre 2008, 14:56   Re : Steiner le Méchant
Oui Cher Francis, il faut prendre bien garde de ne pas user des "typifications" comme d'un lit de Procuste intellectuel où la pensée devrait se rabougrir pour pouvoir s'y coucher. Je reprends quelques points, en me libérant des préjugés nationaux, mais sans abandonner toute idée de "caractères" d'un peuple :

1°) Il est surprenant que l'Allemand, dans son apparente "bonté", ait pu se fourvoyer dans le nazisme. Cela ne peut signifier qu'une chose : cette bonté n'a rien à voir avec un sommum bonum ; elle est nécessairement le contrepoids d'une agressivité latente, elle en est le dressage - mais cette agressivité peut resurgir.
2°) C'est ce qui s'est produit dans les années trente et quarante, pour un ensemble de raisons historiques, sociales et politiques tout à fait extérieures à la "nature" du peuple allemand. Cependant, la "nature" dionysiaque (si l'on admet qu'il y ait un fond de vérité dans cette appréciation) de l'Allemand a donné sa forme à la matière historico-politique d'où sont sortis fascisme et nazisme, je veux dire cette forme unique, spécifique, symbolisée par les chambres à gaz. Vision délirante d'une extermination totale, sentiment d'une mission exterminatrice, ritualisation morbide et sadique du meurtre.
3°) Ces caractéristiques sont et resteront celles du messianisme politique allemand, en ceci qu'elles sont une manifestation du daimon allemand, caché dans les replis obscurs de sa légendaire bonne humeur festive.
4°) Chaque nation, perçue en tant qu'entité vivante, possède son propre "daimon", toute culture est bâtie sur le refoulement de l'ombre. C'est pourquoi la violence d'Etat et ses massacres de masse n'ont pas été l'apanage de l'Allemagne (goulags, et plus proches de nous, massacres du Rwanda - à l'occasion duquel on a parlé de "nazisme tropical" - en temoignent).
14 septembre 2008, 16:04   Re : Steiner le Méchant
J'aime bien l'idée exprimée par Olivier autour de l'instinct dyonisiaque, même s'il faut se méfier de la "typification" des peuples.

Ce que suggère en réponse Francis est certainement à prendre en considération, mais cela me paraît du domaine de la description des mécanismes. J'ai lu des douzaines de livres, des livres d'histoire, de sociologie, de psychanalyse appliquée, de la littérature, j'ai suivi des cours, donné, des années durant, des cours sur la question : toujours, partout, la description des mécanismes, la description des chemins plus ou moins tortueux, des enchaînements de cause à effet qui ont mené le peuple allemand - et l'Occident avec lui - à l'horreur. Et toujours, l'insatisfaction profonde, la certitude qu'aucun de ces enchaînements n'était absolument inévitable, qu'il devait y avoir autre chose, d'un autre ordre, derrière tout cela.

Je ne voudrais pas avoir l'air d'insister, mais dans une très large mesure, l'horreur du comportement allemand est déjà présente pendant la Grande Guerre, guerre du reste provoquée, dans une très large mesure, par les Allemands. J'ai évoqué les massacres de civils dans les Ardennes et en Lorraine, il y a d'autres choses : les premiers bombardements aériens sur des villes, les gaz de combat. Vous y avez pensé aux gaz de combat ? Il y a une page terrible et grandiose de Malraux là-dessus, je ne sais plus où. Et puis ceci : est apparue un jour, dans les tranchées allemandes, parmi les soldats de base, l'habitude de denteler la lame des baïonnettes ; cela ne permettait pas d'augmenter les pertes adverses mais faisait dans l'abdomen des dégâts horribles. Les soldats français, de base toujours, ont fait cesser cela en renvoyant dans leurs tranchées des Allemands capturés armés de ces baïonnettes modifiées, après leur avoir coupé le nez, les oreilles et la langue. Jünger raconte cela dans In Stahlgewittern. Et les Héréros, vous y pensez parfois, aux Héréros ? Leur population est passée de 80 000 à 15 000 individus à la suite de la campagne d'extermination menée par l'armée allemande. C'était au début du siècle.

En vérité je vous le dis : le ver était dans le fruit dès avant le début du XXe siècle. Mais quel ver, Dieu du ciel, quel ver ?
14 septembre 2008, 18:38   Re : Steiner le Méchant
Vous avez amplement raison Cher Marcel.

Je vais dire quelquechose d'idiot à propos des Allemands, j'en ai conscience ; mais je crois qu'il faut aussi s'attarder aux petites idioties qui nous passent par la tête.

La première fois que j'ai posé le pied en Allemagne (enfin, la seconde, mais la première animé d'une vraie curiosité pour le pays) - c'était à Cologne -, j'ai été immédiatement frappé par la discipline de l'Allemand qui circule dans la rue. Le poncif était donc vrai : un piéton allemand ne traverse pas si le feu, pour lui, est rouge, et cela - j'ai pu l'observer par la suite dans tous mes voyages - même si l'on n'aperçoit aucun véhicule à l'horizon d'un immense boulevard. Là où un Français se serait précipité depuis longtemps, l'Allemand patiente et obéit.

N'est-ce pas là une belle qualité, mais aussi le ferment d'une démesure ? Ne peut-on voir dans un simple détail de la vie quotidienne, comme celui-ci (mais bien sûr il y en a d'autres), l'expression d'une adhésion sans bornes aux valeurs collectives, où les pires mouvements de foule peuvent s'embraser ?
Utilisateur anonyme
14 septembre 2008, 19:04   Re : Steiner le Méchant
"(...) un piéton allemand ne traverse pas si le feu, pour lui, est rouge, et cela - j'ai pu l'observer par la suite dans tous mes voyages - même si l'on n'aperçoit aucun véhicule à l'horizon d'un immense boulevard."

C'est irrémédiablement idiot et une telle attitude ne mérite pas une once d'admiration.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2008, 19:23   Re : Steiner le Méchant
Ah bon, vous trouvez ?
14 septembre 2008, 21:08   Re : Steiner le Méchant
Cher Marcel,

Ce que j'avais répondu à Olivier il y a quelque jours vaut absolument pour vous: je n'ai pas lu un centième des livres et documents que vous avez lus sur le sujet qui nous occupe ici.

Concernant la Première Guerre mondiale, j 'ai néanmoins lu, à un très jeune âge (12 ans à peine) A l'Ouest rien de nouveau de E.M. Remarque, et pour la vie entière, j'en ai tiré que Eugène et Hans étaient sombrés dans le même enfer, dans des enfers frères. Bien plus tard, j'ai lu "La Main coupée" de Cendrars, acteur des tranchées, aimant tous les peuples sauf "les boches" et relâchant pourtant un prisonnier boche, et "fraternisant" pourtant, à Noël, entre deux fraternels étripages. Cendrars qui, au premier combat de sa guerre, partit décoller la tête d'un ennemi dans une tranchée où il plongea par surprise ("J'ai tué"). Ce livre m'a convaincu mêmement sur la fraternité des enfers.

Que vous dire. En gros, je pense que vous avez raison. L'argumentaire d'Olivier est construit et je ne peux le défaire. Pourtant, la bonté n'est pas illusoire, elle reste source d'espoir. J'ai été accueilli en Allemagne par des gens méfiants, soupçonneux, farcis de préjugés haineux, et j'ai aussi été accueilli par des paysans qui me donnèrent leur chemise, leur feu, leur joie de vivre comme jamais en Europe (France incluse) il ne m'a été donné d'être accueilli, comme si ces gens avait fait plus que décider d'être bons: ils se révélaient tels.
14 septembre 2008, 21:45   Re : Steiner le Méchant
Mon argumentaire n'est qu'une vague hypothèse, Cher Francis, et quant à mes lectures sur le sujet, n'en parlons pas.

Cette expérience de ce que vous appelez la bonté de l'Allemand est bien plus importante que les toutes les théories bancales que nous pourrions avancer.

Ma compagne et moi n'oublierons jamais l'impression de paix, de douceur de vivre et de générosité que nous avons ressentie dans un grand parc sur les rives de la Spree, à Berlin. Nous avons vu là quelquechose qui est aussi allemand, profondément allemand - et le moindre qu'on puisse dire est que cela suscite un questionnement sur le "passé qui ne passe pas".
15 septembre 2008, 15:14   Re : Steiner le Méchant
Citation
(...) un piéton allemand ne traverse pas si le feu, pour lui, est rouge, et cela - j'ai pu l'observer par la suite dans tous mes voyages - même si l'on n'aperçoit aucun véhicule à l'horizon d'un immense boulevard.

Cet exemple est certainement le plus ressassé par les étrangers, francais surtout, venant en Allemagne; une véritable tarte à créme.

Ce comportement est la conséquence d'une endoctrination systématique commencée au plus jeune âge, elle-même résultat d'un principe de précaution appliqué avec la plus grande opiniâtreté. De quoi s'agit-il ?

Que le BIEN triomphe et surtout que les enfants rares donc précieux soient protégés contre vents et marées.

Le contrecoup de ce lavage de cerveau bien-pensant est que l'Allemagne bat le record du monde du nombre d'enfants renversés par des automobiles.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 15:27   Le Républicain forcené
Mais qu'avez-vous tous contre cela ?

Que dites-vous d'un STOP, en pleine campagne, alors que vous voyez parfaitement qui vient à droite et qui vient à gauche, et qu'il ne vient personne ? Que celui qui marque le STOP est un couillon ?
15 septembre 2008, 15:37   Re : Le Républicain forcené
Citation
Que celui qui marque le STOP est un couillon ?


Mais que faites-vous cher Boris de l'instance supérieure qui voit tout et qui à tout instant peut vous punir de ne pas avoir respecter ce STOP... (*)

C'est cà la vrai l'obéissance à une abstraction. Vous croyez être seul sur une route de campagne. Erreur fatale car même si vous ne le voyez pas le père fouétard vous attend au tournant...

(*) Personne ne peut vous garantir que des gendarmes ne se sont pas cachés derrière un arbre et n'attendent que cà pour vous foutre une contravention.
15 septembre 2008, 15:51   Re : Steiner le Méchant
J'ai cru comprendre que Boris respectait le stop. Et il a raison; on peut parfaitement être Français sans être couillon.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 15:54   Re : Le Républicain forcené
Rogemi, je ne plaisantais pas. Il y a des gens qui s'arrêteront au stop, parce que c'est un stop, et d'autres qui vous traiterons d'abruti parce qu'il n'y a aucune raison de respecter ce stop là. Dans quelle catégorie vous situez-vous ?
Eh bien moi, j'admire le piéton allemand qui s'arrête à l'Ampelmann rouge sur le boulevard désert, et l'automobiliste français qui marque le stop en rase campagne; mais je suis bien incapable de les imiter.
Dans le même ordre d'idées, à Londres, je me suis fait eng... plusieurs fois (pas par erreur, donc) par des automobilistes qui s'étaient arrêtés pour me laisser traverser au passage protégé, alors que je n'y songeais même pas, stationnant simplement sur le trottoir à cet endroit-là, occupé que j'étais à reluquer quelque intéressante façade ou quelque jolie passante. Joli morceau d'excès de civisme, non ?...
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 16:50   Re : Le Républicain forcené
Cher Boris,

Mais précisément, on marque un arrêt à un stop, on freine, on s'arrête, on regarde à droite et à gauche et on passe s'il n'y a personne, on ne "brûle" en aucun cas le Stop, mais on ne reste pas planté là pendant une heure. Et un piéton ne serait pas capable d'une telle appréciation des choses ? Il devrait rester au garde-à-vous devant son "bonhomme rouge" quoi qu'il arrive, ou plutôt, quoi qu'il n'arrive pas ? C'est comique.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 18:08   Le comique s'obstine, mais Orimont évite la question.
Orimont, oui oui oui, bien sûr, vous avez raison de vous moquer. Cependant, mon STOP, il se trouve dans un paysage désertique, plat comme le Plat Pays, où l'on voit à trois cents kilomètres à la ronde. Vous dites : "on marque un arrêt, on freine, on s'arrête, on regarde à droite et à gauche"… Mais justement ! Si, avant d'y arriver, à mon STOP, vous voyez de toute évidence qu'il n'y a personne ni à gauche ni à droite, si donc, il n'y a pas besoin de regarder ni de freiner pour savoir, qu'il n'y a aucun danger, mais qu'il y a tout de même un STOP… QUE FAITES-VOUS ?

Posons la question autrement : vous dites-vous, dans les conditions que je vous décris : CE STOP EST ABSURDE, JE NE RESPECTERAI DONC PAS ?
15 septembre 2008, 18:15   Dionysos-Wotan
Trouvé sur le site du Cairn, cet extrait d'un article intéressant de P. Natgteverenis intitulé "L'ennemi comme monstre", de la revue Sociétés.

Il faut noter que pour Jung, Wotan et Dionysos sont des notions qui sont étroitement liées (même si elles ne sont pas identiques, puisque Wotan est une figure spécifiquement allemande - mais sur ce point je n'ai pas de connaissances très solides).
Il dit ailleurs : "Dionysos représente l'abîme de la dissolution passionnée de tout particularisme humain au sein de ce que l'âme originelle peut avoir de divin et d'animal; expérience aussi terrifiante que riche de bénédictions à laquelle une humanité mollement assoupie dans la culture croit avoir échappé, jusqu'à ce que survienne le déchaînement d'un nouveau bain de sang, remplissant d'étonnement tous les gens bien-pensants qui ne savent plus qu'accuser les gros capitaux, l'industrie de l'armement, les juifs et les francs-maçons." (L'Âme et la vie)



« Si l’on veut préciser le diagnostic qui s’impose pour Hitler, il faut sans doute s’arrêter à celui de pseudologie fantastique, c’est-à-dire à cette forme de l’hystérie qui est caractérisée par une aptitude particulière du malade à croire à ses propres mensonges [6]. » Voilà comment C.-G. Jung définit les troubles mentaux de A. Hitler. Néanmoins, cet homme serait totalement inconnu s’il n’était pas le chef, pendant douze ans, d’une nation de quatre-vingt millions d’individus et nous ne connaîtrions rien sur son psychisme perturbé. Autrement dit, il n’y aurait pas de monstre Hitler si les Allemands de l’époque ne se laissaient pas convaincre par l’idéologie fasciste du parti national-socialiste. Pourquoi donc les Allemands ont-ils cru un menteur pathologique ? « Jamais le peuple allemand ne se serait laissé prendre aux gesticulations d’Hitler […] si ce personnage […] n’avait pas été le reflet d’une hystérie communément allemande. » (Jung, A.C., p. 140) Le même auteur, dans un article prophétique de 1936 [7], a corrélé cet état d’hystérie au réveil de l’archétype de Wotan, dieu germanique des tempêtes et de l’effervescence, qui déchaîne les passions et les appétits combatifs.
L’implication de l’archétype de Wotan pour la compréhension des faits qui ont suivi la prise du pouvoir par les nazis témoigne de la conception jungienne de l’émergence du national-socialisme comme une expression de l’inconscient collectif. Pour saisir donc, ce qui s’est passé, il est permis de recourir aux récits mythologiques « qui nous viennent des époques où l’on n’expliquait pas encore tout par l’homme, où l’on ne ramenait pas tout à ses possibilités limitées, mais où l’on trouvait les causes plus profondes dans les domaines de l’âme et dans ses puissances autonomes. L’intuition la plus reculée a toujours incarné ces puissances en des dieux. […] C’est pourquoi l’on peut parler de l’archétype Wotan, qui, en tant que facteur psychique autonome, produit des effets collectifs et qui esquisse, précisément par cette transcription dans les faits et la vie, une image de sa propre nature » (Jung, Wotan, p. 80-81).
Selon la mythologie germanique, Wotan est présenté comme le dieu des tempêtes et de l’errance, le lutteur, le dieu des souhaits et de l’amour, le seigneur des morts, le maître des Einherjes (combattants d’élite), le devin des énigmes, le magicien et le dieu des poètes [8]. Il incarne donc, aussi bien le côté instinctif et émotionnel que le côté intuitif et inspiré de l’inconscient. Ce sont ces qualités du dieu errant qui amène Jung à considérer la prise du pouvoir par Hitler comme une sorte de « possession » du peuple allemand par Wotan [9]. Cette « possession » est interprétée par le même auteur [10] comme un déchaînement des forces de l’inconscient collectif allemand, comme un mouvement compensateur de celui-ci qui veut contrebalancer une attitude consciente qui n’est pas saine. Cette attitude consciente malsaine, qui constitue la condition préalable de la « possession » en question, « est l’accumulation des masses citadines, industrialisées, c’est-à-dire occupées à des travaux spécialisés et monotones, masses humaines déracinées qui ont perdu les instincts les plus sains, jusqu’à l’instinct de conservation » (Jung, A.C., p. 133). Ce déracinement introduit par le mode de vie moderne, en combinaison avec la défaite allemande à la première guerre mondiale, la catastrophe économique issue du krach de 1929, ainsi que la qualité du système pédagogique allemand qui favorisait la discipline et l’obéissance, ont engendré la diffusion des sentiments d’infériorité et de culpabilité chez les Allemands. Selon Jung, la perception intuitive et confuse des ces sentiments peut provoquer une dissociation hystérique de la personnalité, qui consiste pour l’essentiel « dans le fait que la main gauche du sujet qui en est atteinte ignore ce que fait la droite, qu’il voudrait rendre inexistant tout ce côté de sa personne que l’on a dénommé “l’ombre” et qu’il cherche chez les autres tout ce qui en lui est obscurité, faute, péché, infériorité. Par suite, un pareil sujet se voit perpétuellement entouré d’êtres incompréhensifs, malveillants, nuisibles, d’êtres de seconde zone, qui justifient qu’on les qualifie de “sous-humains” et que l’on doit exterminer pour préserver sa propre grandeur et sa propre perfection » (Jung, A.C., p. 138). Ainsi, Jung arrive-t-il à considérer l’histoire du troisième Reich comme une histoire d’un peuple atteint d’hystérie, c’est-à-dire, d’un peuple qui a projeté primordialement sur les Juifs, son obscurité refusée. Ce n’était pas donc, par hasard que le réveil de Wotan a coïncidé avec le retour en force du « monstre juif ».
Cette analyse archétypale des événements tragiques qui ont amené à l’apparition du monstre Hitler comme une personnification des atrocités commises par le régime nazi, nous offre la possibilité de comprendre les étapes du passage de la séparation absolue entre le Bien et le Mal à la justification de la logique de domination : d’abord, la dénégation de l’obscurité de notre nature humaine, ensuite sa projection à autrui qui se transforme en un « sous-humain », ce qui légitime en dernière instance notre domination sur lui, une domination qui peut atteindre jusqu’à son extermination pour assurer notre supériorité. On retrouve donc dans l’hystérie allemande une réplique restreinte de la croyance en la supériorité de la civilisation occidentale, qui, en continuant à penser ses rapports à l’altérité sous le même angle, c’est-à-dire en continuant à la considérer comme le Mal, a exterminé des millions de femmes et d’hommes dits « primitifs ». C’est pour cela que la réponse de Jung à la question « Qu’auraient pu faire les Allemands ? » reste toujours actuelle : « Chaque Allemand aurait dû avoir vu en Hitler sa propre “ombre” personnelle, son pire danger. Chaque homme a le devoir de prendre conscience de cette “ombre” et d’apprendre à la régir [11]. »
C'était dans la fin des années 70, dans les villes allemandes que je fréquentais - Stuttgart, Francfort - un signe "choquant", pour le Français de son époque que j'étais, : Ne soyez pas un mouton noir (avec silhouette d'un mouton noir), suivi d'une consigne quelconque (ne descendez pas avant l'arrêt/tenez-vous prêt à présenter un titre de transport valide quand on vous le demande/n'accablez pas inutilement le chauffeur de vos comptes rendus du match de football de la veille/ne projetez pas inconsidérément votre fumée de cigarette dans les naseaux de votre voisine, etc.)

Même au Japon, je n'ai jamais vu telle injonction au citoyen de ne pas être "mouton noir".
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 18:23   Re : Le comique s'obstine,
"vous dites-vous, dans les conditions que je vous décris : CE STOP EST ABSURDE, JE NE RESPECTERAI DONC PAS ?"

Par principe, un Stop ne me paraît jamais absurde, je m'en méfie par principe et n'en brûle jamais un seul. Je marque un temps d'arrêt plus ou moins long mais je ne coupe pas le moteur ni ne tire le frein à main, ni ne descend de ma voiture avec en bandoulière une paire de jumelle longue portée.

Comment comparer un Stop, une route, un conducteur dans sa voiture et un piéton ? A ce compte-là, pourquoi ne pas interdire la traversée de n'importe quelle voie, à pied, en dehors des clous ? J'ai toujours entendu dire que, dans tous les cas, le piéton était prioritaire.

On peut admirer l'Allemand caricatural planté devant son bonhomme à deux heures du matin dans une banlieue déserte et qui attend. Moi, je trouve ça comique. On peut aussi admirer, pourquoi pas, le Napolitain qui marche au milieu du trafic sans se faire écraser.
à Montréal, tous les carrefours déserts des beaux-quartiers situés aux approches nord du grand parc qui domine la ville de ses buttes portent quatre stops, si bien que la priorité n'est à personne et que tous s'arrêtent pour s'échanger des politesses avant de s'engager. Cela semble, comment dire, s'accorder à merveille avec la communautarisation de ces espaces (quartiers juif orthodox, indien, grec, etc.) où chaque groupe ignore respectueusement le voisin, le veut aussi transparent que possible, ne l'écorcherait pas pour un empire, comme si un passage protégé, ou la présence d'un feu de signalisation qui donnerait la priorité fusse alternativement aux uns et aux autres serait presque, déjà, discriminatoire parce que discriminant.
15 septembre 2008, 18:37   Re : Le comique s'obstine,
De toutes façons, poussées à l'extrême, et généralisées à l'ensemble des comportements d'une société, les deux conduites (celle de l'Allemand et celle du Napolitain, pour reprendre l'exemple d'Orimont) sont aussi dangereuses l'une que l'autre. La seule solution réside dans l'usage d'une témérité ciconspecte...
15 septembre 2008, 19:16   Re : Le Républicain forcené
Citation
Dans quelle catégorie vous situez-vous ?

Vous allez rire cher Boris mais à campagne il n'y a que deux sortes de routes: celles qui sont prioritaires et les autres qui ne le sont pas; ce qui fait que les STOPS chez nous sont rares.

Quand j'ai une bonne supervision de ce qui arrive de droite comme de gauche je brûle le STOP sans regret.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 19:25   Les Quatre stops ou la non-priorité
(Rogemi, j'avais déjà choisi mon titre avant de lire votre message, arrivé pendant la tourne de page virtuelle. Voyez comme c'est drôle…)

Extraordinaires, ces quatre stops, Francis ! Quatre stops, rien de moins, c'est un peu le trois fois rien, puisqu'évidemment quatre stops ou rien du tout, c'est la même chose (peut-être pas, en fait, mais dans un ordre autre). D'un point de vue se stricte logique, avouez qu'il y a là de quoi se poser des questions. Il y faut un dieu, alors, et non pas un tiers, mais un cinquième coin au carré, en tout cas un étranger, un événement.

En Corse, la priorité à droite n'a pas grand cours, dans certaines villes. Ce qui compte, prioritairement à la loi, c'est la politesse, et la bonne volonté. Ce sont les signes que s'envoient les automobilistes, qui comptent plus que le règlement.
Le système canadien des quatre stops n'a rien d'absurde. Tout le monde s'arrête et le premier arrivé passe d'abord. Cela marche très bien, d'autant que ce système est conçu pour les quartiers résidentiels où l'on veut que vous rouliez très lentement et où les enfants jouent dans la rue.
» Tout le monde s'arrête et le premier arrivé...

Pas évident, ça...
Je vous assure, avec un peu d'habitude et de civilité, cela fonctionne. On peut même penser que le système favorise la civilité.
Peut-être cela fonctionne-t-il et rend-il des services à l'interpersonnalité automobile, mais je n'en saisis pas la logique. Dans notre code, l'arrêt signifie la perte de priorité, dans toutes les circonstances, ce qui est non seulement pratique, mais logique : on ne peut pas redémarrer comme ça, et reprendre une priorité par surprise. Si tout le monde est arrêté, la priorité de droite reprend son cours, qu'importe celui qui a redémarré le premier (d'ailleurs, comment savoir ?) Priorités marquées, arrêt, mouvement, c'est binaire, facile. S'il y a quatre stops, en cas d'accident, que se passe-t-il ? Qu'en disent les compagnies d'assurance ? Responsabilité partagée dans tous les cas ?

Chez nous, comme en Angleterre, la mode est au rond-point quand c'est possible. Beaucoup plus intelligent que les feux (même dits "intelligents" comme en Allemagne...)
16 septembre 2008, 10:59   Le carrefour de personne
En effet, cher Marcel, l'automobiliste est mis en situation de civilité malgré lui: le carrefour est seul comme est seul le cadeau japonais, selon Barthes qui glose en ces termes sur ce fait dans l'Empire des signes. Le cadeau est au milieu, équidistant de celui qui l'a tendu et de celui qui l'accepte: les deux protagonistes sont à l'arrêt, prostré, seul un second temps de la civilité leur commandera de se redresser; ce même second temps commande aux automobilistes de quitter l'arrêt et d'enclencher la première vitesse en se souriant. Le carrefour n'a appartenu à personne, il n'y a pas eu transfert de propriété ni droit de garde.
16 septembre 2008, 11:08   Re : Le carrefour de personne
Je ne crois pas que la politesse suffise à empêcher tout accident. Un détail, me direz-vous...
16 septembre 2008, 11:13   Re : Le carrefour de personne
Enfin, cher Bernard, comment voulez-vous qu'il y ait accident quand tout le monde est à l'arrêt ? Même si deux personnes redémarrent en même temps, pour se percuter, il faudrait qu'elles le fassent exprès, non ? Quand aux ronds-points, extrêmement coûteux, ils ne peuvent pas être installés à tous les croisements à l'intérieur d'îlots résidentiels, n'est-ce pas ?

Oui, cher Francis, la comparaison que vous faites me paraît tout à fait éclairante.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 11:27   Re : Le carrefour de personne
Ah non alors ! Les ronds points ?!! Mais quelle horreur ! Je vous parie que dans dix ans maximum, on les enlèvera tous. De plus en plus, aux ronds points, c'est la foire d'empoigne, et je les trouve très dangereux. On a rétabli ainsi le droit du plus fort : en général, ce sont les voitures les plus puissantes qui passent. Vivent les feux rouges ! Les ronds points sont coûteux, et introduire une priorité à gauche dans un système qui a fait de la priorité à droite la règle absolue me paraît être un grain de folie.

Et puis alors la déco…
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 11:34   Re : Le carrefour de personne
On attend avec impatience (et avant démolition) une monographie exhaustive des ronds points. Je recommande aux amateurs de musique et de sculpture, le rond point à l'entrée de Vence (Alpes-Maritimes) C'est un sommet.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 11:54   Sommets
Ah, Orimont, je veux voir ça ! Mais je doute qu'il puisse surpasser les horreurs d'Alès.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 13:54   Sommets du blog
Hélas, Boris, mes recherches sont infructueuses, pas la moindre photo de ce somptueux rond point. Un commentaire toutefois, pour en signaler la disparition (il s'agit en fait d'un décor qui n'est de sortie qu'à la belle saison) :

"L'accueil de Vence - par un rond point blanc et vide, ne corresponde pas du tout de ce que j'ai senti avant. A la place des fleurs, les instruments musicaux en plantes et les palmiers éclairés je vois un grand vide sans aucun décoration. Une déception pour moi, personnellement.
M. *, chirurgien, Vence "

Vous avez compris : il s'agit d' "instruments musicaux en plantes" (artificielles), un piano à queue, un saxophone, une guitare, un guitariste à tête de marguerite géante.

Cependant, je vous indique (sans pouvoir rendre aucune lien "actif") un blog exclusivement consacré aux rond-points... Quelqu'un finit toujours par se dévouer.

Rond-point à Vence - Blog-rond-point
Ce blog ne contiendra que des photos de rond-point. Je vous demande de participer et de m'envoyer vos photos de rond-point prés de chez vous ou en voyage et ...
trobenet.canalblog.com/archives/2008/04/18/8861459.html - 29k - En cache - Pages similaires - À noter
16 septembre 2008, 14:02   Re : Steiner le Méchant
Bon, ce fil tourne en rond.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 14:19   Re : Steiner le Méchant
Vous voulez y mettre un point ?
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 14:22   Re : Steiner le Méchant
Orimont, vous êtes un génie ! Le blog du rond-point ! Mais comment n'y avais-je pas pensé plus tôt !


Vous avez noté que "l'auteur" du blog en question est un amateur "de ballades" ?
16 septembre 2008, 14:23   Re : Steiner le Méchant
"L'accueil de Vence - par un rond point blanc et vide, ne corresponde pas du tout de ce que j'ai senti avant. A la place des fleurs, les instruments musicaux en plantes et les palmiers éclairés je vois un grand vide sans aucun décoration. Une déception pour moi, personnellement.
M. *, chirurgien, Vence "

Hmmm... je vois que la grande déculturation fait des ravages.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 14:24   Francmoineau les quatre stops
Francmoineau, votre message, c'est du premier, de second, ou du troisième degré ?
Un cauchemar, ce blog des ronds-points : en le parcourant, j'avais des sueurs froides, et je me suis un instant demandé si je n'allais pas brutalement me réveiller en tombant du lit.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 14:31   Re : Francmoineau les quatre stops
Je vais vous réveiller gentiment, Cher Francmoineau, en vous offrant une autre sorte de rond-point, que je suis en train de mettre au point avec mes ingénieurs-conseils.

Mon message, du second degré ? Pourquoi ? Vous trouvez que M. M*, chirurgien de son état, ne malmène pas assez la langue ?
Merci, cher Boris... C'est rafraîchissant. Hélas, Et in Arcadia ego, comme disait l'autre. Ce qui nous ramène à l'inconnu.
16 septembre 2008, 14:46   Re : Steiner le Méchant
Avec ces trois grâces ce rond-point mérite le nom d'Innocence.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 14:49   Re : Steiner le Méchant
C'était pour répondre à JF qui souhaitait repeindre l'entrée du PI.
16 septembre 2008, 15:03   Re : Le carrefour de personne
D'accord avec vous, Marcel, il n'y aura pas d'accident si les autos restent à l'arrêt.
Et Marcel qui disait que cela coûtait trop cher...
Si on se met à faire ce genre de rond-point aux abords des villes et villages de France, je puis vous assurer que des accidents, il va soudain y en avoir en masse.
16 septembre 2008, 16:56   Potacherie du soir
Surtout si les voitures restent à la raie.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 17:30   Penser la circulation
Pessimistes que vous êtes ! J'ai déjà installé quelques uns de ces nouveaux ronds points souples et gracieux dans mon jardin, et je peux vous certifier qu'aucun accident grave n'est à signaler jusqu'à présent, à la raie ou pas. J'ai même cru observer que le basilic avait un regain de verdeur et que les tomates rougissaient plus vite.

Il faut adapter les concepts à la soudaine horizontalité décrispée du monde nouveau, que diable ! C'est Jmarc qui nous reprochait de ne pas faire des propositions positives, et je l'ai écouté.
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