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Vous reprendrez bien un peu de retraite ?

Envoyé par Thomas Rhotomago 
A-t-on calculé le coût du maintien des sexagénaires dans les entreprises, du point de vue des "arrêts-maladie" et de l'ambiance générale ?

Combien de ces sexagénaires, désormais contraints à demeurer quelques années de plus dans leur "boîte", se voient insidieusement relégués dans des tâches à peu près inutiles, sont en butte à la lassitude d'employés plus jeunes à qui ils peuvent rien transmettre du tout (cette tarte à la crême de la transmission de l'expérience par les "anciens" !), simplement parce que, d'une année sur l'autre, les méthodes changent, les "objectifs", le lexique et, bien sûr, les fameux "outils" et que, précisément, toutes les qualités prêtées à l'âge, réflexion, lenteur, conscience professionnelle, sont de celles qu'il vaut mieux ne pas trop cultiver.

Qu'un artisan de soixante-dix ans transmette un "coup de main", une "pâte" personnelle, une caresse de sa varlope qui n'appartient qu'à lui, chacun en conviendra aisément. Un "col blanc" du même âge, que l'imaginons-nous transmettre ? L'art et la manière de se servir du Minitel ? Comment rédiger un télégramme ? Non. Le septuagénaire de bureau, le septuagénaire du tertiaire, n'est pas là pour transmettre, il est là, éventuellement, pour commander, comme un vieux singe, mais nullement pour participer à l'ordinaire du travail de bureau, il est là pour suivre le mouvement au même rythme que les autres, il doit s'adapter le plus vite possible à toute forme de changement, exercice dans lequel, bien vite, il se révèle "à la ramasse", comme on dit, et n'en déplaise aux consultants Duralex, aussi répandus que le centenaire Lazorthe.

Ainsi, dans la réalité et compte tenu de la réalité, le sexagénaire qui n'est pas devenu un chef, est mal considéré, très souvent relègué dans des pseudos tâches, qui le dépriment, il doit endurer les vexations diverses de ses jeunes "collègues", il est poussé vers la sortie par son supérieur hiérarchique et s'il décide de faire de la résistance, c'est en abattant la carte "arrêt maladie" à répétition, il se met en "pré-retraite" déguisée aux frais de la Sécurité sociale, il décide de s'accrocher à ses sacrosaints "trimestres", son "taux plein" : on n'a rien pour rien. Il em... le monde.
Orimont,

Prenez l'encadrement de l'administration : beaucoup de préfets et de hauts fonctionnaires ont plus de soixante ans.
Utilisateur anonyme
29 octobre 2010, 07:49   Re : Vous reprendrez bien un peu de retraite ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
J'ai eu connaissance de plusieurs cas, autour de moi ces derniers temps, de retraités rappelés comme consultants sur des projets précis en détresse.
Marcel et Didier,

Il est amusant de constater qu'alors qu'on dit que les personnes âgées sont "ramollies", bon nombre d'emplois "intellectuels" de haut niveau sont tenus par des personnes qu'on qualifierait d'âgées...

C'est très net, aussi, dans le milieu des grandes entreprises.
Reprenant ce que nous dit Marcel, j'ai aussi, dans mon entourage, le cas d'un monsieur âgé, qui a près de soixante-dix ans, et qui a été rappelé de sa retraite à grand frais (il s'agissait d'un déplacement à l'autre bout du monde, le monsieur, fort content de cette mission, a été très raisonnable quant à l'aspect rémunération) pour analyser les pannes d'un matériel essentiel et coûteux, définir les solutions possibles, repartir chez le fabriquant en Amérique du nord, revenir avec un spécialiste et enfin redémarrer l'engin maléfique. Il a fait le tour du monde en une semaine, avec un aller-retour transpacifique, et a permis d'économiser des dizaines de milliers d'Euros et d'assurer la sécurité de nombreux vols.

Les personnes plus jeunes n'avaient pas la vue d'ensemble de la question, que seule une très longue expérience permet d'acquérir.
Cher Orimont,

Il faut écouter la sagesse populaire, qui n’est pas si sotte qu’on voudrait bien le dire. N’y a-t-il pas un dicton qui dit que « C’est dans les vieilles marmites que l’on prépare la meilleure soupe ».

Les "vieux" cols blancs, précisément par ce qu’ils sont cols blancs sont ceux qui pourront s’en tirer le mieux. Je ne dirais sans doute pas la même chose d’un sexagénaire sur un chantier, ou sur une chaîne de production. Il faut se méfier des mythes ; le sexagénaire à défaut de transmettre, pourra se contenter de montrer. Le (jeune) quinquagénaire que je suis, j’ai exactement votre âge, devrait avoir largement dépassé sa date de péremption en comparaison de la vitalité, de la curiosité, de la "jeunesse", la sentence est tombée, de ses plus récents camarades de travail. Que nenni ! Travaillant dans un domaine à obsolescence rapide, je devrais être out of order depuis longtemps. Or, à mon grand dam, la vieille génération doit tout apprendre aux jeunes ; à travailler, d’abord et avant tout, leur apprendre ce que c’est que le travail, je n’ose ici dire le sens que peut avoir le travail, le goût du travail bien fait, ce qu’est la méthode, l’organisation, la rigueur, il faut leur apprendre à réfléchir, il faut leur apprendre ce que c’est qu’un problème, il faut leur apprendre ce que c’est qu'un client. Les vieux ont du pain sur la planche, et la tâche est longue et difficile.
Rendez vous compte Orimont : passe encore qu’il faille leur apprendre à écrire, à compter, ils ont fait deux ou trois ans d’études "informatique", ils sortent de leur école d’ingénieur et ne savent pas ce qu’est un ordinateur.
« C’est dans les vieilles marmites que l’on prépare la meilleure soupe », oui, et il poursuit, le dicton : "en y mettant de jeunes carottes." Cher Yannick, nous en reparlerons dans dix ans, puisque mon billet a trait aux sexagénaires et que vous n'en êtes pas.

Chacun y va bien sûr du midi de sa porte et cite ses exemples (qui, d'ailleurs, témoignent d'interventions sporadiques de sexagénaire ou plus, individus que l'on suppose hors du commun, appelés à la rescousse, quand, moi, je parle du "tout venant" sans relief des employés de bureaux, banques, administration.)

Ce message était lui-même inspiré, de mon côté, par des "exemples", et nombreux, de gué-guerre entre jeunes et vieux dans des entreprises et du rôle non-négligeable que jouent alors les "arrêts maladie". Est-il totalement faux de dire qu'à partir de 60 ans, les-dits "arrêts" sont en augmentation ? N'est-ce pas d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les cosidetti "seniors" ont du mal à être recrutés ?
Utilisateur anonyme
29 octobre 2010, 12:13   Re : Vous reprendrez bien un peu de retraite ?
Orimont Bolacre est le Zola du combat contre l'allongement de la durée du travail. Sa description des vieux travailleurs en arrêt-maladie ou relégués à des tâches pitoyables me fait penser au "Lourdes" de son confrère. Mais si la réforme n'avait pas eu lieu et si la France ne s'adaptait pas un tant soit peu à l'âge de la retraite pratiqué par les pays avec lesquels notre pays est en concurrence économique, le prochain ouvrage d'Orimont Bolacre aurait pu traiter de la misère des jeunes travailleurs devant payer la retraite d'un nombre considérable d'aînés de la génération qui a été la plus nantie après la seconde guerre mondiale, qui a le moins travaillé et qui dispose de ressources plus importantes que beaucoup des travailleurs en exercice. Et Orimont aurait eu alors de bonnes raisons de nous faire pleurer !
Soit dit en passant et pour reprendre un peu ce que je comprends de l'exemple mis en avant par Jean-Marc, avez-vous vu le savoureux Space cowboys de Clint Eastwwod ?
Orimont peint la réalité. Comme il l'a fort bien remarqué ailleurs, la distance entre les générations s'accroit toujours plus rapidement. Tous les cinq ans, le monde est bouleversé par la technique. Chaque homme, s'il ne bouge pas à la vitesse du progrès, se voit très vite frappé d'obsolescence et d'inadaptation.

J'ai quarante ans, et lorsque j'entends parler des jeunes collègues entre eux, j'ai le sentiment d'avoir glissé dans une faille temporelle; l'angoisse m'étreint : de quoi parlent-ils ? Quel est leur langage ? Qu'y a-t-il donc à l'intérieur de ces crânes ? "Ouais, nan, mais bon, skype, tu vois, c'est quand même plus cool que msn" - "Grave. Msn, ah nan, ouais, c'est juste trop pas pratique, surtout en bas débit." - "Ah ouais le bas débit ça craint. Tu galères trop." - "T'aimes bien chatroulette ?" - "Bof, ouais, comme ça, pour se taper un délire".- "Scuse, j'ai un appel" - "Eh, t'as le dernier iphone ? Trop cool !" (Et encore, ça, c'est une discussion de doctorants en philosophie qui ont décroché un concours de conservateur des bibliothèques). Je n'ose même pas imaginer l'immensité du gouffre qui me séparera de la jeunesse quand j'aurai soixante ans.

Il ne faut pas sous-estimer ce problème. Les temps ont changé. Les vieux sages qui transmettent leur expérience à des jeunes assoiffés de perfectionnement, oubliez. Les jeunes sont assoiffés d'immédiateté et d'efficacité. Les vieux sont des obstacles. Ils gênent, avec leurs principes ringards, leur lenteur, leurs manières désuètes, leurs préventions à l'égard des nouvelles technologies.

Il est évident, dans un tel contexte, que les sexagénaires vont souffrir dans le monde de l'entreprise, et qu'ils ne jouiront d'aucune considération particulière. Je suis surpris que certains puissent en douter. Quant à l'argument purement économique du financement des retraites, il est accablant. L'Assommoir intellectuel. On peut précipiter le monde dans la barbarie, pourvu que les comptes soient équilibrés.
Le vieillard que je suis se demande parfois si les jeunes ne sont pas atteints de sénilité. Leur langage précaire, mal maitrisé, sans relief, sans plaisir dans la bouche, sans humour, tellement frileux qu'on se demande bien pourquoi l'espérance de vie ne s'est pas trompée de sens.
Utilisateur anonyme
30 octobre 2010, 01:59   Re : Vous reprendrez bien un peu de retraite ?
Ah ! Naturellement, si l'argument économique, c'est l'Assommoir intellectuel et si l'augmentation de l 'âge du départ à la retraite de deux ans en France doit nous conduire dans la barbarie, je crains que la distance qui sépare les représentations de Français comme Olivier et Orimont d'avec celles d'une grande majorité de travailleurs européens, notamment des pays qui sont économiquement en bien meilleure situation que la France, ne soit tout simplement sidérale. Mais les dinosaures, ce ne sont pas les travailleurs de 65 ans en Suède, en Allemagne ou en Suisse. Quant aux expressions relevées par Olivier, telles que "cool", "c'est galère", "ça craint", elles étaient déjà utilisées quand il avait 20 ans. C'est effrayant ce qu'ils manquent d'originalité ces doctorants en philosophie. Ils sont ennuyeux, nullement incompréhensibles.
Côme, je peux vous assurer que certaines discussions de jeunes gens, auxquelles j'ai réellement assisté, ne sont pas seulement ennuyeuses, elles sont incompréhensibles du déjà-dinosaure que je suis. Je ne pourrais les suivre qu'avec l'aide d'un interprète; et l'emploi récurrent de quelques tics de langage en effet très anciens (la preuve, on les utilisait il y a vingt ans, dans la France d'avant !) n'y change rien.
Quant à ce qui nous occupe, la question de la retraite, nous ne risquons pas de nous comprendre si vous vous attachez à ces deux années, anodines en apparence. Le problème n'est pas là. Il est dans l'exclusion de la vieillesse, dans le refus de l'âge et dans le "jeunisme" effrené qui caractérise nos sociétés - et qui est un signe indéniable de barbarie. Car la sagesse et l'expérience sont aux mains des anciens. Vous savez bien qu'un travailleur est aujourd'hui menacé d'"inemployabilité" dès l'âge de cinquante ans. La Machine veut des soldats au sommet de leur forme - des soldats formatés et incultes qui plus est, de parfaits zombies assistés par ordinateur. Vous ne les voyez pas ?
Enfin, demandez aux travailleurs sexagénaires des autres pays d'Europe - en Allemagne notamment - s'ils sont heureux de leur sort, dans un monde du travail toujours plus exigeant, rapide et oppressif. Je ne crois pas qu'ils soient tous à genoux devant l'idole Travail - et s'ils le sont, faut-il tenir leur opinion pour saine et raisonnable en la matière ?
"un monde du travail toujours plus exigeant, rapide et oppressif."

Nous ne devons pas vivre dans le même monde. Si, après tout, vous avez raison : prof de collège sensible, machiniste de bus de nuit en quartier populaire, ça doit être plus dur que dans la France d'avant. Sinon, les gens que je vois travailler autour de moi, non, ils n'ont pas trop l'air tellement au bord du suicide pour cause d'oppression patronale.
Utilisateur anonyme
30 octobre 2010, 11:01   Re : Vous reprendrez bien un peu de retraite ?
Olivier, je ne travaille pas en France et je peux donc pas exclure que ce que vous décrivez soit une réalité à laquelle vous êtes confronté.L'intervention de Marcel Meyer me rassure, car elle témoigne d'une expérience en France plus proche de la mienne. Quant à la France d'avant, je ne sais de laquelle il s'agit. Celle des "trente glorieuses" où le chômage n'existait pas? Celle d'avant les congés payés, particulièrement oppressive ? A bien des égards, le travail aujourd'hui est moins répétitif, moins dangereux, moins hiérarchisé qu'il y a cinquante ans. On ne meurt plus de fatigue et d'épuisement juste après la retraite. Les nouvelles technologies apportent une véritable aide et un confort inconnus des travailleurs de la France d'avant. Songez simplement aux employés de bureau qui n'avaient que des machines à écrire, même pas électriques (vous n'étiez pas né !) et des stencils pour faire des copies ! La proportion d'emplois qui exigent une formation plus importante que par le passé croît et signale ainsi que les tâches les plus ingrates sont abandonnées aux systèmes informatiques. Mais sur un point je dois vous donner raison : la concurrence est devenue très vive dans le cadre de la mondialisation et, pour survivre, l'économie nationale se doit d'être performante et rapide. Ce qui comporte son lot d'exigences et de contraintes. Mais, il s'agit d'une question de survie pour nos pays face aux pays émergents. Beaucoup l'ont compris.
Côme, j'ai connu les "pools dactylographiques", lieux d'épanouissement idylliques, à en croire certains messages.


Voici une version 1931, mais vers 1975, c'était un peu la même chose, avec des couleurs oranges en plus.

Nous vivons bien dans le même monde, mais nous ne devons pas voir et entendre de la même manière. Je crois, encore une fois, qu'il ne faut pas mesurer la "pénibilité" d'un emploi à ses conditions matérielles objectives, ni à la sueur versée, ni au degré d'informatisation du milieu de travail. D'ailleurs je ne dis pas que les sexagénaires souffriront physiquement, qu'ils seront physiquement plus fatigués que leurs prédécesseurs, je dis qu'ils seront nerveusement, intérieurement liquidés (que faites-vous des suicides causés directement par le travail, phénomène relativement neuf ?), et qu'ils seront à la peine avant tout parce qu'ils seront décalés, rejetés, "poussés vers la sortie" (même de manière très insidieuse) par une jeunesse formée à l'école de l'ignorance et du soi-mêmisme brutal.

J'ajoute que la souffrance, qu'elle soit physique, nerveuse ou morale, n'est pas la seule chose qui doive être prise en considération. Le néant d'une expérience sans joie ni grandeur est un argument en soi contre le monde du travail moderne. La plupart du temps, il est indolore et pourrait passer pour une forme de bonheur.
Utilisateur anonyme
30 octobre 2010, 15:41   Re : Vous reprendrez bien un peu de retraite ?
Cool les pools, cher Jean-Marc ! Oui, oui, oui, c'était le bon temps !
30 octobre 2010, 16:31   Repeat again
A-t-on calculé le coût du maintien des sexagénaires dans les entreprises, du point de vue des "arrêts-maladie" ?

Quelqu'un veuille bien m'expliquer pour quelle raison les mutuelles de santé appliquent des tarifs différents en fonction de l'âge ?
Puis m'expliquer pour quelle raison il est plus difficile d'obtenir de l'argent d'une banque à partir d'un "certain âge" ?
30 octobre 2010, 18:43   Re : Repeat again
Songez simplement aux employés de bureau qui n'avaient que des machines à écrire, même pas électriques (vous n'étiez pas né !) et des stencils pour faire des copies !

Non, arrêtez, Côme, c'est plus que je n'en puis supporter, c'est vraiment trop affreux.

"Le progrès technique ne supprime pas les obstacles, il en modifie seulement la nature." (Aldous Huxley.)
Quelques éléments d'analyse de la réforme des retraites en Allemagne. Je précise que l'article n'est pas issu d'une publication syndicale, mais du très sérieux Institut de recherches économiques et sociales. (Excusez-moi pour la mise en page un peu chaotique.)

Enjeux de politique d’emploi, retraites et carrières discontinues

"La retraite à 67 ans constitue-t-elle une possibilité réelle, et est-elle acceptable, pour l’ensemble des assuré(e)s ? Étudiée de façon empirique, la question débouche sur une image plutôt pessimiste: la part des chômeurs relativement âgés est élevée et s’inscrit elle-même dans le contexte d’un taux d’emploi globalement faible. On observe de grandes différences en ce qui concerne les modes de transition vers la retraite, la linéarité des biographies professionnelles et les
statuts des assuré(e)s à la veille du départ à la retraite.

Les carrières incomplètes selon les classes d’âge

Si l’on regarde de plus près la participation au marché du travail des différentes classes d’âge proches de la retraite, on
observe des carences importantes en ce qui concerne la continuité des biographies professionnelles avant l’âge de 65
ans. Ces « trous de carrière» sont plus importants pour les femmes que pour les hommes, quel que soit l’âge. De façon inversement symétrique,la part des femmes parmi les chômeurs et les inactifs est plus élevée que celle des hommes. En 2005, un tiers seulement des hommes(et 20 % des femmes) de la classe d’âge des 60 à 65 ans exerçaient encore une activité professionnelle. La participation au marché du travail des personnes âgées de 65 ans et plus – variable clé pour évaluer la réforme – devient négligeable, avec un taux d’activité de 2,1 % pour les femmes et de 4,9 % pour les hommes. Au total, le taux d’emploi des hommes et des femmes de 55 à 64 ans est de 45,5 % (Rische, 2007: 40). Dans de nombreux secteurs professionnels, l’âge moyen de départ à la retraite est inférieur à l’âge légal de 65 ans.
Le retrait précoce de la vie professionnelle renseigne indirectement sur les conditions et charges de travail contrastées
des branches. Les emplois ne sont pas tous agréables et n’offrent pas tous de conditions de santé suffisantes pour pouvoir être exercés à un âge avancé. Les charges physiques dans le bâtiment et dans l’industrie manufacturière, les conditions psychologiques dans le commerce de détail et dans la restauration amènent nombre de salarié(e)s à quitter la vie active avant terme pour des raisons de santé. Seuls les hommes et les femmes avec un diplôme de l’enseignement supérieur atteignent aujourd’hui un taux d’emploi moyen de plus de 50 % quand ils ont entre 55 et 64 ans. On constate donc une corrélation étroite entre la qualification des salariés et l’âge de départ à la retraite.

Les effets de l’image négative des seniors

La politique de ressources humaines de nombre de grandes entreprises tend à faire partir en préretraite les salariés dès l’âge de 50 ans. Cela contribue à fortement détériorer l’image des salariés vieillissants. La moitié des établissements
n’emploient plus de salariés de plus de 50ans et l’embauche de salariés relativement âgés constitue une exception. Cette
politique d’embauche hostile aux seniors n’est pas sans conséquences, puisqu’elle revient à dévaloriser le capital humain. Découragés, les chômeurs vieillissants cessent de postuler à un emploi.
Une politique d’embauche positive par contre qui s’adresse délibérément aux seniors n’est pas non plus sans produire d’effet. On trouve notamment dans les petites et moyennes entreprises des exemples positifs d’emploi de salariés vieillissants. Il semble en effet possible d’améliorer la situation d’emploi des seniors à travers le soutien moral et l’encouragement – si le contexte s’y prête, c’est-à-dire s’il existe une offre de travail adaptée à une population vieillissante. Cela nécessite de la part des entreprises une politique visant à maintenir et à promouvoir la santé, la qualification et la motivation des salarié(e)s tout au long de leur vie au travail (Promberger, Wübbecke, 2006). La part élevée de chômeurs de longue durée parmi les seniors s’explique aussi par un état de santé détérioré. En 2005, 36 % des chômeurs de plus de 50 ans connaissaient des problèmes de santé,contre 10% des chômeurs de moins de 30ans et 21 % des demandeurs d’emplois de 30 à 49 ans (Ebert/Kistler/Staudinger,2007). La possibilité de « tenir » jusqu’à la retraite dépend fortement des conditions de travail. Nombre de salarié(e)s ne se sentent plus capables de travailler jusqu’à l’âge de la retraite. C’est ce qui ressort d’une enquête représentative au niveau national d’INIFES et de TNS Infratest auprès de 5 500 salariés (cf.Ebert/Kistler/Staudinger, 2007). Un(e) enquêté(e) sur quatre pensait que son état de santé l’empêcherait d’exercer jusqu’à l’âge de la retraite son activité professionnelle actuelle et 17 % se disent indécis.78 % des salariés non soumis à des conditions de travail difficiles estiment pouvoir exercer leur profession jusqu’à la retraite.

L’effet du chômage

Avec 18,1 % en juin 2005, le chômage des 50-65 ans est élevé (IABKurzbericht8/2006), compte tenu surtout du niveau d’activité globalement bas de cette classe d’âge qui excède à peine 37 %. 1,2 million de personnes de plus de 50 ans
sont enregistrées comme chômeurs. Parmi tous les chômeurs déclarés en 2005, 24,9 % étaient âgés de 50 ans et plus et 11,9 % de 55 ans et plus. Les salariés se retrouvant au chômage à l’âge de 55 ans sans disposer d’une qualification au-dessus de la moyenne ont de grandes chances de rester sans emploi jusqu’à la retraite. Le chômage (de longue durée) est la raison principale des carrières incomplètes –des hommes tout au moins – avant la retraite. La situation des chômeurs s’est plutôt détériorée à la suite des réformes du marché du travail de 2005 (Veil, 2005). Car à partir de la fin 2007 les bénéficiaires de l’allocation chômage peuvent se voir contraints à anticiper au plus tôt leur départ à la retraite même au prix d’une décote importante. Le recul de l’âge de départ à la retraite induira nécessairement une baisse supplémentaire des pensions (IABKurzbericht 8/2006). Le risque de pauvreté dans la vieillesse se trouve encore accru par la réduction de la durée de versement de l’allocation chômage (le revenu de remplacement « normal » après la perte d’un emploi) qui est passée, depuis 2006, de 32 à 18 mois pour les personnes de plus de 55 ans. Car dans la situation
actuelle il faut avoir cotisé pendant 26 ans à partir d’un revenu moyen pour toucher une pension au-dessus du revenu minimal de type aide sociale.

L’âge aux multiples visages

Les trajectoires de transition vers la retraite sont contrastées. Nombre de métiers ne permettent pas le vieillissement (Bosch, 2005). Parmi les raisons principales des « trous de carrière » souvent importants avant le départ à retraite figurent le chômage massif, les problèmes de santé dus à des « emplois d’usure » (Bäcker,2006), la « réserve silencieuse » des femmes, la politique des préretraites, la baisse de « l’employabilité » du fait de l’absence de formation continue des seniors et de longues interruptions de carrières. Peut-on durablement ignorer ces réalités fortes du marché du travail et de la politique de l’emploi ? Car sans mesures d’accompagnement, les « trous de carrière» avant la retraite risquent de s’agrandir encore, et le chômage de longue durée auquel s’ajoutent les réductions des pensions pourraient sonner le retour de la « pauvreté de vieillesse » (Altersarmut) que l’on avait cru définitivement appartenir au passé. Les arguments des adversaires de la retraite à 67 ans – dont les syndicats – apparaissent également quelque peu biaisés. En mettant unilatéralement l’accent sur les risques du marché du travail, ils tendent à minimiser l’importance historique de l’évolution démographique et le« risque » d’une vie plus longue, facteurs qui se traduisent par la prolongation des périodes de versement des pensions (Rentenlaufzeiten) par l’assurance retraite. On observe d’une part une tendance à la hiérarchisation des enjeux de politiques de l’emploi au détriment des enjeux démographiques et, d’autre part, une approche quelque peu statique des pourfendeurs de la retraite à 67 ans. Le recul de l’âge de départ à la retraite est traité comme un problème d’aujourd’hui. Les syndicats n’abordent guère la question en termes de processus et prêtent peu attention à l’horizon temporel dans lequel s’inscrit la réforme: le recul de l’âge légal sera mis en oeuvre à partir de 2012 ; il est censé durer 17 ans et être achevé dans 22 ans (en 2029), date à laquelle il s’appliquera à tous. C’est une période longue qui pourrait permettre – dans une perspective optimiste – d’opérer les changements nécessaires sur le plan de la politique de l’emploi. La question toutefois est de savoir si de tels ajustements seront encore possibles dans un monde du travail de plus en plus mondialisé et si des prévisions pertinentes sur l’évolution des marchés du travail restent possibles. Les difficultés actuelles de la coopération européenne au sein d’Airbus illustrent la complexité des problèmes : sans grande hésitation, la direction a pris la décision de supprimer 10 000 emplois en Europe,dont 3 700 en Allemagne et 4 200 en France.

(...)

Beaucoup d’inconnues

Compte tenu des évolutions démographiques,la retraite à 67 ans constitue –d’un point de vue abstrait – un objectif
pertinent. Pourquoi la limite d’âge légale ne reculerait-elle pas de deux ans d’ici 2029 si l’espérance de vie augmente de trois ans durant la même période, selon les pronostics ? Le doute s’installe toutefois quand on compare les perspectives
démographiques aux réalités sociales du marché du travail actuel. Le décalage paraît trop important entre ce qui est – les
« trous de carrière » et le chômage avant la retraite, l’écart entre âge de départ formel et réel – et ce qui devrait être, même si le laps de temps de 22 ans (d’ici 2029) est relativement long. La retraite à 67 ans pâtit d’un grand nombre d’impondérables. Ni la demande provenant de marchés du travail mondialisés ni la qualité des futurs postes de travail
ne peuvent être aisément anticipées. Ne serait-il pas plus réaliste d’agir tout d’abord sur les marchés du travail destinésà accueillir les salariés vieillissants –et d’y préparer ces derniers par des dispositifs de formation continue ? Une fois
ces ressources mobilisées avec succès, on pourrait passer à la deuxième étape : le recul de l’âge de départ à la retraite
. L’exemple des pays scandinaves illustre bien qu’il n’y a pas de loi objective qui écarte les seniors du marché du travail (Schmid, 2006). Ces pays combinent un haut taux d’emploi avec un âge de départ à la retraite élevé."

Extraits de l'article de Mechthild VEIL : "Allemagne, retraite à 67 ans : baisse des pensions ou nouvelle culture de travail dans la vieillesse ?", Chronique internationale de l'IRES - n° 105 - mars 2007
Utilisateur anonyme
30 octobre 2010, 22:49   Re : Vous avez dit objectivité ?
Citation

Quelques éléments d'analyse de la réforme des retraites en Allemagne. Je précise que l'article n'est pas issu d'une publication syndicale, mais du très sérieux Institut de recherches économiques et sociales..

Citation

L'Institut de Recherches Economiques et Sociales (Ires) est un organisme « au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs » et a pour fonction de répondre aux besoins exprimés par les organisations syndicales représentatives dans le domaine de la recherche économique et sociale.

Alors tentons un autre avis :

Citation

Réalistes, les Allemands osent loger à la même enseigne salariés du privé et fonctionnaires de l’Etat. Un exemple à suivre sans tarder.

A l’automne, un projet de loi sera déposé en Allemagne pour relever l’âge de la retraite des quelque 130 000 fonctionnaires de l’Etat fédéral et de quelques milliers de fonctionnaires encore présents dans les anciens monopoles tels La Poste, les Télécoms ou les Chemins de fer (Deutsche Bahn). A l’instar de ce qui a déjà été décidé pour les salariés du privé, il passera de 65 à 67 ans sur une longue période de lissage, entre 2012 et 2029. A cette date, on ne touchera sa retraite à taux plein qu’à l’âge de 67 ans ou après 45 ans de cotisations.
La fédération des fonctionnaires soutient le projet qui s’inscrit dans une réforme complète du statut du fonctionnaire qui devrait également être présentée au Parlement à l’automne.
Concernant les fonctionnaires des régions (Länder) et communes – 1, 4 million de personnes – la tendance est également à l’alignement sur le secteur privé, même si chaque Land est seul compétent pour fixer l’âge de la retraite.

Cela dit, Olivier, je ne nie en rien la réalité de certains problèmes mentionnés dans cet article. Celui du chômage est important. D'ailleurs, je ne comprends pas que les périodes de chômage ne comptent pas pour calculer le nombre d'années donnant droit à partir à la retraite. Jusqu'à preuve du contraire, un chômeur est un travailleur qui ne trouve pas d'emploi. Des indemnités qu'il reçoit de ce fait, il suffirait de déduire les cotisations de retraite pour que les périodes de chômages soient comptabilisées dans les années requises pour bénéficier d'une pension.
En effet je retire ce que j'ai écrit, l'IRES est une émanation directe des organisations syndicales (ce qui je vous le concède est souvent synonyme de faux ou de partial - mais pas toujours). Mon coeur n'est décidément pas à droite quand il est question du travail. Passons.
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