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Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri

Communiqué n° 1150, jeudi 16 décembre 2010
Sur un article de M. Toni Negri

Le parti de l'In-nocence prend connaissance avec le plus grand intérêt d'un article du philosophe italien Toni Negri selon lequel, d'après le titre même, "Nous n'avons pas besoin d'un peuple européen". M. Negri, fidèle au concept qu'il a maintes fois avancé, mais l'appliquant résolument à notre continent, appelle à définir l'Europe comme "une multitude civile".

Le parti de l'In-nocence est heureux de reconnaître une pensée qui soit si radicalement et diamétralement opposée à ses propres conceptions. Il note que M. Negri parle à plusieurs reprises de "scène" européenne et juge le terme hautement significatif. L'homme de la multitude negrienne et l'Europe que le philosophe appelle de ses vœux relèvent l'un et l'autre du théâtre et ont en commun d'être encore, par chance, des fictions. Ils supposent, heureusement, une humanité imaginaire. Sur un point au moins, toutefois, cette humanité affleure de plus en plus expressément au réel : c'est la déculturation. M. Negri fonde de grandes espérances sur la culture et il y fait largement référence mais — son choix de mots l'implique assez — sa multitude aux singularités sans autres identités qu'elles-mêmes, redondantes, ipséistes, ne saurait être qu'hébétée et violente. M. Negri, plus ou moins consciemment, le sait bien, qui ne s'enthousiasme pas par hasard, chez Henri Michaux, pour le terme de "barbares". Ce n'est en effet que de barbares que peut être composée la "multitude européenne" qu'il nous décrit : sa vision n'implique pas seulement, malgré qu'il en ait, la déculturation que nous observons à l'œuvre de toute part, mais la décivilisation dont nous voyons pointer tant d'indices.
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 09:21   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
"Homme de la multitude negrienne" qui n'a rien à envier à l'homme de la multitude badiouienne. De ces deux penseurs-là, je ne sais lequel est le plus haïssable détestable (?).
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 09:48   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 09:51   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
Oui, finalement ça n'est pas ce que j'aurais dit...
K et Didier, votre échange est mystérieux...
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 09:55   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Mais c'est très vilain d'avoir des secrets...
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 10:52   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
Revenons un peu à Badiou et à son amour sans limite pour tout ce qui n’est pas blanc en général et français en particulier : «La masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoigne, dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde, [qu’ils] nous apprennent à devenir étrangers à nous-mêmes, […] assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève, et dont nous n’avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre. » Comme on pouvait s'y attendre, pour le tandem Badiou-Negri les différences entre groupes humains n’ont d’importance, et d'intérêt, que lorsqu’il s’agit de rabaisser la vieille civilisation occidentale (réhaussant du même coup les civilisations non-occidentales, civilisations plus jeunes et plus sexy of course). Pour le reste, ces pseudo-différences « n’ont aucun intérêt pour la pensée ». La multiplicité de l’espèce humaine, dit encore Badiou, « est tout aussi flagrante entre moi et mon cousin de Lyon qu’entre la “communauté” chiite d’Irak et les gras cow-boys du Texas »(in l’Éthique).

Ainsi donc la langue, la religion, une histoire multiséculaire, les traditions, les coutumes,la culture (au sens français du mot), voire éventuellement le type physique ou la couleur de peau sur lesquels insiste lourdement notre philosophe, tout ce qui, pour faire court, forme une identité, serait nul et non avenu (sauf pour les non-blancs bien sûr). Pour Badiou (et Negri je suppose) nous nous devons de nous interroger sur ce qui fait que tous les hommes sont les mêmes. Or cet “autre”, malheureusement pour notre tandem philosophique, veut obstinément rester tel qu'il est. Beaucoup d’immigrés refusent de s’assimiler, ils méprisent les "céfrans" et font tout pour ne pas leur ressembler. Pareillement, beaucoup de Français (pour rester optimiste) refusent de ressembler à des immigrés.
Mais quel intérêt, quel profit intellectuel y a-t-il à ressasser les imbécillités écrites par Badiou ?
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 13:18   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
Mais quel intérêt, quel profit intellectuel y a-t-il à ressasser les imbécillités écrites par Badiou ?

Bein le même qu'il y a à commenter un article de M. Negri... Je crois, bien au contraire, qu'il est absolument nécessaire de conserver précieusement (ressasser ?, où ça ?, quand ?, par qui ?, pas par moi en tous cas) toutes les imbécilités proférées par l'aristocratie des amis du désastre. Euh, et quel "profit intellectuel" doit-on tirer de votre réflexion ?
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 13:28   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 13:34   Re : Rambo saute sur le PI.
Ca n'est pas moi qui ai versé le "premier sang" (J. Rambo)...
Peut-on avoir la source de l'article ? C'était dans un quotidien récent ?
Oh, c'était dans un petit journal paru hier...
J'entends bien, mais je ne le retrouve pas... Si l'on avait l'obligeance de m'indiquer un lien...
Je trouve fort bien tourné le communiqué. J'avais lu "Multitudes", c'est à la fois brillant et bête, un peu comme tous les ouvrages dogmatiques, révolutionnaires et messianiques.
Je viens de le trouver, mais sous un titre différent de celui qu'indique le communiqué.
17 décembre 2010, 14:54   Vous n'y écharperez pas
(à supprimer dans l'heure pour cause de droit d'auteur) :

"Tout le monde, il y a une dizaine d'années, s'écharpait pour savoir si les Européens constituaient un peuple. A la fin, on convenait que cela n'était pas le cas, et qu'il fallait par conséquent le construire. A l'époque, personne n'a pensé que s'il était impossible de qualifier de "peuple" cette multitude européenne, ce n'était pas une catastrophe. Parce que la condition qui manquait, ce n'était pas tant un territoire ou une culture communs qu'un gouvernement qui réussisse à transformer la multitude en identité, en nation. Mais était-il donc à ce point impensable que la multitude demeure en l'état - une riche multiplicité de singularités, un ensemble de subjectivités puissantes ?
Ne pouvait-on au contraire inviter ces singularités à construire une organisation démocratique commune au sein de laquelle les rencontres soient productives, les conflits prévalant sur les relations de pouvoir consolidées, les communications soient réparties de manière égalitaire, et tous puissent jouir de la même manière des libres expressions de la production économique et culturelle ?
Si je rappelle tout cela, c'est, je crois, qu'il faut au contraire définir l'Europe à venir comme une "multitude civile". Et dire avec force que cette "composition" ne peut apparaître comme impossible qu'à tous ceux qui excluent de la définition de la société politique la multiplicité et les singularités, et dont on peut se demander jusqu'où va leur fibre démocratique.
Je relisais le poète Henri Michaux récemment. Il y a, pour dire cette autre manière de penser l'Europe et la politique, une expression que je lui emprunte : une Europe"par des traits". Une Europe comme peuple-à-venir, aurait dit aussi Gilles Deleuze : faite de formes singulières et concurrentes - qui courent ensemble et concourent au même projet, et non pas qui se font la guerre. Les politiques et les expressions artistiques, les productions de richesse et de culture, les rencontres et les affrontements se définissent alors sur une scène que certains, poussés par le désir de dire le monde, définissent comme "biopolitique" - parce que désormais, la politique investit la vie tout entière.
Or si nous décidons de demeurer en dehors de l'identité qu'un souverain - redéfini à l'échelle européenne - pourrait vouloir nous imposer, alors chacun de nous devient du même coup un "barbare" dans son pays - un étranger mais aussi un homme libre. Barbare : là encore, c'est Michaux qui résonne derrière les mots.
Alors : oui, c'est sans doute plus facile à dire et à penser pour un Italien, devant le spectacle grotesque auquel la politique de son pays le voue. Mais un Français, devant certaines provocations comme celles de la création d'une Maison de l'histoire de France, un Allemand ou un Espagnol, face à leur histoire au XXe siècle, ne devraient-ils pas, eux aussi, se sentir heureusement "barbares" ?
La scène européenne, pour aller de l'avant, doit miser sur l'hybridation des singularités, sur l'ambiguïté créative de tous les barbarismes. Quand les festivals artistiques se présentent avec cette passion des masques, des croisements, des contaminations et des échanges, alors, sans doute, un peu d'Europe a été construite."

(à mon sens, et de prime abord, il s'agit d'un appel à la régression, au stade pré-national de l'Europe. Negri n'a pas entièrement tort: l'Europe a longtemps été cela, quand chaque européen parlait deux ou trois langues pour pouvoir se faire entendre de ses voisins. La civilisation européenne, heureusement, créa des Etats-nations, souvent avant l'Italie et les pays de la Mitteleuropa, lesquels se limitèrent à fournir le substrat d'empires limités à l'espace européen (Austro-Hongrois, etc.) cependant que les Etats-nations de l'Ouest se forgeaient une identité universelle forte voulant transcender à la fois ces identités et l'espace européen (France, Angleterre, Espagne et Portugal s'envolaient hors les bornes des franges européennes du continent eurasien en même temps que leur langue s'établissait étatique, puissamment universelle, civilisatrice et non-locale, parlant et parlant fort à quiconque n'avait pas encore eu le temps historique de l'apprendre). L'Italie moderne est le pays du fascisme et de la régression infraeuropéenne dans la tribu dont Negri se montre un acharné prosélyte. Cette régression est posthume à la décadence romaine. Negri rappelle inlassablement les Barbares dans l'espoir que leur venue lui restaure la décadence de Rome, c'est à dire lui soient une consolation regressive (que les Barbares viennent enfin et qu'ils viennent à moi comme au bon temps mien où j'étais un Empire moribond). Negri est un homme très compliqué, parfaitement décadent, qui dit des bêtises et un peu n'importe quoi (Michaux est hors sujet), bref un homme du XXème siècle égaré dans une autre époque que la sienne -- l'époque actuelle est vaste, elle est faite de blocs incandescents, a-historiques et violents comme l'est l'Islam, le charme joueur d'un homme européen dont l'avènement attendu relèverait d'une sérenpidité ludique y est sans objet ni portée aucune)
Utilisateur anonyme
17 décembre 2010, 15:22   Re : Vous n'y écharperez pas
Badiou : "qu’ils (les étrangers, les "barbares") nous apprennent à devenir étrangers à nous-mêmes, […] assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève."

Negri : " si nous décidons de demeurer en dehors de l'identité qu'un souverain - redéfini à l'échelle européenne - pourrait vouloir nous imposer, alors chacun de nous devient du même coup un "barbare" dans son pays - un étranger mais aussi un homme libre."

Etrange ressemblance...
Pour qualifier Negri, je reprendrais le mot - injuste - de Finkielkraut à propos de Steiner : un con de génie.
C'est toujours pour moi un amusement de voir des intellectuels, qui sortent des meilleures universités européennes, comme c'est le cas de l'agité des multitudes, qui fit ses études supérieures à Padoue, je crois, où il soutint très jeune un doctorat sur le formalisme kantien en matière de droit public, d'en appeler aux barbares (en gros les immigrés qui viennent d'Afrique) pour détruire une civilisation à laquelle ils doivent tout (que serait Negri sans Marx, Spinoza ou Machiavel ?) et sans laquelle ils ne seraient rien (carrière académique et lecteurs car bien évidemment les multitudes ne lisent pas Empire). En cela, soi dit en passant, ils n'innovent guère. Dans les années 1920, Breton et ses petits camarades n'appelaient-ils pas à la ruine de la civilisation occidentale et aux cosaques, dont ils espéraient un jour que leurs chevaux s'abreuveraient dans les fontaines de la place de la Concorde ? Badiou et Negri sont la répétition du dadaïsme en farce. De tristes impostures. A l'époque de Breton, les élans barbares des surréalistes pouvaient les exposer aux arguments contondants de l'Action française ou de quelques camelots du Roy un peu enervés. Aujourd'hui, Badiou, Negri et consorts ne risquent plus guère que l'attention attendrie d'un quelconque Birnbaum dans un quelconque Monde des livres.

PS : Dans un de ses derniers livres, Negri fait du rap la bande-son de la révolte des multitudes et de la Gare du Nord le nouveau territoire des insurrections métissées à venir.
J'aime décidément vos libelles, cher Petit-Détour. Ce que vous dites correspond d'ailleurs, proportions gardées, assez ironiquement, à ce qu'opposait Caillois au Lévi-Strauss de Race et histoire dans un article intitulé "Illusions à rebours", paru en 1954 dans la Nouvelle Revue française.

"Depuis une cinquantaine d'années, ils s'acharnent à renier les divers idéaux de leur culture. Comme pratiquement ils continuent à y vivre, à en vivre ; comme spontanément, souterrainement, ils persistent malgré tout à la tenir, sans bien s'en rendre compte, pour le type même de la civilisation - telle est l'inertie de la coutume et le poids des obligations quotidiennes - cette contradiction les exaspère et les pousse à s'insurger contre toute valeur qui, à quelque degré, peut paraître un élément de civilisation. (...) D'ou une revendication de la barbarie, un fanatisme de ses différents aspects, une apologie des forces permanentes et vivaces qui la nourrissent et la renouvellent et qui sont d'ailleurs celles de la nature même : l'instinct, l'inconscient, la violence, et tout ce qui, absurde ou fruste ou incontrôlable, paraît affranchi des normes, des codes, des contraintes et des conventions dont la connivence secrète donne à chaque culture un style irremplaçable."

"Leur injustice à l'égard de leur civilisation est telle qu'ils oublient qu'elle est jusqu'à présent la seule qui ait produit les conditions matérielles et spirituelles de leurs propres recherches. La seule qui permette et qui crée celle de leur ingratitude."
Merci pour ce texte de Caillois. Finkielkraut s'en est-il inspiré pour son Ingratitude ?
Je ne saurais vous dire !....
Dans les années 1920, Breton et ses petits camarades n'appelaient-ils pas à la ruine de la civilisation occidentale et aux cosaques, dont ils espéraient un jour que leurs chevaux s'abreuveraient dans les fontaines de la place de la Concorde ?

Curieusement cette image de Breton m'était revenue en mémoire ces jours-ci: le fantasme a été réalisé, il a été récemment photographié dans les rues de Paris, pas à la Concorde mais rue Myrha et rue Poissonnier.
A ce propos, j'ai retrouvé un article de Jean Clair datant de septembre 2001 et justement intitulé Le surréalisme et la démoralisation de l’Occident :
[www.nouveau-reac.org]
17 décembre 2010, 23:36   Qu'on selle mon cheval
Peut-être, mais c'étaient ces barbares-là :


Du bout du sabre

Nous autres, sur nos chevaux, n'entendons rien aux semailles. Mais toute terre labourable au trot, qui se peut courir dans l'herbe,

Nous l'avons courue.

Nous ne daignons point bâtir murailles ni temples, mais toute ville qui se peut brûler avec ses murs et ses temples,

Nous l'avons brûlée.

Nous honorons précieusement nos femmes qui sont toutes d'un très haut rang

Mais les autres qui se peuvent renverser, écarter et prendre,

Nous les avons prises.

Notre sceau est un fer de lance : notre habit de fête une cuirasse où la rosée cristallise : notre soie est tissée de crins. L'autre, plus douce, qui se peut vendre,

Nous l'avons vendue.

o

Sans frontières, parfois sans nom, nous ne régnons pas, nous allons. Mais tout ce que l'on taille et fend, ce que l'on cloue et qu'on divise...

Tout ce qui peut se faire, enfin, du bout du sabre,

Nous l'avons fait.



Victor Segalen, Stèles (Stèles occidentées)
Utilisateur anonyme
18 décembre 2010, 10:32   Re : Qu'on selle mon cheval
Merci pour ce message Cher Petit-Détour (en vous lisant je réalise mieux tout le "profit intellectuel" qu'il y avait de citer Badiou), mais tout de même, ne minimisons pas le rôle - ô combien néfaste ! - de ces intellectuels. A certains égards, si l'on s'en tient aux aspects purement méthodologiques de la théorie du "pouvoir culturel", certaines vues de Gramsci (la conquête du pouvoir politique par le pouvoir culturel) se sont en effet révélées prophétiques, et il est évident que plusieurs traits carctéristiques des sociétés contemporaines accentuent - et donc facilitent - les effets d'une telle stratégie. Par exemple : le rôle joué par les "intellectuels" et autres pseudos-intellectuels tels que les sociologues, experts, spécialistes, analystes, n'a jamais été, potentiellement parlant, aussi important qu'aujourd'hui. Autres exemples : la démocratisation de l'enseignement, l'importance prise par les mass média, la séduction exercée sur les leaders d'opinion par les idées à la mode et par l'air du temps, la pression exercée sur ce mêmes leaders par la vigilance idéolologique de l'antiracisme (vigilance qui leur doit beaucoup, à ces "intellectuels) - bref, tous ces facteurs rebondissent les uns sur les autres et permettent à l'intelligentsia d'exercer un pouvoir considérable, ne serait-ce que de manière transversalle.
Utilisateur anonyme
26 décembre 2010, 23:38   Re : Communiqué n° 1150 : Sur un article de M. Toni Negri
Rappelez-moi, ce Monsieur Negri aurait-il, comme on le dit, une "histoire"? Et cette histoire, serait-elle intéressante pour le comprendre?
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