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Ethique et politique.Les immigrants démocrates lybiens vus sous le prisme de Julien Freund

Envoyé par Santamaria 
Éthique et politique.
Crise du monde Arabe et vague de "réfugiés".

Euronews, citant Frontex, envisage le débarquement en Italie du sud d'une masse de 1,5 millions de migrants en provenance des pays arabes en train de réaliser leur "Printemps des peuples".
SOS racisme de son côté, au nom de l'article 42 de la Charte des Nations unies, demande une intervention armée de cette dernière pour mettre fin aux atrocités du régime Khadafi.

On sait par ailleurs qu'au nom de la Real Politik divers dirigeants européens s'étaient couchés devant le probable instigateur des attentats visant des avions occidentaux.Outre la réception française fastueuse et les déclarations de notre fringant ambassadeur à Tunis sur la rédemption de Khadafi,le non moins fringant Berlusconi avait battu sa coulpe pour le passé colonial de l'Italie en Libye. Repentir auquel il avait joint un petit chèque de Cinq milliards d'Euros en échange de la surveillance (efficace) des côtes Libyennes par le despote asiatique et le blocus de 300000 non libyens candidats à l'Eldorado européen.

D'une manière générale l'ensemble des "commentateurs" semble accepter comme allant de soi (un fatum) ce débarquement annoncé. Le seul débat dans les instances européennes portant sur la ventilation de ce contingent supplémentaire.

Se pose donc le problème de fond de l'immigration des extra-européens.
Si la révolution démocratique en cours (cette nature reste problématique vu le feu vert donné par le nouveau gouvernement égyptien aux vedettes Iraniennes) est une bone chose (car c'est une expansion de l'imaginaire occidental voire une bonne chose "en soi", autre débat), en aucun cas cette démocratisation ne peut s'opérer avec l'aide (dans les fourgons ou avec un financement annexe) de l'étranger, l'Occident.
Si la démocratie relève de la visée de l'autonomie chère à Castoriadis elle ne peur s'opérer alors qu'avec l'action seule des sujets "acteurs".Sinon ce serait une contradiction dans les termes.
Si l' intervention occidentale et en l'occurrence européenne était "humanitaire" elle s'appuierait sur des motifs émotionnels et éthiques, donc non politiques.

Il convient alors de rappeler que depuis Jésus à Machiavel ou Julien Freund l'imaginaire occidental a soigneusement distingué des essences dans le domaine de l'Homme. Le distinguo que nous soulignerons ici est celui de l'éthique et du politique.

Les critères éthiques mis en avant (aide à la misère du monde) sont déjà critiquables au sens où le compassionnel relève de l'émotionnel et non véritablement de l'éthique. L'argument proprement éthique voire politique des droits de l'homme considérant la liberté des flux migratoires au nom d'un continuum de l'humanité et des territoires doit par ailleurs aussi être critiqué.

En effet quant il s'agit de la survie d'un peuple, tous les moyens, même immoraux au regard de l'éthique interne à un peuple, doivent être mis en œuvre.
Comme le note Lévi-Strauss les livres d'Histoire sont pleins de centaines de peuples disparus c'est "immoral" mais réel.
Ni la morale ni l'histoire ne justifient ni ne garantissent la présence d'un peuple sur un territoire. Les Européens n'ont pas à rougir des génocides perpétrés (surtout sur le Nouveau continent) pas plus que les Arabes ne rougissent d' ocuper actuellement des territoires "traditionnellement" non-arabes.

On se soutient que deux grands pays actuellement arabo-musulmans portent des noms grecs. En effet Aegyptos et Lybios sont des descendants d'Epaphos (Voir le Prométhée enchaîné et les Suppliantes d' Eschyle) :et donc de la fameuse génisse Io, courtisée par Zeus et chassée par Héra. Les quelques pour-cents de Coptes eux aussi déjà arabisés mais encore chrétiens témoignent de ce passé hellénistique.

La haine de soi, l'auto-culpabilisation sont d'ailleurs propres à l'Occident et héritage du christianisme et du socialisme et d'ailleurs à ce titre pas totalement mauvais (comme disait Mitterrand des Compagnons de la Chanson).
Donc nous n'avons pas à nous demander si l'imaginaire occidental est légitime sur nos territoires (comme il l'était d'ailleurs sur nos anciens colonies et départements) mais simplement à exercer notre "conatus" ( dirait Leibniz), notre volonté de persévérer dans notre être occidental sur nos territoires "traditionnels" ou pas.

Si cette volonté de persévérer de nos peuples européens et occidentaux passe aujourd'hui par un refoulement (une "reconduite aux frontières") violent des boat-people ce ne sera pas un crime ou alors il y aura crime contre notre identité occidentale. Comme nous sommes, nous occidentaux, historiquement les inventeurs de la notion d'Humanité, d'Universalité cela complique le problème.

Aux tenants du Grand remplacement nous nous devons d'opposer le point de vue suivant:
1-L'indignation (je pense au best-seller de Stephane Hessel qui sera bientôt détrôné par notre Champion: Orimont) relève du sentiment et est donc contraire à notre tradition du Logos (Raison versus passions).
2-A un second niveau, l'éthique elle même (morale de la solidarité inter-communautaire au nom de l'Universel) doit laisser place au Politique en cas de défense des intérêts vitaux de la communauté (ici l'Europe-Occident). Et c'est bien la survie de notre peuple et de son imaginaire qui est en jeu avec le Grand remplacement.

Survivre implique de vaincre nombre de présupposés imposés par l'adversaire . En effet l'adversaire (les mondialistes) collabore avec l'ennemi (les colonisateurs afro-asiates) pour des raisons économiques et idéologiques (contradiction sus-mentionnée de l'héritage chrétien et de ses continuateurs des Lumières, ces deux mouvements ayant écrit parmi les plus belles pages de notre métaphysique).

Pour vaincre il faut continuer le mouvement de reconquête des esprits (renouer avec la démarche critique non-sélective), mouvement qui va heureusement bon train aujourd'hui notamment dans cet espace.

Je profite donc des ces évènements pour procéder à ce petit rappel de la différence des essences.
Différences que Julien Freund dans son "Essence du politique' dissèque avec maestria.
Julien Freund entre dans la résistance à 16 ans. Il sera très tôt formé à la distanciation, la réflexivité, la critique bref la prudence et ce par un évènement ô combien! formateur. En effet, son chef de réseau, guerrier courageux, dévoué, patriote n'hésite pas, éconduit par son amante (institutrice au village) à la fusiller pour collaboration et au passage après une tournante réalisée par les mâles de son maquis. Voilà dès le plus jeune âge, un évènement apte à former le futur grand philosophe à la complexité de la pratique des hommes.
Rien effectivement n'est simple dans le mixte de guerre civile et de guerre étrangère (les Amis du Grand désastre main dans la main avec les Islamistes et les colons) d'où la nécessité d'un travail sans complexes ni tabous de classification, de discernement, d'élaboration.
La Nouvelle Droite avait pu un temps participer à ce travail. Son paganisme primaire, son anti-occidentalisme, son inscription univoque dans le camp des vaincus de 45 (très respectable par ailleurs mais partiel et partial par rapport à notre Histoire),son anti-"sionisme",son philo-islamisme originaires l'ont fait accoster sur les rivages soraliens donc "objectivement" chez l'Ennemi .

Je suis heureux que cette démarche novatrice se poursuive sous d'autres présupposés dans les colonnes de ce forum. Je reste persuadé que la bonne tenue (vue complexe, nuancée en même temps que "radicale") des débats et des intervenants complète le dispositif des résistants avec leurs péchés originels (FN, Bloc,Riposte laïque et la foule de ceux qui ne s'y retrouvent pas tout en...). Longue vie au PI.
25 février 2011, 18:37   Le dilemme éthique
Si cette volonté de perséverer de nos peuples européens et occidentaux passe aujourd'hui par un refoulement (une "reconduite aux frontières") violent des boat-people ce ne sera pas un crime ou alors il y aura crime contre notre identité occidentale.

Dans l'entretien téléphonique que Renaud Camus a donné aujourd'hui à M. Besse d'Europe 1, on entend ce dernier interjeter une sorte d'argument Godwin: Mais alors, les migrants, vous voulez tous les jeter à la mer ? Renaud Camus, s'il avait le goût de la provocation, aurait pu lui rétorquer que, s'agissant des vagues les plus récentes c'est déjà fait, que la plupart des clandestins que l'on reçoit et les nombreux autres que l'on attend dans semaines et les mois qui viennent ont pour méthode de recourir à cette violence que l'on nous reproche de vouloir, à mots couverts, prôner pour le futur: ils se jettent à la mer, c'est là leur méthode d'agression, afin qu'on les y repêche. Ils commencent leur carrière sociale et politique en Occident par la perpétration de cette violence, jointe à leur désertion de leur pays; ce crime de mise en danger d'eux-mêmes sans assurance, et qui consiste donc dans le même geste à mettre l'Occident en demeure de les secourir, de les assurer sans frais, et ce à l'heure où ces nations (Egypte, Tunisie, Libye) entreprennent de faire table-rase des dictateurs, de se libérer et de se reconstruire, est en effet un acte condamnable par l'éthique. Le crime que commettrait l'Occident en les rejetant (ou les repoussant) à la mer serait-il pire que celui-là, ou ne serait-il que la simple continuation, ou la juste réplique, de celui que ces migrants clandestins ont perpétré contre nous, contre eux-mêmes et contre leur propre nation en se mettant à la mer de cette façon ?

La mise à la mer, la mise en danger de soi et des siens, dans leur cas, est un acte stratégique d'une extrême violence, aux conséquences calculées, quand le but recherché est d'être recueilli et pris en charge sans offrir la moindre contrepartie, il est un acte de mise en demeure foncièrement et délibérément hostile aux intérêts des sociétés qu'il vise et à ce titre, l'éthique commanderait d'y apporter une réplique égale et du même ordre.
26 février 2011, 08:57   Re : Le dilemme éthique
Trapu, comme dirait le Président.
Utilisateur anonyme
26 février 2011, 09:10   Re : Le dilemme éthique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je regrette beaucoup de ne pas posséder des livres de Francis Marche, et d'avoir à me contenter de fichiers où je copie-colle ses puissantes interventions...
Alors là, Bruno A., vous m'ôtez les mots de la bouche (ou plutôt du clavier). Comment se fait-il en effet qu'on ne puisse trouver des livres de Francis Marche ? C'est une des questions que je ne cesse de me poser depuis que je connais ce forum.
F.M est trop occupé à écrire, il passe trop de temps de sa vie à cela pour, en plus, écrire des livres. En outre il ne sait exprimer sa pensée quand dans le collectif, même s'il pense seul assez souvent. La pensée solitaire, ou les fruits de l'esprit solitaire, pour parler largement, ne méritent-t-ils pas mieux que le véhicule d'une autre solitude, celle de l'écrit individuel ? Enfin, si vous y tenez vraiment, je peux m'y mettre. Mais quel ennui seigneur ! pour quelqu'un d'aussi convaincu que je le suis qu'aucun écrit ne mérite, à priori, le temps de vie qu'on y sacrifie, si ce n'est l'écrit qui fait gagner sa vie, justement, celui qui se situe en amont de l'existence et de ses nécessaires moyens. Comme Balzac, il faudrait me rémunérer l'ouvrage en totalité avant même que je couche la première ligne, pour avoir ainsi le sentiment que j'écris pour le dessert autant que par devoir.

Si Renaud Camus arrive devant Marine Le Pen aux élections de l'an prochain, je vous promets, solennellement, que je me consacrerai à écrire des livres. Ce n'est pas un engagement pris à la légère. Sinon, je n'exclus pas de le faire malgré tout, ayant été sincèrement touché par les commentaires ici des uns et des autres.
Si Renaud Camus arrive devant Marine Le Pen aux élections de l'an prochain...

Eh ! en avez-vous jamais douté ?

Je pense que nous sommes nombreux à craindre que les meilleurs commentaires postés sur ce forum (et les vôtres, M. Marche, y occupent une place de choix) soient condamnés à disparaître dans le néant internétique, dans les pages oubliées du forum que personne ne lit plus, bref que des textes brillants et éclairants, fussent-ils courts comme ils le sont souvent ici, des textes auxquels on continue de penser une fois éteint l'ordinateur, et dont on se surprend un jour à employer les mêmes tournures et les mêmes paradoxes — et qui finissent par nous habiter, qui nous ouvrent certains chemins de pensée dont nous ignorions jusque-là l'existence — n'aient aucune consistance (celle des pages d'un livre qu'on tourne) dans le monde réel, du genre : Francis Marche, Pensées apocalyptiques, Editions de l'In-nocence, 687 pages, broché, etc.

Il faudrait me rémunérer l'ouvrage en totalité avant même que je couche la première ligne...

Ah ! je vous jure que si j'en avais les moyens, je serais un mécène du tonnerre !
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Peut-être devrait-on laisser l'éthique (terme mal assuré et très casse-cou) hors de tout cela ? À tout le moins, elle est en règle générale incompatible avec des résolutions visant à balancer les gens à la mer contre leur gré.
Ainsi, les "révolutions de jasmin" se fanent déjà et annonce de bien mauvais présages pour les peuples de la vielle Europe trahie et vendue par Bruxelles.
Quelle lecture "éthique" (spinoziste ?) proposer du phénomène dans ce cas ? Il existe une éthique chrétienne -- "ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse" -- qui semble encore animer une part de l'éthique sociale, et donc les choix politiques, sur les rives nord de la Méditerranée. Sur les rives Sud, elle est absente. Les gens de la rive Sud ont trouvé la faille, qu'ils exploitent à leur avantage : ils se comportent comme des arbitrageurs en finance, en tirant un profit spéculatif d'un décalage "éthique" existant entre les deux rives: ils font à eux-mêmes (mise à la mer sans sécurité et navigation non autorisée, sur des embarcations non homologuées, et sans assurance, et avec juste assez de vivres pour quelques jours) ce qu'ils savent que les autres ne feraient pas à autrui parce qu'ils ne le feraient pas à eux-mêmes, et tablent (et banquent) sur le fait que ceux-là (les gens du Nord qui appliquent encore l'éthique chrétienne) les secourront systématiquement au chef qu'ils se refuseront à commettre le crime (mise à la mer de tous les migrants) qui serait équivalent à celui que les migrants commettent et qui le prolongerait dans sa forme et dans ses effets. La charité chrétienne devient un outil d'exploitation dont tombent victimes ceux qui la pratiquent systématiquement, soit politiquement. La charité systématiquement appliquée à tous les cas semblables à celui qui inspira le premier don s'annule comme charité, devient politique et précipite toutes les catastrophes.

Dans les pays pauvres où les mendiants sont partout, l'homme ou la femme charitable doit donner UNE fois par jour, s'il donne TOUJOURS, à tous les mendiants qu'il rencontre, il pratique une politique sociale, qui n'est plus la charité chrétienne, il en vient à fausser les rouages de la volonté des faibles et de l'initiative économique dont ils pourraient être capables; il pratique une politique sociale d'assistanat qui façonne le réel (mendiants plus nombreux encore, plus exigeants, agressifs, développement d'un clientélisme lui-même politique à son égard, d'une dépendance, etc.). Si après avoir donné une fois, l'homme et la femme charitables souhaitent continuer leur oeuvre, ils doivent le faire en collaboration avec les autorités (rendre à César ce qui est à César) soit d'une manière politiquement responsable. Le sauvetage et la prise en charge de tous les migrants qui accostent sur les rives sud de la Méditerranée pratiqués systématiquement et érigés en infrangible et non négociable politique équivalent à une sorte de suicide collectif et qu'on ne se leurre pas, ce suicide ne concerne pas seulement les sociétés du Nord mais aussi celles du Sud où il a son point de départ.

Je suis favorable à l'uniformisation éthique entre les deux rives. Le décalage éthique séculaire qui les distingue crée un déséquilibre au détriment du Nord. La charité, pour pouvoir continuer d'exister, doit céder le pas quand l'ordre de magnitude de ses actes empiète sur le politique jusqu'à mettre en péril la civilisation qui l'a vue naître.
Citation
Francis Marche
Je suis favorable à l'uniformisation éthique entre les deux rives.

Alors ils nous auront vaincu !

L'éthique chrétienne est notre faiblesse, vous l'avez démontré, mais elle est notre âme, et je ne la troquerais en aucun cas.
Mourir dans la résignation chrétienne ou être réduit en esclavage moral, mon choix est fait.
Citation
Mourir dans la résignation chrétienne ou être réduit en esclavage moral, mon choix est fait.

Eh ben, dites donc, cher Mathieu, en voilà une alternative pour un dimanche matin. Déjà qu'il neige sur les premiers crocus.
Alors que les choeurs du Requiem tentent de couvrir les conversations de mes voisins arabes, et le goût de mon Gin, les fumées de cuisine de mes voisines chinoises, oui M. Veron, j'ai une facile tendance au désespoir. Je déteste le dimanche.

Mais rassurez-vous, nous n'en sommes pas à ce choix. Cependant je trouve que la défaite des idées est bien pire qu'un éventuel envahissement du territoire, et je ne vendrais pas mon âme pour légitimer la loi du Talion.
S'étant montrés incapables d'embrasser notre éthique, celle qui leur offrait d'être nos frères contre la souffrance -- dès lors qu'ils s'obstinent à refuser de ne pas faire à eux-même ce que nous, hommes de la rive Nord, ne voudrions pas leur faire (se mettre à la mer dans le conditions que l'on sait) --, nous ne devons pas craindre, pour la cause qui nous occupe, savoir celle de notre survie et de notre perpétuation, de feindre d'avoir adopté la leur. Ce qui nous ramène au maître mot de toute politique: feindre. Feindre, adopter consciemment une attitude politique raisonnée à l'issue d'un débat contradictoire, n'est pas vendre son âme. Vendre son âme, dans le monde vidé de Dieu qui est le nôtre, c'est mourir, ou, pour une civilisation, périr, ni plus ni moins et tout bêtement.

Entre la piraterie au large des côtes somaliennes et l'échouage stratégique au large de Lampédusa, il n'y a pas de différence de nature: dans le cas lampédusien, otage et preneur d'otage ne font qu'un, sont un seul et même agent de l'opération. Se mettre délibérément en danger et le faire savoir à la manière de ces faux réfugiés revient à se prendre soi-même en otage; la rançon demandée dans le cas lampédusien n'étant bien sûr rien d'autre que la régularisation et son package de pécules mensualisés et de prestations sociales en tous genres octroyés comme droits (au logement, à la santé, à l'éducation, etc.).

La charité sans Dieu: voilà le piège en fait. Les chrétiens qui pratiquaient la charité pieusement, disposaient de cette piété pour recourir à tous remèdes contre le risque de dévoiement politique de la charité. La rigueur du glaive chrétien contrebalançait l'emballement généreux qui, sans elle, eût été suicidaire.
J'entends mieux votre propos quand vous le nuancez. Mais là encore, feindre n'est pas chrétien, et oserais-je dire, non in-nocent. Et tout simplement, nous ne savons pas le faire. La seule chose que nous savons simuler est la mort : feindre la mort comme les politiques face à l'immigration, ou plus concrètement comme l'usager du métro devant une débauche de nocences, en regardant ailleurs et baissant la tête, espérant qu'on ne le remarquera pas.

La dissimulation, le déguisement, la contrefaçon ne sont pas nos armes. Ce sont celles du Sud. Même si nous nous en emparons, nous n'avons pas le mode d'emploi pour nous en servir, ou plutôt : il est inintelligible dans notre langue.

Je partage tout à fait votre avis sur la prise d'otage dont nous sommes victimes, mais je ne vous suis pas sur la réponse que vous voulez donner. La loi du Talion est possible dans les pays musulmans ou en Israël, mais pas en Occident chrétien. Si on le pouvait, j'aimerais qu'on puisse réagir comme Israël (que j'admire pour cette force et volonté), mais je pense malheureusement que c'est impossible. Ai-je une solution à proposer ? Non...
L'éthique chrétienne, la charité chrétienne sans la foi chrétienne ne sont rien, voire sont pires que rien: un maladie débilitante de l'âme. La foi chrétienne, qui permettait notamment les prises d'armes contre les barbaresques ravisseurs de femmes et d'enfants, esclavagistes, bref le glaive chrétien, se devaient d'exister pour équilibrer la charité chrétienne en effet sans mesure. Dès lors que nous sommes, gens de la rive Nord, incapables de renouveler les anciennes expéditions punitives et correctrices de la barbarie outremer, notre charité livrée à elle même oeuvre contre nous. Mathieu, ne feignez pas d'être chrétien, vous ne l'êtes pas, pas totalement (avec la charité ET le glaive); si vous l'étiez, comme Saint-Louis ou le Général Massu l'étaient, vous ne redouteriez pas le recours à la force, à la violence contre ce qui menace et mine la civilisation chrétienne et tous ses bénéficiaires dans le monde. Qu'est-ce qui est pire cher Mathieu: feindre d'être Chrétien et justifier ainsi sa perte, et la perte de l'héritage occidental ou feindre de ressembler à l'adversaire ou d'emprunter de ses méthodes afin de s'en préserver ? Qui est celui qui vend son âme le plus irrémédiablement: le faux chrétien qui prétend que sa foi chrétienne lui interdit de se défendre et de défendre son héritage et qui se faisant l'expose à la ruine ou le chrétien qui, au pied du mur, feint de ne pas l'être afin de sauver encore ce qui peut l'être, y compris cet héritage ?

Le rejet de la loi du Talion est un luxe de dominant; les pays et les civilisations au pied du mur (Israël) nous montrent qu'il faut savoir faire l'économie de ce luxe quand les circonstances historiques l'exigent.
La sortie du politique que représenterait un christiannisme girardien fondé sur le refus d'entrer dans le cercle vicieux de la rivalité mimétique m'a toujours semblée, pour séduisante qu'elle soit, et pour autant que j'en comprenne bien les fondements, une sorte d'aberration : tout se passe en effet comme si l'on refusait de voir que le christiannisme lui-même avait bénéficié, dans son expansion, de la prise en main politique et guerrière de son destin par quelques uns. Il me semble que vouloir sortir du politique est une utopie dangereuse que bon nombre de chrétiens, encore, ne partagent pas, car ils se souviennent avec reconnaissance des pionniers qui, au moment venu, refusèrent de tendre la joue gauche pour renforcer les bases menacées de la chrétienté et voler à son secours. J'ai entendu tout à l'heure, sur France Inter, un membre du groupe Avérroès nous expliquer (sans être contredit par aucun invité ; mais c'est là une autre question qui touche la notion de pluralisme dans le service public) que toutes les religions étaient parfaitement neutres sur le plan politique, ce qui est, à considérer le cours de l'histoire universelle, et la situation géopolitique actuelle, une énormité et une belle sottise (que personne n'a relevée).
Je ne suis effectivement pas chrétien. Je me considère simplement comme occidental. C'est dans ce sens que je parle de nos racines, philosophies et législations chrétiennes.
Vous savez, je ne fais que constater. Et je constate que la loi du Talion étant rejetée dans le Nouveau Testament, elle l'est de fait dans notre éthique et notre droit, au contraire de l'islam et du judaïsme où elle est acceptée et même promue. Ce rejet n'est donc pas un luxe ou un choix mais l'essence même de notre morale.
Que nous le voulions au non, l'occident mourra, piégé par sa faiblesse, mais il mourra chrétien.

Stéphane, avouez que, malgré quelques exemples, le côté guerrier ou expansif du christianisme n'est guère significatif. L'évangélisation a servi plusieurs fois d'excuse à la conquête (Amérique) et beaucoup d'historiens marxistes voudraient nous faire croire que les chrétiens sont d'horribles bouchers, mais je soutiens que le "succès" et l'expansion du christianisme se sont faits par la paix (et d'ailleurs que l'occident en mourra, mais je me répète).
Vous nous dites :

La dissimulation, le déguisement, la contrefaçon ne sont pas nos armes. Ce sont celles du Sud. Même si nous nous en emparons, nous n'avons pas le mode d'emploi pour nous en servir, ou plutôt : il est inintelligible dans notre langue.


J'observe que l'occident sait très bien s'en servir sans mode d'emploi.

Je n'évoquerai pas la Renaissance italienne, que vous jugerez sans doute du sud, mais je vous parlerai de la "Perfide Albion" d'il y a cent ans et du "Chiffon de papier" de M. Bethmann-Hollweg.

Force est de constater que face à de pareils géants, les peuples du sud et leur duplicité sont quelque peu dwarfés.
Cher Mathieu, vous avez sans doute raison pour ce qui concerne le caractère souvent pacifique de l'évangélisation chrétienne ; mais les faits sont ambigus, et je n'ai pas les connaissances nécessaires pour en juger. Je ne sache pas en outre que les chrétiens aient de tout temps été des agneaux ; c'est d'ailleurs tout à leur honneur. Je veux dire qu'établir un lien consubstantiel comme vous semblez le faire entre le fait concret d'être chrétien dans le monde et celui d'être faible et d'accepter toujours-déjà la défaite est assez hasardeux.
Citation
Stéphane Bily
Je veux dire qu'établir un lien consubstantiel comme vous semblez le faire entre le fait concret d'être chrétien dans le monde et celui d'être faible et d'accepter toujours-déjà la défaite est assez hasardeux.

Mais je ne l'invente pas (pas le même Mathieu) :

« Vous avez appris qu’il a été dit : ‘œil pour œil et dent pour dent’. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »
Matthieu 5, 38-4
Le christianisme avait une claire conscience du "mal", de ce qu'il estimait en relever. Il savait qu'il avait des ennemis et les combattait sans état d'âmes. C'était le sens de l'imagerie violente de saint Georges au cours des âges. Le mal existait.

Le post-christianisme charitable ne veut plus entendre parler d'ennemis, tout au plus veut-il accepter de penser qu'une poignée d'islamistes psychologiquement perturbés souhaite lui faire des misères, par la manipulation de foules influençables. Comme la petite bourgeoisie ne sait rien saisir hors d'elle, l'idéologie actuelle ne peut pas concevoir un "mal" qu'elle n'éprouve pas en elle-même, ni de mauvaises intentions qu'elle ne ressent à l'égard de personne.

Si certaines entités politiques, nations, peuples, religions affirment leur volonté de conquête, il ne peut s'agir que d'un malentendu, d'une mauvaise connaissance mutuelle, et surtout de ce que les autres n'ont pas assez conscience de nos efforts d'amélioration. Au XXI e siècle il est inimaginable que d'autres peuples aient le désir de nuire, ou de soumettre ceux qui leur tendent la main. Cela n'entre plus dans les catégories mentales.

Le seul mal loge en nous-même, parmi ceux qui s'obstinent à affirmer que l'hostilité n'est pas une simple affaire de mauvaise communication entre les peuples. Ce mal interne doit être combattu avec la dernière sévérité, car il interdit à l'Occident de se purifier, de se sacrifier pour démontrer sa bonne volonté, et justifie le ressentiment des autres à son égard.

"Paix sur terre aux hommes de bonne volonté", fait partie des enseignements que la Réforme récente du christianisme a conservés. Il y a dans ce christianisme sans dieu une contradiction interne qui le mine, comme si l'Occident voulait démontrer qu'il peut continuer à faire le bien après s'être débarrassé de DIeu, et du Diable dans le même mouvement.

Dans un ordre d'idée voisin, le crime n'existe plus que comme l'effet d'un dérèglement psychique, dont le criminel est la première victime. Le Mal a cessé d'être une entité avec l'effacement du christianisme et il est devenu la résultante de seules causes socio psychologiques agissant sur un matériau humain neutre, un désordre qui peut être réglé de façon médicale ou économique. Les criminels pauvres ont pour circonstances atténuantes leur pauvreté, les riches souffrent de problèmes psychologiques. Notre monde ne pense plus le mal en dehors des catégories socio-économiques ou médicales ; j'ignore si cela est une faiblesse, mais c'est à mon avis insuffisant.

Insuffisant, en tout cas, pour envisager Hitler, Staline ou Kadhafi, et tant d'autres.

Or, dans le même temps, nous savons que l'élimination du "Mal" comme entité reconnaissable, inexplicable par elle-même et que ne plus vouloir d'ennemis sont un progrès moral et une victoire de la raison, que cela donne à l'humanité une hauteur singulière ; mais la tragédie est de n'être que d'un côté de la rive à penser cela.
Certes, Mathieu, ce qui prouve que l'on n'a jamais su être chrétien, qu'il n'y a pour ainsi dire jamais eu de vrai chrétien, de la même manière que Kant pouvait dire qu'il n'y avait jamais eu un seul homme moral sur terre ; que le seul vrai chrétien, si j'ose dire, c'est celui qui a été cloué sur la croix (ce qui ne signifie pas que les chrétiens ne doivent pas l'imiter, d'accord ; à quoi je répondrai que le Christ n'a jamais demandé à ses disciples de laisser la lumière sous le boisseau, mais de croître et de multiplier en nombre à la surface de la terre). Je ne parlais donc pas des Saints Apôtres, mais des chrétiens des villes et des campagnes, à toutes les époques de l'histoire. M. Marche a cité Saint Louis, on en pourrait citer d'autres, qui surent saisir le Kairos, et qui résistèrent à leurs ennemis.
« Vous avez appris qu’il a été dit : ‘œil pour œil et dent pour dent’. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre.

Cher Mathieu,

Euh, voui, mais il me semble que l'Église elle-même considère cette position comme un idéal inatteignable. Le seul qui se soit laissé tuer, c'est le Christ, précisément. Pour ce qui est du troupeau, on lui propose le fait d'aimer ses ennemis comme une sorte de point oméga, dont il peut tout au plus se rapprocher assymptotiquement, et pas sans l'aide de Dieu. Notez bien que je paraphrase ce qu'il y a dans mon Missel des dimanches 2011 p. 174.

Qu'il y ait un masochisme occidental, cela n'est pas niable. Que ce masochisme s'autorise de versets évangéliques mal digérés (ou plus vraisemblablement du souvenir de ces versets), voilà qui est déjà plus problématique. Je propose que nous cherchions plutôt les symptômes du mal occidental du côté des lyrics des rappeurs, qui bénéficient d'une mystérieuse immunité contre les gardiens de l'hyper-morale. Or il n'est question dans cette littérature que de tuer tout le monde (c'est-à-dire de tuer les blancs), de violer la France, la République, la femme blanche, etc. Que tout cela soit accueilli avec un intérêt poli, comme l'expression sincère d'une aspiration légitime, en dit très long sur l'état d'une société. Mais admettez qu'on est assez loin du christianisme.
Bien sûr il n'y a qu'un seul vrai chrétien et il est l'exemple que les autres ont plus ou moins cherché à suivre.

Ce que dit Bruno sur le post-christianisme et la petite bourgeoisie est très juste. Quoi de plus chrétien en effet que le sanspapiérisme ou le lâcher de ballons pour les victimes ?
Mon avis est que l'occident est condamné pour cet excès masochiste de paix à tout prix et de culpabilité à sens unique.

Cependant, j'ai apporté la contradiction à Francis Marche car il proposait de partager la même (non-)éthique que les barbares et cela me paraissait peu in-nocent.
Alors je ne sais pas si cela fait de moi un petit bourgeois et/ou un chrétien, mais non, je ne re-balancerais jamais quelqu'un à l'eau ; je ne le vois ni comme le mal incarné ni comme une victime, mais juste un humain (et de toute façon je sauverais de la même manière un chien !). Et ce n'est pas un rappeur, un comité citoyen ou un curé qui auront eu besoin de me dire de le faire.
Quoi de plus chrétien en effet que le sanspapiérisme ou le lâcher de ballons pour les victimes ?

Je ne suis vraiment pas d'accord. Si le souvenir flou et déformé devient la chose même, pourquoi ne pas raconter alors que l'islam lui-même est "chrétien" ou "post-chrétien" ? (Après tout, l'islam est, du strict point de vue de l'histoire des religions, une hérésie chrétienne, une sorte d'arianisme).

La niaiserie bien-pensante, l'humanitarisme larmoyant sont aux antipodes du christianisme. Mauriac se demandait pourquoi les écrivains chrétiens étaient si méchants. Et il citait Louis Veuillot, Edouard Drumont, Léon Bloy, Léon Daudet. Je me suis amusé à prolonger sa liste et j'arrive à l'observation que les écrivains catholiques français sont tous méchants : Barbey d’Aurevilly, Huysmans, Bernanos, Claudel, et Mauriac lui-même, dont les romans ne font pas exactement dans la dentelle. Chez les Anglais, les catholiques T. S. Eliot, Evelyn Waugh, Graham Greene sont tout aussi rosses.

Le christianisme niais et "sans-papiériste" n'a de christianisme que le nom.
Bernanos dans M. Ouine, stigmatise les victimes ! La victime, en quelque sorte, répand le crime, le donne à voir autant qu'à commettre:

On appelle ça une victime. En un sens, docteur, je trouve ça peut-être plus répugnant à voir que le coupable. Un coupable, c'est pareil à vous, ça vient, ça va, ça respire, c'est vivant. Bien fin qui déchiffrerait sa figure. Tenez: une supposition que vous le rencontriez demain, à Montreuil, à Boulogne, vous pourriez aussi bien trinquer avec lui, sans savoir. Son crime! Qu'est-ce qui lui en reste de son crime ! Qu'est-ce qu'une ou deux pauvres minutes dans la vie d'un homme ? Au lieu que ces macchabées, il ont le crime au ventre, les cochons, ils suent le crime. Je ne leur reproche pas leur malheur, bien entendu. Avant leur malheur, je les plains, je les respecte. Mais une fois le coup fait, lorsque la loi ne peut plus rien pour eux, je trouve que la malice a l'air de leur sortir par tous les pores, ils jettent le déshonneur sur un pays, compromettent le monde, ridiculisent la société. Vous me direz qu'on doit punir les assassins. D'accord. Seulement la chose devrait se régler entre policiers pour éviter le scandale...

Un des premiers devoirs du chrétien, ou de l'Occidental, devrait être, encore et toujours, de ne pas s'infliger à lui même cet état qui, lorsqu'il en est témoin chez autrui, le rend si prompt à secourir, à intervenir, à soigner, à corriger: celui de victime. Ce qu'il ne souffre pas de voir dans la société ou la communauté des hommes, il ne doit pas non plus tolérer de le subir; pas plus qu'il ne souffre de voir un crime se commettre ou se perpétrer une exaction ou une injustice du fort sur le faible, il ne devrait tolérer de se trouver lui-même en position de victime, et en aucun cas ne devrait se délecter de cette position, s'en honorer, s'y complaire et lâcher des ballons festifs en célébration de cet hideux et déshonorant statut.
Francis,


Votre remarque tombe à pic, et me fait penser à un des problèmes que rencontrent les mouvements politiques proches du PI : une sorte de fixation sur le statut de victime concernant cette fois la civilisation occidentale et les européens qui sont, pour prendre un topos fréquemment rencontré ici, prisonniers des cités et soumis à qui vous savez.

Il y a là une différence marquante entre le discours populiste (qui vise un électeur des classes moyennes qui a peur du déclassement en évoquant les menaces qui pèsent sur lui, à savoir les gros qui mangent les petits, les étrangers qui volent notre pain et maintenant les rapides qui dévorent les lents, puisque nous sommes à l'époque d'internet. On notera que la forme achevée de ce discours est le péronisme, avec une variante à peu près semblable dans le discours "Petit blanc" qu'on trouve en Arkansas ou en Alabama) et le discours conservateur, dont la forme achevé est celui de Churchill, qui vise un électorat propriétaire, qui ne se plaint pas, qui travaille, et qui aimerait bien que les autres travaillent un peu plus et se plaignent un peu moins.
Bernanos, au fil de son oeuvre, reprend une idée qui m'est chère, celle du devoir d'état. Cela est un point important du catholicisme : tout le monde ne peut pas être un saint et tendre la bonne joue, il faut des policiers et des militaires.

Le catholicisme a une double chance : avoir un idéal, et savoir qu'il n'est pas de ce monde.
J'ai lu assez tôt M. Ouine. Ce livre ne m'a jamais quitté.
Cette notion de devoir d'état est un cadeau reçu de mon enfance et qui n'a jamais rien perdu de sa fraicheur ni de sa force. Je l'ai transmise avec beaucoup de facilité à nos enfants.
» Quelle lecture "éthique" (spinoziste ?) proposer du phénomène dans ce cas ?

Franchement, à mon sens, aucune. L'éthique est absolument contraignante, d'une exigence d'absoluité sans commune mesure avec les affaires de ce monde, la politique et ses accommodements nécessaires. Je crois vous avoir déjà parlé de cette "route absolument correcte" qu'évoquait Wittgenstein en voulant décrire les propositions éthiques ; mais il n'y a pas de "route absolument correcte", indépendamment d'une destination et d'un but prédéterminé, cela n'a pas de sens. Eh bien les jugements moraux (j'emploie pour l'instant "morale" et "éthique" dans le même sens, pour simplifier) procèdent d'une telle notion, et ce non-sens terrestre renvoie à ce qu'on nommera, faute de mieux, une surnaturalité, si l'on veut.
En fait le vieux Kant ne disait pas autre chose, lui qui voyait dans la morale un indice de transcendance, jusqu'à en faire le seul levier possible pour s'échapper du monde, c'est à dire de la phénoménalité, et accéder au supra-sensible. Chez lui la religion et Dieu sont postérieurs à la faculté morale de l'homme, parce qu'inaccessibles sans elle.
Bref, et cela ne résout en rien le problème, j'en suis douloureusement conscient, le rapport entre l'éthique et la politique est d'incommensurabilité, et de tension permanente.
On ne jette pas de force les gens à la mer, même s'il se sont eux-mêmes flanqués dedans auparavant ; et l'on doit bien se défendre.
Bref, et cela ne résout en rien le problème, j'en suis douloureusement conscient, le rapport entre l'éthique et la politique est d'incommensurabilité, et de tension permanente.
On ne jette pas de force les gens à la mer, même s'il se sont eux-mêmes flanqués dedans auparavant ; et l'on doit bien se défendre.


Etant convenus qu’il n’y a, entre la stratégie des pirates somaliens preneurs d’otages et les pirates barbaresques qui se prennent eux-mêmes en otage pour mieux rançonner les sociétés du Nord au large de Lampedusa, qu’une différence de mode opératoire, et sachant que l’on traite avec les pirates des côtes somaliennes en usant des armes qui sont les leurs, ou qui leur sont symétriques, savoir la canonnière, n’est-il pas éthique – n’est-il pas droit (cf. Wittgenstein) – que dans la réponse à apporter aux exactions barbaresques dans les eaux de Lampedusa nous usions d’armes mêmement symétriques, soit l’indifférence à leur sort dont les barbaresques ont commencé à nous faire la démonstration en se «flanquant à l’eau » ?

Je reste partisan d’une nécessaire harmonisation éthique entre le Nord et le Sud, axée sur la rigueur et la droiture : réserver à ces hommes et femmes une considération pour leur sort à la mesure de leur propre légèreté. Ne pas se soucier d’eux davantage qu’eux ne se soucient d’eux-mêmes (et de nous). Les laisser assumer seul leur choix de flotter dans le néant. Leur signifier en toute bonne foi, et une bonne fois pour toutes, que nos sociétés n’ont rien à leur offrir non plus que rien à opposer au choix qu’ils ont fait de fiche leur existence à l’eau dans le seul espoir de pouvoir en imposer la charge à autrui.
Ce que commande la morale, à mon avis, est de sortir ces gens de l'eau, et de les renvoyer chez eux. La rupture rationnelle est que l'on doive adopter les gens que l'on a sauvés.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
L'expulsion du territoire national est régie par le Droit national, elle lui est soumise, dès lors, elle ne peut être envisagée qu'au cas par cas, selon les parcours individuels, etc. et le Droit prévoit de multiples recours. Bref, elle ne fait qu'ajouter une barrière basse que les auto-preneurs (entrepreneurs) d'otages se plaisent à enjamber avec l'aide des officines du Nord qui se consacrent à les y aider. L'admission sur le sol européen, même provisoire, le premier pas sur ce sol, leur rapporte déjà une manne de droits opposables à leur expulsion. Mais en un sens, oui, nous tombons alors, ayant franchi ou contourné ou retardé, l'épreuve de l'éthique, dans les plaines de l'accommodement et de la politique (jusqu'à quel degré systématiser l'expulsion, etc..)..

La barrière éthique, située en amont de cette plaine et en pleine mer, serait le recours systématique à l'arme de l'indifférence avant qu'ils ne touchent terre; seule cette arme -- soit le remorquage au large avec un équipement de survie (eaux et vivres) devant permettre un retour au port d'embarquement -- pourrait endiguer les flux à venir et leur lot de casse-têtes et drames juridiques, sociaux, économiques et humains.

(je précise, car il y a manifestement un clash entre le titre de ce fil et la position que je propose; que cette nouvelle politique devrait s'appliquer à tous les "migrants économiques" dont le pays n'est pas en guerre civile ouverte comme l'est apparemment aujourd'hui la Libye, et qui ne courent aucun danger de mort à rester chez eux)
"Quoi de plus chrétien en effet que le sanspapiérisme ou le lâcher de ballons pour les victimes ? "

C'est oublier que le Christ a dit : " La lettre tue et l'esprit vivifie". Prendre l'expression "Tendre l'autre joue" à la lettre est, en effet, en train de tuer la civilisation qui s'en est inspirée.
C'est oublier aussi la sévère algarade du Christ aux pharisiens : Malheur à vous pharisiens ! Vous faites porter aux autres des fardeaux que vous ne les aidez pas à porter, pas même du petit doigt !
Or quoi de plus "pharisaïque "que l'exhortation de nos faiseurs d'opinion à céder au chantage compassionnel de ces peuples à la dérive ?
Chatterton et vous Cassandre avez raison de nuancer ce propos. Je voulais surtout dire que l'humanitarisme n'est pas en soi un produit de l'époque (ou de la petite bourgeoisie), mais qu'il a bien des racines chrétiennes. Seule notre civilisation l'a créé, et c'est bien pour cela que l'Occident a par ailleurs un sérieux problème avec les guerres asymétriques, car il ne sait se battre contre plus faible.
Comment appeler dès lors ce nouveau christianisme : l'hyper-christianisme ? Car justement "Tendre la joue" est pris à la lettre, est célébré le culte de la victime et la culpabilité toujours plus allourdie.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"Ce que commande la morale, à mon avis, est de sortir ces gens de l'eau, et de les renvoyer chez eux", dixit Bruno A. Je suis d'accord. Parler d'hyper-christiannisme relève à mon avis du non-sens ; l'expression de dévoiement conviendrait mieux à la situation, si l'on garde à l'esprit la formule de Chesterton qui disait à peu près ceci : "Le monde est plein d'idées chrétiennes devenues folles".
Le terme « hyper-christianisme » laisse entendre un christianisme porté à son faîte, à sa gloire. C'est manifestement tout le contraire qu'on veut signifier. Pourquoi ne pas parler d'humanisme, ou de néo-humanisme ? Puisqu'il s'agit d'une religion centrée sur l'Homme et non plus sur Dieu.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je ne pense pas que "hyper" signifie gloire ou sommet (ce qui présuppose une limite), mais plutôt au-dessus, au-delà de cette limite : l'excès. En mathématiques il signifie : une autre dimension.
Oui, vous avez raison, pardonnez mon ignorance du grec...
(Message supprimé à la demande de son auteur)
l'expression de dévoiement conviendrait mieux à la situation, si l'on garde à l'esprit la formule de Chesterton qui disait à peu près ceci : "Le monde est plein d'idées chrétiennes devenues folles".

Ah oui, Stéphane, vous mettez le doigt dessus. C'est dans Orthodoxy (1908), chapitre 3. The Suicide of Thought. Mais ce ne sont pas les idées chrétiennes (donc pas le christianisme lui-même) mais les vertus chrétiennes, les vertus héritées du christianisme.

« The modern world is not evil; in some ways the modern world is far too good. It is full of wild and wasted virtues. When a religious scheme is shattered (as Christianity was shattered at the Reformation), it is not merely the vices that are let loose. The vices are, indeed, let loose, and they wander and do damage. But the virtues are let loose also; and the virtues wander more wildly, and the virtues do more terrible damage. The modern world is full of the old Christian virtues gone mad. The virtues have gone mad because they have been isolated from each other and are wandering alone. Thus some scientists care for truth; and their truth is pitiless. Thus some humanitarians only care for pity; and their pity (I am sorry to say) is often untruthful. »
Merci de votre précision, Chatterton. Je ne connaissais cette citation qu'extraite de son contexte, car j'avoue n'avoir lu de Chesterton que son petit livre sur la conversion qui m'avait enchanté ; je projette depuis longtemps de lire Orthodoxy et Hérétiques, mais jusqu'ici d'autres livres ont eu la priorité ; le passage que vous donnez me donne envie d'y retourner voir.
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