Stock se shoote à la Bonne pensée :
Manuel Carcassonne retire un roman de la rentrée littéraire de Stock
Le Monde.fr | 24.04.2013
Par Alain Beuve-Méry
Nommé, par Hachette Livre, directeur général de Stock la semaine dernière, Manuel Carcassonne, qui ne prendra officiellement ses nouvelles fonctions qu'au 1er juillet, imprime déjà sa marque. Il a pris la décision de retirer de la rentrée littéraire de Stock, le roman Toute la noirceur du Monde, de Pierre Mérot.
Ce livre était "le dernier coup de cœur de Jean-Marc Roberts", précise Véronique de Bure, qui avait apporté, en décembre 2012, le manuscrit à l'éditeur récemment disparu. Le roman était à son premier jeu d'épreuves.
Jean-Marc Roberts s'était enthousiasmé pour le texte de Pierre Mérot, qui devait être un des temps forts de la rentrée littéraire de Stock, à côté des ouvrages de Jean-Louis Fournier, ou de Judith Perrignon.
Pierre Mérot a été prévenu de sa disgrâce, par un email de son "nouvel" éditeur, en date du lundi 22 avril. Manuel Carcassonne lui a écrit qu'il refusait de publier son manuscrit, tout en reconnaissant ses qualités indiscutables d'écrivain.
Mercredi 24 avril, dans un communiqué révélé par le site Livres Hebdo.fr, M. Carcassonne explique qu'en tant qu'éditeur chez Grasset, il avait déjà reçu le texte de M. Mérot et l'avait refusé.
Il écrit ne pas partager "la vision du monde, ni la morale, ni l'esthétique, ni le parti-pris", de cet ouvrage. "Découvrant ce livre dans les programmes de rentrée de Stock, je ne peux désavouer mon propre jugement, ni ne veux publier un texte que je n'approuve pas et ne saurais donc être en situation de défendre", poursuit-il.
"LIVRE ICONOCLASTE"
"Il s'agit d'un livre iconoclaste, dérangeant dont le personnage central de fiction, Jean Valmore bascule dans l'extrémisme de droite, par désespoir", précise Véronique de Bure.
Elle compare volontiers ce "roman maudit" au pavé de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, qui a ébranlé la rentrée littéraire en 2006.
A l'origine, M. Mérot devait d'ailleurs être publié par le même éditeur, Richard Millet. Mais sa démission du comité de lecture de Gallimard, en 2012, a rendu caduque cette parution.
Révélé par Mammifères (Flammarion) prix de Flore en 2003, Pierre Mérot est l'auteur de huit romans, dont la tonalité est le plus souvent sombre, ironique et désenchantée.
Dès le deuxième rendez-vous, il a signé un contrat d'édition avec Jean-Marc Roberts qui était "en possession de tous ses moyens intellectuels", précise-t-il.
Le coup d'arrêt du livre lui porte un préjudice, à la fois littéraire et financier. M. Mérot entend bien recevoir le troisième tiers de son à valoir de 10 000 euros, prévu dans son contrat.
"Il n'y a pas d'affaire Mérot", assure M. Carcassonne. Mais assurément, une entrée fracassante dans une maison d'édition, doublée d'une inélégance, à l'égard de la mémoire de son prédécesseur.
Alain Beuve-Méry