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Murray Gordon

Envoyé par Henri Rebeyrol 
07 mai 2013, 15:15   Murray Gordon
Murray Gordon, présenté par ses éditeurs français comme un "spécialiste des problèmes économiques et sociaux de l'Afrique et du Moyen-Orient" et qui a enseigné les sciences politiques à la City University de New-York avant de travailler à l'ONU, est l'auteur d'un livre, "Slavery in the Muslim World" (la date de publication m'est inconnue), traduit en français et publié en 1987, puis réédité en 2009, sous le titre "L'Esclavage dans le monde arabe, VIIe-XXe siècle".

Ne disposant pas de la version originale du livre, je ne peux pas me prononcer sur le sens, si "signification" il y a (volonté de limiter le phénomène aux seuls pays arabes (environ 200 millions de personnes) et d'épargner ainsi "le monde musulman" (sept fois plus de personnes), volonté de ne pas "stigmatiser" l'islam ? Tout est possible, comme l'étourderie du traducteur) du changement d'adjectif dans le titre, où "muslim" a été traduit par "arabe".

L'intérêt de ce livre, faible sur le plan historique, si on le compare à l'ouvrage majeur de Pétré-Grenouilleau, et assez timide pour ce qui est de la mise en cause de l'islam, si on le compare au "Génocide voilé" de Tidjane N'diaye (chez Gallimard), est ailleurs : dans la timidité, presque la bienveillance, avec laquelle ce haut fonctionnaire et professeur a décrit l'esclavage pratiqué par les musulmans et lutté, sans trop s'engager, contre cet esclavage.

Pourtant, M. Gordon commence par noter le déséquilibre dans la condamnation des trois grands esclavages (seule a été condamnée la traite transatlantique et le silence a été fait sur les deux autres), son livre étant censé rétablir l'équilibre rompu. Pourtant, il publie trois cartes éloquentes dans lesquelles apparaissent clairement les "flux" commerciaux dans l'Océan indien, à travers le Sahara et le Sahel, dans l'Océan Atlantique.

Mais, à aucun moment, même si la Méditerranée est représentée dans deux des cartes, il n'y fait figurer les flux commerciaux qui profitaient aux pirates barabaresques et ne cite les trafics d'esclaves florissants en Méditerranée dont ont été victimes des Européens (un million de victimes ?). A aucun moment, il ne tente de dénombrer les victimes - que ce soit les victimes des razzias préalables au commerce, celles du transport par bateau ou caravane, celles de la castration, celles des mauvais traitements -, ni le nombre total de personnes touchées par le fléau. Il ne s'interroge pas non plus sur un phénomène massif qui saute aux yeux dans les pays arabes et dans les pays musulmans d'Asie (Turquie, Iran, Inde, Indonésie, etc.) où l'esclavage a prospéré pendant de longs siècles : le nombre très faible de personnes noires, ce qui lui évite d'évoquer le sort des descendants des dizaines de millions de personnes déplacées (apparemment, il n'y en a pas eu beaucoup).

Il ne nie pas les faits, mais il prend soin de distinguer coutumes propres aux Arabes et islam, allant jusqu'à affirmer que la loi islamique, sans citer un texte de loi, protégeait les concubines (les esclaves des harems) ou qu'elle ne recommandait pas l'esclavage, ni n'incitait les fidèles à faire des esclaves. Il ne cite ni le Qoran, ni les hadiths, ni la vie de Mahomet, ni les grands corpus des quatre "écoles" juridiques qui définissent la "juste voie", s'en tenant à des généralités comme l'islam ou la loi islamique ou Mahomet.

Il s'efforce aussi de discréditer les pays européens qui eux aussi ont trempé dans ces horreurs, mais sans distinguer entre razzias ou conquêtes et utilisation de la force armée visant à transformer des hommes libres en esclaves et "traite", c'est-à-dire commerce de personnes réduites au préalable à l'esclavage par d'autres. La Grande-Bretagne surtout et aussi la France ont usé dans la seconde moitié du XIXe siècle de pressions diplomatiques ou de la force armée pour faire cesser l'esclavage et l'interdire (ce qui n'est devenu une réalité que dans les années 1980), mais Gordon les soupçonne d'avoir utilisé la lutte contre l'esclavage comme paravent humanitaire pour faire main basse sur les territoires d'où ils chassaient les razzieurs, marchands d'esclaves et autres émirs esclavagistes et les accuse d'avoir remplacé l'esclavage par l'impérialisme (pire selon lui).

En bref, ce n'est pas du négationnisme, tel qu'il a été défini il y a une trentraine d'années : les choses sont dites, mais jamais nettement ou clairement, alors qu'était annoncée dans le titre une étude de l'esclavage; les responsabilités sont gommées : ce sont d'antiques moeurs (sur la couverture de l'édition de 2009 est reproduit un bas relief du temple d'Abou Simbel - Nouvel Empire d'Egypte : - 1300, - 1100 avant le début de notre ère, sur lequel l'artiste a représenté une théorie d'esclaves noirs à la "chaîne" (la chaîne autour du cou de chacun d'eux)), l'islam n'est pour rien dans cela; le combat des pays européens pour interdire l'esclavage n'a pas été grand-chose, etc. En bref, c'est un bel exercice "politique", digne de ces "intellectuels" frottés de marxisme, experts en sciences "sociales" ou autres et "engagés" (vaguement tiers-mondistes) et qui se sont spécialisés dans la cécité et dans l'aveuglement d'autrui.
07 mai 2013, 15:47   Re : Murray Gordon
Le livre original semble parler du monde arabe, voyez plutôt :



Il est édité chez New Amsterdam Books.

Pour ce qui est de l'intervention des colonisateurs en Afrique, l'explication que vous résumez doit être complétée. Les colonisateurs ont remplacé l'esclavagisme par la corvée, ou travail forcé. Cela ne fut aboli que tradivement, quand le 11 avril 1946, l'Assemblée nationale française a adopté la loi 46-645.

La différence entre esclavage et travail forcé est fondamentale : l'esclave est esclave, le travailleur forcé est libre. Les similitudes sont mineures, la principale est que l'esclave et le travailleur forcé (libre) doivent travailler à la tâche qu'on leur assigne, même s'ils ne le veulent pas.
07 mai 2013, 17:10   Re : Murray Gordon
L'éditeur français indique que le titre en anglais est "Slavery in the Muslim World". Or, ce livre a d'abord été publié en français, puis publié deux ans après aux Etats-Unis sous le titre "S... in the Arab World" (cf. la page de garde de l'édition en anglais). Il est possible que le manuscrit ou tapuscrit porte "Muslim" dans le titre, traduit par "Arab" par l'éditeur français et que l'éditeur américain ait opté pour la "leçon" de l'édition française...
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